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ACADEMIE DE PARIS UNIVERSITE DE PARIS III NOUVELLE SORBONNE INSTITUT DES HAUTES ETUDES DE L AMERIQUE LATINE (IHEAL)

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ACADEMIE DE PARIS

UNIVERSITE DE PARIS III NOUVELLE SORBONNE

INSTITUT DES HAUTES ETUDES DE L’AMERIQUE LATINE (IHEAL)

L’ACTION POLITIQUE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE COLOMBIENNE : LA DÉFENSE D’UNE DÉMOCRATIE FAIBLE

Mémoire présenté et soutenu par Ana Carolina GÓMEZ ROJAS En vue de l’obtention du diplôme Master 2 Recherche

Directeur de Recherche Hubert GOURDON

Septembre 2012

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ACADEMIE DE PARIS

UNIVERSITE DE PARIS III NOUVELLE SORBONNE

INSTITUT DES HAUTES ETUDES DE L’AMERIQUE LATINE (IHEAL)

L’ACTION POLITIQUE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE COLOMBIENNE : LA DÉFENSE D’UNE DÉMOCRATIE FAIBLE

Ana Carolina GÓMEZ ROJAS

Septembre 2012

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1 Table de matières

Introduction ... 3

1. Décision de la Cour Constitutionnelle : une analyse de forme et de fond... 7

1.1 Décision de la Cour Constitutionnelle en termes de procédure... 7

1.1.1 Procédure pour modifier la Constitution colombienne... 8

1.1.2 Arguments pour la déclaration de la non-conformité de la loi 1354 de 2009 10 1.2 Les arguments matériels de la Cour par rapport à la réélection ... 14

1.2.1 Les arguments de la Cour par rapport à la première réélection présidentielle. ... 15

1.2.2 Les arguments de la Cour par rapport à la deuxième réélection présidentielle. ... 16

1.3 La construction conceptuelle de la Cour Constitutionnelle ... 19

1.3.1 Substitution de la Constitution ... 19

1.3.2 Vices de compétences ... 21

1.3.3 Le bloque de constitutionnalité ... 24

1.3.4 La « modulación » des effets des sentences ... 25

1.4 La suprématie de la Constitution ... 28

1.5 Le débat sur la réforme de la Constitution ... 32

2. Le système politique colombien : une explication du pouvoir de la Cour Constitutionnelle. ... 39

2.1. La tradition politique de Colombie ... 39

2. 1.1 Délégitimation des partis politiques ... 39

2.1.2 Le mouvement de “la séptima papeleta” ... 41

2.1.3 Une nouvelle fragilisation politique ... 46

2.1.4 Tradition présidentialiste en Colombie ... 48

2.1.5 La discussion sur le continuisme ... 50

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2.1.6 Le populisme en Colombie ... 53

2.2 Le phénomène Uribe ... 56

2.2.1 Justifications de la popularité de l’ex-président Uribe ... 56

2.2.2 Première réélection du président Uribe ... 59

2.2.3 Les modifications dans l’exercice du pouvoir à court et long terme ... 60

2.2.4 Le président Uribe et le pouvoir judiciaire ... 63

3. La Cour Constitutionnelle comme un acteur politique ... 66

3.1 Le rôle de la Cour Constitutionnelle colombienne dans l’élaboration des politiques publiques. ... 66

3.2 Le rôle de la Constitution de 1991 et le néo-constitutionnalisme en Amérique latine ... 72

3.2.1 La Constitution de 1991 comme garante des principes démocratiques... 72

3.2.2 Le néo-constitutionnalisme en Amérique latine ... 77

3.3 La Cour Constitutionnelle Colombienne : un gouvernement de juges ? ... 79

3.4 Judiciarisation du système politique : risques et avantages ... 85

3.4.1Les risques de la judiciarisation du politique ... 89

3.4.2 Les potentialités de la judiciarisation du politique ... 91

3.5 Une nouvelle définition du constitutionnalisme : une transformation de la démocratie ... 92

Conclusion ... 96

Bibliographie ... 100

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3 Introduction

La Colombie a vécu dans les dernières années un grand bouleversement politique : les citoyens ont rédigé une nouvelle Constitution afin de surmonter des phénomènes comme la corruption politique, le clientélisme et la pénétration du narcotrafic dans presque toutes les institutions –incluant les groupes armés illégaux– ; des nouvelles organisations ont été créées, entre autres la Cour Constitutionnelle ; les citoyens ont appris à exiger leurs droits fondamentaux à travers des mécanismes très modernes comme la tutela ; les mouvements et les partis politiques ont augmenté de manière vertigineuse après le début des années 90 pour se réduire de manière dramatique après la réforme politique de 2004 ; et, enfin, le pays a connu le président le plus populaire dans l’histoire colombienne au point de réussir la modification de la Constitution afin d’obtenir une deuxième élection.

Cet état de fait s’est accompagné d’une grande modification dans la relation entre les pouvoirs publics. Chacun d’eux a essayé de maintenir son statut et son influence sur la société colombienne. Entre 2002 et 2010 s’est déchainé un « choque de trenes » où le pouvoir judiciaire se trouvait parmi deux réalités différentes : un pouvoir exécutif chaque fois plus fort et avec des niveaux de popularité jamais atteints, et un pouvoir législatif lié aux groupes armés illégaux, ce qui augmentait la méfiance des citoyens face à cet organe.

Ainsi, la Cour Constitutionnelle a pris une place significative dans l’imaginaire collectif colombien en tant que garant des droits fondamentaux, historiquement ignorés par les élites politiques. Les citoyens « ordinaires » ont commencé à faire appel à la Cour pour résoudre leurs problèmes quotidiens, transformant le rôle de ce pouvoir judiciaire en un rôle politique. Cette situation engendre vraisemblablement plusieurs difficultés pour deux raisons: en premier lieu, il y a un risque pour l’appareil judiciaire de devenir inefficace à cause de la quantité de demandes reçues ; et en deuxième lieu, le Congrès peut perdre de manière définitive sa légitimité face aux citoyens, ce qui met en péril le système démocratique.

En parallèle, la figure du président Álvaro Uribe a émergé comme un politique capable d’atteindre les 70% de popularité. Grâce à son image d’homme rural qui comprenait bien les besoins de la « nation colombienne », il a réussi à construire une politique gouvernementale ayant pour hypothèse que l’existence des guérillas était la

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4 seule cause des fléaux du pays, raison pour laquelle la grande partie du budget national a été dédié à la lutte contre ces groupes.

Bien que cette vision du conflit colombien ait ses limites, elle a eu un impact positif dans l’opinion publique et a reçu également le soutien de la majorité des colombiens dans les élections présidentielles de 2002 et aussi dans les élections de 2006. Ainsi, on s’est posé la question de l’existence du populisme en Colombie, en considérant aussi le phénomène Uribe comme le résultat du mécontentement de la société par rapport aux gouvernants antérieurs.

Mais à vrai dire, ce qui est intéressant ici c’est l’affrontement entre les deux forces les plus populaires dans l’histoire récente du pays : le président Uribe et la Cour Constitutionnelle. Car précisément la décision de la Cour d’empêcher un troisième mandat présidentiel a été la raison principale de l’affrontement. Les arguments en faveur de cette décision ont été de la même intensité que les arguments contre. Le pays risquait de se polariser. Cependant, la déclaration de non-conformité de la loi convoquant un référendum pour modifier la Constitution en faveur du président Uribe a été accueillie avec résignation par le président aussi que par la majorité des citoyens.

