• Aucun résultat trouvé

Les conditions de recevabilité des moyens d’inconstitutionnalité devant les juridictions relevant de la Cour de cassation et devant la Cour de cassation

Section II : La divergence dans le déclenchement des moyens d’inconstitutionnalité au sein du procès pénal

A) Les conditions de recevabilité des moyens d’inconstitutionnalité devant les juridictions relevant de la Cour de cassation et devant la Cour de cassation

124. La gradation de l’exercice du contrôle de constitutionnalité des lois a

posteriori en France. L’étude respective du contrôle de constitutionnalité des lois a

posteriori d’abord par les juridictions relevant de la Cour de cassation (1), puis par

cette dernière (2) témoigne d’une gradation dans l’appréciation des conditions de recevabilité de la contestation constitutionnelle. Si cette intensité progressive dans le contrôle de constitutionnalité a posteriori n’existe pas au Canada, celle-ci témoigne d’une dilution certaine du contrôle de constitutionnalité a posteriori par le Conseil constitutionnel en France au profit des juges du fond et de la Cour de cassation. De ce point de vue, l’exercice de la question prioritaire de constitutionnalité autorise un certain rapprochement avec le contrôle diffus de constitutionnalité a posteriori qui prévaut au Canada.

168

1) Les conditions de recevabilité des moyens d’inconstitutionnalité devant les juridictions relevant de la Cour de cassation

125. Les gardes fous contre l’utilisation abusive de la question prioritaire de constitutionnalité. Le juge devant lequel une question prioritaire de

constitutionnalité est soulevée doit renvoyer le moyen d’inconstitutionnalité à la Cour de cassation dès lors que trois conditions de recevabilité sont remplies : « La disposition législative contestée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites ; elle doit en outre n’avoir pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; la juridiction doit enfin vérifier si la question posée n’est pas « dépourvue de caractère sérieux »574.

Ces trois critères sont cumulatifs de telle sorte que l’inexistence de l’un d’entre eux met un obstacle définitif au renvoi de la question à la Cour de cassation. La première condition retiendra particulièrement l’attention. En effet, il s’agit ici d’établir dans quelle mesure elle participe de l’aspect abstrait du contrôle a posteriori.

126. «Une disposition applicable au litige ou à la procédure, ou qui constitue le fondement des poursuites ». Ce premier critère pose la question essentielle du lien

de la question prioritaire de constitutionnalité avec l’instance en cours, lien dont le principe est posé à l’article 61-1 de la Constitution selon lequel le moyen doit être soulevé « à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction ». Dépassant le cadre assigné par le projet de révision de 1990575 qui imposait au juge du fond de

vérifier que la disposition contestée « commandait » l’issue du litige ou la validité de la procédure, la loi organique du 9 décembre 2010 a opté pour le critère, moins contraignant, d’une disposition « applicable au litige ou à la procédure », ou qui constitue le fondement des poursuites. La formulation du projet de révision de 1990, a été analysée comme un possible frein à l’exercice du droit nouvellement garanti

574 Art. 23-2 ord. n° 58-1067, 7 nov. 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, JORF 9 nov. 1958, p. 10129.

575 V. le projet de loi constitutionnelle portant révision des articles 61, 62 et 63 de la Constitution et instituant un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d’exception n° 1203 déposé à l’Assemblée nationale le 30 mars 1990.

