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9. Discussion

9.8 Conclusion

La première étude nous a permis de conclure à la faisabilité de notre protocole expérimental. Chacun des sept points énumérés dans la section objectifs (section 7.1) a été vérifié et donne des résultats relativement satisfaisants. 1. Bien que nous ayons observé certains désistements et certaines données manquantes, les participants ont bien compris la procédure expérimentale. Par ailleurs, les informations recueillies nous permettront

d’améliorer les instructions et la procédure en vue de la seconde expérimentation. 2.

L’observation de différences au plan du transfert entre les patients indique que la mesure du CCRT est sensible aux stimuli et qu’elle montre un certain degré de fidélité. 3. Le degré de similitude “ moyen ” observé entre les scores des participants et ceux des juges experts atteste lui aussi de la relative fidélité du CCRT dans notre contexte d’étude. 4. Puisque la structure factorielle des items des TA correspond d’assez près à la structure rapportée par Frijda, il semble que notre utilisation des tendances à l’action soit relativement valide. 5. L’observation de différences au plan des tendances à l’action entre les patients indique que la mesure des TA est sensible aux stimuli. 6. Les corrélations canoniques observées entre les variables du CCRT et celles des TA suggèrent que ces instruments mesurent de façon relativement valide le transfert et le contre-transfert. 7. Les corrélations canoniques observées entre les facteurs du Bell et les variables des TA suggèrent que ces instruments mesurent de façon relativement valide la personnalité et le contre-transfert.

Nos résultats montrent également que des participants n’ayant pratiquement aucune expérience clinique et aucune connaissance préalable du transfert, du CCRT et des

tendances à l’action, sont capables en tant que groupe de faire la différence entre les types de transfert manifestés par les patients à l’égard de leurs thérapeutes respectifs au moment de prononcer les verbatim rapportés dans les extraits. À notre avis, cette observation est originale et, une fois reproduite, pourrait contribuer à élargir substantiellement le domaine d’applicabilité du CCRT. Par ailleurs, les résultats au CCRT suggèrent que deux de nos extraits sont “ forts ”, c’est-à-dire qu’ils tendent à structurer assez fortement les réponses des participants, alors que les deux autres sont plus faibles, c’est-à-dire qu’ils génèrent relativement plus de variance au sein des jugements. Ce constat est encourageant pour 1 ’expérimentation à venir, puisqu’il est possible que les jugements transférentiels effectués à partir des extraits faibles vont être davantage affectés par les expressions non verbales que ceux provenant des extraits forts. Si tel est le cas, nous serons en mesure de tirer des

conclusions intéressantes quant aux limites de validité des diverses applications du CCRT et de proposer certaines pistes de recherche future.

10. Méthode

10.1 Objectifs

On se rappellera que la seconde expérimentation vise à vérifier l'hypothèse voulant que le jugement du transfert et les tendances à l'action des participants dépende à la fois du contenu verbal et des expressions non verbales des patients. Pour vérifier cette hypothèse, le contenu verbal doit pouvoir être manipulé indépendamment des expressions non verbales. La sélection de patients qui s’expriment en allemand a justement été effectuée dans ce but. Le fait que leurs vocalisations soient incompréhensibles pour les participants masque en quelque sorte leur contenu verbal. Celui-ci, n’ayant plus aucun lien avec les vocalisations, peut être manipulé de façon quasi indépendante par la présentation en temps réel de sous-titres à l'écran (“ quasi ” parce qu’il faut tout de même respecter le rythme et la densité des verbalisations du patient). Les expressions non verbales, ainsi “ découplées ” du contenu verbal, peuvent également être manipulées de façon indépendante par la

présentation d’extraits audiovisuels (i.e., expressions vocales, faciales et gestuelles).

10.2 Hypothèses

Première hypothèse : le contenu verbal et les expressions non verbales des patients exercent tous deux un effet significatif sur les perceptions du transfert de ces patients, tels que rapportés par les participants à l’aide du CCRT.

Seconde hypothèse : le contenu verbal et les expressions non verbales des patients exercent tous deux un effet significatif sur les tendances à l’action des participants.