Quelle a été la raison ?

D’un côté l’ex-président Uribe ne souhaitait pas être perçu comme un leader populiste, mais comme un gouvernant respectueux de la Constitution, malgré les affrontements vécus avec le pouvoir judiciaire tout au long de son mandat. De l’autre, la Cour Constitutionnelle possédait une légitimité envers l’opinion publique grâce au développement d’une jurisprudence très progressiste.

Cette situation m’a conduit alors à me poser la question centrale de la recherche : comment un pouvoir public qui n’a pas été élu par voie populaire peut-il imposer sa volonté, même si elle est contraire au désir de la majorité de la population ?

Ce sujet montre bien qu’il ne s’agit pas d’une discussion purement juridique dans laquelle la Cour Constitutionnelle est plus habile que les autres pouvoirs dans la construction de concepts qui favorise ses décisions. Il s’agit plutôt d’un débat politique où les institutions du pays luttent pour maintenir leur légitimité populaire.

Il convient d’ajouter que cette thématique a été étudiée en Colombie de manière presque exclusive par les juristes, bien qu’il s’agisse, comme on l’a déjà mentionné, d’un sujet aussi politique. Pour cette raison il existe un besoin de le traiter d’une manière pluridisciplinaire afin de mieux comprendre les enjeux propres de la Colombie.

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5 Trois concepts essentiels doivent êtres définis afin d’éviter des ambiguïtés dans le développement de la recherche: en premier lieu, il s’agit d’apporter une définition du populisme afin de déterminer si la popularité de l’ex-président Uribe peut s’apparenter au phénomène populiste ou non. Susane Gratius sera notre principale source dans la caractérisation du populisme contemporain, elle en identifie cinq éléments : 1) l’absence d’une idéologie et/ou d’un programme politique ; 2) une relation directe entre le leader et le peuple à travers une structure verticale de pouvoir ; 3) l’arrivée au pouvoir d’un outsider qui a un discours anti-oligarchique ; 4) de hauts niveaux de soutien populaire et d’inclusion des marginalisés ; 5) un affaiblissement des institutions démocratiques et notamment des poids et contrepoids1.

En deuxième lieu, face à l’activisme judiciaire de la Cour Constitutionnelle, il s’agira de définir le gouvernement des juges pour déterminer si la Colombie est victime de ce type de gouvernement ou non. La définition prise et celle d’Edouard Lambert, qui établit le gouvernement des juges comme « le système de gouvernement, qui est sorti aux États-Unis de l’association de plus en plus étroite des tribunaux à la direction de la marche de la législation» 2.

Finalement, il est fondamental de définir la judiciarisarion des affaires politiques provoquée par l’activisme de la Cour Constitutionnelle et, en général, des tribunaux constitutionnels. Ici, le juriste et ex-magistrat auxiliaire de la Cour Constitutionnelle colombienne Rodrigo Uprimny donne une définition très précise. Il définit ce phénomène comme « le fait que certaines matières qui relevaient traditionnellement de dynamiques politiques –suivant les principes de fonctionnement démocratique– sont de plus en plus traitées par les juges ou conditionnées par des décisions judiciaires» 3.

Partant de ces définitions, il est possible d’avoir une première idée du rôle développé par la Cour Constitutionnelle et l’opposition qu’elle a trouvé dans la figure du président de la République.

Dans cette mesure, les objectifs poursuivis par la présente recherche sont, premièrement, identifier quels sont les moyens de la Cour pour développer son

1 Susan GRATIUS, « La tercera ola populista de América Latina », Documento de trabajo, 45, Fundación para las Relaciones Internacionales y el Diálogo Exterior (FRIDE), 2007, p. 2.

2 Edouard LAMBERT, Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociales aux États Unis, Paris, Éditions Dalloz, 2005, p.8

3 Rodrigo UPRIMNY YEPES, « La justice au cœur du politique: potentialités et risques d’une judiciarisation en Colombie » in COMMAILLE Jaques et KALUSZYNSKI Martine, La fonction politique de la justice, Paris, La Découverte, 2007, p.233

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6 activisme judiciaire ; deuxièmement, reconnaitre quelles sont les explications politiques à travers lesquelles la Cour représente un pouvoir légitime pour les colombiens ; et finalement, comprendre quels sont les risques et les bénéfices de l’activisme de la Cour Constitutionnelle.

Tout cela nous mènera à prouver l’hypothèse centrale : la Cour Constitutionnelle colombienne possède une légitimité démocratique parce que, en premier lieu, elle remplace partiellement la place laissée par le Congrès en tant que créateur des politiques publiques et parce que, en deuxième lieu, elle garantit la protection des nouveaux principes et valeurs constitutionnels en favorisant les groupes les plus stigmatisés de la société colombienne. Ainsi, c’est le pouvoir judiciaire et non le pouvoir législatif qui répond au mieux aux demandes sociales de la Colombie.

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7 1. Décision de la Cour Constitutionnelle : une analyse de forme et de fond

La popularité du président Álvaro Uribe a permis la modification de la Constitution afin de rendre possible sa propre réélection en 2006. À partir de cette modification le président a augmenté son mandat à 8 ans, sa popularité montant jusqu'à 75 % de confiance.

De même, en 2009, un groupe de citoyens a décidé de promouvoir une initiative législative populaire afin de modifier une nouvelle fois la Constitution et de favoriser Uribe avec la possibilité d’une troisième élection.

Tout au long de cette année la discussion a été centrée sur une question : est-ce que la volonté populaire doit prévaloir sur les institutions établies par la Constitution de 1991 ? La réponse paraissait être favorable au fait d’élire pour une troisième fois le président. Ainsi le débat a été fortement personnalisé et quelques thèmes comme le besoin de l’alternance au pouvoir ou le respect pour le schéma de poids et contrepoids ont perdu de leur importance.

Avec ce tableau la victoire du président Uribe avait l’air d’être assurée. Par contre la Cour Constitutionnelle a déclaré le 26 février 2010 (quelques jours avant le début de la campagne électorale) non-conforme la loi qui convoquait le peuple pour décider par voie de référendum la possibilité d’une troisième élection présidentielle consécutive. Cette loi était pourtant le résultat d'une initiative populaire développée par un groupe significatif de citoyens. Alors si la majorité de la population soutenait le président Uribe, pourquoi la Cour Constitutionnelle a-t-elle empêché le développement du désir populaire ? Quelles étaient ses raisons ?

1.1 Décision de la Cour Constitutionnelle en termes de procédure

D’abord, il faut décrire le processus établi par la Constitution politique pour être reformée afin de comprendre les arguments de la Cour Constitutionnelle. On pourra ensuite juger si les arguments donnés par la Cour sont cohérents avec les dispositions constitutionnelles.

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8 1.1.1 Procédure pour modifier la Constitution colombienne

En Colombie, la Constitution établit la possibilité d'être modifiée à l’article 374, car elle affirme : « La Constitution pourra être réformée par le Congrès, par une Assemblée Constituante ou par le peuple par voie de référendum ».

À partir de là, il existe une procédure à suivre si l’on veut modifier la Constitution par voie populaire selon la Constitution et les lois « statutaires » 130 et 134 de 1994 :

a. Initiative populaire : Le titre deux de la loi 134 de 1994 explique que pour former l’initiative populaire il faut composer un comité de promoteurs, constitué d'un groupe de citoyens ou par un mouvement ou parti politique, qui devra s’inscrire devant la Registraduría Nacional del Estado Civil (RNEC) avec le soutien de 5/1000 citoyens inscrits sur les listes électorales. Si la RNEC donne son accord pour l’inscription, le Comité recevra des formulaires pour collecter les signatures nécessaires afin d'appuyer l’initiative législative populaire. L’article 378 constitutionnel établit que les signatures doivent représentées au moins 5 % des listes électorales en vigueur et qu'elles pourront être collectées dans un laps de temps de six mois au maximum.

