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A Construction du modèle d’analyse et des hypothèses

2) Construction du modèle d’analyse

a) Un cadre de référence théorique articulé aux différents territoires de politiques publiques

Le cadre de référence théorique proposé pour répondre à la question de recherche est composite. Il emprunte des concepts à différentes disciplines pour réussir à croiser interactions verticales et horizontales, mais également à changer de focale. Il nous a permis d’analyser chaque échelle ainsi que leurs interactions, du macro vers le micro et réciproquement. Cette dernière dimension est indispensable pour que l’on puisse articuler les hypothèses aux effets feed-back de la territorialisation des politiques publiques sur le processus de changement de politiques publiques.

Nous avons « artificiellement » distingué deux « niveaux » : le niveau provincial et le niveau des territoires de projet. Schématiquement, le niveau provincial est en majorité constitué du champ des acteurs de l’administration provinciale – principalement élus provinciaux et directeurs des services techniques ; le niveau des territoires de projet est celui des bénéficiaires des projets, des élus communaux, des animateurs de projet. La pertinence de cette distinction dans le cas de la province Nord de la Nouvelle-Calédonie sera discutée avec les résultats de la recherche. Elle est simplificatrice voire réductrice, mais elle s’inspire en partie des travaux d’anthropologie du développement qui distinguent, à des fins d’analyse, « développeurs » et « développés » (Bierschenk, 2008 ; Le Meur, 2008 ; Mosse, 2005) ainsi que des travaux sur la régulation croisée qui différencient élus et administration (Crozier et Thoenig, 1975 ; Duran et Thoenig, 1996).

La question de recherche interroge les relations entre niveaux mais pas seulement. Il s’agit aussi, dans un premier temps, de mettre en lumière ce qui structure chacun de ces niveaux. Quels acteurs, représentations, intérêts et institutions influent sur la formalisation, la mise en œuvre et l’institutionnalisation des OGAF au sein des politiques publiques de la province Nord ?

Pour chaque niveau de territoire considéré (le niveau provincial, celui des territoires de projet), nous proposons d’analyser « l’étoile » de l’action publique, expression empruntée à P. Lascoumes et P. Le Galès (2009), qui articule les différentes variables (les acteurs et leurs

intérêts, les idées et les discours, les institutions, les instruments dont l’OGAF et les résultats de l’action publique étudiée). L’analyse de chaque composante de l’action publique et de leurs interactions permet de rendre compte du processus de fabrication des politiques publiques à l’œuvre sur le niveau considéré. Ensuite, pour rendre compte des modifications induites par l’instrument OGAF sur le processus de fabrication de l’action publique dans le contexte multi-niveaux, nous regardons comment circulent, s’articulent et s’hybrident les éléments identifiés aux différents niveaux.

Acteurs et intérêts Résultats Idées, discours Institutions Instrument de développement territorial Résultats Idées, discours Institutions Instrument de développement territorial Interactions entre niveaux territoriaux de politiques

publiques Acteurs et intérêts

t Analyse processuelle

Figure 17 : Cadre de référence théorique.

En partant des discours et des pratiques des acteurs, nous reconstruirons le réseau qui articule acteurs, représentations, institutions, intérêts, résultats et instrument de développement territorial. De plus, en interrogeant les interactions entre niveaux dans les deux sens, du territoire de projet vers la province, puis de la province vers le territoire de projet, nous considérons que les différentes composantes de « l’étoile de l’action publique » et leurs articulations ne sont pas « au-dessus » de la société. Le(s) réseau(x) qu’elle constitue structure(nt) de manière toujours provisoire et conflictuelle l’espace géographique et social étudié. Le choix d’une approche processuelle permet de rendre compte des formes d’interaction et des multiples activités de mobilisation réalisées par les acteurs individuels et collectifs qui, progressivement, remodèlent et transforment les politiques publiques et les espaces géographiques et sociales étudiés.

