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Chapitre 2 : La théorie des cycles de crédit

5. Conclusions et interprétations

Résumons notre propos. Notre travail a mis en évidence trois résultats : (1) la dynamique des prix peut converger sans perturbations bancaires sous les hypothèses de Fisher ; (2) le « cycle de Fisher » constitue un cas particulier parmi d’autres trajectoires de prix possibles ; (3) dans le modèle de 1911, l’instabilité repose sur une élasticité élevée de la demande de crédit au taux d’intérêt réel. Tirons-en maintenant quelques conséquences.

Tout d’abord, la possibilité que les prix convergent sans s’accompagner de désordres bancaires à la suite d’un choc monétaire renforce le projet d’intégration du crédit bancaire à la théorie quantitative entrepris par Fisher au chapitre 4 du Pouvoir d’Achat de la Monnaie. Nous avons montré que la condition d’une telle dynamique était une faible sensibilité de la demande de crédit.

Deuxièmement, du point de vue de l’interprétation de ce chapitre, et plus généralement par rapport à la question des effets d’un choc monétaire, notre étude permet d’exposer une hypothèse absente du raisonnement de Fisher, mais nécessaire à la cohérence de sa théorie. En effet, nous avons montré que le déroulement du « cycle de Fisher » impliquait une sensibilité modérée de la demande de crédit par rapport aux variations du taux d’intérêt réel.

Troisièmement, notre travail propose une nouvelle interprétation des rapports entre la déflation par la dette et la théorie des cycles de crédit de Fisher. Nous avons souligné l’influence de la demande de crédit sur la stabilité de l’équilibre dans cette dernière. En considérant que cette demande émane essentiellement des firmes, notre analyse revient à reconnaître l’importance des entreprises dans la dynamique économique décrite par Fisher. Bien sûr, les banques conservent un rôle central dans les fluctuations par leur contrôle du taux d’intérêt et leurs réactions face à la baisse de leur coefficient de réserves. Mais l’attitude des firmes se révèle également décisive, comme dans l’article de 1933. A cet égard, nous voyons une continuité entre théorie des cycles de crédit et déflation par la dette. Dans ces deux analyses de Fisher, nous sommes frappés par la passivité des banques. Certes, elle n’est pas totale comme dans notre modèle. Mais dans un cas (1911), l’inélasticité du taux bancaire au prix est responsable des fluctuations tandis que, dans l’autre (1933), il n’y a ni politique monétaire, ni réaction du système bancaire face à la propagation des effets de la récession. Fisher semble ainsi maintenir une ligne selon laquelle l’instabilité économique trouve en partie son origine dans l’inaction des banques, plutôt que dans leurs actions.

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Ces éléments permettent de relativiser l’interprétation selon laquelle les travaux de Fisher dans les années 1930 s’inscriraient en rupture totale de ses développements théoriques antérieurs. La déflation par la dette ne constitue pas pour lui une « découverte » du caractère potentiellement instable de l’économie. Néanmoins, nous avons également noté des points de rupture entre les cycles de crédit et la théorie de 1933. D’une part, l’instabilité n’y est pas de même nature. Elle se caractérise par une accélération du taux d’inflation dans notre modèle, alors qu’elle repose sur celle du taux de déflation dans l’analyse de Fisher postérieure au krach de 1929.

Mais la rupture la plus profonde entre les deux théories de Fisher se situe à un niveau plus fondamental. Elle concerne sa conception même de la stabilité de l’équilibre et illustre l’évolution de la pensée économique en matière de traitement des déséquilibres macro- économiques au lendemain de la crise de 1929. En 1911, Fisher raisonne encore dans un cadre d’instabilité locale, avec des fluctuations qui oscillent autour de l’équilibre, mais qui assurent tout de même sa stabilité. En 1933, contre les théories du cycle de son temps, il donne cette fois à l’instabilité un caractère global et non plus local. Cette propriété ne repose ni sur d’éventuelles imperfections de marchés, ni sur un choc exogène, mais bien sur le fonctionnement normal de l’économie. Fisher précède là un basculement de l’analyse des déséquilibres macro- économiques ensuite incarné par Keynes.

96 Annexe mathématique A. Linéarisation de f(r) = f(i – 𝐏𝐭 𝐏𝐭 𝟏 𝐏𝐭 𝟏 ) au voisinage de (P*, P*) = (x, y) : Soit L(x, y) = xf (i – ) = xf(i + 1 – ) = f() + xf () ×

(−

)

(P*, P*) = f(i) + f (i) ×

(−

) = f(i) – f (i)

(P*, P*) = xf () × = f (i) Or nous savons que :

L(Pt, Pt-1) = L(P*, P*) + (Pt – P*) × (P*, P*) + (Pt-1 – P*) × (P*, P*)

Les 3 constantes sont :

L(P*, P*) = P* × f(i) (P*, P*) = f(i) – f (i)

(P*, P*) = f (i)

Il vient :