Après la collecte de signatures, la RNEC doit délivrer un certificat qui garantisse l’accomplissement de toutes les conditions demandées (les formulaires remplis, l’exposition des raisons et le projet des articles proposés, l’accomplissement dans le financement de la campagne, etc.). Avec cette certification, le Comité de Promoteurs présentera la proposition d’initiative devant le Congrès.

b. Approbation d’une loi par laquelle est introduit le texte qui a reçu le soutien populaire : l’article 378 de la Constitution établit qu’il peut exister l’initiative de réformer la Constitution à travers un référendum. Dans ce cas, seuls le gouvernement et un groupe de citoyens équivalents au moins à 5 % des listes électorales en vigueur peuvent faire ce type de modification constitutionnelle4.

Le Congrès a alors l’obligation de transformer l’initiative par une loi qui sera le résultat du débat aux deux chambres du Congrès. Pendant l’élaboration de la loi, les

4 « Por iniciativa del Gobierno o de los ciudadanos en las condiciones del artículo 155, el Congreso, mediante ley que requiere la aprobación de la mayoría de los miembros de ambas Cámaras, podrá someter a referendo un proyecto de reforma constitucional que el mismo Congreso incorpore a la ley. El referendo será presentado de manera que los electores puedan escoger libremente en el temario o articulado qué votan positivamente y qué votan negativamente.

La aprobación de reformas a la Constitución por vía de referendo requiere el voto afirmativo de más de la mitad de los sufragantes, y que el número de éstos exceda de la cuarta parte del total de ciudadanos que integren el censo electoral ».

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9 parlementaires doivent respecter le principe d’identité (c’est-à-dire qu’aucun projet ne peut se transformer en loi sans avoir fait l'objet de deux débats à la Chambre des représentants et de deux débats sur le même sujet au Sénat), le principe de consécutivité (ou l’obligation d'aborder toutes les thématiques proposées par le projet sans que ces discussions soient repoussées à un moment ultérieur), et le principe de publicité (ou la possibilité que la société connaisse le fonctionnement du Congrès à travers des mécanismes comme la chaîne publique de télévision, la « Gaceta del Congreso », les audiences publiques et la publication des lois).

Par rapport à la votation, l’article 378 établit aussi que la loi qui convoque à un référendum doit être approuvée par la majorité des membres du Congrès. Cette votation est publique.

L’article 161 constitutionnel affirme que lorsque des divergences se présentent entre les chambres du Congrès sur le projet discuté, il se formera une commission de conciliation afin de trouver un accord entre les deux textes5. La Cour Constitutionnelle définit comme « divergence » toute différence qui modifie le sens d’un projet de loi et qui permet de conclure qu’il s’agit de deux textes différents.

Une fois que cette procédure est terminée, le Congrès doit envoyer la loi au Président de la République pour être sanctionnée. Le Président doit envoyer à son tour cette loi à la Cour Constitutionnelle.

c. Vérification de la part de la Cour Constitutionnelle : Selon l’article 241 de la Constitution : « à la Cour Constitutionnelle est confiée la garde de l’intégrité et de la suprématie de la Constitution, dans les termes stricts et précis de cet article. Dans ce but, elle accomplira les fonctions suivantes :

2. Décider, avant la décision populaire, sur la constitutionnalité de la convocation à un référendum ou à une Assemblée Constituante pour réformer la Constitution, uniquement pour les vices de procédure dans sa formation ».

La Cour doit donc se limiter à exercer un contrôle qui ne touche pas au fondement de la loi, puisque faire ce type d’analyse signifie outrepasser les compétences imposées par la Constitution même.

Si la Cour déclare la non-conformité de la loi d’initiative législative afin de convoquer un référendum, cette initiative s'arrête là. En revanche, si la Cour considère

5 “Cuando surgieren discrepancias en las Cámaras respecto de un proyecto, ambas integrarán comisiones de conciliadores conformadas por un mismo número de Senadores y Representantes, quienes reunidos conjuntamente, procurarán conciliar los textos, y en caso de no ser posible, definirán por mayoría”.

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10 que la loi est constitutionnelle, le gouvernement appellera le peuple pour qu'il se décide

« pour » ou « contre » le texte qui reprendra la Constitution. Ensuite la décision finale de la population entrera en vigueur c'est-à-dire, pour notre cas, qu’il y aura une convocation aux élections auxquelles le président réélu une fois pourra se présenter selon sa volonté.

1.1.2 Arguments pour la déclaration de la non-conformité de la loi 1354 de 2009

Le Congrès colombien a élaboré la loi 1354 2009 pour convoquer le peuple au référendum qui rendait possible une troisième élection. Mais la Cour a déclaré la non- conformité de cette loi pour diverses raisons sur la procédure, et pour des raisons de fond (ces dernières malgré la limitation imposée par l’article 241 de la Constitution) qui seront développées dans la seconde partie de ce mémoire.

Par rapport aux arguments sur la procédure de la loi, on peut souligner les points suivants :

1) En premier lieu la Cour a constaté l’existence d'irrégularités dans le financement de la campagne de l’initiative législative. Notons que l’article 96 de la loi 134 de 1994 stipule : « le montant maximum d’argent privé qui pourra être dépensé dans chacune des campagnes liées aux droits et aux institutions régulées par cette loi, sera fixé par le Conseil National Électoral chaque année au mois de janvier. La non- observation de cette disposition sera cause de délit ».

La raison pour laquelle il existe des limites économiques c'est que, selon la Cour, un État Social de Droit comme l'État colombien doit garantir que les ressources économiques qui soutiennent un tel projet politique ne sont pas utilisées de manière illimitée par un groupe de citoyens afin d’imposer ses intérêts sur les autres grâce à son pouvoir économique. Ce qui serait une menace directe au principe de pluralisme politique.

La loi colombienne cherche à protéger aussi le principe de la transparence, c'est- à-dire l’existence des outils qui déterminent l’origine, la destination et le montant des ressources économiques qui portent une campagne électorale. Si l'on peut garantir les deux principes, on pourra en même temps réduire la présence de la corruption au cours de ce processus.

Pour le cas concret, le CNE a déterminé dans la Résolution 0067 de 2008 la quantité limite pour les apports de la manière suivante : $334'974.388 pesos pour les

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11 apports globaux, et $3'349.743 pour les apports individuels (personnes naturelles et juridiques). Selon l’enquête réalisée par le CNE même, les apports totaux de la campagne ont été de $2.046'328.135,81 pesos, dépassant de six fois le montant autorisé, tandis que les apports individuels qui atteignent $50.000.000 pesos montrent une infraction de presque 30 fois le montant établi.

À partir de ces irrégularités dans le financement de l’initiative législative la Cour a déclaré l’inconstitutionnalité de la loi 1354 2009. Néanmoins, l’examen des autres vices a continué dans la décision de la Cour.

2) La modification au projet d’initiative populaire au Congrès : bien que le Congrès soit l’organe représentatif par excellence, il faut reconnaître que, dans l’initiative législative populaire, l’élément le plus important à protéger est la volonté que le peuple a manifesté à travers ce mécanisme.