Partant de ces remarques, continuons d’affiner le cadre pour mieux l’adapter à notre question de recherche et à notre terrain.

b) Adaptation du cadre de référence théorique à la question de recherche et au terrain : vers la construction du modèle Les acteurs du modèle

Les acteurs peuvent être individuels ou collectifs, publics ou privés, intervenir dans la phase d’élaboration et de mise à l’agenda des politiques de développement provincial, notamment de l’instrument OGAF. Ils peuvent également plutôt intervenir dans la phase de mise en œuvre de l’action publique, en tant que « décideurs », « opérateurs » (les professionnels) ou « destinataires ». Ils sont en effet dotés de ressources, disposent d’une certaine autonomie, poursuivent des stratégies, ont la capacité de faire des choix, sont plus ou moins guidés par des contraintes institutionnelles, des intérêts matériels et des représentations symboliques.

À ce stade, le modèle distingue deux groupes d’acteurs, répartis dans deux niveaux territoriaux : les acteurs plutôt concentrés au niveau décisionnel provincial et les acteurs des territoires de projet OGAF. Dans la réalité, chaque groupe se compose d’une pluralité d’acteurs en relation avec des acteurs du niveau considéré, mais également avec les acteurs des autres niveaux.

De plus, comme la question de recherche porte sur les processus de fabrication des politiques publiques, il nous a semblé nécessaire de distinguer les élus des directeurs de l’administration au niveau provincial. En effet, chacun d’entre eux participe au processus de construction des politiques publiques provinciales mais de manière différente. Les premiers sont élus au suffrage universel et sont directement et juridiquement responsables des décisions de politiques publiques. Les directeurs de l’administration, recrutés selon des critères particuliers, assurent le suivi de l’action publique et formulent parfois des conseils aux élus.

Comme le souligne E. Fouilleux (2003, p. 60), ces acteurs sont différents d’un point de vue sociologique. Mais au-delà de cette distinction, ils peuvent influencer différemment le processus de construction des politiques publiques. Leur temporalité d’action est différente : les élus sont soumis aux échéances électorales alors que les cadres de l’administration sont présents de manière plus durable146. Surtout, ce sont les stratégies de légitimation qui ne sont pas soumises aux mêmes logiques. Les actions des élus sont toujours liées aux positions de

146 Dans le cas de cette recherche, nous verrons que la durabilité de l’implication des cadres de

l’administration n’était pas forcément très affirmée au début de la provincialisation. Le manque de cadres formés originaires de Nouvelle-Calédonie a entraîné l’affectation de fonctionnaires métropolitains avant qu’une génération de cadres formés revienne du dispositif 400 cadres (voir chapitre IV).

leurs électeurs potentiels et utilisent des stratégies de communication. Les cadres fondent leur légitimité sur d’autres critères en relation avec leur profession et leur capacité à résoudre efficacement les problèmes qui leur sont soumis.

Ce premier effort de caractérisation des acteurs du niveau provincial s’est révélé imparfait. Les premières observations de terrain nous ont amenée à rapidement considérer une troisième catégorie d’acteurs, que nous appellerons « experts ». Il s’agit d’une catégorie classique de l’analyse des politiques publiques et qui fait l’objet de travaux de plus en plus nombreux147, notamment les travaux portant sur la transnationalisation et le transfert des politiques publiques (Saint-Martin dans Boussaguet et al., 2004, p. 211-219). Le terme expert est flou. On peut différencier les experts selon leur intégration ou non à la hiérarchie administrative. G. Massardier et E. Verdier (2000) distinguent quatre types d’experts intégrés : les administratifs ayant une charge opérationnelle (définition et mise en œuvre d’une politique publique) et appartenant à des corps de l’État liés à une discipline scientifique (par exemple : les vétérinaires) ; les hauts fonctionnaires qui sont mandatés pour une expertise ponctuelle ; les administratifs sans charge opérationnelle appelés « chargés de mission » dont une des priorités est la production d’un discours sur les politiques publiques ; les scientifiques et les universitaires ; les membres des cabinets ministériels. Parmi les experts non intégrés à la hiérarchie administrative, l’auteur distingue trois cas de figure : les consultants privés, les scientifiques et les universitaires sollicités par les administrations dans le cadre de contrats et d’appels d’offres et les représentants des lobbies et professions. Dans notre recherche, la diversité des relations avec l’administration n’est peut-être pas aussi importante et les frontières entre ces deux groupes d’experts sont poreuses. Par experts, on fera ainsi référence aux chercheurs de l’IAC, du CIRAD, de l’IRD, aux cadres de l’ADRAF et de l’AFD. Les experts ont la particularité d’être proches des acteurs provinciaux mais ils sont également fortement connectés avec un niveau plus global, le niveau national français ainsi que le niveau international. Peut-on alors parler d’un troisième niveau « macro » comme certains travaux d’analyse des politiques publiques interrogeant les relations entre local, national et international ? Le chapitre V est spécifiquement centré sur l’analyse des relations entre les experts et les acteurs de l’administration provinciale et sur les effets de ces relations sur les processus de changement des politiques publiques de développement. L’analyse permettra de discuter la notion d’expertise.