L(Pt, Pt-1) = P × f(i) + (Pt – P*) × [f(i) – f (i)] + (Pt-1 – P*) × f (i)

 L(Pt, Pt-1) = P × f(i) + (Pt – P*) × f(i) – (Pt – P*) × (f (i) + (Pt-1 – P*) × f (i)

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B. Étude des racines de l’équation caractéristique :

L’équation caractéristique s’écrit :

x − gx + h = 0 avec g = ( ) + h > 0

et h = | ( )| > 0

Par commodité, nous notons β = et βf(i) = u de telle sorte qu’il vient : g = u + h

h = βf (i)

Le discriminant de l’équation caractéristique est : ∆ = g − 4h Les racines de l’équation sont donc réelles si : h ≤

Remarque préliminaire concernant la valeur de u : Par définition de la fonction f(i), nous savons que :

f(i) = Il vient :

βf(i) = u =

>

0 Or nous savons que :

M0V + M’0V’ = P0Q

Ce qui s’écrit également :

+ = 1

Comme

est strictement positif, il s’en déduit que u est strictement inférieur à 1.

Condition de stabilité dans le cas où les racines sont réelles (processus monotone) :

Le produit des racines (h) étant positif comme leur somme (g), il vient que les deux racines (notées x1 et x2 avec x1 < x2) sont positives. Pour savoir ce qu’il en est de la stabilité du

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f(1) avec f(x) = x − gx + h ; ce qui donne f(1) = 1 − u qui est strictement positif puisque u est inférieur à 1. Dans ces conditions, soit les deux racines sont inférieures à 1 et le processus est localement stable, soit les deux racines sont supérieures à 1 et le processus est localement instable. Comme on sait que la demi-somme des racines vaut : , la condition nécessaire et suffisante de stabilité est que g soit inférieur à 2. Ce qui s’écrit encore : 𝐡 < 𝟐 − 𝐮. Qu’en est- il ?

Ici, il convient de prendre en compte le fait que h et u ne sont pas des paramètres indépendants puisque on a : ∆ = g − 4h ≥ 0 . En remplaçant g par sa valeur : u + h, il vient :

h² – 2h(2 – u) + u² > 0

Pour expliciter le lien existant entre h et u, il convient d’abord de calculer ∆ : ∆ = (2 – u)² – u² = 4(1 – u)

Puisque 0 < u < 1, ce discriminant est toujours strictement positif. On en déduit qu’il existe deux racines réelles (notées h et h ) dont il est aisé de démontrer qu’elles sont toutes deux positives avec h < h :

h = 2 – u – 2√1 − u h = 2 – u + 2√1 − u

Il s’ensuit que la positivité du discriminant conduit à deux types de situations : h < h ou bien h > h

Rappelons que la condition nécessaire et suffisante pour avoir la stabilité dans le cas où les racines sont positives est : h < 2 − 𝑢. Il s’ensuit que le processus est stable et monotone dans le cas où : h < h . Dans le cas où : h > h , le processus est monotone et divergent. Avant d’examiner le cas des racines complexes, observons que l’on a : h < 1 < h ; ce qui se démontre aisément en calculant la valeur de f(h) = h − 2h(2 − u) + u pour h égal à 1. En effet, comme on a :

f(1) = (u + 3)(u − 1) > 0, il s’en déduit que la valeur 1 est entre les deux racines.

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Condition de stabilité dans le cas où les racines sont complexes (processus oscillatoire) : Dans le cas où Δ < 0, les deux racines sont des complexes conjugués. Leur module au carré est égal à h. En conséquence, le processus est stable si et seulement si h est inférieur à 1.

Par ailleurs, nous savons que la condition pour que Δ soit négatif est que : h < h < h et que : h < 1 < h .

On peut récapituler nos résultats :

0 < h < h h < h < 1 1 < h < h h < h Stable et monotone Stable et oscillatoire Instable et oscillatoire Instable et monotone

C. Étude des liens entre le paramètre α, 𝐟 (𝐢) et h :

Dans nos exemples numériques (section 4.3.), le paramètre α (< 0) indique l’élasticité de la demande de crédit par rapport au taux d’intérêt réel. Nous montrons ici le lien entre ce paramètre et f (i), et en déduisons que h est également relié à celui-ci.

Nous posons que la demande de crédit réelle de la période t, notée , dépend positivement du taux d’intérêt réel en vigueur :

f(rt) :

=

K(1 + r )

avec K une constante positive. K est défini par : = K(1 + i)

 K = ×

( )

Compte tenu de f(r), nous avons :

f (rt) = αK × (1 + r )

Nous pouvons en déduire que :

f (i) =

( )

 f (i) =

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En substituant K par sa valeur, nous obtenons alors : f (i) =

( )

Sur cette base, il est possible de relier h au paramètre α. Nous savons que :

h = | ( )|

En reprenant nos notations, nous avions spécifié que = β. Donc :

h = β|f (i)|  h

=

| |

( ) × β h est donc bien un indicateur de l’élasticité de la demande de crédit.

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