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La Constitution de 1991 comme garante des principes démocratiques

3. La Cour Constitutionnelle comme un acteur politique

3.2.1 La Constitution de 1991 comme garante des principes démocratiques

72 rôle extraconstitutionnel pour lequel la Cour ne possède pas les moyens suffisants.

Comment la Constitution de 1991 a-t-elle permis ou empêché l’activisme judiciaire de la Cour Constitutionnelle colombienne ?

3.2 Le rôle de la Constitution de 1991 et le néo-constitutionnalisme en Amérique

73 Une autre conséquence du changement de la Constitution a été la consolidation du pouvoir judiciaire comme un contre-pouvoir et comme un nouveau garant des droits fondamentaux. En tant que garant de la Constitution, l’existence de la Cour Constitutionnelle comme organe indépendant de la Cour Suprême de Justice a joué un rôle central dans ce renforcement du pouvoir judiciaire. Par rapport aux actes de la Cour Constitutionnelle depuis sa création jusqu’à nos jours, Ulloa note qu’elle a eu une orientation progressiste basée sur le dialogue et sur l’intention de mettre en place l’Etat Social de Droit, type de État établie par le premier article de la nouvelle Constitution150. Avec l’inclusion de l’État Social de Droit, la Colombie n’a pas montré que son intention de se soumettre aux normes qui garantissent l’égalité politique de tous les citoyens, mais aussi d’introduire des droits sociaux qui rendent possible la reconnaissance des nouvelles dynamiques sociales et politiques de notre siècle. Cela a impliqué, par conséquent, un renforcement des contre-pouvoirs, dont le pouvoir judiciaire émerge comme un acteur fondamental dans la tâche d’assurer les droits citoyens, comme il a été souligné auparavant.

Par contre, certains experts comme Manuel José Cepeda considèrent que cette initiative de renforcement du pouvoir judiciaire n’est pas une nouveauté dans le cas colombien. Depuis la Constitution de 1886 il existe un organe qui exerce un contrôle sur le respect des normes constitutionnelles. Et malgré les périodes de violence vécues dans le pays, la Cour Suprême de Justice n’a jamais été suspendue ou fermée, ce qui au moins au niveau formel, révèle d’emblée l’attachement que la société ressent par cette institution151.

On peut reconnaitre des cas concrets où la Cour montre sa puissance grâce aux normes constitutionnelles de 1886. Le premier cas est la capacité judiciaire de résoudre les conflits entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans les cas d’objection présidentielle des projets de loi. Ainsi, la Cour était un instrument de pacification des rapports politiques et, en même temps, elle était vue comme l’organe capable de protéger l’harmonie des pouvoirs publics152.

Selon Cepeda, le schéma de la Cour a été développé plus profondément à partir de l’acte législatif No. 3 1919 dans lequel on a pris, entre autres, les mesures importantes suivantes : a) la réduction du mandat présidentiel (de six ans à quatre ans),

150 Idem, p.243

151 Manuel José CEPEDA ESPINOSA, op.cit., p.151

152 Idem., p.152

74 b) l’interdiction de la réélection présidentielle, c) la représentation des groupes minoritaires et d) la possibilité d’une action publique citoyenne contre la Cour Suprême dans le cas où l’on estime qu’une loi est susceptible d’être déclarée inconstitutionnelle153.

De plus, la Cour avait la capacité de déterminer la conformité des lois réalisées pendant les états d’exception. Cependant, il faut ajouter qu’à maintes reprises la Cour s’est montrée déférente par rapport aux décisions et aux lois développées dans ces situations particulières. Malgré ce fait, il est évident qu’en Colombie existe une forte tradition de respect envers le pouvoir judiciaire.

Avant l’existence de la Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême de Justice avait développé une fonction judiciaire fondamentale comme défenseur de la Constitution. La première opportunité qu’elle a eue pour remplir son rôle comme juge constitutionnel ce fut en 1887, quand le Congrès élabora un projet pour donner une pension à la veuve d’un militaire, le sergent Ricardo O’Levy : la Cour s’est prononcée à travers une sentence d’inconstitutionnalité. Le président de la République s’est opposé à la loi, car il jugeait que la loi favorisait de manière particulière à une personne en lui attribuant des ressources publiques qui n’étaient pas stipulées par une loi préexistante. Dans ce cas-là, la Cour a donné raison au président154.

À partir de ce moment-là, quelques décisions de la Cour Suprême ont provoqué des polémiques. Les trois sujets les plus controversés ont été l’intervention de l’État dans l’économie, les mesures pour rétablir l’ordre public et les reformes de la Constitution. Par rapport au premier sujet, paradoxalement la Cour a tenté de limiter la capacité d’intervention étatique, tandis qu’elle-même a légitimé la plupart des décrets d’état d’urgence déclarés par le gouvernement.

La position de la Cour Suprême la plus intéressante correspond à celle liée aux reformes de la Constitution, car elle a soutenu dans presque tous les décisions une position rigide et contraire au changement constitutionnel. Cependant elle a rendu possible la réalisation d’une Assemblée Constituante en 1990 lorsque la société n’attendait pas un tel soutien institutionnel, justement parce qu’elle était habituée à une position constamment fermée de la part de la Cour.