Le 10 septembre 2008, le Comité de Promoteurs a présenté devant le Secrétariat Général de la Chambre des Représentants le projet « au moyen duquel un projet de réforme constitutionnelle est proposé par un référendum constitutionnel et soumis à la considération du peuple ».

Ainsi, les quatre débats nécessaires pour l’approbation d’une loi de référendum ont commencé par la chambre de représentants, où les résultats des votations finales du 17 décembre 2008 furent : 86 représentants (sur un total de 146) pour le « oui » au projet sans aucune modification, c'est-à-dire en maintenant le texte soutenu par l’initiative citoyenne qui affirmait : « Celui qui a exercé la présidence de la république pendant deux périodes constitutionnelles pourra être élu pour une autre période ».

La votation de cette loi est réalisée pendant la période extraordinaire des activités du Congrès, c'est-à-dire en dehors de la législature ordinaire qui peut être demandée par le président de la république afin d’obliger le parlement à discuter de quelques sujets d’intérêt pour le gouvernement.

Dans les débats au Sénat la dynamique a été complètement différente puisque les parlementaires ont décidé de changer dans le premier débat la rédaction du texte proposé : « Celui qui a été élu à la présidence de la république par deux périodes constitutionnelles ne pourra être élu que pour une seule nouvelle période ». Le projet avec la modification a été approuvé dans le second débat le 19 mai 2009 avec une votation de 62 votes pour et de 5 votes contre.

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12 La modification a été considérée comme un changement assez important qui produisait une divergence entre les textes approuvés par chaque chambre, raison pour laquelle a été désignée une commission de conciliation qui a conclu qu'il fallait maintenir le texte approuvé au Sénat car il manifestait vraiment le désir de la population qui avait formé l’initiative législative.

Sur ce sujet la Cour Constitutionnelle a déclaré que le changement du texte était une modification fondamentale du projet, parce qu’il transformait la proposition initiale d’une troisième élection pas consécutive par une proposition d’une troisième élection immédiate, changeant ainsi l’essence de la question pour le référendum.

Par ailleurs, la Cour a considéré que le fait d’avoir un président candidat exige la modification des éléments essentiels du système électoral comme le financement de la campagne, l’exposition aux médias, l’utilisation des moyens de transport publics, etc., afin de garantir une certaine égalité entre tous les candidats qui aspirent à la présidence.

Aussi la Cour a-t-elle déclaré l’existence de vices de procédure par abus de pouvoir de la part du Congrès par rapport à l’exercice d’amendement, puisqu'il a nié la volonté populaire manifestée dans l’initiative législative. De plus, les principes d’identité et de consécutivité ont été violés pendant le processus législatif selon la Cour, ce qui est considéré comme un vice irrémédiable (insubsanable en espagnol) et qui a comme conséquence l’inconstitutionnalité de la loi.

3) Infraction au régime juridique des parlementaires (ley de bancadas) : à partir de la loi 974 2005, connue aussi comme la ley de bancadas la Colombie a adopté de nouvelles dispositions et règles du jeu au Congrès afin d’obtenir une discipline parlementaire.

On peut entendre par bancada le groupe des membres des corporations publiques (Congrès, Assemblées départementales, conseils municipaux) élus par un même parti politique, mouvement social ou groupe significatif de citoyens6.

La loi de bancadas a déterminé que les membres des corporations publiques élus par la même organisation politique doivent prendre leurs décisions ensemble, c'est-à- dire de manière coordonnée. Les bancadas doivent voter "en bloc" tous les projets qui sont débattus à l’intérieur des corporations. Les statuts de chaque collectivité – pas la loi – doivent définir les sanctions pour les membres des bancadas. Par contre, la bancada peut donner la liberté du vote individuel dans le cas d’objection de conscience.

6 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-141 2010, p.27.

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13 Le 26 août 2009 cinq parlementaires qui forment la bancada du parti Cambio Radical ont participé au vote de la Chambre de Représentants, en rejetant les empêchements présentés par le parti sur le document de la commission de conciliation, ne respectant pas la décision prise par la bancada. Par conséquent, le Conseil de Contrôle éthique du Cambio Radical a pris la décision de suspendre le droit de vote pour les personnes impliquées. Pendant ce temps, ces parlementaires ont changé de parti politique et ils ont été acceptés par le parti de la U (un des partis qui supportaient le président Uribe).

Le président de la Chambre des Représentants a reçu le rapport de sanction de la part du Cambio Radical, mais a décidé d’ignorer la sanction et a validé les votes des cinq parlementaires. La Cour Constitutionnelle s’est manifesté contre cette validation pour considérer que la discipline imposée par le parti politique devait prévaloir. Ainsi la Cour a-t-elle déclaré la non-validité des cinq votes, les soustrayant de la votation finale.

Par cette mesure, la décision d’approuver le projet a perdu la majorité nécessaire et une telle situation constitue un vice de caractère irrémédiable.

Par rapport au texte de loi approuvé par le Congrès, la Cour a émis les observations suivantes :

Le texte approuvé par le Congrès proposait :

1) l’inclusion de l’option de voter blanc dans le texte qui serait proposée à la population n’est pas constitutionnelle puisque l’article 378 de la Constitution stipule que les électeurs doivent choisir de manière libre « ce qu’ils votent positivement et ce qu’ils votent négativement ». Il n’existe pas alors d’espace pour voter blanc.

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14 2) Il y a eu une absence d’exposition de motifs convoquant de manière expresse le peuple pour décider de la réforme de la Constitution au moyen d'un referendum.

Selon la Cour Constitutionnelle il ne suffit pas que le titre de la loi fasse référence à la convocation du référendum. Si le texte proposé ne contient pas ces explications, ni le président de la république ni l’organisation électorale ne pourront convoquer le peuple à la votation. Cette situation produit alors une déclaration de non-conformité de la loi.

Alors, si l’on observe les arguments de la Cour Constitutionnelle, il est évident que la loi 1354 ne peut pas être constitutionnelle à cause de ces vices de procédure. Les parlementaires ont commis une série d’erreurs irréparables en démontrant leur hâte pour rendre possible la réélection du président Uribe, sans tenir compte des conditions formelles constitutionnelles.

La situation politique de la première modification de la Constitution en faveur de la réélection a été assez différente car elle a eu un temps suffisant pour développer des discussions avec la société. Ainsi la Cour n’a pas trouvé d'arguments juridiques pour envisager l’inclusion de la réélection comme un élément contraire à la Constitution.

En revanche, le processus de la seconde réélection s’est développé dans une période très courte afin de favoriser une personne particulière. La discussion a eu un nom propre, mettant en péril les principes démocratiques établis par la Constitution de 1991, lesquels cherchaient à surmonter les obstacles politiques de notre histoire comme la tradition présidentialiste et la faiblesse institutionnelle.

Ces arguments sont exposés par la Cour Constitutionnelle dans la deuxième partie de son arrêt. Ils seront traités dans la seconde partie de cette recherche car, soit ils sont vrais, soit ils sont le résultat d’une interprétation erronée, la Cour n’ayant pas le droit de se manifester par rapport à ces sujets. Les questions sont donc : pourquoi un pouvoir qui n’est pas élu de manière populaire peut-il empêcher la volonté de la population avec des arguments différents de ceux qui ont été établis par la Constitution politique ? Pourquoi le peuple ne peut-il modifier sa propre constitution lorsqu’il veut le faire ?