169

par la Constitution, et donc considérée comme contraire aux termes de l’article 61- 1 de cette dernière. Pourtant, cette exigence aurait permis aux juges ordinaires de s’interroger dans une certaine mesure, en termes concrets sur la constitutionnalité d’une norme ayant force de loi. En effet, en sus de la vérification de l’applicabilité de la norme législative au litige a quo, les juges ordinaires auraient été amenés à s’assurer de la pertinence du problème constitutionnel quant à l’issue du procès. Les juges a quo auraient nécessairement apprécié la recevabilité du moyen d’inconstitutionnalité au regard de l’assise factuelle du litige. La faculté de ces derniers de s’interroger en termes concrets sur la constitutionnalité d’une norme législative contestée représente potentiellement la cause – principale mais non assumée – de l’assouplissement de la première exigence de recevabilité par la commission des lois de l’Assemblée nationale. C’est qu’en effet, reconnaître une telle prérogative aux juges ordinaires aurait ouvert la porte à un possible contrôle diffus de constitutionnalité a posteriori et constitué un affront au monopole dévolu au Conseil constitutionnel. En somme, l’étude de cette première condition de recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité conforte le sentiment d’objectivisation de l’exercice de la question prioritaire de constitutionnalité. Une fois cette première condition de recevabilité respectée par le moyen d’inconstitutionnalité français, celle-ci doit satisfaire à une deuxième exigence.

127. «La disposition doit n’avoir pas été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ». Selon l’article

23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958576, afin de mériter d’être renvoyée ou

transmise, la disposition litigieuse ne « doit pas avoir été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, "sauf changement de circonstances" »577. Étant donné que cette

condition de recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité doit être analysée communément par les juges suprêmes et par le Conseil constitutionnel, l’analyse de cette deuxième condition sera étudiée conjointement lors de l’étude tenant à l’appréciation des conditions de fond par le Conseil constitutionnel578.

576 Art. 23-2 ord. n° 58-1067, 7 nov. 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, JORF 9 nov. 1958, p. 10129.

577 Supra n° 134 et n° 136. Au Canada, c’est aussi un changement de circonstances (juridiques et factuelles) qui permet à la Cour suprême du Canada de s’écarter de ses précédents.

170

Enfin, l’examen de recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité effectué par les juges de l’ordre judiciaire, tant par les juges a quo que par les juges de la Cour de cassation, nécessite l’étude d’une dernière condition. Il s’agit d’apprécier le caractère sérieux du moyen d’inconstitutionnalité soulevé.

128. L’appréciation du caractère « non dépourvu de sérieux » de la question prioritaire de constitutionnalité par les juridictions relevant de la Cour de cassation. Il appartient dans un premier temps aux juridictions relevant de la Cour

de cassation, lorsque sera invoquée la contradiction d’une disposition législative avec un droit ou une liberté de considérer l’argument « non dépourvu de caractère sérieux »579. Par conséquent, les juges du fond en renvoyant la question par une

décision motivée, participent, indirectement, à l’évolution de la protection droits et libertés fondamentaux en permettant au Conseil de se prononcer, sous réserve du filtre de la Cour de cassation. Concernant le second cas, ils pourront conclure que la question n’est pas sérieuse parce que la loi est constitutionnelle. Autrement dit, si cette disposition permet pour l’essentiel de désencombrer le Conseil constitutionnel d’éventuelles demandes dilatoires, elle confère aussi aux juges du fond un pouvoir d’appréciation en ce que tout le déroulement de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité dépend de leur appréciation. En somme, les juridictions du fond occupent une place majeure dans la mise en œuvre du contrôle

a posteriori de constitutionnalité. Dans un second temps, lorsque la question

prioritaire de constitutionnalité a obtenu le « label de recevabilité » par les juridictions de fond, la décision est adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties.

171

2) Les conditions de recevabilité des moyens d’inconstitutionnalité devant la Cour de cassation

129. L’appréciation du caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation. La Cour de cassation pour sa part, en

application de la loi organique, doit statuer sur la question de constitutionnalité dans un délai de trois mois580. La Haute juridiction doit alors se prêter, tout comme les

juges du fond, à un examen complet de l’existence des conditions subordonnant le renvoi du moyen inconstitutionnel au Conseil constitutionnel. Le renvoi est décidé par la Cour de cassation lorsque les conditions suivantes sont réunies : d’une part, qu’il est soutenu qu’une disposition législative, qui n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution, dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou qu’elle constitue le fondement des poursuites. La troisième exigence est quant à elle plus spécifique que celle formulée concernant les juges du fond. En effet, la Cour de cassation s’assure que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux581. Le caractère sérieux de la question se distingue

