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Les conditions de stabilité de la dynamique des prix

Chapitre 2 : La théorie des cycles de crédit

4. Analyse de la dynamique

4.2. Les conditions de stabilité de la dynamique des prix

Dans cette partie, nous allons démontrer que l’on peut distinguer quatre dynamiques de prix possibles à partir des conditions de stabilité. La première correspond à une convergence monotone des prix. Dans ce cas, le choc monétaire n’engendre pas de perturbations bancaires, et les prix se stabilisent sans générer de fluctuations cycliques. La seconde possibilité décrit une convergence oscillatoire. Ce type de dynamique constitue une approximation de la théorie des cycles de crédit envisagée par Fisher. Les troisième et quatrième trajectoires de prix possibles décrivent des fluctuations instables, oscillatoires pour l’une, monotone dans l’autre. Nous montrons que, dans les deux cas, l’instabilité repose sur une propension élevée des agents à l’endettement.

Reprenons notre raisonnement. Nous savons que f(rt) = f(i – ). En linéarisant

cette fonction au voisinage de P*, nous obtenons58 :

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Pt+1 = ( ) ( ) ( )

Pt est donc une suite récurrente d’ordre deux :

Pt+1 = A + BPt + CPt-1 avec

⎧ A =

B =

( ( ) ( ))

= g > 0

C =

( )

= − h < 0

Son équation caractéristique est de la forme :

x² – gx + h = 0

De manière générale, la stabilité de la dynamique des prix dépend des racines de l’équation caractéristique. Si elles sont de module inférieur à l’unité, alors le processus converge, autrement il est instable. Nous renvoyons le lecteur à l’appendice B de l’annexe mathématique pour l’étude détaillée des racines de l’équation caractéristique59. Nous en

résumons les principaux résultats dans le tableau suivant. Les conditions de stabilité sont exprimées par rapport à la variable h qui, comme nous venons de l’indiquer, est linéairement reliée à f (i) et constitue donc un indicateur de la sensibilité de la demande de crédit :

Dynamique Stable Instable

Fluctuations Monotones Oscillatoires Oscillatoires Monotones

Conditions Δ > 0 h ≤ h < 1 Δ < 0 h < h ≤ 1 Δ < 0 1 < h ≤ h Δ > 0 1 < h < h

Interprétons économiquement ces résultats. Il s’agit d’expliquer pourquoi les fluctuations peuvent être monotones ou bien oscillatoires et, d’autre part, les facteurs qui en déterminent la stabilité globale. Tout d’abord, notons que la convergence vers l’équilibre comme la forme des fluctuations dépendent de la même variable h, c’est-à-dire de la sensibilité

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de la demande de crédit au taux d’intérêt réel. Selon notre interprétation, au fur et à mesure que cette dernière s’élève, elle engendre des cycles puis de l’instabilité. Plus précisément, la demande de crédit est faiblement sensible aux variations du taux d’intérêt réel lorsque la dynamique converge sans générer de fluctuations ; elle l’est modérément quand cette convergence des prix s’accompagne d’oscillations et enfin, elle l’est fortement lorsqu’elle entraîne une instabilité globale.

Nous pouvons commencer à préciser notre lecture en comparant ce qui sous-tend la trajectoire des prix dans les deux cas stables. Dans l’un, elle tend de manière monotone vers l’équilibre tandis que, dans l’autre, elle oscille avant de converger vers celui-ci.

Observons ce qui se passe lorsque les prix s’acheminent de façon régulière vers l’équilibre. Dans cette situation, la monotonie de la dynamique signifie que le taux d’inflation est décroissant de périodes en périodes. Or, cette réduction du taux d’inflation suppose que la première augmentation de M’ exerce un effet moins fort sur le niveau général des prix que le choc monétaire. Pour qu’il en soit ainsi, il est nécessaire que la demande de crédit ait une faible sensibilité aux variations du taux d’intérêt réel. De la sorte, le crédit bancaire ne déstabilise pas l’économie. Celle-ci converge de façon stable vers le point fixe où la hausse du niveau général des prix est strictement proportionnelle au choc monétaire initial (voir la partie 4.1.).

Les choses se présentent tout à fait différemment lorsque les fluctuations sont stables mais oscillatoires. Dans cette configuration, les oscillations de prix consécutives au choc monétaire indiquent que, contrairement au cas précédent, le taux d’inflation n’est pas décroissant de manière linéaire mais, à l’inverse, qu’il alterne des phases de croissance et de ralentissement. Or, nous venons de voir que si l’effet de la première augmentation de M’ sur les prix était inférieur à celui du choc monétaire, alors le taux d’inflation décroissait continuellement jusqu’à atteindre zéro. Par conséquent, la condition à laquelle les prix oscillent est une accélération du taux d’inflation à la période qui succède au choc monétaire. Une telle propriété revient à dire que la demande de crédit est plus sensible aux variations du taux d’intérêt réel que dans le cas des fluctuations stables et monotones. Il apparaît ainsi que le caractère non monotone des fluctuations repose sur une élévation de l’élasticité de la demande de crédit.