1.2 Les arguments matériels de la Cour par rapport à la réélection

La Cour Constitutionnelle s’est manifestée sur les vices de compétences dans les deux décisions sur la réélection présidentielle. Bien que les thèmes sur lesquels la Cour s’est

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15 prononcée aient été semblables, c'est-à-dire les éléments essentiels de l’État social de droit ou le régime présidentiel, il faut noter qu’en 2006 la révision a été positive quant à l’inexistence d’une substitution de la Constitution, tandis que l’arrêt de 2010 fait un appel au respect pour l’équilibre de pouvoirs et pour les principes démocratiques stipulés par la Constitution. Quelle est donc la raison du changement de la position de la Cour sur les risques de la réélection présidentielle ?

1.2.1 Les arguments de la Cour par rapport à la première réélection présidentielle.

La Cour a déclaré plusieurs fois qu’un des éléments essentiels de la Constitution était la séparation des pouvoirs publics. Si l’on considère alors que la réélection met en péril ce principe à partir des arguments exprimés dans la première partie de cette recherche, comme l’intervention du président dans la nomination des postes, dans les décisions macro-économiques et la difficulté d’avoir un candidat-président, on pourrait penser que la décision de la Cour doit empêcher cette option politique.

Cependant le pouvoir judiciaire a opté pour assumer une position différente, reconnaissant ainsi que la réélection n’est pas négative par elle-même. Reprenons donc la discussion sur le continuisme parce que la Cour Constitutionnelle va se servir des arguments historiques et juridiques pour justifier les deux décisions.

Il faut tenir compte non seulement des dynamiques politiques de chaque pays, mais les bénéfices que cette décision peut apporter comme la stabilité politique, la continuation d’un programme présidentiel approuvé par la société et la demande de responsabilité politique à partir du vote.

Outre l’antérieur, la Cour a affirmé dans l’arrêt C-551 2003 que le régime présidentiel est une des formes de gouvernement possibles dans les systèmes démocratiques, mais que le peuple peut manifester son désir de changement à travers un référendum pour passer du présidentialisme au parlementarisme ou à n’importe quelle forme de système qui permet de réduire ou d’augmenter la durée des fonctionnaires élus s’il existe des règles et des processus préétablis.

Le référendum sera alors légitime puisque le peuple aura utilisé les outils donnés par la Constitution pour modifier un des éléments fondamentaux de la Constitution.

Dans ce cas, il n’y a pas une substitution constitutionnelle malgré l’altération du principe de séparation des pouvoirs car « l’identité de la Constitution serait située à un

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16 niveau différent et plus général : la forme du gouvernement propre d’un système démocratique constitutionnel » 7.

Continuant avec ce type de jurisprudence, la Cour a déclaré dans l’arrêt 1040 2006 que l’esprit de la Constitution serait gardé intact avec l’inclusion d’une réélection.

Néanmoins, comme on l’a déjà énoncé, cette inclusion devait être accompagnée d’une loi de garanties pour l’opposition politique. D’ailleurs, la modification constitutionnelle a permis la réélection pour une seule fois, ce qui est la preuve d’une limitation du pouvoir présidentiel, au moins quant à sa durée. Selon la sentence judiciaire :

El pueblo decidirá soberanamente a quién elige como Presidente, las instituciones de vigilancia y control conservan la plenitud de sus atribuciones, el sistema de frenos y contrapesos continua operando, la independencia de los órganos constitucionales sigue siendo garantizada, no se atribuyen nuevos poderes al Ejecutivo, la reforma prevé reglas para disminuir la desigualdad en la contienda electoral que será administrada por órganos que continúan siendo autónomos, y los actos que se adopten siguen sometidos al control judicial para garantizar el respeto al Estado Social de Derecho.8

De cette façon, la Cour Constitutionnelle a donné une réponse défavorable aux citoyens qui ont demandé l’acte législatif 02 2004 pour vices de compétence.

Cependant, les arguments utilisés quatre ans plus tard par la même Cour montrent comment un gouvernement de plus de huit ans peut représenter une menace pour la Constitution. Quelle est la justification de cette inquiétude?

1.2.2 Les arguments de la Cour par rapport à la deuxième réélection présidentielle.

La décision 2010 aborde, bien sûr, le sujet de la substitution de la Constitution dans un contexte où plusieurs acteurs politiques ont déclaré l’incapacité de la Cour pour examiner si la Constitution avait été changée par une autre. Ainsi l’acceptation presque unanime des décisions antérieures par rapport à cette thématique s’est réduite de manière significative à cause de la bonne acceptation du président Uribe face à la majorité de la population. Il faut noter que son niveau de popularité à cette époque-là s’approchait les 70%.

Dans ce sens, le concept donné par le Procureur Général de la République par rapport à l’acte législatif en faveur de la réélection est favorable à la possibilité d’avoir un président pendant 12 ans. De plus il estime que la Cour ne possède pas la capacité constitutionnelle pour décider si le peuple ou le Congrès ont outrepassé leur compétence, puisque, selon le Procureur, lorsque le peuple promeut une réforme

7 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-1040 2005, p.69.

8 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-1040 2005, p.79.

(19)

17 constitutionnelle via un référendum, il a alors la même force qu’il aurait dans une Assemblée Constituante, car ces deux mécanismes sont l’expression du constituant primaire. Dans ce cas, alors, la décision de modifier la durée du mandat présidentiel ne représente pas une substitution de la Constitution mais la manifestation du désir de la population.9

La Cour Constitutionnelle est donc amenée à résoudre, dans l’arrêt 141 2010, le problème de savoir si le peuple se comporte comme constituant primaire ou non au moment de réaliser une réforme constitutionnelle. À ce propos, le tribunal affirme que tous les mécanismes de réforme, même ceux qui comprennent la consultation populaire, sont des manifestations du pouvoir constituant dérivé. D’ailleurs, le groupe de citoyens qui a réalisé une initiative populaire législative ne représente pas une majorité significative de la population et, par conséquent, il ne peut pas s’attribuer la voix de la société par rapport à la réélection.10

Cette position a été défendue par une partie de l’opinion publique et de l’académie, en reconnaissant que l’idée du peuple comme tout puissant par rapport à sa propre Constitution est illogique du point de vue démocratique. Humberto de la Calle, ex-vice-président de la république et juriste reconnu dans le pays, a posé la question rhétorique suivante : en termes d’humanité la restauration de l’esclavage à travers un référendum serait-elle légitime ?11 Le propos de la question est de mettre en évidence le risque de cacher sous l’idée de la démocratie majoritaire un pouvoir sans limites qui, finalement, violenterait l’Etat de droit.

Les défenseurs d’une troisième élection ont utilisé d’autres arguments pour justifier une nouvelle réforme à la Constitution. C’est le cas de l’assesseur politique inconditionnel du président Uribe, José Obdulio Gaviria, qui qualifiait les postes de mandat courts des postes honorifiques car le pouvoir doit se manifester à travers un exercice plus long où la citoyenneté puisse exprimer son accord ou désaccord par rapport au développement d’un programme politique déterminé. Pour lui, c’est le verdict populaire et non une interdiction constitutionnelle qui doit décider du renouvellement du mandat présidentiel ou de l’alternance dans le pouvoir.12

9 République de la Colombie, Concept du Procureur Général de la Nation No. 489 2010.

10 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-141 2010

11 Humberto DE LA CALLE, « El significado político de una nueva reelección », EGOB, Revista de Asuntos Públicos, Universidad de los Andes, 2009, p. 16-17

12 José Obdulio GAVIRIA, « La reelección presidencial », EGOB, Revista de Asuntos Públicos, Universidad de los Andes, 2009, p.19

(20)

18 Par rapport à ces arguments, la Cour a déclaré que ce type de système a tendance à favoriser le président. Aussi le renforcement des autres pouvoirs publics est-il fondamental pour garantir l’équilibre de pouvoirs. En plus de cette mesure, la Constitution a déterminé une durée spécifique pour que le président puisse développer son mandat. À partir de la limitation de cette charge, la Cour a considéré que le Constituant avait défini la durée des autres charges publiques. Par conséquent, si l’on modifie la durée du mandat présidentiel, on doit modifier aussi les durées et les conditions des autres charges.