C’est ainsi que le vrai changement d’esprit constitutionnel est arrivé avec la rédaction de la Constitution de 1991, laquelle a été à l’origine de plusieurs innovations

153 Idem., p.154

154 Idem., p.174

75 dans le pays, notamment en ce qui concerne la justice. On peut souligner, comme mesures les plus importantes, la création de la Cour Constitutionnelle en premier lieu et, en deuxième lieu, l’application du contrôle constitutionnel dans des situations particulières grâce à la création de la tutela, c’est-à-dire de l’action judicaire par laquelle les citoyens peuvent demander de manière individuelle la protection de leurs droits fondamentaux155.

D’ailleurs, comme nous a dit Marzia Dalto

la reconnaissance, par la Constitution, du caractère pluriethnique et pluriculturel de la Colombie représente une véritable « rupture idéologique » avec le précèdent modèle.

L’inclusion des populations afro-colombiennes et indigènes dans la Constitution a permis leur reconnaissance institutionnelle, en tant que “minorités ethniques”. La population indigène sera représentée de façon constante en Sénat et dans la Chambre, grâce aux deux circonscriptions nationales spéciales156.

Par rapport aux magistrats de la Cour Constitutionnelle, la Constitution a stipulé un nouveau processus d’élection afin d’assurer son indépendance entre elle et les autres pouvoirs. Ainsi elle est composée par neuf magistrats qui ne doivent pas être experts en droit public mais qui doivent avoir ses spécialités juridiques différentes. Les magistrats sont élus par le Sénat de la République à partir de différentes ternas (trois personnes parmi lesquelles on doit en choisir une) élaborées par la Cour Suprême de Justice, le Conseil d’État et le Président de la République. La période de leurs fonctions est de huit ans sans possibilité de réélection157.

La création de la Cour Constitutionnelle a représenté un bouleversement pour la vie politique et juridique du pays grâce au rôle de cet organe dans la protection des droits. Il faut souligner que cette défense a été possible à cause de l’inclusion de la tutela dans l’ordre juridique colombien. La tutela comme moyen de protection citoyen a provoqué une vraie révolution judiciaire, en matérialisant l’efficacité des droits constitutionnels dans la vie quotidienne des Colombiens. Certains auteurs affirment qu’elle a promu une culture démocratique fondée sur l’État social de droit en même temps qu’elle a empêché les abus de la part des représentants de la population158.

La Constitution colombienne stipule dans l’article 86 :

155 Idem p.163

156 Marzia DALTO, op.cit., p. 55

157 Manuel José CEPEDA ESPINOSA, op.cit., p.167

158 Liliana, CARRERA SILVA, “La acción de tutela en Colombia” Revista del Instituto de Ciencias Jurídicas de Puebla, Año V. No. 27, enero-junio de 2011, p. 76

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Toda persona tendrá acción de tutela para reclamar ante los jueces, en todo momento y lugar, mediante un procedimiento preferente y sumario, por sí misma o por quien actúe a su nombre, la protección inmediata de sus derechos constitucionales fundamentales, cuando quiera que éstos resulten vulnerados o amenazados por la acción o la omisión de cualquier autoridad pública.

La protección consistirá en una orden para que aquel respecto de quien se solicita la tutela, actúe o se abstenga de hacerlo. El fallo, que será de inmediato cumplimiento, podrá impugnarse ante el juez competente y, en todo caso, éste lo remitirá a la Corte Constitucional para su eventual revisión.

Esta acción solo procederá cuando el afectado no disponga de otro medio de defensa judicial, salvo que aquella se utilice como mecanismo transitorio para evitar un perjuicio irremediable.

En ningún caso podrán transcurrir más de diez días entre la solicitud de tutela y su resolución.

À partir de cet article, on peut définir alors la tutela comme une action subsidiaire, résiduelle et autonome permettant le contrôle constitutionnel des actions ou des omissions des autorités publiques et, de manière exceptionnelle, des particuliers ; y a recours n’importe quelle personne pour la défense rapide et effective des droits fondamentaux lorsque cette action peut éviter un préjudice irrémédiable ou lorsqu’il n’existe pas d’autres moyens de défense judiciaire159.

Il faut ajouter que la capacité de la tutela à répondre d’une manière si rapide aux demandes citoyennes a ralenti d’autres procédures judiciaires à cause de la congestion administrative provenant de la quantité énorme de ces actions. Car la Colombie a toujours subi des difficultés pour donner une réponse adéquate aux problèmes de justice dans le pays, on ne peut accuser exclusivement la tutela comme étant la cause d’un système judicaire inefficace.

Ainsi, après 20 ans de vie constitutionnelle, la tutela est devenue le mécanisme le plus important pour les citoyens, quatre millions de dossiers ont ainsi été traités depuis ses débuts. Les thèmes sont toujours variés : la situation des prisonniers, demandes de retraite et de santé, problèmes d’éducation, droits des travailleurs, tragédie du déplacement forcé, etc.160.

Il est impératif de reconnaitre l’impact qu’a eu la création de la Cour Constitutionnelle comme l’instauration de la tutela pour les Colombiens. Mais il faut insérer ces nouvelles caractéristiques politiques données par la Constitution de 1991 dans un contexte plus large –le néo-constitutionnalisme latino-américain– afin de voir quel est le rapport entre eux.

159 Idem, p.77

160 Idem. p.76

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