par rapport au précédent caractère, par son aspect plus restrictif. Selon le Bureau du droit constitutionnel de la Cour de cassation, les juridictions de fond sont amenés à apprécier le caractère "opérant" du moyen d’inconstitutionnalité soulevé lorsque les juridictions suprêmes contrôlent son caractère "pertinent"582. Il devient logique que

cette gradation du caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité emporte appréciation de la constitutionnalité de la disposition législative critiquée par la Cour de cassation583. La Cour de cassation est tenue d’exercer un filtre plus

580 Art. 23-4 ord. n° 58-1067, 7 nov. 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, JORF 9 nov. 1958, p. 10129.

581 Art. 23-4 et 23-5 al. 3 ord. n° 58-1067, 7 nov. 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, JORF 9 nov. 1958, p. 10129.

582 Service de documentation, des études et du rapport, Bureau constitutionnel, « La question prioritaire, analyse développée », disponible sur http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/qpc_/

583 S.-J LIEBER, D. BOTTEGHI, « Le juge administratif, juge constitutionnel de droit commun ? », AJDA, 2010, p. 1355 : « En effet, elles (les juridictions suprêmes) ont été faites par le législateur juges de l’utilité du filtre : s’il s’agissait simplement d’écarter les questions fantaisistes, le travail a déjà été assuré parles juges du fond. Le second filtrage implique de confronter les exigences constitutionnelles telles que dégagées par le Conseil constitutionnel à la disposition législative contestée, de porter une appréciation sur une éventuelle contrariété, puis sur le caractère

172

resserré que celui des juges du fond et la pratique jurisprudentielle apprend qu’elle apprécie la constitutionnalité des dispositions législatives contestées devant elle à travers deux modalités. D’abord, en ayant recours à d’autres dispositions du droit pénal. Ensuite, en justifiant ses refus de renvoyer sur la compétence du juge judiciaire. Dans les deux hypothèses, la chambre criminelle de la Cour de cassation exerce un contrôle limité de constitutionnalité dans la mesure où elle n’exerce pas un contrôle similaire à celui du Conseil constitutionnel.

130. L’annihilation du caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité par le recours à d’autres dispositions du droit pénal. La

pratique jurisprudentielle témoigne du fait que la chambre criminelle de la Cour de cassation conclut à l’absence de caractère sérieux des questions prioritaires de constitutionnalité au regard des garanties pénales offertes par d’autres textes. La chambre criminelle analyse ainsi la constitutionnalité des dispositions législatives critiquées à l’aune de l’ensemble droit pénal. Ainsi, la chambre criminelle a jugé conforme à la Constitution l’interdiction d’exercer un pourvoi contre les arrêts d’acquittement dès lors qu’aucun texte n’empêche l’exercice d’un pourvoi aux fins de réparation civile584, la mise en examen d’une personne ayant préalablement eu le

statut de témoin assisté par simple lettre recommandée offre les mêmes garanties que la mise en examen classique dès lors que celui-ci a déjà déclaré une adresse, bénéficie du droit d’être assisté par un avocat et a pris connaissance du réquisitoire introductif585. Enfin, la possibilité pour le ministre du budget de saisir les juridictions

pénales après avis de la commission des infractions fiscales sans que les parties puissent faire leurs observations ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable dès lors que le prévenu peut connaître et discuter ultérieurement les charges devant un tribunal indépendant et impartial586. Si cette forme d’appréciation du caractère

sérieux des questions prioritaires de constitutionnalité n’a pas été envisagée par le Constituant français, elle permet d’examiner la disposition législative critiquée au sein du système pénal dans lequel elle s’insère. Outre, le recours à d’autres dispositions du droit pénal, la chambre criminelle justifie l’absence de caractère

sérieux de celle-ci. On voit difficilement comment les juges pourraient procéder à un tel examen sans apprécier la constitutionnalité de la disposition ».