Si cette caractéristique permet de rendre compte de l’absence de monotonie des fluctuations, elle n’explique toutefois pas la manière dont les oscillations s’auto-entretiennent. Le mécanisme est le suivant. A la suite du choc monétaire inflationniste, deux effets sont à

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l’œuvre sur la demande de crédit. Tout d’abord, cette dernière est stimulée par un effet nominal : le taux d’inflation étant positif, l’augmentation du niveau général des prix accroît mécaniquement la valeur nominale de la demande de crédit d’une période à l’autre. A cet effet purement nominal s’ajoute un effet réel lié à la rigidité du taux d’intérêt : la demande de crédit augmente également en volume en raison de la baisse du taux d’intérêt réel. Néanmoins, cet effet réel devient négatif dès lors que le taux d’inflation décroît. En effet, une baisse du taux d’inflation implique une hausse du taux d’intérêt réel et donc une contraction de la demande réelle de crédit. L’effet volume est donc pro-cyclique puis contra-cyclique. Le retournement de la phase ascendante du cycle s’opère ainsi dès lors que l’effet volume négatif lié à la hausse du taux d’intérêt réel domine l’effet nominal positif lié à l’augmentation du niveau général des prix : à ce moment-là, M’ diminue, ce qui engendre la chute des prix. Inversement, dans la phase décroissante du cycle, l’effet nominal sur la demande de crédit est négatif tandis que l’effet volume devient de plus en plus positif au fur et à mesure que le taux de déflation se réduit. La reprise de la croissance s’effectue alors dès que l’effet volume a un impact plus important sur la demande de crédit que l’effet nominal. Le caractère oscillatoire de la dynamique repose donc sur les fluctuations du taux de variations des prix.

A ce stade, nous avons expliqué pourquoi les fluctuations pouvaient être oscillatoires, mais nous n’avons pas encore précisé pourquoi dans un cas, elles s’amortissent de périodes en périodes tandis que dans un autre, elles s’amplifient au point de rendre l’équilibre instable. En d’autres termes, il nous faut encore expliciter ce qui détermine la stabilité des fluctuations oscillatoires. Cette propriété découle de l’hypothèse qui est faite sur l’élasticité de la demande de crédit par rapport au taux d’intérêt réel : lorsqu’elle est modérée, les fluctuations sont stables tandis qu’elles sont instables lorsque cette élasticité atteint des valeurs élevées. Il en est ainsi car l’amplitude des fluctuations est proportionnelle à la sensibilité de la demande de crédit : plus la réaction de cette demande à la baisse du taux d’intérêt réel est grande, plus les variations de prix seront importantes. Or, plus l’amplitude du cycle est élevée, plus l’effet nominal de la hausse des prix exerce un poids important sur la demande de crédit. Autrement dit, l’élévation de l’élasticité de la demande de crédit renforce les forces qui alimentent la procyclicité de la dynamique. Dès lors, passé un certain niveau de cette élasticité, les fluctuations finissent par devenir incontrôlables car l’amplitude du cycle est telle que les forces stabilisantes (l’effet volume du taux d’intérêt réel) deviennent insuffisantes pour réguler la dynamique : l’équilibre est alors totalement instable.

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Il apparaît ainsi que le cas des fluctuations stables et oscillatoires correspond à des valeurs modérées de la sensibilité de la demande de crédit par rapport au taux d’intérêt réel : suffisamment élevées pour engendrer des oscillations, mais suffisamment faibles pour préserver la stabilité globale du système économique. A contrario, le cas des fluctuations instables et oscillatoires repose sur un niveau élevé de l’élasticité de la demande de crédit, ce qui se traduit par un accroissement de l’amplitude du cycle de périodes en périodes, jusqu’à l’implosion du marché.

Passons maintenant à la situation dans laquelle les fluctuations sont instables mais monotones. Dans ce cas, l’économie est prise dans une spirale « hyper-inflationniste » car, à chaque nouvelle hausse du taux d’inflation, la baisse du taux d’intérêt réel s’accélère, ce qui fait augmenter le taux de croissance de M’ et, en retour, stimule l’accroissement du taux d’inflation. Cette dynamique s’auto-entretient jusqu’à l’effondrement du système. L’instabilité se manifeste donc par une augmentation incontrôlable du taux d’inflation : ce dernier s’accélère continuellement d’une phase à l’autre. Nous sommes ainsi dans une situation complètement symétrique à celle où les prix convergent de façon monotone. Or, nous avions alors vu que la décroissance linéaire du taux d’inflation reposait sur une faible sensibilité de la demande de crédit. Inversement, sa croissance régulière se fonde donc sur une sensibilité très élevée de cette demande. L’absence de tout ralentissement du taux d’inflation révèle même qu’elle est plus importante que dans le cas des fluctuations instables et oscillatoires.

Si notre interprétation est acceptée, elle aboutit à deux conclusions importantes. D’une part, l’instabilité est uniquement provoquée par une réactivité élevée de la demande de crédit aux fluctuations du taux d’intérêt, et non par un surendettement général60. D’autre part, ce que

nous avons appelé le « cycle de Fisher » constitue un cas particulier d’un modèle plus général. En d’autres termes, les enchaînements qu’il décrit dans le chapitre 4 du Pouvoir d’Achat de la Monnaie impliquent une hypothèse de sensibilité modérée de la demande de crédit. C’est ce que nous allons maintenant préciser à travers une série d’exemples numériques.

60 Le lecteur de Fisher reconnaît ici une hypothèse qui occupe, à l’inverse, un rôle central dans la déflation par la

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