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Caractéristiques de la relation sociale

A) Le fondement juridique de la relation entre l'association et ses membres

1)

La

nature de la relation sociale

Dès son adhésion et jusqu'à la fin de son appartenance à l'association, le membre est titulaire de droits et d'obligations envers celle-ci. Il est généralement admis que la relation sociale n'existe qu'entre l'association et chaque membre, des rapports juridiques entre les membres nécessitant un engagement contractuel séparé ou des dispositions statutaires spéciales1.

La relation entre l'association et le membre s'exprime par les droits et obligations mutuels, qui trouvent leur fondement dans la loi et, pour la majeure partie, dans la réglementation des associations ainsi que dans les décisions des organes2. La nature et l'étendue des droits et- surtout- des obligations doivent être déterminées, pour l'essentiel, dans les statuts. Les règlements peuvent ensuite ftxer les détails de ces normes, qu'enfm les décisions viendront concrétiser3.

Le membre se trouve dans une situation particulière face au groupement dont il fait partie. Alors que son premier acte dans le contexte social - l'adhésion - est de nature contractuelle, découlant de l'autonomie de la volonté des parties et impliquant la concordance des volontés, la relation subséquente est d'une autre nature. Dès l'instant où le membre est admis dans la société, il ne se trouve plus dans une relation entre partenaires égaux, mais dans un ordre institutionnel

1 Meier-Hayo:dForstmoser, p. 63; Bütler, p. Il; Heini, Vereinsrecht, p. 45 avec références aux auteurs admettant la base statutaire; Egger, p. 434; Riemer, Die Vereine, p. 659ss, et Sattiva-Spring, p. 152, n'admettent pas de rapports juridiques réciproques entre les membres découlant du sociétariat.

2 Heini, Vereinsrecht, p. 45s; Bodmer, p. 83; Bütler, p. 34; Corbat, p. 59; la situation est tout à fait semblable en Belgique (cf. Germain, p. 27) et en Allemagne, alors que la loi joue un rôle plus important en France et en Italie.

3 Sattiva-Spring, p. 161; Netzle, p. 180.

caractérisé par un rapport de subordination entre l'association et le membre, ordre auquel il s'est soumis volontairement4. L'ordre social se rapproche davantage du rapport entre l'individu et !Etat que d'une relation contractuelle5.

Le contenu de la relation entre l'association et les membres est déterminé par la volonté collective. La collaboration et l'investissement personnels des membres sont primordiaux dans le processus de l'élaboration de cette volonté. Elle ne reflète, toutefois, pas forcément toutes les volontés individuelles, car l'association connaît le mécanisme du vote majoritaire. Les décisions que prend l'association deviennent obligatoires pour l'ensemble des sociétaires, alors même qu'une minorité de membres n'y adhère pas 7La concordance de la volonté de tous les membres n'est donc pas requise.

Le membre d'une association sportive, comme le membre de toute autre association, se trouve, en conséquence, obligé par les décisions de l'Assemblée Générale et par les règlements et décisions d'application subséquents, émis ou prononcés par les organes habilités de son association. A partir de cette constatation, l'on est immédiatement confronté à la réalité vécue dans le sport organisé, où le membre se voit pratiquement toujours soumis, non seulement aux réglementations de sa société, mais également à celles d'autres organisations officielles, en particulier des fédérations nationales.

2)

La

soumission des membres aux normes de l'association et des fédérations

Il est manifeste que les normes élaborées au niveau des fédérations nationales, sont destinées à être appliquées à tous les échelons des organisations sportives, peu importe si les destinataires disposent de la qualité de membres de ces

4 Heini, Vereinsrecht, p. 44, parle d'un "sozialrechtlicher Ordnungsmechanismus"; Mengiardi, p. 136ss; Sattiva-Spring, p. 149ss; Bütler, p. 84s; Bodmer, p. 84; Corbat, p. 59s, 62ss, 72; Netzle, p. 175. Barnes, p. 146, s'interroge au sujet de la validité de la soumission des membres aux statuts et règlements des associations sportives, en raison de l'absence, dans de nombreux cas d'affiliation au Canada comme ailleurs, d'un acte volontaire et librement négocié. Les réglementations ainsi imposées ressemblent, à son avis, plus aux conditions générales qu'à un véritable contrat.

5 Cf. pour la doctrine française, Simon, p. 4s, et en droit international, Rigaux, p. 66s.

6 Rosenberg, p. 42; Corbat, p. 67s; Meier-Hayo:rJForstmoser, p. 63; Netzle, p. 175. Aux termes de Meier-Hayoz, Schluep, Ott, p. 301, l'association "erfiihrt ihre Priigung aus der Individualitiit der einzelnen Gesellschafter".