584 Cass. crim., QPC, 13 mai 2015, n° 14-86873. 585 Cass. crim., QPC, 6 mai 2015, n° 14-87984. 586 Cass. crim., QPC, 3 déc. 2014, n° 14-82526.

173

sérieux des questions prioritaires de constitutionnalité au regard des prérogatives judiciaires exclusives, notamment l’interprétation et la sanction des dispositions législatives.

131. L’annihilation du caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité par le pouvoir d’interprétation et les prérogatives exclusives du juge judiciaire. Le contrôle limité de la constitutionnalité des dispositions

législatives contestées devant la chambre criminelle se réalise également lorsqu’elle réfute le caractère sérieux des questions prioritaires de constitutionnalité qui empiétent sur les compétences du juge judiciaire. Deux hypothèses doivent être distinguées. En effet, afin d’anéantir le moyen d’inconstitutionnalité, la chambre criminelle peut opposer aux plaideurs le pouvoir d’interprétation qui entre dans l’office du juge pénal ou l’existence de prérogatives judiciaires exclusives qui ne peuvent faire l’objet d’une contestation constitutionnelle. La première hypothèse peut être illustrée par les questions prioritaires de constitutionnalité au travers desquelles sont invoqués systématiquement les principes de légalité des délits et des peines, de clarté et de précision de la loi, ainsi que de prévisibilité juridique consacrés à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Par une formule classique, la chambre criminelle réfute le caractère sérieux des questions prioritaires de constitutionnalité dès lors qu’elles empiètent sur l’office du juge pénal : « La disposition critiquée est rédigée en des termes suffisamment clairs pour permettre son interprétation et sa sanction, qui entrent dans l’office du juge pénal, sans risque d’arbitraire »587. Par exemple, la chambre criminelle en a jugé ainsi

concernant l’article L234-1-II du Code de la route qui définit le délit de conduite en état d’ivresse manifeste588, l’article 222-13 du Code pénal qui ne prévoit pas de

définition des violences589, et l’article 432-15 du Code pénal qui incrimine le

détournement de fond publics sans définir les personnes dépositaires de l’autorité publique visées590. Par ailleurs, et il s’agit de la seconde hypothèse, la chambre

587 Cass. crim. QPC, 6 juin 2012, n° 12-90.016 concernant l’enregistrement et fixation d’images ou représentations pornographiques de mineurs ; Cass. crim, QPC, 24 sept. 2013, n° 12-87.059 concernant l’article 121-3 du code pénal ; Cass. crim. QPC, 7 janv. 2014, n° 13-82.514 concernant la contrefaçon ou falsification de chèques et usages ou encore, Cass. crim., QPC, 22 juin 2016, n° 16-900.12 concernant le proxénétisme.

588 Cass. crim., QPC, 24 juin 2015, n° 15-82123. 589 Cass. crim., QPC, 5 mai 2015, n° 15-8183. 590 Cass. crim., QPC, 20 mai 2015, n° 14-86842.

174

criminelle justifie ses refus de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité lorsque les dispositions litigieuses conduisent à contester les prérogatives exclusives des juges judiciaires. La chambre criminelle a pu ainsi s’ériger en gardienne du pouvoir judiciaire lorsque le choix de la qualification pénale a été contesté591 ou bien lorsque les décisions du juge judiciaire en sa qualité

d’organe de contrôle des actes d’enquêtes et d’instruction était mise en cause592. En

somme, lorsque la chambre criminelle apprécie le caractère sérieux des questions prioritaires de constitutionnalité tant au regard des autres textes du droit pénal que de la compétence des juges judiciaires, son contrôle de constitutionnalité a

posteriori ne souffre que peu de critiques et peut être qualifié de « normal » en ce

qu’elle apprécie la constitutionnalité des dispositions pénales sans aller au-delà des prérogatives que lui confère l’article 61-1 de la Constitution. La question prioritaire de constitutionnalité relative au délit de consultation habituelle de sites internet terroristes593 est éloquente. Faisant preuve de modération dans la justification du

renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, la chambre criminelle de la Cour de cassation précise d’une part, « qu’il apparaît utile »594 que le Conseil

constitutionnel juge de la constitutionnalité ou non des dispositions critiquées et, d’autre part, usant de l’imparfait, émet un doute quant à la constitutionnalité de la première exemption relative à la consultation habituelle de bonne foi595.

