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Transfert et contre-transfert : importance relative des expressions verbales et non verbales du patient

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Academic year: 2021

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JEAN DESCÔTEAUX

1)449

TRANSFERT ET CONTRE-TRANSFERT : IMPORTANCE RELATIVE DES EXPRESSIONS VERBALES ET NON VERBALES DU PATIENT

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures de !’Université Laval

pour l’obtention

du grade de Philosophiae Doctor (Ph D.)

ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

Octobre 2003

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RÉSUMÉ

Le but du programme d’études est de vérifier l’influence relative du contenu verbal et des expressions non verbales des patients sur la perception de leur transfert et sur le contre-transfert vécus par les participants. Pour évaluer ces effets, un protocole

expérimental est construit à partir de quatre extraits authentiques de thérapie. Chaque extrait dure entre cinq et dix minutes et montre des patients qui s’expriment en allemand. Les aspects non verbaux du patient correspondent au signal audiovisuel de l’extrait. Le contenu verbal correspond quant à lui à la traduction présentée à l’écran, en temps réel, à l’aide de sous-titres. Puisque les participants ne comprennent pas l’allemand, le contenu verbal et les expressions non verbales peuvent être manipulés de façon indépendante. La perception du transfert est évaluée à l’aide du “ Core Conflictual Relationship Theme ” de Luborsky, alors que le contre-transfert est mesuré à l’aide des tendances à l’action de Frijda.

Le programme expérimental comprend deux études. Étant donné son caractère innovateur, la première doit vérifier la faisabilité du protocole expérimental à partir du seul contenu verbal des extraits. Pour ce faire, 55 étudiants universitaires (baccalauréat) sont recrutés. Dans l’ensemble, les résultats supportent la faisabilité du protocole. Ils indiquent que les participants sont capables de discriminer de façon significative le transfert des quatre patients et qu’ils réagissent de façon différente à certains d’entre eux. La deuxième étude vise à quantifier l’effet des variables indépendantes sur les variables dépendantes à partir du design expérimental complet (4 contenus verbaux x 6 expressions non verbales). Pour ce faire, 41 thérapeutes d’expérience sont recrutés. Les résultats montrent que le contenu verbal et les expressions non verbales influencent l’un et l’autre la perception du transfert et le contre-transfert des participants. En accord avec les travaux de Fernández- Dois et collaborateurs, les résultats suggèrent que l’influence du contenu verbal et des expressions non verbales varient de façon inverse : plus l’une est élevée, plus l’autre est faible. Les résultats soulèvent également la possibilité que l’effet respectif du contenu verbal et des expressions non verbales soit modulé par le sexe des patients.

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er, Ph D. ־σ Louis Di: Directeur de thèse foc Jean Deseêtéaux Candidat

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AVANT-PROPOS

Cette thèse résume l’état actuel de ma pensée quant aux liens qui unissent les quatre grands concepts que sont le transfert, le contre-transfert, le contenu discursif et le langage non verbal. En cela, elle rappelle le morceau de mouvement fixé sur pellicule : image statique d’un processus en évolution. À l’image de la photographie, elle contient certains indices qui permettent d’en inférer les vicissitudes, du moins au plan théorique. Cependant, elle dit bien peu des aléas personnels, relationnels, affectifs et financiers qui en ont marqué l’élaboration. Je me donne ici la permission d’en relever quelques-uns, sous forme de remerciements, parce que la thèse, en tant qu’ouvragé littéraire, ne peut être véritablement comprise sans rien connaître de celui qui l’écrit. Elle représente un morceau de sa vie.

Il y a longtemps, trop peut-être, j’ai pris mes cliques et mes claques, faisant le saut de Sherbrooke à Laval. À mon arrivée, j’y ai fait la connaissance de deux jeunes et brillants professeurs, Louis Diguer et Arvid Kappas. L’un et l’autre ont accepté, sans trop me

connaître, de co-superviser mes travaux de thèse. Pour cette seule acceptation, ils ont toute ma gratitude. L’entreprise était, des dires mêmes de mon comité, audacieuse : réunir deux domaines distincts, l’un clinique, l’autre fondamental, pour aborder l’étude du transfert. L’histoire leur a donné raison. Sans le support, à la fois théorique, pratique, et affectif de mes superviseurs, elle n’aurait pu aboutir. Encore une fois, à tous les deux j’exprime mes plus sincères et profonds remerciements. Je remercie également les autres membres de mon comité de thèse, les Drs Gilles Kirouac, Robert Rousseau et Stéphane Sabourin, qui ont su, par leurs commentaires bienveillants, m’aider à structurer mon travail.

Sans le concours de trois autres personnes, je n’aurais simplement pas pu réaliser mon projet de thèse. Je fais ici référence aux Drs Rainer Krause et Jörg Merten, de l’Université de Saarbrücken, en Allemagne, et à madame Tatjana Aue, étudiante au doctorat à l’Université de Genève, en Suisse, au moment où j’écris ces lignes. Les Drs Krause et Merten sont ceux qui nous ont généreusement donné la permission et

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projets de recherche. Ils ont investi temps et effort pour sélectionner ces entrevues et nous les faire parvenir. Je les en remercie infiniment. Toute ma gratitude va également à madame Aue, pour le très profond dévouement qu’elle a manifesté lors de la traduction des extraits allemands originaux. Merci Tatjana.

À mon arrivée à Québec, j’ai pu compter sur l’amitié de deux collègues, dans l’un et l’autre laboratoire : Éric et Jean-Pierre. Éric a depuis longtemps soutenu sa thèse, et Jean- Pierre est sur le point de le faire. Avec Éric, j’ai partagé toute une variété d’expériences : colloques, festivités, déménagements, collaborations, enseignement... Avec Jean-Pierre, j’ai aussi partagé bien des moments, dont de nombreuses discussions, des festivités, des

activités sportives ainsi que le dur apprentissage de la psychothérapie. Au fur et à mesure des méandres de notre progression, l’amitié s’est enrichie, s’est approfondie. Je ne saurais aujourd’hui me passer d’eux. Je les remercie pour tous ces moments, les bons de même que les plus difficiles, passés en leur compagnie. À bien des égards, ils ont participé à

l’élaboration de cette thèse, et à mon épanouissement en tant qu’individu.

Au fil des ans, j’ai également côtoyé plusieurs personnes au sein des laboratoires LRPP et X-Lab. Toutes ces personnes me sont chères et ont joué un rôle important à l’égard de ce projet. Je pense à Sylvie, à Sébastien, à Étienne, à Jean-Philippe, à Lyne, à Dominick et à Olivier, de même qu’à Natalia, à Anna et à François. Je les remercie tous pour l’ensemble des moments que j’ai partagés avec eux.

J’adresse également mes remerciements aux responsables du Fonds pour la

formation de chercheurs et l'aide à la recherche (FCAR), aujourd’hui remplacé par le Fonds Nature et Technologies, à ceux du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), à ceux du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant (GRIP), et à ceux de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval pour le soutien financier qu’ils m’ont offert à l’un ou l’autre moment de mes années passées au doctorat. Je tiens également à remercier tous les étudiants et cliniciens qui ont bien voulu participer à mon expérimentation.

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Durant mes études à Sherbrooke, j’ai fait la connaissance de la personne avec qui je partage maintenant ma vie : Nadia. Nous avons eu la chance de pouvoir nous rejoindre à Québec pour compléter notre programme d’études. Elle a cependant terminé le sien bien avant moi, de sorte qu’un écart s’est éventuellement installé entre nos réalités

professionnelles respectives. En fonction de cette hétérogénéité, nous avons dû imposer un délai à la réalisation de plusieurs projets qui nous étaient chers. Or, malgré ce délai, le support que m’a offert Nadia est demeuré indéfectible. La reconnaissance queje lui témoigne à cet égard est si profonde qu’elle se distingue à peine de l’amour. Par ailleurs, nous savons maintenant que nos projets pourront se réaliser à l’endroit même où nous avons fait notre rencontre, c’est-à-dire à Sherbrooke. Pour actualiser cette potentialité, elle a accepté de laisser derrière elle plusieurs de ses collègues. Alors, pour son investissement profond et continu dans cette thèse ainsi que dans ses heureuses retombées, je désire la lui dédier.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ... I

