• Aucun résultat trouvé

Droits et devoirs des membres

A) Constatations préliminaires

Le trait principal caractérisant l'association est la soumission du membre individuel à la société qui, à son tour, se trouve soumise à la volonté commune des sociétaires. Ce sont les sociétaires, ou à tout le moins la majorité d'entre eux, qui déterminent l'orientation de la société et, partant, sa relation avec les membres. Cette spécificité se répercute nécessairement sur l'aménagement des droits et devoirs des membres pendant la durée de la relation sociale. Elle se fait, toutefois, sentir déjà lors de la phase initiale qui mène à la demande d'adhésion du futur membre, phase contractuelle où les parties se trouvent en principe encore sur un pied d'égalité.

Prenons l'exemple du passionné de voile qui voudrait pratiquer ce sport sans acheter un voilier. Deux possibilités s'offrent principalement à lui: il louera un bateau ou s'inscrira dans un club de voile. Dans les deux hypothèses, il disposera du droit d'utiliser un voilier en contrepartie de prestations de sa part, consistant dans tous les cas en une somme d'argent. En poussant cependant la comparaison plus loin, l'on s'aperçoit que, dès le stade précontractuel, la relation entre les parties sera différente dans les deux hypothèses, et ceci pour plusieurs raisons et de plusieurs points de vue.

-La marge de négociation des parties au contrat n'est pas la même

Pour conclure un contrat avec son client, le loueur de voiliers devrait, en principe, pouvoir négocier et conclure une transaction - et, le cas échéant, la modifier par la suite - à des conditions répondant parfaitement aux exigences des deux parties. Ce faisant, les parties au contrat ne tiennent compte que de leur intérêt propre, celui du client de disposer d'un ou de plusieurs bateaux aussi souvent et aux heures qu'il souhaite, et celui du commerçant, principalement de nature lucrative. Ce dernier prendra certes en considération d'autres clients existants ou potentiels, mais uniquement dans la perspective de ses propres objectifs commerciaux et sans être soumis au respect d'une quelconque égalité de traitement entre ses clients. Concrètement, le loueur pourrait louer un, plusieurs

ou tous ses bateaux à une seule personne et à des conditions qui ne sont pas nécessairement les mêmes que celles figurant dans d'autres contrats de location.

Bien qu'un acte contractuel marque le commencement de la relation entre le membre et l'association et que celle-ci revête également un caractère bilatéral, à l'instar de la relation contractuelle, la situation dans laquelle se trouve l'association n'est pas la même que celle du loueur. Elle n'a pas la même marge de manoeuvre ni dans les négociations préliminaires en vue de l'adhésion du nouveau membre, ni d'ailleurs, au cours de la relation lorsqu'il s'agit de modifier le contenu de la "convention" conclue initialement.

L'association sportive, comme toute association, est constituée afin de poursuivre un but (idéal) commun à tous les membres et, de ce fait, elle ne doit et ne peut valablement négocier un engagement avec un nouveau sociétaire, sans tenir compte, d'une manière équitable, des nécessités et des souhaits de tous ses adhérents. Il s'ensuit que l'association ne saurait concéder l'utilisation exclusive d'un bateau à une personne, alors que la demande d'autres sociétaires resterait insatisfaite. Contrairement au commerçant ou à la société commerciale, l'association sportive doit, en outre, respecter l'obligation de traiter de manière égale ses sociétaires. Il serait, enfin, également incompatible avec l'esprit de l'association qu'elle "indemnise" financièrement les membres désavantagés, p. ex.

pour n'avoir pas pu utiliser les installations du club pendant des semaines, car celles-ci étaient réservées à un membre, une catégorie de membres ou des tiers.

Or, la réparation financière des préjudices constitue un moyen parfaitement légitime dans un contexte commercial contractuel.

- Les objectifs, les attentes et les exigences des parties ne sont pas les mêmes Ce facteur influence nécessairement le contenu de la relation, tant contractuelle que sociale. En raison de la durée réduite et déterminée de la plupart des contrats commerciaux comme le contrat de location de bateaux, les prestations dues de part et d'autre sont indiquées avec précision dans le contrat, souvent en la forme écrite, et généralement réduites à des prestations principales essentielles: la mise à disposition du bateau et de l'équipement utile, la conclusion des assurances nécessaires et le paiement de la location, voire la réparation d'éventuels dégâts.

Chaque partie veillera d'ordinaire à ce que ses droits et obligations soient stipulés en détail.

Le membre d'un club, au contraire, adhérera à la société dans la perspective d'un sociétariat de (longue) durée. Il peut paraître étonnant qu'il accepte, d'une manière très générale, que les seuls documents "contractuels" spécifiant les droits et obligations des parties soient les statuts et règlements contenant non seulement

des clauses formulées de manière plus ou moins explicite, mais également des lacunes. Les membres se contentent, en effet, de la place extrêmement réduite réservée à leurs droits au sein de ces réglementations. Ils acceptent également le manque de précision et de cohérence à l'égard des obligations qui leur sont imposées, que ce soit en vertu des réglementations de leur propre société ou par renvoi à celles des autres sociétés parties d'une fédération1.

