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La consécration constitutionnelle du droit à l’assistance d’un avocat lors de la garde à vue en France Afin d’appréhender convenablement la reconnaissance du

Chapitre II : La protection des droits des justiciables pénaux à l’épreuve de la détermination de la norme de référence du contrôle de constitutionnalité a

A) Les droits fondamentaux des justiciables durant la phase pré-sententielle du procès pénal

99. La consécration constitutionnelle du droit à l’assistance d’un avocat lors de la garde à vue en France Afin d’appréhender convenablement la reconnaissance du

droit à l’assistance d’un avocat en France, il convient de retracer brièvement les différentes étapes jurisprudentielles qui ont présidé à sa consécration constitutionnelle. La question de la garde à vue a été au centre des préoccupations

471 Art. 706-88 Code. pr. pén. 472 Art. 706-88 Code. pr. pén.

473 P. BÉLIVEAU, J. PRADEL, « Les phases de la procédure pénale », in La justice pénale dans les droits canadien

et français. Étude comparée d’un système accusatoire et d’un système inquisitoire, Éd. Yvon Blais, 2ème éd., 2007, p. 458.

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en France suite aux deux condamnations de la Turquie par les juges européens. En effet, la Cour européenne des droits de l’Homme a décidé à deux reprises que l'impossibilité pour une personne gardée-à-vue de se faire assister par un avocat « a irrémédiablement nui à ses droits de la défense » et rendu, de ce fait, inéquitable le procès qui lui a été fait par la suite474. Peu de temps après, la Cour européenne des

droits de l’homme dans l’affaire Brusco contre France du 14 octobre 2010475,

condamnait la France en posant le principe du droit au silence et en affirmant sans ambiguïté que l’avocat devait pouvoir assister aux interrogatoires du gardé-à-vue. C’est dans ce contexte qu’intervient la décision phare du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010476 qui invalide le régime de droit commun de la garde-à-vue. En effet,

le Haut Conseil considère que le dispositif en vigueur ne réservait pas la garde-à- vue ainsi que ses prolongations, aux infractions présentant une certaine gravité. En outre, les personnes en faisant l’objet ne bénéficiaient pas de « l’assistance effective d’un avocat ». Enfin, elles ne recevaient pas la notification de leur « droit de garder le silence ». Ainsi, sous l’influence de la jurisprudence européenne et constitutionnelle, le législateur français est intervenu avec la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue477.

474 CEDH, 27 nov. 2008, affaire Salduz c./ Turquie, req. n° 36391/02, in JDJ, févr. n° 282 ; Y. LECUYER, « Les paradoxes du contentieux européen des droits de l'homme à l'égard des avocats », Cahiers de droit européen, 2015, n° 2-3, pp. 429-467 ; F. SUDRE, G. GONZALEZ, M. AFROUKH, K. BLAY-GRABARCZYK, L. MILANO, B.

PASTRE-BELDA, C. PICHERAL, A. SCHAHMANÉCHE, H. SURREL, « Les droits de procédure », RDP, 2015, n° 3, pp. 841-847 ; CEDH, 13 oct. 2009; Dayanan c. Turquie, req. n° 7377/03 : « le requérant n'a pas bénéficié de l'assistance d'un conseil lors de sa garde à vue (…) une telle restriction systématique sur la base des dispositions légales pertinentes, suffit à conclure à un manquement aux exigences de l'article 6 de la Convention, nonobstant le fait que le requérant a gardé le silence au cours de sa garde à vue ».

475 CEDH, 14 oct. 2010, Brusco c. France, req. n° 1466/07. D. GUÉRIN, « Flexibilité du droit européen : arrêts

Brusco c/ France et Gäfgen c/ Allemagne », D., 2010, n° 43, pp. 2850-2851 ; Y. LECUYER, « Les paradoxes du contentieux européen des droits de l'homme à l'égard des avocats », Cah. dr. eur., 2015, n° 2-3, pp. 429-467 ; F.