AVANT-PROPOS... III TABLE DES MATIÈRES... VI LISTE DES TABLEAUX... IX LISTE DES FIGURES... XIII

INTRODUCTION GÉNÉRALE... .1

1. Le transfert et le contre-transfert... 4

1.1 Définition du transfert...4

1.2 Définition du contre-transfert... 9

1.3 Transfert, contre-transfert et motivation: divergences d'opinions.... 13

1.4 Le transfert opérationalisé...20

1.5 Le contre-transfert opérationalisé...23

2. Les théories de l’émotion... 25

2.1 La théorie neuroculturelle d’Ekman... 27

2.2 L’écologie comportementale de Fridlund... 28

2.3 Les tendances à l’action de Frijda...29

2.4 La contagion émotionnelle... 33

2.5 L’empathie...37

3. Les facteurs personnels du thérapeute... 42

3.1 La personnalité du thérapeute... 42

3.2 L’expérience du thérapeute... 44

4. La personnalité du patient...46

5. Objectif, hypothèses et protocole expérimental... 47

5.1 Obj ectif principal... 47

5.2 Hypothèses et protocole expérimental... 49

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PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION... 54 7. Méthode... 55 7.1 Objectifs...55 7.2 Stimuli...57 7.3 Participants... 61 7.4 Mesures... 61 7.5 Procédure... 65 8. Résultats.... ... 65

8.1 Commentaires au sujet des analyses...65

8.2 CCRT...68

8.3 Tendances à l’action...81

8.4 CCRT et tendances à l’action... 88

8.5 Inventaire des relations d’objet de Bell... 93

8.6 Facteurs relations d’objet et tendances à l’action... 94

9. Discussion...97

9.1 Réponse des participants...97

9.2 CCRT... 99

9.3 Tendances à l’action... 105

9.4 CCRT et tendances à l’action... 109

9.5 Relations d’objet et tendances à l’action... 112

9.6 Limites des résultats... 116

9.7 Impact sur la seconde expérimentation... 118

9.8 Conclusion...119 DEUXIÈME EXPÉRIMENTATION...121 10. Méthode... 122 10.1 Objectifs...122 10.2 Hypothèses...122 10.3 Stimuli...122 10.4 Participants... 125 10.5 Mesures...125

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10.6 Plan expérimental... 126

10.7 Procédure... 126

11. Résultats...128

11.1 Vérification de la manipulation... 128

11.2 Effet de la manipulation sur la perception du transfert... 129

11.3 Effet de la manipulation sur les réactions affectives... 148

12. Discussion...160

12.1 Effet de la manipulation sur la perception du transfert...160

12.2 Effet de la manipulation sur les réactions affectives...173

12.3 Limites des résultats... 176

DISCUSSION GÉNÉRALE... 181

13. Retour sur les deux expérimentations...182

14. Retour sur les concepts de transfert et de contre-transfert...188

15. Pistes de recherche pour la poursuite des travaux.... ...196

RÉFÉRENCES... 200

ANNEXE A...227

ANNEXEE... 230

ANNEXE C...232

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Jugements de l’ampleur du transfert des extraits et corrélations

intra-classe (CIC)*...60 Tableau 2. Q de Cochranea pour l’effet de l’identité du patient sur les variables

de désir du CCRT... 72 Tableau 3. Q de Cochranea et proportion de scores “ 1 ” pour les contrastes entre

les paires de patients sur les variables W2, W4 et W5 du CCRT...73 Tableau 4. Q de Cochranea pour l’effet de l’identité du patient sur les réponses

anticipées du thérapeute du CCRT... 74 Tableau 5. Q de Cochranea pour l’effet de l’identité du patient sur ses réponses

selon les catégories du CCRT...76 Tableau 6. Q de Cochranea et proportion de scores “ 1 ” pour les contrastes entre

les paires de patients sur les variables RS5, RS6 et RS7 du CCRT... 77 Tableau 7. Scores de similitude attribués selon le degré de correspondance

des catégories du CCRTa... 80 Tableau 8. Scores de similitude individuels et moyens par patient et par

dimension... 80 Tableau 9. Relations entre les coefficients de pondération, communalités,

somme du carré des coefficients de pondération, variance et covariance des facteurs après rotation qui résultent de l’analyse en composantes principales des variables des TAa... 85 Tableau 10. Chi-carré de Friedmanna pour l’effet de l’identité du patient sur

les facteurs des tendances à l’action... 87 Tableau 11. Chi-carré de Friedmana pour les contrastes entre les paires de patients

sur le second facteur des tendances à l’action...87 Tableau 12. Corrélations, coefficients canoniques standardisés, corrélations

canoniques, pourcentages de variance et redondances entre les variables du CCRT et des TA et leur variable canonique correspondante“1... 90

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Tableau 13. Statistiques descriptives pour les facteurs des relations

d’objet de Bella...94 Tableau 14. Corrélations, coefficients canoniques standardisés, corrélations

canoniques, pourcentages de variance et redondances entre les facteurs des relations d’objet de Bell et des TA et leurs variables canoniques correspondantes^... 96 Tableau 15. Plan expérimental de la deuxième expérimentation... 126 Tableau 16. Résultats de l’analyse de profil exécutée sur les variables

désir du CCRT (W) pour le couple de patients A-D...132 Tableau 17. Résultats des ANOVA de Kruskal-Wallisa concernant l’effet

du contenu verbal sur les variables de désir du CCRT (W)

pour le couple de patients A-D... 133 Tableau 18. Résultats de l’analyse de profil exécutée sur les variables de

la dimension désir du CCRT (W) pour le couple de patientes B-C...135 Tableau 19. Résultats des ANOVA de Kruskal-Wallisa concernant l’effet

des expressions non verbales sur les variables de désir du CCRT (W) pour le couple de patientes B-C... 136 Tableau 20. Résultats de l’analyse de profil exécutée sur les variables de

la dimension réponse du thérapeute anticipée par le patient

du CCRT (RO) pour le couple de patients A-D... 137 Tableau 21. Résultats de l’analyse de profil exécutée sur les variables de

la dimension réponse du thérapeute anticipée par le patient

du CCRT (RO) pour le couple de patientes B-C...138 Tableau 22. Résultats de l’analyse de profil exécutée sur les variables de

la dimension réponse du patient à celle qu’il anticipe de la part

du thérapeute du CCRT (RS) pour le couple de patients A-D... 140 Tableau 23. Résultats des ANOVA de Kruskal-Wallisa concernant l’effet

du contenu verbal sur les variables de la dimension réponse

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Résultats des ANOVA de Kruskal-Wallisa concernant l’effet des expressions non verbales sur les variables de la dimension

réponse du patient du CCRT (RS) pour le couple de patients A-D...142 Résultats de l’analyse de profil exécutée sur les variables de

la dimension réponse du patient à celle qu’il anticipe de la part

du thérapeute du CCRT (RS) pour le couple de patientes B-C... 143 Résultats des ANOVA de Kruskal-Wallisa concernant l’effet

du contenu verbal sur les variables de la dimension réponse

du patient du CCRT (RS) pour le couple de patientes B-C... 144 Résultats des ANOVA de Kruskal-Wallisa concernant l’effet

des expressions non verbales sur les variables de la dimension

réponse du patient du CCRT (RS) pour le couple de patientes B-C... 145 Taille de l’effet du contenu verbal et des expressions non verbales

sur les variables du CCRT, par couple de patients et par dimension.... 146 Récapitulation des contrastes importants des sections 11.2.1

à 11.2.3... 147 Relations entre les coefficients de pondération, communalités,

somme du carré des coefficients de pondération, variance et covariance des facteurs après rotation qui résultent de l’analyse en composantes principales des variables des TAa... 151 Statistiques descriptives pour les facteurs des relations d’objet

de Bell*... .'... 153 Résultats de l’analyse de profil exécutée sur les 4 facteurs

des tendances à l’action (TA) pour le couple de patient A-D avec

les 4 facteurs des relations d’objet pris comme covariables... 154 Résultats des ANCOVAa concernant l’effet du contenu verbal sur

les facteurs des tendances à l’action (TA) pour le couple de patients A-D, avec les facteurs des relations d’objet

comme covariables...155 Tableau 24. Tableau 25. Tableau 26. Tableau 27. Tableau 28. Tableau 29. Tableau 30. Tableau 31. Tableau 32. Tableau 33.