A cette acceptation tacite d'imperfections réglementaires s'opposent les exigences ou espérances du membre relatives aux prestations accessoires de l'association, elles aussi souvent non mentionnées dans les réglementations. Le membre du club de voile, pour reprendre notre exemple, ne se contentera probablement pas de la simple mise à disposition d'un voilier, mais s'attendra, à juste titre, à pouvoir profiter d'équipements et de services supplémentaires qui iront, selon les moyens du club, de simples douches et vestiaires jusqu'à une infrastructure élaborée avec club-bouse, secrétariat, présence de moniteurs, organisations de concours, informations diverses, etc. Aucune clause dans les réglementations des associations sportives ne spécifie, en règle générale, ni les prestations principales, ni davantage les prestations accessoires que la société est censée fournir.

- Une éventuelle modification de la relation ne s'opère pas de la même manière Contrairement aux obligations des parties à un contrat, les droits et devoirs des membres d'associations peuvent être modifiés par décision unilatérale de l'association et sans le consentement de tous les membres. Cette prérogative de la société, comme l'inégalité dans le rapport de forces entre elle et les membres, qui en découle, se justifient par le fait qu'elle est censée représenter l'intérêt commun face à l'intérêt individuel. La liberté qui en résulte pour l'association dans la détermination des droits et obligations sociaux est importante, et ceci malgré les limites générales internes et externes imposées par le droit2 • Cette liberté est nécessaire afin que l'association puisse s'adapter à des circonstances modifiées dans le temps et aux exigences d'un sociétariat en perpétuelle mutation. Elle lui permettra de remplir sa mission, à savoir répondre, dans une plus ou moins juste mesure, aux attentes très différentes de tous ses membres.

1 Cf. ci-dessus, chap. IV, Ire partie A 2.

2 A TF 90 II 349; JX>Ur les limites imposées par le droit, voir chap. IV, Ire partie B.

Mais l'on ne saurait pour autant faire abstraction de l'intérêt individuel. La pratique d'un sport et les relations humaines dans le cadre d'une association sportive touchent de très près à la personnalité des membres. Ils peuvent influencer, de manière décisive parfois, le développement personnel et l'épanouissement de l'individu. Les attentes des membres vis-à-vis de leur club ou des organisations sportives, en général, seront proportionnées à l'importance du sport dans leur vie.

Des problèmes surgissent à des occasions où l'intérêt commun et l'intérêt individuel ne concordent pas ou concordent en partie seulement Tel sera souvent le cas dans la vie d'une association. Les décisions de l'association ne peuvent, à tout moment et sur tous les plans, satisfaire les attentes et exigences de chaque membre. Les impératifs auxquels obéit l'association peuvent, dans certaines situations, être divergents, voire même opposés à ceux du membre individuel.

Le conflit des intérêts est inhérent à toute société. Il est particulièrement visible dans les associations et encore davantage dans les associations sportives, en raison de l'investissement personnel des membres et de la dimension indéniablement émotionnelle du sport. Le potentiel conflictuel se trouve, d'ailleurs, augmenté dans le contexte du sport organisé, du fait que le volume extraordinaire des normes, notamment au niveau des réglementations des fédérations nationales et internationales, contraste fortement avec l'imprécision et les lacunes caractérisant ces mêmes normes.

Ni la constatation que l'association se doit d'exécuter la volonté commune, ni celle que des conflits entre intérêts collectif et individuel sont inévitables dans le contexte social, ne mènent pourtant à la conclusion que l'intérêt individuel doit être sacrifié dans toutes les situations. Certains droits et obligations défmis par le droit de l'association donnent précisément la priorité au membre en tant qu'individu, au détriment de la volonté collective, alors que dans d'autres situations, c'est l'intérêt commun qui prime.

Nous tenterons de donner un aperçu du cadre général donné par le droit de l'association dans lequel doivent s'insérer les droits et obligations réciproques entre la société et les membres. L'accent sera mis sur quelques points, qui nous paraissent particulièrement importants pour les organisations sportives. Quelques pages en fin de ce chapitre sont consacrées à la problématique du transfert de joueurs, qui déborde le cadre des relations internes de chacune des associations impliquées dans une telle transaction. Elle conserve néanmoins sa place dans le contexte de ce chapitre car elle démontre la complexité de l'application

concurrente des règles générales du droit et des normes spécifiques des sociétés sportives, ce à plusieurs destinataires se situant aux divers niveaux de la pyramide du sport organisé.