Mais, quelles sont les potentielles raisons qui ont poussé le constituant français à établir un tel cheminement procédural que doit franchir la question prioritaire de constitutionnalité ?

591 Cass. crim., QPC, 7 juin 2011, n° 10-88315 : « La question posée ne présente pas, à l’évidence, un caractère sérieux, dès lors qu’elle revient, dans la procédure en cause, à contester la qualification appliquée aux faits poursuivis par le ministère public et les juges du fond qui est soumise au contrôle de la Cour de cassation. ». 592 Cass. crim., QPC, 6 avril 2016, n° 15-86043 : « Et attendu que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux ; que, d’une part, l’interception est ordonnée et contrôlée par le juge, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle… ».

593 Cons. const., 10 févr. 2017, n° 2016-611 QPC.

594 Cass. crim., QPC, 29 nov. 2016, n° 5797 : « Qu’en effet, d’une part, la disposition contestée incrimine la seule consultation habituelle de contenus, provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, qui montrent la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie, de sorte qu’il apparaît utile que le Conseil constitutionnel se prononce sur la nécessité et la proportionnalité de cette atteinte au principe de la liberté de communication ».

595Cass. crim., QPC, 29 nov. 2016, n° 5797 : « Que, d’autre part, si trois des exemptions prévues par le texte, à savoir que la consultation est faite dans le cadre de l’exercice d’une profession ayant pour objet d’informer le public, qu’elle intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou qu’elle est réalisée afin de servir de preuve en justice, sont précisément définies, il pourrait n’en être pas de même de la première exemption prévue, relative à la consultation habituelle de bonne foi ».

175

132. Le caractère abstrait du second filtre. Le bref rappel procédural relatif à la

question prioritaire de constitutionnalité témoigne une nouvelle fois que l’appréciation des conditions de fond de la question échappe au Conseil constitutionnel au profit de l’intervention « des juges du double filtre ». L’instauration du double filtrage participe conséquemment à la dissociation du sort de la contestation constitutionnelle au regard du procès pénal qui est à l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel, sans pour autant être totalement hermétique aux faits de l’espèce, se trouve éloigné du litige pénal au sein duquel naît la contestation constitutionnelle. De la sorte, le second filtre participe de l’exercice objectif du contrôle de constitutionnalité a posteriori en n’instaurant qu’un dialogue indirect entre les juges a quo et le Haut Conseil. C’est en ce sens qu’on a pu relever « l’effet abstractif du second filtre »596. Cette spécificité

procédurale relative à l’instauration d’un double filtrage, ne trouve pas son équivalent au Canada. Cette absence procédurale peut s’expliquer par le caractère diffus du contrôle de constitutionnalité a posteriori préalablement évoqué. Au Canada, les juges de droit commun détiennent le pouvoir d’apprécier la constitutionnalité des dispositions pénales. Aucune condition de recevabilité de l’exception d’inconstitutionnalité canadienne ne participe à la scission entre la contestation constitutionnelle et le procès pénal à l’occasion duquel elle a été posée. En revanche, en France, ce sont d’abord les textes qui ont encadré la compétence du Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a posteriori qui l’amènent à exercer un contrôle principalement objectif et abstrait.

596 M. DISANT, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité. Cadre juridique, pratiques jurisprudentielles, Paris, Lamy, 2011, p. 107.

176

B) Les conditions de recevabilité des moyens d’inconstitutionnalité devant le

Outline

Documents relatifs