(13)

Tableau 34. Résultats de l’analyse de profil exécutée sur les facteurs

des tendances à l’action (TA) pour le couple de patientes B-C... 156 Tableau 35. Résultats des ANCO VA* concernant l’effet des expressions

non verbales sur les facteurs des tendances à l’action (TA) pour

le couple de patientes B-C... 156 Tableau 36. Répartition des participants parmi les conditions expérimentales

pour le couple de patientes B-C... 157 Tableau 37. Taille de l’effet du contenu verbal et des expressions non verbales

sur les facteurs des tendances à l’action (TA) par couple de patients, en prenant les facteurs des relations d’objet comme covariables... 159 Tableau 38. Récapitulation des contrastes importants des sections 11.3.1

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LISTE DES FIGURES

Figure 1. Fréquence des scores de la variable W1 pour la patiente C... 69

Figure 2. Profils des désirs des patients (W) selon les catégories du CCRT... 72

Figure 3. Profils des réponses anticipées des thérapeutes (RO) selon les catégories du CCRT... 74

Figure 4. Profils des réponses des patients à celles anticipées des thérapeutes (RS) selon les catégories du CCRT... 75

Figure 5. Représentation graphique des contrastes effectués sur les variables de la dimension désirs du patient (W)... 78

Figure 6. Représentation graphique des contrastes effectués sur les variables de la dimension réponses du patient (RS)...78

Figure 7. Fréquence des scores de la variable T Al pour la patiente C...82

Figure 8. Diagramme des éboulements pour les facteurs des TA... 84

Figure 9. Profils des patients sur les facteurs des tendances à l'action...86

Figure 10. Exemple montrant la présentation combinée à l’écran des composantes verbales et non verbales...124

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Dans un texte fréquemment cité, Racker décrit et commente l’entrevue d’une patiente qui se présente pour la première fois chez une psychanalyste (Racker, 1988, pp.

180-181).

Lors d'une première entrevue, une patiente parle longuement de la chaleur qu'il fait ainsi que d'autres thèmes qui semblent non significatifs à sa thérapeute. Après un certain temps, celle-ci finit par mentionner à la patiente qu’elle “ n'ose parler d'elle-même ”. Cette interprétation est foncièrement correcte, parce que dirigée vers le conflit actif du moment. Cependant, elle est formulée de façon malhabile, puisque provoquée par une contre réaction inconsciente. En effet, “ ne pas oser ” constitue une critique et provient de la frustration du désir de la

thérapeute à l’effet que la patiente surmonte sa résistance. Si la thérapeute était consciente de la nature de sa réaction interne d'anxiété et de mécontentement, elle chercherait à comprendre pourquoi la patiente “ n'ose pas ” et le lui communiquerait Dans ce cas précis, le manque de courage pointé par la thérapeute constitue une réponse naturelle à l'intérieur d'une relation d'objet dangereuse, probablement vécue maintes et maintes fois par la patiente. En d'autres termes, la patiente se retrouve encore une fois face à un objet qui tolère mal sa méfiance. De plus, ce même objet, au lieu de comprendre et satisfaire les besoins thérapeutiques de la patienté, cherche plutôt à satisfaire inconsciemment ses propres désirs ou à calmer sa propre anxiété. La patiente répète ainsi, dans la situation analytique, sa propre réalité psychique et se trouve à réitérer ses mécanismes de défense habituels puisque, dû au contre-transfert

inconscient de la thérapeute, elle ne peut trouver de “ raison valable ” pour surmonter ses résistances (traduction fibre).

Cet extrait connu illustre bien le jeu complexe du transfert et du contre-transfert. Dans le cadre de la thérapie, le patient attribue certaines caractéristiques et intentions au thérapeute (transfert) et ce dernier y réagit d'une façon ou d'une autre (contre-transfert). Selon l’évolution la plus favorable de cette situation, le thérapeute demeure conscient de ce qui se passe et réussit à “ l'interpréter ” pour le bénéfice du patient. Dans le cas contraire, comme dans l'exemple, le thérapeute “ agit ”, sans s'en rendre compte, le rôle qui lui est attribué.

À l’instar de Racker, l’ensemble des psychodynamiciens et psychanalystes accordent aujourd’hui une importance capitale aux concepts de transfert et de

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contre-transfert (Moore & Fine, 1990). On présente d’ailleurs le contre-transfert comme étant “ la plus grande découverte freudienne ” (Fine, 1990). Or, malgré leur profondeur historique et leur grande portée clinique, le transfert et le contre-transfert “ résistent ” en quelque sorte à l’examen scientifique et ce, depuis leur création (Freud, 1910, 1912). D’aucuns attribuent cette résistance aux difficultés rencontrées lors des tentatives d’opérationnalisation de ces concepts, dont la complexité et l’aspect profondément dynamique fait probablement

obstacle (Lloyd Mayer, 1995 ; Luborsky & Spence, 1978 ; Singer & Luborsky, 1977). À ce titre, d’éminents théoriciens rapportent qu’on ne s’entend toujours pas sur les éléments impliqués dans le processus transférentiel :

[Qu'est-ce qui est transféré au juste :] (...) s'agit-il de patterns de comportement, types de relations d'objet, sentiments positifs ou négatifs, affects, charge libidinale, fantasmes, ensemble d'une imago ou trait particulier de celle-ci (Laplanche & Pontalis, 1967, p. 493) ?

Plusieurs efforts ont néanmoins été entrepris pour mieux comprendre ces construits et en améliorer l’opérationnalisation (Luborsky, Docherty, Barber, & Miller, 1993).

Certains ont été couronnés d’un relatif succès, d'autres n'ont engendré que peu de retombées. En ce qui a trait au transfert, trois grandes stratégies ont été utilisées (Gelso, Kivlighan, Wine, Jones, & Friedman, 1997): premièrement, la quête d’informations au moyen d’entrevues semi-structurées avec d’anciens clients (Horwitz, 1974 ; Ryan & Gizynski, 1971), deuxièmement, la collecte d’évaluations de thérapeutes à l’égard de leurs propres entrevues (Gelso, Hill, & Kivlighan, 1991 ; Graff & Luborsky, 1977) et

troisièmement, méthode privilégiée par plusieurs, !’identification par des observateurs externes des thèmes transférentiels des patients à partir de leurs productions verbales (voir Luborsky, Popp, Barber, & Shapiro, 1994, pour une comparaison de la quinzaine de méthodes actuelles). En ce qui a trait au contre-transfert, le nombre d’études publiées à ce jour demeure peu élevé, et la plupart d’entre elles ont examiné l’effet des limites

personnelles des thérapeutes sur l’efficacité thérapeutique (pour une revue, voir Butler, Flasher, & Strupp, 1993).

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Bien que l’opérationnalisation des construits ait progressé, les chercheurs sont toujours confrontés à certaines limites. Par exemple, la démonstration de la fidélité et de la validité des mesures reste une affaire d’actualité (voir Luborsky & Barber, 1994; Luborsky, Popp, & Barber, 1994; Luborsky, Barber, Binder, Curtis, Dahl, Horowitz, et al., 1993). De plus, certains, dont Dabi (1988) et Krause et Lütolf (1988), critiquent la concentration quasi exclusive de la recherche sur les transcriptions de verbatim d’entrevues de thérapie (cette stratégie correspond à la troisième méthode décrite au paragraphe précédent). En mettant ainsi l’accent sur le contenu verbal, les chercheurs éliminent complètement de leur objet d’étude les éléments non verbaux et les facteurs contextuels liés à la situation thérapeutique (Dabi, 1988). Or, ces éléments et facteurs pourraient se révéler capitaux pour la

compréhension du transfert et du contre-transfert. En effet, selon Krause et Lütolf (1988), les signaux affectifs sont justement ceux qui véhiculent la majeure partie de !’information relative aux défenses, aux peurs et aux désirs inconscients. Et si l’on en croit Laplanche et Pontalis (1967), ces éléments sont précisément ceux sur lesquels s’édifient les processus transférentiels et contre-transférentiels. Anstadt, Merten, Ullrich, et Krause (1997) vont même plus loin en affirmant que les patrons relationnels issus du contenu verbal seulement ne sont pas nécessairement liés aux comportements réels (incluant les expressions

affectives) de la personne. En d’autres termes, ils considèrent que les composantes transférentielles extraites des transcriptions de verbatim d’entrevues ne sont pas valides puisqu’elles ne reflètent pas les véritables agissements transférentiels des patients.

Bref, le Zeitgeist actuel semble lancer un appel à la réintégration des composantes non verbales au sein de la recherche menée sur le transfert et le contre-transfert (Dabi,

1988; Krause & Lütolf, 1988; Anstadt et al., 1997). Par ailleurs, il souligne le besoin d’améliorer notre compréhension des éléments constitutifs de ces processus (e.g., Laplanche & Pontalis, 1967). À ce moment précis de l’évolution de la recherche psychodynamique, il semble ainsi particulièrement opportun de déterminer si les

expressions non verbales jouent un rôle important à l’égard des processus transférentiels et contre-transférentiels, en comparaison à celui joué par le contenu verbal. Conformément à

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cet objectif, nous tentons d’évaluer de façon expérimentale l'influence du contenu verbal et des expressions non verbales du patient sur la perception du transfert et sur le contre- transfert du thérapeute.