147 Citons principalement, parmi les travaux qui nous ont inspirée : T. Delpeuch, 2009 ; L. Dumoulin,

Au niveau des territoires de projet, là encore la diversité des acteurs est conséquente : producteurs ruraux, bénéficiaires de projets financés dans le cadre du dispositif OGAF, animateurs des projets OGAF, mais aussi les membres des comités locaux de discussion. Comme dans le cas de l’organisation provinciale, il importe de distinguer les élus locaux des acteurs précédemment cités. Les élus peuvent en effet jouer sur le processus d’élaboration et de mise en œuvre des politiques publiques selon des logiques spécifiques.

Les idées, les intérêts, les institutions, les instruments et les résultats dans le modèle

Rappelons-le : dans cette recherche, les acteurs sont considérés comme dépositaires d’idées, d’intérêts, et ils sont liés aux institutions en jeu. Mais qu’entendons-nous par idées, intérêts et institutions ?

Par idées, nous faisons référence aux dimensions intellectuelle, cognitive et discursive des politiques publiques. Nous les considérerons dans leur acception la plus vaste : l’ensemble des représentations, des normes et des valeurs qui sous-tendent un raisonnement et permettent de justifier une action ou un discours. Les idées sont difficiles à appréhender empiriquement. Ce sont les discours des acteurs qui seront pour nous la traduction concrète des idées des acteurs. À l’instar de M. Foucault, nous considérerons les discours comme une réalité en soi. D’un point de vue analytique, nous distinguerons trois éléments structurant les discours de politiques publiques, en écho à la notion de référentiel148 de B. Jobert et P. Muller (1987) :

• la problématisation des politiques publiques ;

• les valeurs au sens du « réel-voulu », les représentations les plus fondamentales (égalité, justice, liberté, sécurité) portées par les acteurs sur ce qui est « bien ou mal », désirable ou à rejeter. Ces représentations définissent un cadre global de l’action publique. Le débat égalité versus équité est typiquement un débat sur les valeurs, comme le débat sur la « croissance » ou la préservation des écosystèmes, ou dans le cas de notre recherche le respect et la valorisation de la culture kanak ; • enfin, les normes et les recettes, c'est-à-dire les principes d’action, les moyens en

termes de politiques publiques, pour atteindre ce « réel-voulu » et censés répondre au problème initial.

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Prendre en compte les intérêts consiste à rechercher les acteurs pertinents du phénomène observé et à analyser leur place dans les logiques d’action collective, les stratégies déployées selon des coûts et des bénéfices attendus. La prise en compte de la dimension stratégique dans l’analyse nous conduira à analyser les conflits éventuels, les coopérations observées ou envisageables.

Plusieurs significations peuvent être données au terme institution. L’institution peut être entendue comme un synonyme de l’organisation : « En géographie, une institution

correspond ainsi le plus souvent à une autorité légitime institutionnelle » (M. Lussault, dans

Lévy et Lussault, 2003, p. 515). Pour D. North (1990), p. 3), cependant, les institutions ont été créées par les humains au cours de l’histoire pour réduire les incertitudes liées à leur échanges. Certains auteurs insistent aussi sur le fait qu’elles ne sont pas que des contraintes, et qu’elles peuvent aussi représenter des ressources, des opportunités (Schmidt, 2000 ; Hodgson, 2006). Nous retiendrons pour notre recherche, en accord avec les choix théoriques effectués précédemment, que les institutions conditionnent ainsi les actions de l’acteur dans l’organisation.