Les conditions pour inclure la réélection sont données en 2006 avec la création de la loi de garanties qui régulait la participation du candidat-président pendant la campagne et les conditions pour l’opposition politique. Néanmoins, l’inclusion d’une seconde réélection représente une rupture constitutionnelle qui constitue une violation constitutionnelle. La Cour entend par rupture l’émergence d’une exception à une disposition de la Constitution. Cette exception ne viole pas toujours les principes constitutionnels, mais le cas d’une troisième élection présidentielle est considéré par la Cour comme une rupture négative.13

La Cour a déclaré aussi que la Colombie se trouvait dans la limite désirable de temps de permanence pour le président, puisque d’après l’expérience des pays avec un système présidentiel, la doctrine et l’histoire même montrent que plus de huit ans de mandat peuvent faire courir au régime un risque de perversion. Aussi les principes affectés par la loi 1354 de 2009 sont-ils, en premier lieu, le principe de l’alternance parce que la personne au pouvoir peut reproduire une tendance politique et idéologique particulière empêchant l’émergence de nouvelles idées ; et, en second lieu, le principe de la généralité et de l’égalité à partir du cas spécifique du président Uribe, seule personne qui remplisse toutes les conditions pour être élu une troisième fois.

D’ailleurs, la Cour souligne l’absence des mesures pour réduire le déséquilibre des conditions électorales pour les autres candidats par rapport au président car la loi de garanties créée en 2006 n’est déjà pas suffisante pour établir le respect de l’égalité des conditions pour tous les candidats et que, par conséquent, l’électorat peut être conditionné vers l’alternative du candidat-président, dans l’ignorance des autres alternatives.

13 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-141 2010, p.455

(21)

19 En conclusion, la Cour considère qu’une troisième élection dans ces conditions représente une prédominance de l’exécutif sur les autres pouvoirs publics si marquée qu’elle déforme les caractéristiques des systèmes présidentiels. Ainsi, cette réforme en faveur d’un nouveau mandat présidentiel correspond à une rupture de la Constitution quant à la structure des institutions. Selon la Cour :

Si a causa de la segunda reelección el sistema presidencial corre el riesgo de degenerar en el presidencialismo, si, además, el pluralismo, la participación y la noción de pueblo prohijada constitucionalmente sucumben ante la permanencia en el gobierno de una mayoría y si, por último, los elementos que configuran el modelo republicano se desvirtúan, ello quiere decir que la Constitutción de 1991 no sería reconocible en la que llegara a surgir de la autorización de una segunda reelección presidencia.14

De telle manière, la troisième élection se substitue, selon la Cour, à la Constitution en vigueur. Cette analyse, faite évidemment sur le fond, est donc le résultat de deux constructions parallèles : une construction juridique où la Cour a formé des concepts qui justifient formellement ses actions à travers sa jurisprudence, et une construction politique qui est possible grâce aux conditions propres de la Colombie, lesquelles seront développées dans la seconde partie de cette recherche. Reprenons ensuite la construction juridique.

1.3 La construction conceptuelle de la Cour Constitutionnelle

Ces dernières années, la Cour Constitutionnelle a développé trois concepts clés pour justifier la révision de certains éléments quant au contenu des lois colombiennes. À partir de cela, elle a légitimé face au monde juridique du pays, ses décisions sur quelques thèmes importants comme la réélection présidentielle. Pourtant on sait que la construction juridique peut être au service d’intérêts politiques cachés. Il est par conséquent fondamental d’analyser le processus de construction des nouveaux concepts et son impact sur la réalité politique du pays afin d’identifier si le but de la Cour est cohérent avec les besoins du pays au niveau judiciaire ou si ses actions sont, en fait, dangereux pour la démocratie colombienne.

1.3.1 Substitution de la Constitution

La définition de substitution de la Constitution est développée au cours des dernières décisions de la Cour Constitutionnelle. Elle stipule qu’une substitution se présente

14 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-141 2010, p.485

(22)

20 lorsqu’il y a une transformation d’une telle envergure et d’une telle importance que la Constitution antérieure à la réforme proposée semble être complètement différente de celle qui résulte de la réforme, à tel point que toutes les deux sont incompatibles15.

Ce concept est une création récente de la Cour Constitutionnelle qui n’est pas encore achevée mais qui a été développé petit à petit à travers les arrêts de l’organe judiciaire. La raison pour laquelle le concept est en processus de construction est parce que la Cour n’a jamais déclaré une loi ou un acte législatif comme non-conforme à partir de l’argument de la substitution de la Constitution.

Cependant, elle a inséré ce terme dans les décisions de ces dernières années, arguant du fait que la Constitution de 1991 ouvre un espace pour être réformée mais que se substitution ou sa suppression ne sont pas prévues. Ainsi la Constitution doit conserver son identité malgré les reformes réalisées. Textuellement, la Cour stipule :

« el título XIII [de la Constitution] habla de la reforma de la Constitución de 1991, pero en ningún caso de su eliminación o sustitución por otra Constitución distinta, lo cual solo puede ser obra del constituyente originario »16.

De plus, il n’est pas possible de traiter les actes de réforme de la Constitution de la même façon qu’on traite la loi ordinaire. Tandis que cette dernière est soumise à une analyse de constitutionnalité dans lequel le contenu est comparé avec toutes les dispositions de la Constitution, les actes de réforme ont vocation de changement et, par conséquent, de contradiction naturelle avec les normes supérieures existantes.

La Cour doit donc vérifier s’il s’agit d’une nouvelle proposition qui essaie de modifier la Constitution ou si, au contraire, il s’agit de nouveaux principes qui nient la nature même de la Constitution initiale17. À partir de cette interprétation, la Cour a pu vérifier quelques éléments considérés traditionnellement comme matériels. Où peut-on trouver le support théorique de cette révision constitutionnelle ?

Un tel support n’existe pas : seule existe l’interprétation de la Constitution de la part de la Cour Constitutionnelle par rapport à sa fonction. En termes de support légal, la seule source qu'a la Cour est, en fait, sa propre jurisprudence. Elle a aussi développé un autre concept complémentaire avec la substitution de la Constitution : les vices de compétence.

15 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-1040 2005, p.71

16 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-551 2003

17 Nicolás Augusto ROMERO PÁEZ, « Límites a la reforma de la constitución. Jurisprudencia de constitucionalidad de los actos de reforma 1991-2002 », Boletín 17 del Instituto de Estudios Constitucionales, Universidad Sergio Arboleda, 2009, p. 41

(23)

21 Ainsi, l’arrêt C-551 2003, (qui renvoie à un référendum proposé par le gouvernement) déclare que « les limites au pouvoir de réforme sont les limites formelles inscrites dans les règles des procédures établies par la Constitution et par les normes légales, mais qu'elles sont aussi les limites dérivées de la portée de sa compétence de réformer la Constitution ».