Pour lancer cette entreprise, nous passons en revue les conceptions théoriques du transfert et du contre-transfert, en notant au passage quelques-unes des dissensions qui en séparent les auteurs. Nous faisons ensuite le point sur les tentatives d’opérationnalisation du transfert et du contre-transfert publiées jusqu’à présent. Afin d’améliorer la mesure des éléments affectifs sur lesquels se fonde le contre-transfert, nous présentons les théories de quelques chercheurs issues du domaine de recherche fondamental sur les émotions. Après avoir considéré l’importance des facteurs personnels du thérapeute et ceux du patient, nous décrivons le programme expérimental qui se compose de deux études. Nous en exposons ensuite la nature et les résultats en détails avant de conclure sur l’apport global de

l’ensemble du programme.

1. Le transfert et le contre-transfert

1.1 Définition du transfert

L’origine du “ transfert ”, au sens psychanalytique, remonte à Freud. Avant même d’en reconnaître la pertinence clinique, Freud avait noté chez ses patients la présence de manifestations qui avaient pour objet sa propre personne, alors qu’elles auraient

normalement dû être dirigées vers quelqu’un d’autre. À l’époque, il avait considéré ces manifestations et attributions comme résultant d’une “ fausse connexion ” (Breuer & Freud,

1893-1895). Quelques années plus tard, il modifiait sa position en suggérant que les manifestations transférentielles entravent le rappel d’événements antérieurs chez ses patients, d’où son idée du transfert en tant que “ résistance ” (Freud, 1910). Ce n’est qu’en

1912 que Freud plaçait l’analyse du transfert au centre du travail analytique. En effet, il ne percevait plus les manifestations transférentielles comme résultant d’une fausse connexion, mais leur attribuait le statut de “ névrose artificielle ”, qui remplaçait en quelque sorte la

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névrose clinique originale (Freud, 1914, 1916-1917). Dès lors, il concevait la névrose artificielle comme une véritable “ névrose de transfert ” qui résultait de l’activation des conflits centraux du patient dans le cadre de la situation thérapeutique, mais qui par ailleurs permettait la résolution directe des conflits par le travail analytique.

Malgré leur envergure et leur grande profondeur, les concepts freudiens n'ont pas été acceptés par l'ensemble des théoriciens de l'époque. En fait, ils suscitent encore

aujourd’hui la controverse. Son concept de pulsion, un des éléments centraux de sa théorie, est peut-être celui qui a généré le plus de dissension. Pour Freud, la pulsion représente une entité qui fait le lien entre le somatique et le psychique, qui oriente l'organisme vers un objet grâce auquel la tension générée par un besoin sera réduite (Sillamy, 1989). En développant cette conception, Freud a donné aux pulsions une place centrale au sein du système motivationnel humain, et a relégué l'objet à un rôle plus ou moins accessoire. L’aspect banal de l'objet est d'ailleurs perceptible dans sa conception du transfert entant que “ fausse connexion ” ou " résistance ”. Certains auteurs post freudiens se sont justement opposés à cette banalisation et ont octroyé à l'objet une position plus importante.

Contrairement aux psychanalystes classiques, ils considèrent que l'internalisation et la réactivation des relations entre le soi et les objets constituent les fondements du système motivationnel de l’homme (Kemberg, 1995). Leurs contributions sont regroupées aujourd'hui sous le nom de théories des relations d'objet.

A l’image de cette polarisation de la motivation humaine, les concepts

psychanalytiques peuvent être décrits en fonction du degré d'importance qu’ils accordent à la pulsion par rapport à l'objet. Les concepts freudiens, qui respectent la prémisse

pulsionnelle, occupent en quelque sorte l'extrémité conservatrice du continuum, alors que ceux qui mettent l'accent sur la relation à l'objet, tout en niant le rôle des pulsions, en occupent l'extrémité libérale. Entre ces deux pôles se trouve un regroupement de concepts issus de théoriciens qui ont tenté d’intégrer les deux positions extrêmes. Sans constituer une liste exhaustive, Fairbairn (1952b), Sullivan (1953b, 1962), et Guntrip (1961, 1968, 1971) représentent ceux de la position extrême qui nient l'importance des pulsions, alors que

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Mahler (Mahler & Purer, 1968), Kemberg (1976, 1980, 1984) et Sandler (1987) se sont particulièrement illustrés au sein du groupe médian.

Ce découpage en trois groupes semble particulièrement adapté à la présentation du transfert tel que conçu par les différents théoriciens. Malgré son aspect “ emprunté ” (il est habituel de recourir à la distinction pulsionnel/objectal à l'intérieur même des théories des relations d'objet; voir Kernberg, 1996), il offre un cadre simple à partir duquel un éclairage intéressant peut être jeté sur les distinctions apportées par les auteurs au sujet du transfert.

Nous présentons d’abord les définitions données par certains auteurs qui

reconnaissent l’importance des pulsions pour le fonctionnement psychique de l'être humain. Elles sont suivies de celles offertes par des représentants de l’école objectale. Bien entendu, les définitions rapportées ici ne représentent qu’un échantillon de toutes les positions qui existent au sujet du transfert. Toutefois, elles font partie des définitions fréquemment citées et, partant, peuvent être considérées comme représentatives de la majorité d’entre elles.

Souscrivant au modèle pulsionnel, Leo Stone (1995) définit le transfert de la façon suivante :

Le transfert est la tendance à la répétition, dans la situation actuelle, d’attitudes, de sentiments, de pulsions et de désirs vécus ou générés dans l’enfance en relation avec des personnes importantes pour le développement de l’individu (p. 110; traduction libre).

Se situant plus près de la culture freudienne d’origine, Laplanche et Pontalis (1967) définissent le transfert ainsi ;

[Le transfert] (...) désigne, en psychanalyse, le processus par lequel les désirs inconscients s'actualisent sur certains objets dans le cadre d'un certain type de relation établi avec eux et éminemment dans le cadre de la relation analytique. Π s'agit là d'une répétition de prototypes infantiles vécue avec un sentiment d'actualité marqué (p. 492).

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Racker (1968), dans un ouvrage posthume portant sur le lien entre transfert et contre-transfert, précise que :

Les sentiments transférentiels consistent en la répétition de sentiments plus anciens d’amour et de haine, de désir et de peur, appartenant aux complexes émotionnels infantiles, i.e., dirigés originalement vers les premiers objets - habituellement les parents et la fratrie. Les pulsions et sentiments dirigés vers l’analyste sont donc transférés à partir des objets originaux (p. 13; traduction libre).

Finalement, dans son œuvre bien connue des cliniciens “ The technique and practice of psycho-analysis ”, Greenson (1967) donne cette définition du transfert :

Le transfert fait référence à un type de relation interpersonnelle particulier. Il représente l'expérience de sentiments, pulsions, désirs, peurs, fantasmes, attitudes, idées ou défenses contre elles, envers une personne du présent à laquelle ils ne correspondent pas, ceux-ci représentant plutôt la répétition de réactions dirigées originalement vers des personnes significatives de la petite enfance. Us sont donc déplacés inconsciemment de ces figures passées dans le présent (pp. 151-152; traduction libre).

Pour les représentants de l’école objectale, le concept de transfert est compris selon une position théorique différente. Sullivan (1953 a), fréquemment considéré comme le premier théoricien psychodynamique à avoir rejeté le concept de pulsion (voir Greenberg & Mitchell, 1983), préfère pour sa part le terme “ distorsion parataxique ” à celui de transfert :

Lors de son développement, l'enfant construit des personnifications internes des autres significatifs ainsi que de lui-même [soi], et ces personnifications sont liées par des liens interactifs dynamiques. Conséquemment, la distorsion parataxique consiste à percevoir une personne de la même façon que l'autre significatif était perçu, et d'adopter un patron relationnel avec cette personne qui ressemble à celui appris des interactions passées avec l'autre significatif (pp. 25-27 et 230-231; traduction Ubre).

Fairbairn (1952a), à qui est intimement associé le terme “ relation d’objet ”, adopte une position similaire à celle de Sullivan :

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Les situations externes acquièrent pour le patient la signification des situation refoulées impliquant des relations avec des mauvais objets [figures parentales internalisées pendant l'enfance]. Ce phénomène n'en est pas un de projection, mais un de transfert (p. 76). Le phénomène du transfert consiste en la création d'une relation d'objet de nature spéciale avec l'analyste de la part du patient (p. 87; traduction libre).