SUDRE, « Droit de la Convention européenne des droits de l'homme », JCP G, 2011, n° 4, pp. 182-188. 476 Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, D. 2010, p. 1949.

477 L. n° 2011-392, 14 avr. 2011 relative à la garde à vue (1) JORF n° 0089, 15 avr. 2011, p. 6610 texte n° 1 ; E.

GINDRE, « Une réforme en urgence : La loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue », RPDP, 2011, n° 2, pp. 297-310 ; P. BOUCHEZ EL GHOZI, « Garde à vue : une nouvelle donne pour l'entreprise », Journal des

Sociétés, 2011, n° 89, pp. 55-56 ; H. MATSOPOULOU, « Les dispositions de la loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue déclarées conformes à la Constitution », D., 2011, p. 3034 ; H. MATSOPOULOU, « La garde à vue - Une réforme inachevée », JCP G, 2011, n° 542 ; M.-L. RASSAT, « A remettre sur le métier - Des insuffisances de la réforme, Libres propos », JCP.G, 2011, n° 632 ; J. PRADEL, « Un regard perplexe sur la nouvelle garde à vue »,

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100. Les carences du régime de l’audition libre. Cependant aux yeux de la

doctrine478, la loi nouvelle est vite apparue insatisfaisante. C’est qu’en effet, le

suspect auditionné sous le régime de l’audition libre ne bénéficiait pas du droit à l’assistance à un avocat. Sur ce point, il convient de rappeler que pour les nécessités de l’enquête, l’article 78 du code de procédure pénale479 dans sa version issue de la

loi du 9 mars 2004, permet avec autorisation préalable du procureur de la République, le recours à la force publique pour faire comparaître les personnes qui n’ont pas comparu ou dont on peut craindre qu’elles ne répondent pas à la convocation. Ce faisant, parallèlement au régime de la garde-à-vue, des mesures coercitives aux fins d’audition pouvaient également être décidées par les officiers de police judiciaire. Cela étant, cette privation de liberté aux fins d’audition, ne conférait au suspect ni le droit au silence, ni le droit à l’assistance d’un avocat ainsi que toutes les composantes s’y rattachant. C’est dans cette perspective, que le Conseil constitutionnel juge, dans sa décision du 18 novembre 2011480, que ces

carences législatives portent atteinte aux droits de la défense du suspect auditionné sous le régime de l’audition libre. C’est ainsi qu’aux fins de rapprochement avec le régime de la garde-à-vue, la nouvelle loi du 28 mai 2014481, confère aux suspects

« entendus sans contrainte », les mêmes principes protecteurs des droits de la défense octroyés aux gardés à vue.

101. Le renforcement des droits de la défense lors de la phase pré-sententielle au procès pénal en France et au Canada. L’entrée en vigueur de la Charte et de la

question prioritaire de constitutionnalité au sein des deux ordres juridiques a donc considérablement renouvelé le contentieux de la procédure pénale dans un sens plus enclin à la protection des droits et libertés fondamentaux des justiciables. En effet, le 5e alinéa de l’article 61-1 du code de procédure pénale482 remanié par la loi du 27

478 H. MATSOPOULOU, « La garde-à-vue – Une réforme inachevée », JCP G 2011, n° 542 ; M.-L. RASSAT, « A remettre sur le métier – Des insuffisances de la réforme », Libres propos, JCP G, 2011, n° 632 ; J. PRADEL, « Un regard perplexe sur la nouvelle garde-à-vue », JCP G 2011, n° 665 ; G. ROUJOU DE BOUBÉE, « La réforme de la garde-à-vue », D., 2011, chron., p. 1570.

479 Art. 78 Code. pr. pén.

480 Cons. const., 18 nov. 2011, n° 2011/191/194/195/196/197 QPC, Mme Élise A. et autres [Garde à vue II], JORF 19 nov. 2011, p. 19480.