À partir de cette décision prise en 2003, s'est établie une ligne de jurisprudence quant à la compétence de la Cour pour examiner les vices de compétence dans le cadre d’une réforme de la Constitution. Cette thèse a été développée par des sentences comme la C-1200 de 2003, la C-572 de 2004, la C-970 de 2004 et la C-971 de 2004, référées aux demandes citoyennes à l’Acte Législatif N°.3 de 2002 (Administration de la Justice). D’autres décisions évoquent la compétence de la Cour pour vérifier l’existence d’une substitution possible de la Constitution, comme l’arrêt C-1040 de 2005, sur la demande d’inconstitutionnalité de l’Acte Législatif N°2 de 2004 (réélection présidentielle) et l’arrêt C-588 de 2009 sur une demande d’inconstitutionnalité de l’Acte législatif 01 de 2008 (modifications de la carrière administrative).

La Cour Constitutionnelle, dans le cas analysé, réaffirme que le peuple est titulaire de la souveraineté mais la Constitution de 1991 a limité cette souveraineté à certaines compétences. Ce qui signifie que le peuple peut agir mais dans les conditions et les limites imposées par la Constitution. C’est donc à la Cour elle-même de vérifier si le peuple excède ou non ces propres compétences.

1.3.2 Vices de compétences

Malgré le fait que la Constitution de 1991 n’établisse pas de manière expresse de clause immuable, le pouvoir de réforme a des limites selon la Cour. Afin de savoir si le pouvoir de réforme (même le référendum) a commis un vice de compétence, c'est-à- dire, si le sujet qui veut modifier la Constitution réalise cette action dans les limites imposées par la Constitution ou non, le juge constitutionnel doit analyser si la Constitution a été substituée par une autre, raison pour laquelle il faut tenir compte des principes et des valeurs constitutionnels, mais sans avoir à vérifier le contenu même de la réforme, parce que cela correspond à l’exercice d’un contrôle matériel.

Dès les premiers arrêts, la Cour Constitutionnelle a réfléchi aux vices de compétences. Par contre, ces vices n’ont pas toujours été considérés comme vices de procédure mais comme vices de fond. Ainsi, ces premières années, la Cour a fait une

(24)

22 différence entre les vices de forme subsanables18 et les vices insubsanables. Les premiers correspondaient aux vices de procédure tandis que les seconds pouvaient être considérés comme vices de fond, dont les vices de compétence.19

Cela n’était pas une raison suffisante pour empêcher la déclaration de non- conformité de quelques lois à cause du manque de compétence de la part du Congrès ou du peuple pour réformer la Constitution. C’est le cas, par exemple de l’arrêt C-531 1995 où la Cour a déclaré l’inconstitutionnalité de la modification de l’article 116 de la loi 1992 en raison de la faute commise par le Congrès. Celle-ci, reposait sur le manque de compétence du Parlement pour réguler un sujet de retraite des fonctionnaires publics dans une loi référée exclusivement au régime tributaire du pays, en transgressant le principe d’unité de contenu (unidad de materia en espagnol). La Cour Constitutionnelle a alors déclare que la loi avait accompli toutes les conditions formelles. Par contre, elle a été inconstitutionnelle à cause d’un vice matériel de compétence.

C’est pour cela qu’on peut trouver dans ces arrêts plusieurs salvamentos de voto20 de la part de certains magistrats qui se sont opposés à déclarer la non-conformité d’une loi à partir des analyses de fond en reconnaissant que la Cour a outrepassé ces fonctions constitutionnelles. On peut trouver un précédent dans l’arrêt C-042 1993 qui traite des excès des facultés extraordinaires données au gouvernement en 1989 afin d’accélérer certaines procédures judiciaires. Le magistrat Angarita Varón a fait son salvamento de voto en affirmant que les aspects de compétence correspondaient, sans doute, aux aspects sur le fond, en raison de l’analyse matérielle qu’ils exigent21.

L’incohérence argumentative entre les décisions prises par la Cour à partir des vices de compétence et les fonctions établies par la Constitution politique était évidente.

Aussi la Cour a-t-elle modifié l’argumentation de sa jurisprudence à partir de 2003 en commençant par l’arrêt C-551 2003. C’était la première fois que la Cour utilisait l’argument de la substitution de la Constitution pour expliquer que le pouvoir de réforme a des limites, même si la Constitution ne stipule pas que certains articles sont immuables.

18 C'est-à-dire, les vices auxquels on peut remédier.

19 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-600A 1995

20 Cela correspond aux avis de la part des juges qui sont contraires à la décision majoritaire par rapport à un cas d’analyse particulier.

21 Santiago CARDEÑO y Camilo PATIÑO, Vicios de competencia y de procedimiento en la formación de los actos legislativos en Colombia. Un análisis jurisprudencial, Universidad de Antioquia, Facultad de Derecho y Ciencias Políticas, Medellín, 2007, p.7 (Consulte électronique)

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23 À partir de ce moment-là, les vices de compétences ont fait partie du processus de révision des vices de procédures en tant qu’antécédents pour déterminer la capacité des citoyens à réformer la Constitution. Afin de ne pas entrer en contradiction avec les arrêts antérieurs où la Cour considérait les vices de compétences comme des vices matériels, elle affirme aujourd’hui que l’analyse sur la compétence est nécessaire pour déterminer tant les vices de procédure que les vices matériels. Ainsi, la Cour n’utilise cette analyse que pour déclarer l’inconstitutionnalité des lois en termes de vices de procédure22.

La portée de la Cour en ces termes l’a permis de construire une procédure pour déterminer s’il y a ou non une substitution constitutionnelle. De cette façon, il existe trois directions à suivre :

a) Déterminer si la réforme a introduit un nouvel élément considéré comme essentiel à la Constitution

b) Analyser si ce nouvel élément a remplacé celui qui a été adopté par le Constituant.

c) Comparer le nouveau principe avec l’antérieur pour vérifier s’ils sont opposés ou si différents qu’ils soient incompatibles23.

Malgré la clarté de ce processus, la Cour Constitutionnelle ne l’applique pas dans tous les cas analysés, ce qui montre le caractère arbitraire des vices de compétence.

Ainsi, tandis que l’arrêt C-551 2003 –relatif au contrôle de constitutionnalité d’un référendum convoqué par le gouvernement de l’époque– a développé une analyse sur la possible substitution de la Constitution à travers les vices de compétence, dans l’arrêt C- 816 2004, laquelle a déclaré la non-conformité de l’acte législatif 02 200324, la Cour a signalé que les vices de compétence étudiés étaient si complexes (mesures contraires aux accords internationaux pour combattre le terrorisme interne) que la Cour n’aurait pas le temps suffisant pour donner une réponse appropriée à ce sujet et, par conséquent, la non-conformité de l’acte a été déclarée seulement à partir des vices de procédure.

La Cour Constitutionnelle arrive alors à la conclusion suivante :

Es claro, por consiguiente, que el proceso de elaboración doctrinaria sobre la materia se encuentra en curso, a medida que se le presentan casos diversos a la Corte, y que, a partir de las premisas que de manera general se han fijado por la Corte, están abiertas algunas

22 Santiago CARDEÑO y Camilo PATIÑO, op. cit., p.20

23 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-141 2010, p.9

24 Cet acte législatif cherchait la modification des articles 15, 24, 28 et 250 de la Constitution Politique de Colombie pour faire face au terrorisme selon le Congrès de la République.

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24

opciones interpretativas en torno a los elementos y las condiciones en las cuales cabría predicar la existencia de un vicio competencial debido a una sustitución de Constitución25.