Finalement, Kemberg (1996), issu du groupe médian ayant intégré pulsion et relation d'objet, le voit ainsi;

En pratique, le transfert de patients caractérisés par une organisation névrotique de la

personnalité peut être compris comme une répétition inconsciente, dans l'ici-et-maintenant, de relations pathogéniques du passé - plus concrètement, l'agissement d'un aspect du soi infantile du patient en relation avec une représentation infantile (également inconsciente) des objets parentaux (...) lors de ces agissements transférentiels, l'activation prend toujours la forme d'unités dyadiques de base incluant une représentation du soi et une représentation d'un objet, liés par un certain affect (...) (p. 129). Chez les patient atteints d'un trouble de personnalité grave (...) ce qui est activé constitue ou bien des relations d'objets partiels hautement idéalisés sous l'impact d'états affectifs intenses, diffus et écrasants, ou bien des états affectifs primitifs aussi intenses, douloureux et effrayants, qui signalent l'activation de relations agressives ou persécutrices entre le soi et l'objet, (p. 130; traduction fibre).

Bien que représentant uniquement les positions de quelques auteurs, les définitions présentées ci-dessus sont intéressantes puisqu’elles permettent de comparer les nuances relatives aux diverses positions du continuum “ conservateur - libéral ”. Ainsi, Stone (1995), Laplanche et Pontalis (1967) et Racker (1968) respectent d’assez près la pensée de Freud en mettant l’accent sur le désir et la pulsion, plutôt que sur la relation avec l’objet (position conservatrice). Greenson (1967) met quant à lui l'accent sur la relation, mais tout en demeurant fidèle au modèle pulsionnel (position médiane). En dernier lieu, Sullivan (1953a), Fairbairn (1952a) et, à un degré moindre, Kernberg (1996), négligent le côté pulsionnel et insistent fortement sur l’aspect relationnel du transfert (position libérale). Notons que Kernberg (1996), contrairement à Sullivan et Fairbairn, conçoit les pulsions comme des métastructures construites originalement à partir des affects. De cette façon, il leur attribue un certain rôle motivationnel. Cependant, cette idée n’est pas apparente dans la

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libérales de Sullivan et Fairbairn.

Malgré les divergences d’opinion quant à l’importance accordée aux pulsions et à l’objet, quelques éléments se retrouvent dans la presque totalité des définitions présentées. En effet, trois éléments communs ressortent de façon particulièrement saillante : la

réactivation inconsciente, dans l’ici-et-maintenant, de représentations mentales ou d'objets d’origine infantile. Mentionnons toutefois qu’il est fort improbable que cette réactivation

mette en scène les véritables objets originaux, i.e. qu’elle ne soit qu’une répétition des expériences passées véritables (Kemberg, 1992, p. 114). Pour Sandler (Sandler & Sandler, 1987, 1994), les expériences des premières années de vie sont refoulées de façon

relativement définitive dans ce qu’il appelle Y inconscient passé. Les poussées instinctuelles liées à cet inconscient passé seraient par ailleurs retravaillées dans Y inconscient présent, dont le but serait de les adapter, à l’aide des mécanismes de défense, à la situation présente. Ainsi, il serait plus juste de voir le transfert comme une nouvelle édition plutôt qu’une simple réactivation.

1.2 Définition du contre-transfert

Tout comme le transfert, le concept de contre-transfert tire son origine de l’œuvre de Freud. Dès 1910, Freud rapportait avoir pris conscience du contre-transfert qui se produit chez l’analyste suite à l’influence qu’exerce le patient sur ses “ sentiments ” inconscients (pp. 144-145). Entre 1910 et 1915, l’opinion prédominante de Freud était que le contre- transfert découle directement du transfert du patient, et que l’apparition du contre-transfert entrave le processus analytique puisqu’il interfère sur la neutralité, l’empathie et la

compréhension de l’analyste (voir Blum & Goodman, 1995). Cette vision négative du contre-transfert a notamment persisté jusqu’aux années cinquante (voir Orr, 1954), c’est-à- dire jusqu’au moment marqué par la montée en influence de l’École Britannique (Klein, Winnicott, Reich, et bien d’autres). Par exemple, Annie Reich (1951), pour qui l’effet des besoins et conflits inconscients de l’analyste sur sa compréhension et sur sa technique

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faisait partie du contre-transfert, suggérait que le travail analytique ne peut se produire sans un investissement libidinal du patient par le thérapeute ou, en d’autres termes, sans contre- transfert.

Aujourd’hui, peu de théoriciens considèrent le contre-transfert comme une simple réaction conflictuelle et inconsciente du thérapeute au transfert du patient (contre-transfert au sens étroit, représentant la position de Freud énoncée ci-dessus). La majorité des auteurs actuels croient plutôt, à l'instar de Sullivan (1953 a), que le thérapeute constitue un

“ observateur participant ” qui, à cause de sa participation, ne peut inhiber ses propres réactions subjectives (Butler et al., 1993; Sandler & Sandler, 1988). Comme le montrent les définitions présentées ci-dessous, certains représentants de l'école pulsionnelle, comme Stone (1995), Greenson (1967) et Laplanche et Pontalis (1967), considèrent que le contre- transfert est au thérapeute ce que le transfert est au patient (on y référera en tant que position “ intermédiaire ”). Selon cette acception, le contre-transfert n'a pas besoin d'être “ déclenché ” par le transfert du patient. Il pourrait provenir, par exemple, d'une simple ressemblance physique entre le patient et une figure provenant du monde infantile de l'analyste. D'autres encore adoptent la position “ large ” de Kemberg (1965a) à l’effet que le contre-transfert inclut la totalité des réactions émotionnelles du thérapeute envers le patient (conscientes et inconscientes). Cet “ élargissement ” du concept de transfert découle du fait que des patients de plus en plus gravement atteints, que ce soit de schizophrénie ou de troubles graves de la personnalité, ont pu être traités par la psychanalyse ou la

psychothérapie psychodynamique (Sullivan, 1953a; Searles, 1981; Kernberg, 1965b). En effet, ces patients utilisent des mécanismes de défense archaïques qui suscitent

fréquemment de fortes réactions “ objectives et inévitables ” chez les analystes, qu'il subsiste ou non en eux des conflits résiduels (Winnicott, 1949), d'où la nécessité d'inclure ces composantes dans le concept de contre-transfert.

Faisant à nouveau appel aux auteurs cités dans la section sur le transfert, Stone (1995) adopte la position “ intermédiaire ” :

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Le contre-transfert, dans son essence, est un phénomène identique au transfert. Le préfixe “ contre ” indique simplement une direction différente, soit de l’analyste au patient. De plus, bien que certains l’associent plus étroitement à la réponse du thérapeute au transfert du patient, cette distinction est habituellement ignorée dans l’usage courant du terme (p. 113; traduction libre).

Laplanche et Pontalis (1967) adoptent une position semblable, quoiqu’ils insistent davantage sur la définition étroite de Freud ;

[Le contre-transfert constitue] (...) l'ensemble des réactions inconscientes de l'analyste à la personne de l'analysé et plus particulièrement au transfert de celui-ci (p. 103).

D’autre part, selon Racker (1968) :

Le contre-transfert au sens large représente la totalité de la réponse psychologique du thérapeute au patient Cependant on peut distinguer le “ contre-transfert concordant ”, i.e., lorsque le thérapeute s'identifie au patient, plaçant alors le thérapeute dans une relation emphatique, du “ contre-transfert complémentaire ”, i.e., lorsque le thérapeute s'identifie aux objets internes du patient, le patient devenant alors lui-même un des objets internes du thérapeute (pp. 134-136; traduction libre).

La vignette de !’introduction constitue d’ailleurs un exemple de contre-transfert complémentaire, où la thérapeute s’est identifiée à l’objet interne extrêmement critique de la patiente. Finalement, selon Greenson (1967) ;

Des erreurs dues au contre-transfert se produisent lorsque l’analyste réagit au patient d’une façon analogue à celle qui se produisait envers les personnes significatives de sa propre enfance. Le contre-transfert est une réaction de transfert d’un analyste à un patient, un parallèle du transfert, une contrepartie du transfert. Le “ contre ” de contre-transfert signifie “ analogue ”, “ la duplication de ”, comme dans “ contrepartie ” (p. 348; traduction libre).

