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DESCRIPTION DU CONTEXTE SOCIOLINGUISTIQUE LIBYEN

1. Contexte géoculturel 1 Données historiques

Selon les historiens, l’origine du mot Libye est attribué à la tribu des Libou de la région de la Cyrénaïque au 12ème siècle avant notre ère. On trouve le nom « Libye » chez les historiens grecs, qui servait à désigner tout le nord du continent africain, sauf l’Égypte (A.YUSIF et al.1968:66 etc.).

La Libye occupe une position centrale au nord de l’Afrique entre le Maghreb et le Mashrek « Moyen-Orient ». Située entre la Méditerranée et le sud équatorial, la Libye fait partie d’un grand Sahara car les 9/10 de son territoire sont désertiques. A l’ouest et à l’est, le Sahara arrive jusqu’à une centaine de kilomètres de la mer ; les sables sont retenus par deux massifs : les djebels Nafusah et djebel Akhdar. Cette diversité géographique a donné lieu à de beaux paysages montrant l’originalité de ce territoire. Elle est l’un des cinq grands pays du Maghreb et fait partie de la Ligue Arabe, est membre actif à l’Union Africaine. La Libye a une population de 5,6 millions d’habitants, possède une superficie de 1 750 000 km². Ce qui place ce pays au troisième rang des pays d’Afrique du nord, après l’Algérie et le Soudan. La Libye dispose d’une large ouverture sur la Méditerranée avec 1900 km de côtes.

H. GUENERON (1976 :3etc.), la Libye est entourée par la Méditerranée au nord, au 33e parallèle et par le Tropique du Cancer au sud de l’oasis de Koufra, à proximité du 20e parallèle. Elle se situe dans la partie médiane du nord de l’Afrique entre le 9e et le 25e méridien à l’est de Greenwich. Elle est entourée de la Tunisie au Nord-Ouest « 480 km » et de l’Algérie « 1.000 km », au Sud le Niger et le Tchad « 1.000 km ». Elle fait frontière à l’Est et au Sud-Est avec l’Egypte et le Soudan « 1080 km ». En 1911, lors de la colonisation italienne, on appliqua le nom de Libye à l’ensemble qui, dans l’empire Ottoman, portait le nom de Tripolitaine. En 1951, les trois grandes régions « Tripolitaine, Cyrénaïque, Fezzan » devaient être réunies sous le nom de Royaume fédéral de Libye (1951-1963). Puis tout simplement Royaume de Libye (1963-1969), devenu République Arabe Libyenne

(1969-1977) et depuis 1977 la Libye a pris le nom de Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste « Etat de pouvoir des masses. » Ci-après la carte de la Libye :

Figure 1.9 : Carte de la Libye

L’histoire de la Libye peut être subdivisée en cinq grandes périodes. L’évolution historique a eu un effet sur le plan linguistique: nous aborderons ces événements les uns après les autres, sans trop entrer dans les détails afin de mieux faire ressortir leur singularité.

1.2. La période préislamique

La situation géographique de la Libye entre la Méditerranée et l’Afrique lui donne un point important de passage des civilisations venues d’ailleurs. La côte libyenne eut dans l'Antiquité, une grande importance commerciale. L'or du Soudan y parvenait après avoir traversé le Sahara. Dans l’Antiquité, les principales parties de l’actuelle Libye étaient : la Cyrénaïque, d’après le nom de la prestigieuse ville de Cyrène, qui aurait été fondée par des Grecs de Théra en 631 av. J.-C.; la Tripolitaine, à l’origine une colonie phénicienne

comprenant les trois villes de Sabratha, Leptis Magna et Ola ; Ola devient la capitale de la colonie sous le nom de Tripoli, qui signifie trois villes; le Fezzan ou Phazania, qui est une région saharienne et désertique (A. MARTEL 1991 :17 etc.).