10.3 Stimuli

Nous avons repris les extraits dont les transcriptions du verbatim ont été utilisées lors de la première expérimentation (voir la section 7.2). Ces extraits mettent en scène deux

hommes (patients A = narcissique et D = dépendant) et deux femmes (patientes B = trouble alimentaire et C = névrotique - anxieuse). Chaque stimulus présente la combinaison d’un contenu verbal et d’une séquence d’expressions non verbales tirés de ces extraits. Le fait que le contenu verbal et les expressions non verbales des extraits sont indépendants a permis la construction de trois types de stimuli : la combinaison d’un contenu verbal donné avec les expressions non verbales originales, la combinaison de ce contenu avec les

expressions non verbales de l'autre patient du même sexe, ou encore la présentation du contenu verbal en l'absence de toute expression non verbale (i.e., par écrit seulement). Le pairage des patients selon leur sexe nous a paru nécessaire pour maximiser la validité écologique des stimuli, i.e., pour éviter que des propos féminins ne soient attribués aux hommes, et vice versa. Deux ensembles de stimuli ont ainsi été créés, un par sexe (voir le plan expérimental à la section 10.6). Chaque ensemble permet de mesurer l'effet des deux variables indépendantes, i.e. le contenu verbal et les expressions non verbales, sur les variables dépendantes, i.e. les jugements transférentiels et les tendances à l'action des participants.

La figure 10 montre un exemple de stimulus créé à partir de la combinaison des composantes verbales et non verbales. Un collègue a bien voulu se prêter au jeu, puisque la préservation de l’anonymat des patients ne permet pas d’en montrer le visage. Tous les stimuli ont été créés selon ce modèle : sous-titres à gauche, qui recouvrent la section qui montrait originalement le visage du thérapeute, et expressions non verbales à droite de l’écran.

Pour diminuer la taille d’un éventuel effet d’apprentissage, 1 ’expérimentation débute par la présentation d’un extrait exemple. Il met en scène la patiente supplémentaire qui n’a pas été intégrée à la première étude (voir section 7.2). Au plan de la psychopathologie, celle-ci montre des caractéristiques hystrioniques assez marquées.

Six ensembles de stimuli ont été construits pour les fins de l’étude. Deux d’entre eux ne contiennent que la version écrite des verbatim des quatre patients principaux et de la

patiente exemple. Sauf pour ce qui est de l’exemple, l’ordre de présentation des extraits du second ensemble est inversé, afin de neutraliser les effets potentiels qui pourraient en découler. Les quatre autres ensembles présentent les stimuli audiovisuels. Afin d’éviter que les participants ne se rendent compte de la manipulation, seulement deux des quatre stimuli principaux de chaque ensemble sont non concordants (i.e., montrent le contenu verbal d’un patient avec les expressions non verbales de l’autre patient de même sexe). Ainsi, chaque ensemble compte deux stimuli concordants et deux stimuli non concordants, en plus de l’extrait exemple. Pour deux des quatre ensembles, les stimuli non concordants sont construits à partir des extraits féminins; pour les deux autres, ils sont construits à partir des extraits masculins. Chaque paire d’ensembles présente les mêmes extraits, mais selon un ordre inversé.

Figure 10. Exemple montrant la présentation combinée à l’écran des composantes verbales et non verbales

10.4 Participants

Quarante-et-un cliniciens d’orientation psychodynamique (26 femmes, 15 hommes) ayant un minimum d'expérience en tant que thérapeute (moyenne = 56,1 mois, écart-type = 53,6; minimum = 4, maximum = 216) sont recrutés à Québec et à Montréal. Ils ont en moyenne 33,2 ans (écart-type = 8,6; minimum = 23, maximum = 56). Des 41 participants, 6 (15%) ont complété un baccalauréat, 28 (68%) une maîtrise et 6 (15%) un doctorat en psychologie, alors qu'un d'entre eux (2%) détient une maîtrise en sexologie. Au plan de l'occupation principale, 18 (44%) sont des étudiants, 21 (51%) sont des psychologues qui exercent en privé ou dans le secteur public et 2 (5%) sont des professeurs de psychologie à l'université.

Dans les rares cas où la personne comprend l'allemand, elle est assignée à la

condition où cette qualité n'exerce aucune influence sur !'expérimentation, i.e. la condition écrite. Dans les autres cas, la répartition est faite au hasard.

10.5 Mesures

Les mesures dépendantes de la seconde expérimentation sont les mêmes que celles utilisées pour la première étude. La perception du transfert est évaluée à l’aide d’une adaptation française du " Core Conflictual Relationship Theme ” de Luborsky (CCRT; Luborsky & Crits-Christoph, 1990, 1998; voir annexe A). Le contre-transfert des participants est évalué au moyen d’un questionnaire construit à partir des tendances à l’action de Frijda (Frijda & al., 1989; voir annexe C). Enfin, la personnalité des participants est évaluée à l’aide d'une adaptation française du Bell Object Relations Inventory (Bell et al., 1986; voir annexe D). On peut se référer à la section 7.4 pour plus de détails.