Étonnamment, il est beaucoup plus difficile de préciser les définitions du contre- transfert des représentants de l'école objectale. Sullivan, entre autres, ne parle évidemment

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pas de “ contre-distortions parataxiques ”, et Fairbairn ne semble pas avoir écrit grand chose à ce sujet. En fait, ces auteurs mettent l'accent sur la " relation ” ou les “ aspects relationnels ” des interactions patient-analyste au lieu d’insister sur une définition théorique décontextualisée de l'apport du thérapeute. Quelques auteurs de l’école objectale discutent néanmoins du contre-transfert. Pour Kernberg (1965a) :

L'approche classique définit le contre-transfert comme étant la réponse inconsciente de l'analyste au transfert du patient. L'approche alternative élargit la signification du contre- transfert de sorte qu'il représente la réaction émotionnelle totale du psychanalyste au patient dans le cadre de la situation thérapeutique, incluant ainsi les réactions conscientes aussi bien qu'inconscientes (p. 38; traduction libre).

Sandler (1976), sans donner une définition du contre-transfert en bonne et due forme, mentionne:

L'analyste doit maintenir la capacité de permettre à toutes sortes de pensées, rêvasseries et associations d'entrer dans sa conscience pendant qu'il écoute et observe, au même moment, le patient (p. 44). (...) Les réactions qui constituent des " taches aveugles ” peuvent souvent être vues comme représentant des formations de compromis entre les propres tendances de l'analyste et !'acceptation réfléchie du rôle que le patient force sur lui (p. 46; traduction libre).

Enfin, un passage de Searles (1981) évoque bien le jeu des identifications et projections décrit par Racker (1968):

(...) mon sentiment d'identité est devenu [par la suite] (...) ma source la plus sûre

d'informations concernant ce qui se passe entre le patient et moi, et ce qui se passe chez le patient. L'utilisation de ces fluctuations du sentiment d'identité constitue une source

fondamentale de découverte, au cours du travail avec le patient, des processus non seulement contre-transférentiels, mais aussi transférentiels (p. 252; traduction libre).

En résumé, rares sont ceux qui, aujourd'hui, soutiennent la position étroite du contre-transfert (i.e., la réaction inconsciente de l'analyste au transfert du patient). En effet, les tenants de l'école pulsionnelle, comme Stone, Laplanche et Pontalis, et Greenson,

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adoptent la position “ intermédiaire ” voulant que le contre-transfert constitue la

contrepartie du transfert. Par ailleurs, Racker se démarque d’eux en se prononçant en faveur de la position large, à l’instar des adeptes de l'école objectale qui considèrent le contre- transfert comme la réponse émotionnelle totale (consciente et inconsciente) du thérapeute au patient. Racker s’éloigne encore plus de l’école pulsionnelle lorsqu’il formule son importante distinction entre contre-transfert concordant (empathique) et contre-transfert complémentaire (où l'analyste est identifié à l'objet du patient). Finalement, les

contributions de Sandler et Searles précisent les manifestations internes du contre-transfert telles que vécues par l'analyste.

Il est intéressant de noter que le contre-transfert concordant “ empathique ” défini par Racker (1968) semble associé à !’investissement libidinal décrit par Reich (1951). Par ailleurs, ce phénomène d’identification concordante pourrait jouer un important rôle dans ce que Greenson (1967) appelle “ l’alliance de travail ”. L’exploration des recoupements entre ces différentes composantes de la relation thérapeutique déborde cependant notre propos. Par conséquent, nous ne nous y attarderons pas.

1.3 Transfert, contre-transfert et motivation: divergences d'opinions

On l’a vu, la psychanalyse classique attribue aux pulsions un rôle motivationnel central à l’égard du comportement humain (Freud, 1915), alors que la psychologie des relations d’objet octroie ce rôle aux mécanismes relationnels qui lient le soi et l’objet (Kernberg, 1995). Sans contredit, une divergence d’opinion aussi fondamentale ne peut qu’engendrer des compréhensions différentes du fonctionnement de la psyché humaine, et plus particulièrement des causes qui favorisent l’émergence du transfert et du contre- transfert. Ces différences d’interprétation ayant un impact sur les décisions que nous prendrons ultérieurement, nous nous attardons dans cette section à les approfondir à la lumière des vues particulièrement éclairantes de Freud, Fairbairn, et Sandler.

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Une des dissensions fondamentales qui sépare la psychanalyse classique de la théorie des relations d’objet concerne l’importance accordée aux relations interpersonnelles lors du développement et du fonctionnement de l'individu. Le modèle pulsionnel soutient que la motivation à interagir avec l’autre naît des racines phylogénétiques de l'être humain, c’est- à-dire des instincts ou pulsions. Ces composantes instinctuelles créent un état de tension psychique qui, pour être apaisé, requiert une action de la part de l’individu. En d’autres termes, les pulsions “ poussent ” celui-ci à répondre aux " demandes à l’action ” qu’elles génèrent au sein de sa psyché. L’individu doit alors investir un objet, véritable cible vers laquelle il oriente l’action rendue quasi-nécessaire. Les caractéristiques de l’objet qu’il choisit n’ont que peu d’intérêt, hormis leur potentiel à faciliter ou à gêner le processus de réduction de la tension. En effet, pour le modèle pulsionnel, les objets ne sont

qu'accessoires à l'obtention de la satisfaction. Freud a d’ailleurs lui-même souligné cet aspect : “ [L’objet] est l’élément le plus variable dans la pulsion, il n’est pas lié à elle originairement, mais il ne vient s’y ordonner qu’en fonction de son aptitude à permettre la satisfaction” (Freud, 1915, p. 122).

L'école objectale, quant à elle, voit en la régulation des échanges entre l’organisme et son environnement la motivation principale de l’être humain. Pour Sullivan (1953b), par exemple, l’individu cherche à répondre en toute priorité à deux besoins : un premier, fondamental, “ de sécurité ” et un second, qui lui est subordonné, “ de satisfaction ”, L’un et l’autre ne peuvent être initialement assouvis que par !’intermédiaire de la mère. L’atteinte de cet objectif dépend ainsi de son attitude : soit qu’elle réussisse à mettre en place un contexte sécurisant au sein duquel mère et enfant son libres d’anxiété, soit qu’elle n’y parvienne pas, ce qui a pour conséquence de transmettre l’anxiété à l’enfant. Selon une mécanique que, pour ne pas alourdir notre propos, nous ne décrirons pas, ces expériences libres et empreintes d’anxiété vécues avec la mère exercent un influence marquante sur le succès de la différentiation éventuelle “ bon/mauvais ” et “ soi/autre ” de la psyché de l’enfant. Ce faisant, elles contribuent à déterminer les caractéristiques des “ représentations internes ” de l’individu, qui par la suite influencent directement le degré d’assouvissement des besoins de sécurité et de satisfaction que l'individu réussit à atteindre. Malgré le

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caractère succinct de la description des vues de Sullivan, on ne peut qu’être frappé par leur lien de parenté avec les travaux de Bowlby (1969, 1973, 1980), pour qui le type

d’attachement que développent ensemble enfant et mère détermine l’évolution ultérieure de l’individu.

En comparant les deux modèles théoriques, on se rend bien compte de !’important fossé qui les sépare. Pour le modèle psychanalytique, les relations aux autres servent principalement l’assouvissement des poussées pulsionnelles. Pour le modèle objectai, les relations aux autres sont à la base du développement de l'individu et au centre de ses activités motivationnelles de sécurité et de satisfaction.

Étant donné ces divergences conceptuelles, il n'est pas étonnant que !'interprétation des manifestations transférentielles et contre-transférentielles varie en fonction du modèle adopté. Ainsi, les analystes qui interviennent selon le modèle pulsionnel comprennent virtuellement la totalité de la relation du patient à l'analyste en termes de déplacements provenant du passé (transfert). Ces déplacements sont prédéterminés uniquement par l'histoire développementale du patient; leur contenu est une fonction des demandes faites aux objets infantiles et des défenses contre ces demandes; les conflits sont en quelque sorte indépendants des influences externes; l'objet n'est sollicité qu'en tant que destinataire des pulsions. Dans la thérapie, étant donné une interférence minimale de la part de l'analyste, les composantes transférentielles vont s'installer, d'abord petit à petit, se cristallisant ensuite dans la névrose de transfert. La tâche de l'analyste est d'amener le patient à prendre

conscience de ce qu'il produit inconsciemment. Pour sa part, le contre-transfert est compris d'une façon similaire, i.e. qu'il surgit chez le thérapeute de façon endogène lorsque le stimulus, soit les agissements ou les caractéristiques du patient, vient toucher le matériel inconscient refoulé de l'analyste. Dans ce contexte, le contre-transfert est associé avec la nécessité d'analyse supplémentaire pour l'analyste (Greenberg & Mitchell, 1983, pp. 388- 389).