7 Heini, Vereine, p. 543; Egger, p. 410, 434; Bütler, p. 34, 55ss, 82s (l'auteur définit l'autonomie de l'association comme "Mehrheitsherrschaft"); Riemer, Die Vereine, p. 136s, 623; Gschwend, p. 52s.

fédérations ou pas8. Du point de vue juridique, il est pourtant indispensable de déterminer la relation entre l'émetteur et le destinataire des normes pour pouvoir conclure à l'applicabilité ou non des normes du premier au second.

Les associations de base sont, en règle générale, membres de la fédération nationale et des fédérations intermédiaires; il n'y a donc pas de problème juridique spécifique dans l'application des règlements de ces dernières aux associations de base. Tel n'est pas nécessairement le cas des personnes physiques, membres des associations de base.

Dans l'hypothèse où le membre de l'association est également membre de la fédération nationale, voire des fédérations intermédiaires, il est titulaire des droits et obligations dans chacune des associations. Sa soumission à leurs réglementations ne soulève pas de problèmes juridiques de principe9.

Dans la majorité des disciplines sportives cependant, le membre de l'association de base n'est pas afftlié à la fédération nationale, alors que les règlements de ces dernières leur sont appliqués. Or, les droits et obligations sociaux ne s'attachent, en principe, qu'à la qualité de membre. L'association, la fédération dans la constellation qui nous intéresse ici, n'a aucun pouvoir sur des non-membres. Cela étant, les membres des associations inférieures ne sont pas soumis d'emblée aux obligations découlant des règlements des fédérations et, en particulier, au pouvoir sanctionne} de celles-ci10.

L'association de base peut cependant rendre obligatoires les règles de la fédération en les incorporant ou en y renvoyant par une clause spécifique dans ses propres réglementations 11 . Ces procédés rendent les règlements des fédérations nationales opposables aux membres des associations de base12.

8 Ces règlements comportent, en règle générale, les prescriptions des fédérations internationales relatives aux activités sportives (règles du jeu, règlements anti-dopage, prescriptions relatives au statut amateur, etc.).

9 Dans le même sens, Bodmer, p. 104.

10 Bodmer, p. 84s, 103; Gschwend, p. 71s (mais quelque peu en contradiction avec p. 58, où il préconise que membres directs et indirects des fédérations, à savoir les associations subordonnées et leurs membres, ont des droits et obligations comparables envers la fédération).

11 Pour certaines dispositions, qui doivent être qualifiées de clauses insolites, p. ex. la clause compromissoire, une clause générale de renvoi n'est pas suffisante. Ces clauses doivent figurer textuellement dans les documents signés par le sportif et, pour certaines d'entre elles, l'attention du membre doit spécifiquement être attirée sur la clause en question. Cf. chap. VI B 3 c.

12 Bodmer, p. 104s; Bütler, p. 93; Kummer, p. 28s; Scherrer, Rechtsfragen, p. 160.

En l'absence de dispositions de ce genre, la question qui se pose est celle de savoir si des droits et, en particulier, des devoirs peuvent être répercutés par un autre mécanisme sur les membres d'organisations inférieures13. Certains auteurs admettent, à l'égard de structures fédératives, que les règlements de la fédération constituent des devoirs sociaux des associations inférieures, ce dans leur qualité de sections, et se transmettent sur les membres de celles-ci en tant que droits et devoirs non écrits14.

Ce point de vue nous semble sujet à caution dans le contexte du sport organisé et ceci pour deux raisons au moins:

- Premièrement, les relations entre les diverses associations de la hiérarchie sportive sont loin d'être semblables dans tous les cas. L'intensité du lien organique varie fortement, notamment selon la fonction des associations concernées. Ainsi le lien de la fédération nationale avec les Ligues et, dans une certaine mesure, avec les fédérations régionales, est plus étroit que celui avec les associations de base. L'intensité des relations avec ces dernières, à tout le moins, n'est pas suffisamment importante pour justifier la transmission automatique de leurs droits et surtout de leurs devoirs, en tant qu'adhérents à la fédération, sur leurs propres membres.

- Il nous semble, en outre, difficilement défendable que les règlements de la fédération, constituant un véritable catalogue de droits et d'obligations, puissent être appliqués aux membres de clubs qui, pour la plupart, ne les ont probablement pas vus et n'ont peut-être même pas conscience de l'applicabilité de ces normes à leur égard15. S'il peut être admis avec Zufferey que le sportif 13 Environ la moitié des réglementations d'associations de base et des fédérations cantonales que nous avons étudiées ne comportent ni renvoi aux règlements des organisations supérieures, ni même mention de la relation avec celles-ci, d'où l'intérêt de la présente discussion.

14 Opposés à la transmission quasi automatique du pouvoir réglementaire de la fédération aux membres de ses membres: Bodmer, p. 105; Miitzler, p. 68s.