Les vices de compétence sont donc le résultat de la libre interprétation constitutionnelle d’un organe juridique pour que celui puisse faire une vérification matérielle des lois colombiennes. Bien que jusqu’aujourd’hui aucune loi n’ait été déclarée inexequible à cause des dits vices de compétence, l’existence de ce concept peut devenir une menace pour la démocratie en permettant l’instauration d’un gouvernement des juges.

Cependant, la réalité politique colombienne est si complexe qu’il est nécessaire de faire une analyse approfondie pour comprendre pourquoi les décisions de la Cour Constitutionnelle, même si elles ont l’air d’excéder les compétences établies dans la Constitution, peuvent parfois occasionner des effets positifs pour la démocratie même.

1.3.3 Le bloque de constitutionnalité

Dans le droit constitutionnel comparé il est possible de trouver la supériorité des accords internationaux sur les Constitutions de chaque pays. Dans le cas latino- américain, par exemple, les Constitutions de Nicaragua, du Honduras et du Pérou stipulent dans le texte constitutionnel la prééminence des accords internationaux26.

En Colombie l’article 4 constitutionnel détermine :

ARTICULO 4o. La Constitución es norma de normas. En todo caso de incompatibilidad entre la Constitución y la ley u otra norma jurídica, se aplicarán las disposiciones constitucionales.

La suprématie de la Constitution est donc évidente. Cependant, l’article 93 de la même Constitution stipule:

ARTICULO 93. Los tratados y convenios internacionales ratificados por el Congreso, que reconocen los derechos humanos y que prohíben su limitación en los estados de excepción, prevalecen en el orden interno.

Los derechos y deberes consagrados en esta Carta, se interpretarán de conformidad con los tratados internacionales sobre derechos humanos ratificados por Colombia.

Afin de résoudre les contradictions possibles entre les deux articles la Cour a créé le concept bloque de constitucionalidad lequel est défini comme l’ensemble de normes possédant une hiérarchie comparable à la Constitution ou les normes qui érigent des paramètres de constitutionnalité sans être nécessairement constitutionnelles27.

25 Cour Constitutionnelle colombienne, arrêt C-1040 2005, p. 65.

26Luis Eduardo CERRA, « La Constitución no es el límite. Impugnación de actos legislativos. Los límites del poder constituyente », Revista de Derecho 22. Universidad del Norte. 2004, p. 108

27 Luis Eduardo CERRA, op.cit., p. 124.

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25 Ainsi, la Colombie considère les accords sur les droits humains, le droit international humanitaire ou les conventions de l’Organisation International du Travail (OIT) comme des normes de hiérarchie constitutionnelle. De plus, certaines normes internes avec une hiérarchie inférieure à la Constitution sont prises en compte pour déterminer si quelques dispositions légales sont constitutionnelles ou non. C’est le cas de la loi organique du règlement du Congrès ou les lois statutaires.

Ce type de normes nationales et internationales sont mises par la Cour dans le bloque constitutionnel afin d’éviter la possible contradiction entre l’article 4 et l’article 93 de la Constitution. Néanmoins, cette contradiction est une création de la Cour Constitutionnelle à partir de son interprétation des articles précités.

Bien que l’article 4 stipule que la Constitution est la norme de normes, il faut ajouter qu’il fait référence au système juridique interne du pays. Par rapport au système international, l’article 93 est précis : les traités et les conventions internationaux liés aux droits humains prévalent dans l’ordre interne ; les droits et les devoirs constitutionnels doivent être interprétés conformément à ces accords.

L’interprétation de la Cour sur l’existence d’une contradiction entre les deux dispositions de la Constitution est une accusation indirecte faite à l’Assemblée Constituante de 1990 d’avoir commis une erreur dans la rédaction du texte. Cette position est erronée si l’on reprend l’article 9 constitutionnel :

Las relaciones exteriores del Estado se fundamentan en la soberanía nacional, en el respeto a la autodeterminación de los pueblos y en el reconocimiento de los principios del derecho internacional aceptados por Colombia.

Ainsi, le constituant primaire a montré son désir de faire prévaloir les normes internationales relatives aux droits humains sur la norme interne. Malgré cela, on a déjà vu comment la Cour Constitutionnelle a intégré ces dispositions dans le concept de bloque de constitutionnalité ce qui l’a permis de vérifier la conformité des actes législatifs en termes de respect des dispositions internationales sur les droits humains, un sujet qui a visiblement un contenu matériel.

1.3.4 La « modulación » des effets des sentences

Autre les concepts qu’elle a créés afin de vérifier les contenus des normes liées aux principes constitutionnels, la Cour a été complétée par les juristes qui ont construit une typologie des décisions de la Cour pour comprendre la portée de chacune de ces décisions et des outils qu’elle emploie afin de justifier sa position juridique. Ce

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26 phénomène est connu comme la modulación des effets des sentences ou l’inclusion de divers types de décisions qui ne se limitent pas a la déclaration de conformités des lois.

Il faut ajouter que ce n’est pas une création colombienne ; plusieurs tribunaux constitutionnels utilisent cette classification des sentences pour justifier ces décisions28.

Ainsi, par exemple, la Cour ne se limite pas à annuler les actions législatives, c'est-à-dire à remplir la fonction de législateur négatif29, mais à interpréter et conditionner les normes produites par le Congrès si elle estime qu’il existe un vide juridique.

De cette façon, il y a un premier type de sentences dites conditionnées où la Cour définit l’interprétation grâce à laquelle une loi déterminée doit se comprendre. Ce type de décision a été pris dans le cas colombien en 1994 dans l’arrêt C-473. La Cour a déterminé la conformité des articles 430 et 450 du Code du travail qui établissaient l’interdiction de la grève dans les services publics en précisant qu’ils ne sont constitutionnels qu’au moment de faire référence aux services publics essentiels, selon ce que stipule la Constitution politique. Pour les autres cas de grève, il s’agit d’un droit garanti de manière constitutionnelle. Quelques juristes estiment que la Cour Constitutionnelle donne ces interprétations afin de respecter les actions législatives du Congrès et de maintenir les lois dans l’ordre juridique30.

Il existe un second type de sentences interprétatives : les sentences intégratrices ou additives. Ici, le rôle de la Cour est d’additionner un contenu à la loi afin de la transformer en loi compatible avec la Constitution. La justification de cette action est l’existence d’une omission de la part du Congrès. Dans cette classification on trouve fréquemment des arrêts référés à l’égalité de certains droits. Ainsi, la Cour incorpore aux groupes qui, potentiellement, peuvent rester exclus de la novelle loi.

Aussi, la Cour peut additionner des conditions pour défendre aux citoyens qui se trouvent dans une situation d’exceptionnalité et qui n’ont pas été pris en compte par le Congrès. C’est le cas de l’arrêt C-690 1996 où les demandeurs de la loi tributaire exigeaient une exception par rapport aux sanctions imposées aux personnes qui ne présentaient pas la déclaration de revenus, puisque la loi ignorait les citoyens qui ne

28 Alejandro MARTÍNEZ, « Tipos de sentencias en el control constitucional de las leyes », Revista Estudios Socio-Jurídicos, Vol. 2 No. 1. 2000, p.17

29 Terme utilisé par Hans Kelsen pour expliquer que l’annulation d’une action législative de la part d’un tribunal judiciaire possède la même force créatrice que la production de la loi parce qu’elle modifie l’ordre juridique. Alejandro MARTÍNEZ, op. cit., p.12

30 Idem, p.15

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