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Pour ceux qui interviennent selon le modèle objectai, l'analyste, comme dans le modèle pulsionnel, est projeté dans des rôles provenant des relations passées du patient. Cependant, à la différence des adeptes du modèle pulsionnel, l'analyste ne peut fonctionner totalement “ à l'extérieur ” du transfert et ne peut servir uniquement d'objet externe sur lequel se jettent les désirs refoulés du patient. En effet, le modèle relationnel considère que tout ce que l'analyste fait influence le paradigme transférentiel, qu'il réponde ou non aux désirs du patient. Sa participation exerce ainsi une certaine attraction sur le patient, de sorte que l'analyste devient un co-créateur du transfert. De façon similaire, les comportements du patient et son expérience de l'analyste exercent une attraction sur le thérapeute, dont la tâche est justement de prendre conscience de cette attraction afin de comprendre le ou les patrons relationnels établis entre lui et le patient. Ainsi, le contre-transfert contient les indices de la configuration transférentielle dominante, puisque le transfert et le contre- transfert sont générés de façon réciproque et s'interpénétrent. Vu sous cet angle, le contre- transfert constitue le produit inévitable de !'interaction entre le patient et l'analyste, plutôt qu'une simple interférence résultant des conflits infantiles non résolus de l'analyste. La tâche de l'analyste consiste alors à transformer la façon pathologique adoptée par le patient lorsqu'il entre en relation (Greenberg & Mitchell, 1983, pp. 389-390).

L'allégeance à un modèle particulier n'influence pas que !'interprétation du transfert et du contre-transfert. Elle influence également la façon de concevoir ce qui favorise ou suscite l'émergence du transfert. On a vu que pour Freud (1912) et l'école pulsionnelle, le transfert constitue la réactivation de liens archaïques avec les objets du passé. Au fil des remaniements théoriques effectués par Freud, plusieurs facteurs ont été placés à F origine de cette répétition. On a décrit comment la frustration et l'inhibition des instincts amènent le névrotique à chercher des opportunités tardives de satisfaction par F intermédiaire des mêmes scénarios. On a également précisé que la répétition constitue un moyen d'éviter de se rappeler, une défense contre le rappel d'événements passés (i.e., le transfert en tant que résistance). On a enfin considéré la répétition comme une manifestation directe de la compulsion de répétition (Greenson, 1967, p. 153). Par compulsion de répétition, Freud entendait la tendance des individus à se mettre activement et de façon répétitive dans des

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situations pénibles semblables, sans qu’ils en notent la ressemblance historique (Laplanche & Pontalis, 1967). En vertu de cette tendance, la douleur, la souffrance et la défaite en viennent à structurer la vie de l'individu et être vécues encore et encore. Comme le notent Laplance et Pontalis (1967), la compulsion de répétition représente un concept fondamental de la pensée freudienne, en ce qu’elle est liée à des notions clefs comme celles de principe de plaisir, de pulsion, de pulsion de mort et de liaison. Étant donné cette parenté, on

s’étonnera peu du fait que sa compréhension ait suivi les évolutions théoriques freudiennes. Par exemple, Freud concevait à l’origine que la souffrance inhérente à la compulsion de répétition représente une punition dirigée envers les désirs interdits (Freud, 1914), alors que ses dernières théorisations révélaient que la répétition des expériences douloureuses s'opère au-delà du principe de plaisir et dépend en fait d'une caractéristique instinctuelle du

fonctionnement mental, dérivée de l'instinct de mort (Freud, 1937). Notons cependant que cette dernière explication n'a pas fait l'unanimité à sa parution et continue d'être critiquée (Greenson, 1967; Schur, 1960, 1966).

Les représentants de l'école objectale voient les choses sous un tout autre angle, bien qu'il existe certaines différences en fonction des auteurs. Par exemple, Fairbairn (1952a), à l'instar de Sullivan (1953 a), apporte une contribution particulièrement éclairante concernant la tendance à répéter les expériences douloureuses passées. Selon lui, les efforts déployés initialement par l'enfant n'ont pas pour but le plaisir, mais le contact : il a besoin de l'autre, et donc de ses parents. Si ceux-ci sont disponibles pour des échanges gratifiants et

satisfaisants, l'enfant adopte ce mode relationnel. Par contre, si les parents n'offrent que des contacts douloureux et non satisfaisants, l'enfant intègre ce type de relation sur une base masochiste. Au sein de ce type de relation, l'enfant tente de préserver ce qui est gratifiant et de contrôler ce qui ne l'est pas en établissant des relations d'objet internes compensatoires. C'est dans l'attachement obstiné à l'objet excitant, mais non gratifiant, que l'enfant préserve l'espoir d'entretenir des contacts plus satisfaisants, plus complets avec le parent. Moins satisfaisant est l'échange réel, plus l'enfant s'accroche à cet espoir, en même temps qu'aux caractéristiques de privation de ses parents qu'il a internalisées. De plus, ce faisant, il se

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préserve de la terreur infantile associée à l'idée que s'il se dégage de ces objets internes, il deviendra totalement seul.

Pour Faimbairn (1952b), c'est l'expérience de ces relations d'objet internes et leur projection sur le monde externe qui produit la souffrance pathologique de l'expérience humaine. Les objets d'amour sont sélectionnés ou poussés dans le rôle de celui qui retient ou qui prive pour personnifier l'objet excitant, prometteur, mais jamais satisfaisant. Qui plus est, la satisfaction est perçue comme une trahison de rattachement aux parents, qui menacerait en quelque sorte de briser les liens aux objets internalisés. En d’autres termes, la souffrance est préférable à la renonciation de la soumission aux objets significatifs

infantiles. La perpétuation de la souffrance, de la tristesse et de la défaite constitue une forme de renouvellement et de dévotion à cet attachement. La résistance à trahir ces

attachements par de nouvelles relations satisfaisantes empêche le changement dans la vie de l'individu et suscite par ailleurs une grande résistance au traitement analytique.

Adoptant une position légèrement différente, Sandler (1981) prétend que les individus ont tendance à répéter les relations objectâtes satisfaisantes du passé sous la pression d'un besoin d'actualisation. Cette tendance pousserait tes individus à structurer leurs interactions présentes selon ces configurations passées, exerçant sur tes partenaires de !'interaction une certaine pression à adopter 1e rôle complémentaire de façon à recréer !'interaction satisfaisante. Ce processus impliquerait un test de la réceptivité de l'autre à adopter 1e rôle désiré, et la tendance de l'autre à répondre à la demande serait à la base du choix des partenaires (Sandler, 1976). Cette motivation serait précisément à la base des processus transférentiels, où 1e patient tente de recréer une relation satisfaisante avec 1e thérapeute en lui attribuant, de façon relativement inconsciente, 1e rôle complémentaire des interactions passées.

En résumé, tes écoles pulsionnelle et objectate divergent aux plans théorique et pratique en ce qui concerne tes caractéristiques du transfert et du contre-transfert. Pour tes psychanalystes classiques, la motivation à interagir avec l'objet est phylogénétiquement

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interagir avec l'objet est à la base même du développement humain, ce qui confère à l'objet un rôle déterminant pour la personnalité de l'individu. Pour le modèle pulsionnel, la

frustration des pulsions et la recherche subséquente de leur gratification représentent les motifs de base des phénomènes transférentiels (Greenson, 1967, p. 177). De plus, dans le cadre de la thérapie, l'analyste ne participe pas au transfert et agit plutôt comme un écran blanc sur lequel sont projetés les désirs dérivés des pulsions. Selon le modèle objectai, le patient tente plutôt d'établir une relation soi/objet spécifique avec l'analyste dans un effort de réparation qui consiste à acquérir pour lui-même ce qui lui a été refusé dans l'enfance à cause des limites parentales (Stolorow & Lachmann, 1980, pp. 174-175). L'analyste participe ainsi activement au transfert du patient et adopte en partie le rôle transférentiel que le patient tente de lui attribuer. En dernier lieu, la tendance à l'auto-sabotage associée à la psychopathologie, soit l'expérience récurrente de la douleur, la souffrance et la défaite dans les relations, est expliquée de plusieurs façons par les tenants de l'école pulsionnelle, allant de la punition contre des désirs interdits à la tendance au retour au “ Nirvana ” sous l'influence de la pulsion de mort. Pour les représentants de l'école objectale, la tendance à l'auto-sabotage constitue plutôt !'impossibilité de renoncer aux liens unissant le soi aux objets significatifs infantiles (Fairbairn, 1952a) ou la tendance à répéter les relations objectales satisfaisantes du passé sous la pression d'un besoin d'actualisation (Sandler, 1981).