Selon A. AL-DIJANI (1968), les découvertes archéologiques confirment l’existence d’une civilisation archaïque de 80.000 ans représentée principalement par des gravures rupestres et la fameuse écriture Tifinaghe. Hérodote décrivait au 5ème siècle av. J.C les Garamantes, peuple du Fezzan, agriculteurs sédentaires qui utilisaient, dans les combats, des chars tirés par des chevaux. Durant un siècle avant notre ère, les trois régions qui formèrent l'actuelle Libye -Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan- passèrent sous domination romaine. La Libye, alors riche et fertile, devint l'un des greniers de l'Empire romain.

Selon H. GUENERON (1976 :9 etc.), les Phéniciens envahirent la Libye en 795 avant J.C. Ils construisirent trois villes : Leptis Magana, Sabrata, Oea « Tripoli actuel ». Cet historien mentionne aussi le passage des Grecs en Cyrénaique au 7ème siécle avant J.C. où ils construisirent cinq villes : Cyrène, Apolonia, Parcha, Barnique et Toukra. On relève par ailleurs des vestiges du passage des Romains à Tripoli datés du 2ème siècle avant J.C. En 436 après J.C, les Vandales venus d’Espagne mirent fin à l’occupation romaine. Ce règne a engendré des troubles et une anarchie qui dura un siècle. Il prit fin avec l’avènement de l’Islam et l’arabisation du pays.

1.3. La période islamique et l’arabisation de la Libye

La langue arabe et le Coran furent imposés aux Libyens, au 7ème siècle, par les Arabes qui ont été conduits par ‘uqba ’ibn nāfa‘, lorsqu’ils conquirent la Cyrénaïque puis la

Tripolitaine, progressivement islamisées. Les conquérants musulmans parvinrent jusqu'au Fezzan. Cette invasion arabe modifia profondément la physionomie de la Libye du point de vue culturel. Celle-ci fut suivie par celles des tribus arabes orientales, banī hīlal et banī

sulaymān au milieu du 9ème siècle (F. BURGAT et al. 2003 :32 etc.). Ces multiples invasions occasionnèrent la disparition des dialectes berbères. D’autres dialectes ne durent que par l’intransigeance de certaines familles installées dans des oasis inaccessibles dans le désert. Selon G. CAMPS (1980 :68), l’arabe fera bonne fortune parmi les populations libyennes en

affirmant sa suprématie sur les langues endogènes et devenant-en dépit des scissions religieuses et politiques- la langue de l’unité nationale. H. GUENERON disait:

« Parmi tous les groupes humains que le vieux fond berbère a vu se succéder dans le pays pendant vingt-cinq siècles (Phéniciens, Grecs, Romains, Vandales, Byzantins, Italiens, Anglais, Français) seuls les Arabes ont marqué le pays en profondeur, lui apportant une religion et une langue » H. GUENERON (1976:8). Il est clair que tous les apports précédents ont été synthétisés par la culture arabe.

1.4. La période ottomane

En 1551, la Cyrénaïque et la Tripolitaine passèrent sous suzeraineté ottomane. Tripoli et les ports côtiers devinrent des bases pour les corsaires turcs qui contrôlaient le commerce avec l’Afrique.

Selon H. GUENERON (1976 :32), de 1711 à 1835, ’aḥmad al-qaramālī alors régent de Tripoli proclame sa souveraineté et étend son autorité effective sur tout le pays. C’est ainsi que la Libye fut unifiée pour la première fois. Cette période d’occupation qui avait duré plus de quatre siècles eut pour but de donner à cet Empire une ouverture stratégique sur l’autre rive de la Méditerranée. L’autre raison est d’ordre religieux : l’Islam (F. BURGAT et al. 2003 :34). L'Empire ottoman renonça à ses droits sur la Libye en 1912 devant la colonisation italienne.