En faveur: Gschwend, p. 58; d'un avis nuancé, Riemer, Die Vereine, p. 220ss; Sattiva-Spring, p. 171ss, 177ss, 183, 187ss. Cette dernière exige une disposition statutaire au niveau de l'association inférieure, exprimant la volonté de celle-ci tendant à lier ses membres de cette manière.

Indépendamment d'une telle clause statutaire, Sattiva-Spring conçoit la situation sociale dans une structure fédérative de la manière suivante: l'appartenance de la section à une superstructure confère plus de droits et d'avantages, dont certains droits directs du membre envers la fédération (p. ex. l'action de l'art. 75, dans certaines situations), et dont le membre d'une association isolée ne bénéficierait pas. (Ceci est certainement vrai dans le contexte du sport organisé, en ce qui concerne les droits de jouissance. N.R.) Par conséquent et également en raison des activités accrues, les obligations imposées aux membres seront automatiquement plus importantes.

15 Dans le tennis, p. ex., les clubs ne sont pas forcément membres de la fédération nationale, ni de la fédération cantonale. Dans le sens de notre raisonnement, bien qu'en droit américain: Weistart, p. 43. Cet auteur n'admet pas que les règles d'associations d'écoles soient opposables aux athlètes individuels non affiliés à ces associations du seul fait qu'ils pratiquent leur sport dans le cadre de l'école.

professionnel accepte les règlements sportifs comme parties intégrantes du contrat de travail, parce qu'il y a un renvoi exprès et parce qu'il est de notoriété que tous les clubs-employeurs sont liés à leur fédération, cela ne peut, à notre avis, être présumé à l'encontre de tout sportif amateur16.

La conséquence, à notre sens, d'une situation où les statuts de l'association n'incorporent pas les normes de la fédération et n'y renvoient pas, consiste en la non-opposabilité des normes de la fédération aux membres individuels des associations de base. Cette solution nous semble d'autant plus justifiée que l'inclusion d'une disposition statutaire rendant ces normes obligatoires est des plus faciles.

Tant qu'il n'y a ni incorporation, ni renvoi aux réglementations d'autres associations faisant partie des structures officielles, le membre d'une des sociétés pourrait ainsi s'opposer à leur application et, en particulier, à d'éventuelles sanctions. Dans cette hypothèse, le pouvoir sanctionne! exercé contre le sportif repose certes sur une base statutaire, mais faute d'adhésion de sa part, il ne lui est pas applicable17 . Nous ne saurions suivre le raisonnement de Sattiva-Spring admettant que la fédération puisse sanctionner le membre d'une association inférieure, pour avoir gravement violé les intérêts de la fédération, par le prononcé de l'exclusion du membre de sa propre société, alors même qu'il n'avait pas la qualité de membre de la fédération18. Si les fédérations entendent disposer d'un aussi grand pouvoir, elles doivent -à notre avis - veiller à ce que les associations créent une base statutaire adéquate et la portent à la connaissance des membres19.

Il est intéressant de constater, à ce sujet, que les tribunaux, statuant sur les affaires du monde sportif, semblent présumer, jusqu'ici, l'existence de bases juridiques valables pour l'application des règlements des fédérations sportives:

nous n'avons trouvé aucune jurisprudence examinant le fondement de la soumission d'un sportif au pouvoir des organisations sportives.

Il sied de résumer, à ce stade, que les membres des associations inférieures se voient soumis à la volonté collective de leurs cosociétaires et éventuellement à celle des sociétaires des organisations supérieures, auxquelles ils ne sont pas affiliés. La validité de la soumission aux règlements d'autres organisations,

16 Zufferey, p. 114.

17 Sous réserve des cas où le membre est obligé sur la base d'un autre rapport juridique, comme un contrat de licence ou de travail renvoyant à la réglementation des fédérations nationales.

18 Sattiva-Spring, p. 185; de l'avis contraire, soit en accord avec nous, Badertscher, p. 232ss.

19 L'ASF insiste avec succès sur l'inclusion d'une telle disposition dans les statuts des clubs de football.

notamment des fédérations nationales et internationales, doit être examinée dans chaque cas concret. Elle dépend essentiellement de la relation sociale spécifique telle qu'elle ressort des réglementations applicables. Comme nous le disions en introduction, ces réglementations peuvent être modifiées par décision majoritaire dans chaque association ce qui laisse une très grande liberté à l'association dans la création et l'application des normes. La question qui se pose, par conséquent, est celle de savoir si la volonté collective décide en totale liberté de tout ce qu'elle voudrait réglementer ou si certaines limites lui sont imposées par le droit.

B) Les limites générales de l'autonomie des

organisations sportives dans la création et dans