Étant donné la difficulté à réconcilier les positions pulsionnelles et objectales, le besoin d'avoir recours à une théorie impose donc un choix (pour Greenberg & Mitchell, 1983, le modèle mixte de Kemberg, 1975, est beaucoup plus objectai que pulsionnel, la même chose étant dite de Sandler). Dans un cadre thérapeutique, ce choix repose parfois sur la dynamique particulière du patient : le modèle pulsionnel si son organisation de personnalité est névrotique, et le modèle relationnel si elle est état-limite (voir Gabbard, 1994). Cependant, dans un cadre de recherche, le choix ne peut être basé sur des

considérations similaires. Il faut s'en remettre à !'explication la plus susceptible de mener à des hypothèses opérationalisables et vérifiables, qu'elles soient par la suite confirmée

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infirmées. À ce titre, il est clair que la motivation pulsionnelle supposée par Freud offre fort peu de prise à l’opérationalisme, alors que la motivation relationnelle proposée par les théoriciens des relations d’objet permet d'établir des prédictions. En effet, dans une interaction entre patient et thérapeute, il apparaît beaucoup plus facile d'identifier les caractéristiques du soi et de l'objet ainsi que l'état émotif présent (modèle objectai) que de déterminer le conflit pulsionnel interne à l’origine des manifestations transférentielles du patient (modèle pulsionnel). De même, l'importance des caractéristiques ou comportements réels du partenaire d’interaction soulignée par le modèle objectai permet de prédire jusqu'à un certain point quel genre de situation est susceptible d'induire tel ou tel patron relationnel chez le patient, ce que le modèle pulsionnel, avec la banalisation de l'objet qui le

caractérise, ne permet pas. En conclusion, étant donné la supériorité du modèle objectai dans le présent contexte, celui-ci sera utilisé en tant que référence pour le restant du projet.

1.4 Le transfert operationalise

Nous avons déjà présenté les trois stratégies les plus couramment utilisées pour identifier les patrons relationnels qui sont activés en cours de thérapie. La première fait appel à des entrevues semi-structurées menées avec d’anciens clients (Horwitz, 1974 ; Ryan & Gizynski, 1971), la seconde requiert que des thérapeutes évaluent a posteriori leurs propres entrevues (Gelso, Hill, & Kivlighan, 1991 ; Graff & Luborsky, 1977), et la

troisième fait appel à des juges qui doivent évaluer les transcriptions verbatim d'entrevues de thérapie en fonction de catégories prédéterminées. Au sein de la troisième stratégie, plusieurs procédures différentes ont été développées, les plus connues et utilisées étant celles de Luborsky (“ Core Conflictual Relationship Theme Luborsky & Crits-Christoph,

1990), de Weiss (“ Plan Formulation Weiss, 1986; Weiss, Sampson, & The Mont Zion Psychotherapy Research Group, 1986), de Mardi Horowitz (“ Configurational Analysis ” et " Role-Relationship Models Configuration Horowitz, 1979, 1987), de Teller et Dahl (“ Frames Teller & Dahl, 1981, 1986), de Schacht, Binder, et Strupp (“ Cyclical Maladaptive Pattern ”, Schacht, Binder, & Strupp, 1984), de Perry et al. (“ Idiographic Conflict Formulation Perry & Cooper, 1985, 1986; Perry, Augusto & Cooper, 1989) et

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de Leonard Horowitz (“ Consensual Response Formulation Horowitz, Rosenberg, Ureno, Kalehzan, & O'Halloran, 1989).

Les deux premières façons d'évaluer le transfert (i.e., entrevues semi-structurées avec d’anciens clients et évaluations a posteriori effectuées par les thérapeutes eux-mêmes) sont par définition incompatibles avec notre protocole expérimental. Celui-ci compte en effet sur la participation d’observateurs indépendants pour évaluer le transfert des patients. Par contre, les méthodes décrites au sein de la troisième stratégie se prêtent bien à notre genre d’étude (voir section 5). Parmi les méthodes qui font partie de cette catégorie, celles de Luborsky, de L. Horowitz et al. et de Schacht, Binder, et Strupp se démarquent

positivement des autres par la bonne fidélité de leur système de cotation (Luborsky, Popp, et Barber, 1994). La méthode de Luborsky offre certains avantages supplémentaires en étant l’une des plus connues et des plus simples à utiliser. Nous en examinons ci-dessous la pertinence pour notre étude.

Luborsky (Luborsky & Crits-Cristoph, 1990) considère que le transfert qui se déploie lorsqu’un désir est activé envers quelqu'un d'autre repose sur l’expression d'un patron relationnel central. La place centrale octroyée à ce patron rejoint certaines des idées de Freud (1912), à l’effet que les manifestations transférentielles s’actualisent à partir de “ stereotype plates ” peu nombreuses et relativement rigides. Selon Luborsky, trois principaux éléments (“ dimensions ”) entrent enjeu lors de l'expression du patron

relationnel au sein du transfert. Il s’agit des désirs, besoins et intentions de l’individu envers une autre personne (“ wishes W), de la réponse de l'autre personne telle qu’anticipée par l’individu (" response of other RO) et de la réponse de l'individu à celle qu’il anticipe de l’autre personne (“ response of self”; RS). Malgré son insistance sur l’existence d'un patron relationnel central, Luborsky admet la présence de certains autres patrons relationnels qu’on pourrait qualifier de “ secondaires ”. La différence entre les deux réside

principalement dans la fréquence selon laquelle les types de patrons sont activés, le patron central étant le plus fréquent.

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En accord avec sa théorie, la méthode du “ Core Conflictual Relationship Theme ” de Luborsky (CCRT; Luborsky & Crits-Christoph, 1990, 1998) sert à identifier le patron relationnel central d’un individu. Habituellement, on l’applique aux récits qu’il fait de ses interactions avec les autres (“ Relationship Anecdotes Paradigm Luborsky, 1998). Chacune de ses interactions est analysée de façon à en extraire les composantes

relationnelles (désir : “ W ”, réponse anticipée de l’autre : “ RO ” et réponse de l’individu à celle qu’il anticipe de l’autre : “ RS ”). Une fois identifiée, chaque composante relationnelle est qualifiée à partir d’une liste standard de 92 items (“ standard categories ”) ou d’une liste plus condensée qui compte 24 items (“ clusters listes reproduites à l’annexe A). Les composantes W, RO et RS les plus fréquemment rencontrées définissent le patron relationnel central de l’individu.

À partir de cette description, on constate que la méthode du CCRT cherche à évaluer les patrons relationnels verbalisés dans les récits par opposition aux patrons agis par l’individu au moment où il livre ses récits, quels qu’ils soient, à un interlocuteur. Cette distinction est fort importante et soulève un problème potentiel à l’égard de !’utilisation du CCRT au sein de notre protocole expérimental. En effet, nous désirons mesurer le transfert du patient à l’égard de son thérapeute au moment où il lui parle, et non pas le type de relation que le patient entretient habituellement avec les autres tel qu’on peut le déduire de ses propos. Luborsky souligne d’ailleurs l’importance de distinguer les manifestations

relationnelles du patient envers son thérapeute (“ relational enactments ”, i.e., transfert) des patrons relationnels extraits d’épisodes racontés par le patient à propos de son thérapeute

(i.e., patron relationnel central). Bien qu’il considère que la méthode du CCRT peut être utilisée pour mesurer le transfert dans l’ici-et-maintenant, il constate qu’elle n’a été utilisée jusqu’à présent que pour extraire les patrons relationnels (Luborsky & Crits-Christoph,

1998).

Il importe de mentionner que le peu d’accent mis par la méthode du CCRT sur le transfert déployé dans 1 ’ ici-et-maintenant est partagé par toutes les méthodes qui

Figure

Tableau 1. Jugements de l’ampleur du transfert des extraits et corrélations intra-classe (CIC)*.
Figure 1. Fréquence des scores de la variable W1 pour la patiente C
Figure 2. Profils des désirs des patients (W) selon les catégories du CCRT
Tableau 3. Q de Cochranea et proportion de scores “ 1 ” pour les contrastes entre les  paires de patients sur les variables W2, W4 et W5 du CCRT.
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