481 L. n° 2014-535, 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (1), JORF n° 0123, 28 mai 2014, p. 8864 ; V. PELTIER, E. BONIS-GARCON, « Chronique de droit pénal et de procédure pénale »,

NCCC, 2015, n° 48, pp. 177-194.

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mai 2014483 commande non plus seulement la présence d’un avocat dès le début de

la garde à vue, mais oblige à une réelle assistance de ce dernier envers les suspects. Au Canada, l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés a été l’occasion pour la Cour suprême de clarifier la notion de « détention »484 et partant,

de circonscrire la portée des articles 9 et 10 de la Charte. La portée du droit à l’assistance d’un avocat a été circonscrite au fil de la jurisprudence rendue par la Cour suprême du Canada à l’aune de la Charte. Ainsi, par exemple, peu de temps après l’avènement de la Charte, les juges suprêmes, dans l’arrêt Manninen485, ont

consacrés les deux volets de l’article 10(b) de la Charte, c’est-à-dire le volet information486 soit le droit d’être informé sans délai, et le volet application487 soit

les obligations qu’impose l’article 10(b) de la Charte aux agents de la paix. « Le volet information est aussi important que le volet mise en application. Pour que l’accusé puisse exercer son droit à l’assistance d’un avocat il doit en connaître l’existence et savoir que les représentants de l’État sont tenus d’en respecter l’exercice. Le volet information permet d’assurer une certaine égalité entre les policiers et la personne détenue parce qu’il y aura un équilibre par rapport à la connaissance de l’étendue des droits qui entrent en jeu. Le volet information a pour but de permettre aux personnes détenues de prendre des décisions éclairées au sujet des services qui lui sont offerts »488. Découle nécessairement du volet information,

le volet mise en application des droits prévus à l’article 10b) de la Charte. « En effet, pour assurer l’exercice de ses droits, il est indispensable que les représentants de l’État accordent une opportunité à l’accusé pour le faire. Sans cette opportunité raisonnable, la protection de l’al. 10b) serait vidée de tout son sens. Ainsi, lorsque le citoyen, détenu ou arrêté, choisit d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat, les agents de la paix ont l’obligation de faciliter cette mise en application. De cette obligation de faciliter la communication découlent deux devoirs subsidiaires que les agents de la paix ont l’obligation de remplir afin de s’acquitter de leurs devoirs en vertu de l’al. 10b). Premièrement, ils doivent accorder une opportunité raisonnable

483 L. n° 2014-535, 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (1).

484 R. c. Grant, 2009 CSC 32 ; R. c. Suberu, 2009 CSC 33.

485 R. c. Manninen, [1987] 1 RCS 1233, §. 23 : « Le droit à l’assistance d’un avocat a pour objet de permettre à la personne détenue non seulement d’être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d’obtenir des conseils sur la façon d’exercer ces droits ».

486 R. c Prosper, [1994] 3 RCS 236, §. 21. 487 R. c. Sinclair, [2010] 2 RCS 310, §. 279. 488 R. c Prosper, [1994] 3 RCS 236, §. 21

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de recourir à l’assistance d’un avocat et deuxièmement ils doivent surseoir à l’interrogatoire jusqu’à ce que le détenu ait eu une possibilité raisonnable de consulter un avocat. »489. De même, récemment, dans l’arrêt Willier490, la Cour

suprême est venu apporter des précisions importantes tant sur le droit de consulter un avocat de son choix et son effet sur son interrogatoire, que sur celui de consulter de nouveau un avocat491. En somme, si l’avènement de la Charte n’a pas créé le

droit à l’assistance d’un avocat492, son adoption a fait du droit à l’avocat un droit

fondamental constitutionnellement reconnu et enchâssé. L’entrée en vigueur de la

Charte et du nouveau moyen d’inconstitutionnalité français a également donné lieu

à une recrudescence du contentieux intéressant les principes spécifiques à certaines phases du procès pénal.

B) Les droits fondamentaux du justiciable pendant la phase de jugement

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