1.5. L’occupation italienne

En octobre 1911, l’armée italienne envahit les côtes libyennes. L’une des batailles principales eut lieu à al-qurḍabiya près de Serte en avril 1915, où les Italiens perdirent des

milliers de leurs soldats. Selon J. BESSIS (1987 :39), en Cyrénaique, une révolte menée par

‘umar muẖtar guide les Mojahideens ou al-mujāhidīn, dans la montagne verte jabal al-’aẖḍar. Dans cette région, les Italiens ont rencontré une solide résistance de la part des

Selon A. AL-DIJANI (1968), en 1922 et dans les années qui suivent, l’arrivée au pouvoir de Mussolini, le Duce, accélère encore un peu plus la répression. En Libye, le colonel Rodolfo Graziani nommé sur ordre de Mussolini prend ses nouvelles fonctions en 1928. Graziani mène une lutte bien plus sanglante que celle de son précédent général Badoglio, n’hésitant pas à massacrer des populations entières. Femmes, enfants et vieillards périssant sur ses ordres, assassinés par balles, pendaisons ou encore dans le cadre d’exécutions publiques. Tout doit être fait pour briser l’arrogante tentative de résistance des Libyens.

Graziani suit la politique d’isolement du pays en l’éloignant de ses voisins. Il espère ainsi que les Mojahideens ne recevront plus d’armes, de munitions ni de ravitaillement. Les compagnies du génie de l’Esercito italiano « l’armée de terre » construisent des fortifications tout le long des frontières. Des kilomètres de fils barbelés sont déployés et des patrouilles de troupes rapides mises en place. Les premiers chars légers italiens lancent de larges opérations de reconnaissance dans les déserts arides. Les oasis sont occupées par des unités statiques, et les Italiens vont même jusqu’à construire des forts. L’aviation est, elle aussi, mise à contribution pour surveiller le désert oriental. La deuxième étape du plan Graziani repose sur la construction de camps de concentration, sous le contrôle direct des troupes d’occupation italiennes. Privé de soutien extérieur d’une part et du support de la population libyenne d’autre part, la résistance ne devrait plus tenir très longtemps (F. BURGAT et al. 2003 :44 etc.).

En 1937, naît tout de même de la fusion des trois provinces de Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan, la colonie italienne de Libye. Puis le pays restera sous contrôle italien jusqu’à fin 1942.

1.6. La Libye sous l’administration militaire provisoire

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Libye fut le théâtre de combats intensifs entre puissances de l'Axe « Italo-allemands » et Alliés, « Français et Britanniques ». C’est la deuxième guerre mondiale qui donna à la Libye la chance de s’échapper du joug italien et elle se rangea aux côtes des alliés. Ce qui lui valut de la part des Britanniques la promesse d’être aidée à bouter, hors de son territoire, le fascisme italien et de la reconquête de son indépendance au lendemain de la deuxième guerre mondiale. En 1943, Tripoli était pris par l’armée française du général Leclerc, qui avait mené la campagne du Fezzan. La Libye fut

placée sous administration militaire provisoire (P. MARÇAIS 2001 :1 etc.). Cette administration revint à trois pays. Les troupes de l'Axe repoussées de Libye, la France et la Grande-Bretagne se partagèrent le contrôle du pays. Elle eut pour conséquence la division du pays en deux parties : les Britanniques et les Américains dans le nord, les Français au sud « Fezzan ».

Cette situation ne prit fin qu’en 1951, date à la quelle l’assemblée générale des Nations Unies accorda l’indépendance à la Libye. Il fut créé ainsi un Royaume qui dura de 1951 à 1969, date de l’arrivée du colonel KADHAFI au pouvoir.

En d’autres termes, la Libye a été une zone de transit « Afrique/méditerranée » et a subi de multiples influences de grandes cultures « grecque, romaine », avant d’être (ré) harmonisée par la culture islamique. Ce qui lui a permis d’intégrer le monde arabo-musulman et récemment de s’ouvrir au monde. Le niveau de vie est lié à l’économie du pétrole et la Libye s’ouvre de plus en plus aux langues étrangères après dix ans d’isolement (J. BESSIS 1987 :13 etc.).

2. Hiérarchisation des langues en Libye