Classiquement, D. North (1990) puis d’autres (Greif, 1993 ; Mantzavinos, 2001 ; Schmidt, 2004) distinguent par ailleurs les institutions « formelles » et « informelles ». Les institutions formelles sont l’ensemble des règles politiques, économiques. Ce sont également des appareils, des procédures de négociation qui visent la production de règles et de décisions légitimes. C’est souvent dans ce sens que nous parlerons d’institutionnalisation.

Les institutions dites « informelles » sont plus difficiles à identifier. D. North (1990) utilise le terme de contrainte, qu’il définit comme l’ensemble des codes et des normes de conduite. Les institutions informelles peuvent alors être considérées comme un fait social stabilisé. Ce troisième sens très large se rencontre plus souvent en sociologie. Pour E. Durkheim, les institutions font alors référence à des faits sociaux organisés, qui se transmettent de génération en génération et qui s’imposent aux individus. Dans la réalité, il s’avère difficile de distinguer clairement les deux catégories d’institutions. Pour aider à leur identification, D. North (1990) propose de les différencier selon trois critères discriminants : (1) l’identité de l’acteur qui sanctionne le « non-respect » de l’institution (le système judiciaire « étatique » pour les règles formelles, les individus ne relevant pas du système judiciaire étatique pour les règles « informelles », comme celle de la coutume) ; (2) le caractère explicite ou implicite de l’institution (différence entre les règles écrites et orales) ; (3) les modalités d’émergence de l’institution. C. Menger (dans Hodgson, 2006, p. 13) parle

de règles organiques pour les règles produites par des interactions spontanées et de règles pragmatiques lorsqu’elles sont issues de négociations organisées et intentionnelles entre acteurs. Autrement dit, une institution organique est une conséquence sociale (collective) non anticipée, voire non voulue, qui résulte des actions entreprises par plusieurs individus. De nombreux phénomènes sociaux relèvent de ce processus : le droit, le langage, le marché ou la monnaie sont tous des institutions au moins partiellement organiques. À l’inverse, les institutions pragmatiques sont le produit d’une action collective concertée et planifiée. Elles résultent d’un dessein consciemment développé par un ou plusieurs individus.

Pour notre terrain de recherche, nous avons préféré nous détacher des catégories « formelles » et « informelles » et suivre les propositions de Hodgson en qualifiant les institutions d’explicites ou d’implicites, de pragmatiques ou d’organiques (Hodgson, 2006, p. 13). Cette classification permet de ne pas sous-estimer le rôle des institutions informelles dans l’explication des choix des acteurs, comme A. Sindzingre (2006) nous en défend. Dans le cas de cette recherche, les institutions, notamment celles qualifiées d’implicites et/ou d’organiques, sont pour partie intériorisées par les acteurs.

En accord avec la définition foucaldienne donnée par P. Lascoumes et P. Le Galès dans le chapitre précédent, nous considérons les instruments comme des dispositifs à la fois techniques et sociaux qui organisent des rapports sociaux entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont ils sont porteurs (exemple : instrument législatif et réglementaire, instruments informatifs et communicationnels...). Les instruments de politiques publiques sont composés d’institutions explicites (règles d’accès aux subventions du CODEV, etc.). Les OGAF, en tant qu’instrument procédural qui organise une partie des interactions entre acteurs, favorisent la production de nouvelles institutions dites pragmatiques. Dans ce sens, les instruments constituent bien le cadre dans lequel les acteurs interagissent, et les acteurs participent à leur fabrication et modification.

Enfin, par résultats, on entend les conséquences et les effets (voulus ou involontaires) de l’action publique. Ils peuvent faire l’objet d’une évaluation. Dans le cas de cette recherche, ce sera, par exemple, le nombre de projets individuels ou collectifs installés dans le cadre d’un programme OGAF, les investissements réalisés.

Les aspects dynamiques du modèle : interactions, légitimités et relations de pouvoir

La recherche porte sur les interactions au sein et entre les différents niveaux territoriaux considérés. Par interaction, on entend une relation d’influence réciproque entre différents acteurs qui participent à la circulation, à la dynamique et l’organisation de l’acte individuel ou collectif dans un processus social (M. Lussault dans Lévy et Lussault, 2003, p. 38). Avec cette définition, nous prenons en compte les intentions des acteurs et les structures institutionnelles et sociales dans lesquelles ils évoluent. Les acteurs interagissent au sein de différents réseaux et d’un contexte institutionnel donné, qui borne leurs opportunités mais que les acteurs peuvent modifier.

Parmi les différents types d’interactions que nous allons étudier, celles qui produisent de la légitimité seront centrales dans l’analyse. En géographie, J. Lévy définit la légitimité (ibid., 2003, p. 547-548) comme une relation sociale qui confère à un acteur une capacité reconnue pour produire l’être-ensemble ; la légitimité circule entre société politique et scène politique. Cette notion est essentielle pour l’analyse de l’espace politique. Elle permet de se pencher plus spécifiquement sur les relations réciproques entre le « peuple » et son « gouvernement ». En science politique, P. Duran (dans Boussaguet et al., 2004, p. 278-285) définit deux types de légitimité :

la légitimité par les « inputs ». Les choix sont considérés comme légitimes parce qu’ils reflètent la volonté du peuple en s’appuyant sur le mandat donné par l’élection ;

la légitimité par les « outputs ». Les choix sont légitimes s’ils favorisent le bien-être collectif de la communauté.

La légitimité par les inputs repose sur la capacité des élus à représenter des intérêts, à construire des identités collectives et à mobiliser des groupes sociaux. Dans la construction d’une légitimité par les outputs, les gouvernants cherchent à démontrer leur capacité à se saisir des problèmes, à mettre en place des politiques publiques, et à obtenir des résultats (Scharpf, 2000). Cependant, la complexification de l’action publique149 et des sources de légitimité politique amène à penser les légitimités inputs et outputs de manière encastrée (Duran dans Boussaguet et al., 2004, p. 279). Le clivage entre ces deux formes pose de plus en plus question et s’avère de plus en plus difficile à distinguer empiriquement. C’est pour cela que J. Lagroye (1985) et J. Leca (2000) proposent de rechercher les modalités de la légitimation de l’action publique plus que les formes de légitimité.

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« Si le pouvoir est considéré comme un rapport social conférant à un individu ou un groupe la possibilité de contraindre d’autres individus ou d’autres groupes, et de les amener ainsi à faire ce qu’ils n’auraient pas fait sans l’intervention de cette contrainte, le problème général de l’acceptation de ce rapport est posé ; en ce sens, tout pouvoir, s’il exerce dans l’ordre économique, moral et religieux, est conduit à affirmer sa légitimité pour bénéficier d’une acceptation durable. Dans le cas précis du pouvoir politique, on peut concevoir la légitimation comme un ensemble de processus qui rendent l’exercice d’un pouvoir coercitif spécialisé tolérable sinon désirable, c'est-à-dire qui le fassent concevoir comme une nécessité sociale voire comme un bienfait. » (Lagroye, 1985, p. 402).

In fine, notre objet de recherche étant l’analyse des interactions qui structurent et

articulent les différents espaces politiques que constituent le territoire provincial et les territoires de projet, la notion de pouvoir est également centrale. Le mot « pouvoir » n’apparaît pas clairement dans les hypothèses mais il est sous-jacent à l’ensemble des processus décrits dans les hypothèses, c’est pourquoi il importe de définir cette notion. C’est une notion complexe et ambiguë qui a longtemps été mise à l’écart par les géographes (Lévy et Lussault, 2003). M. Weber, auteur emblématique sur les relations de pouvoir, le définit comme : « Toute chance de faire triompher, au sein d’une relation sociale, sa propre volonté,

même contre des résistances, peu importe sur quoi repose cette chance » (Weber, 1995,

p. 95). Dans le même sens, R.A. Dahl (1957) définit le pouvoir avec l’expression suivante :

« A has power over B to extent that he can get B to do something that B would not otherwise do. »

Ces deux définitions mettent l’accent sur le volontarisme du ou des détenteurs du

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