• Aucun résultat trouvé

Nous pouvons, à travers l’étude de ces différents espaces, voir comment la gestion et le traitement des déchets ménagers sont conçus, si les contraintes qui peuvent exister dans chacun d’entre eux sont les mêmes, qu’est-ce qui les différencie ou les rapproche ?

De toute évidence, les déchets ménagers dans les espaces urbains comme Saint-Denis, Saint-André et Saint-Paul suivent respectivement les mêmes filières d’évacuation pour traiter leurs déchets.

Il est vrai que la ville de Cilaos est située dans un cirque relativement enclavé, où les difficultés sont certes multipliées avec l’allongement des distances, mais les modes de gestion et de traitement des déchets ménagers ne sont pas très différents des autres communes.

Cependant, bien que 98 % de la population totale Réunionnaise soit desservie par un service de collecte de déchets et que de nouvelles technologies et méthodes, permettant de réduire le tonnage des déchets, se soient généralisées sur l’ensemble du territoire, certains espaces n’ont pas les moyens de déployer un tel dispositif. Il s’agit du cirque de Mafate où la gestion des déchets ménagers devient un véritable défi. Vu l’absence de route, vient s’ajouter le problème du transport des déchets vers des centres de récupération ou d’élimination.

A travers notre étude, nous avons vu que les interventions menées dans Mafate ne suffisent pas à assurer une gestion efficace et durable des déchets. Le CTR n’a plus l’intention de reproduire les opérations d’évacuation effectuées entre 1995 et 1996. L’ONF n’a pas les moyens de mettre en place un dispositif plus important que celui qui existe à l’heure actuelle. Ces systèmes de ramassage partiels voire ponctuels ont certes permis d’éviter la dégradation des paysages, mais aucun véritable plan d’action n’a été instauré à Mafate. Le problème des déchets ménagers se pose donc de façon plus cruciale et plus problématique dans cet espace où les déchets sont stockés dans la nature favorisant ainsi la prolifération de nids à rats, à moustiques et microbes.

L’épidémie du chikungunya qui a sévi sur notre île corrobore ce phénomène.

Aussi, selon certains élus de La Réunion, la seule façon de faire disparaître les rats et les moustiques, c’est de remplacer les centres actuels d’enfouissement technique par des incinérateurs. Il en résulte que le CET de la Rivière Saint-Etienne arrive à saturation en 2008 et celui de Sainte-Suzanne sera saturé en 2011. A l’heure actuelle, la valorisation ne concerne que 17 % de déchets par le compost ou le recyclage. La Réunion est loin des 43 % souhaités. Par conséquent, que faire des 50

% des déchets recyclables restants ? Les enfouir dans une nouvelle décharge, alors que La Réunion souffre, à court terme, d’exutoires en vue de traiter les déchets ménagers ultimes ? ou bien faut-il implanter sur le site agricole de Pierrefons à Saint-Pierre, un incinérateur qui, aux yeux de certains Réunionnais, demeure un moyen non fiable et la pire des solutions pour régler le problème du traitement des déchets à La Réunion ?

D’un point de vue technique, un incinérateur fonctionne 24h/24h et 7j/7 et il rejette des dioxines161 lors de la combustion des déchets. Aussi, l’Institut National de Veille Sanitaire a fait des révélations pour le moins accablantes dans un rapport sur les incinérateurs. Les premières victimes sont les populations vivant à proximité d’incinérateurs d’Ordures Ménagères. Le risque encouru est le cancer dû à l’exposition de ces derniers aux dioxines qui se propagent dans l’air et qui sont donc cancérigènes. L’étude épidémiologique menée en France sur « l’incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’O.M. » est formelle : « il est désormais démontré que l’incinération est responsable de cancers sur les populations locales vivant à proximité ».

Aussi, l’incinération à La Réunion ne fait pas l’unanimité. Certaines associations montent au créneau pour afficher leur opposition face à l’implantation d’un incinérateur sur le site de Pierrefonds. D’après la SREPEN, il faut trier à la source nos déchets et rester sur cette lancée car selon elle si la diminution de la

161 « Les dioxines sont des polluants « récidivistes » de l’environnement. Elles ont l’insigne honneur d’appartenir au « groupe des douze »-un groupe particulier de produits chimiques dangereux, connus pour être des polluants organiques persistants. Une fois les dioxines introduites dans l’environnement ou l’organisme, elles y restent, en raison de leur capacité inquiétante à se dissoudre dans les graisses et de leur stabilité chimique incomparable.

Leur demi-vie dans l’organisme est en moyenne de 7 ans. Dans l’environnement, on observe une tendance des dioxines à la bioaccumulation dans la chaîne alimentaire. Plus on se trouve en bout de chaîne, plus la concentration en dioxines est élevée ». Organisation mondiale de la santé in

production de nos déchets passe par la voie de l’incinération, tous les efforts menés en amont pour encourager la population au tri, se trouveront amenuisés. Ainsi, tous les principes de réduction des ordures à la source et le tri sélectif seront mis à mal par l’incinérateur. Elle renchérit en affirmant que cet équipement ne détruit pas tous les déchets, par conséquent, il restera toujours une quantité de déchets résiduels.

Il s’ensuit que l’exposition de la population aux dioxines autour des incinérateurs auraient baissé, en raison des règles européennes et françaises sur le traitement des fumées ; malgré tout, l’opposition à ces incinérateurs dits aux normes162 persiste. Sur ce point, la SREPEN reste d’ailleurs sceptique ! En parallèle, elle affirme qu’aucune étude à l’échelle locale, prévoyant les répercussions à court et long termes sur l’environnement et la santé humaine n’a été planifiée. Pour Graziella Leveneur163 « la solution au problème posé par les incinérateurs ne se résume pas à définir des valeurs limites de concentrations et des doses acceptables, c’est-à-dire ces nouvelles normes européennes, car protéger efficacement la santé et l’environnement nécessite zéro rejet. De plus, encore faut-il pouvoir compter sur des contrôles réguliers et fiables ainsi que sur une surveillance effective de la part des administrations qui en sont chargées : la Préfecture, la DRIRE, la DDASS »164.

D’autres associations se greffent à celle-ci ; il s’agit de l’Accidom (Association citoyenne contre les incinérateurs d’ordures ménagères)165

162 « Un arrêté ministériel du 20 septembre 2002 impose à toutes les installations d’incinération (pour tous types de déchets) : des valeurs limites d’émission de rejets gazeux, aqueux et solides ; l’obligation de maintien des gaz pendant au moins 2 secondes à une température supérieure ou égale à 850° C ; des contrôles périodiques (tous les 6 mois) des rejets pour les dioxines et métaux lourds (tous les 6 mois), et en continu pour les autres paramètres ; un contrôle d’absence de radioactivité pour les déchets admis ; une surveillance de l’impact environnemental au voisinage de l’installation ».

qui vient de lancer une pétition contre l’implantation des incinérateurs. Elle soutient que « l’incinération est néfaste pour l’environnement. Il recrache des dioxines et ne permet pas d’éliminer 100 % des déchets. Sans compter que pour être rentabilisés, il fonctionnera 24h/24 (…). Nous avons des solutions à proposer. Plutôt que l’incinérateur, il serait

163 Conseillère générale de l’Alliance à Saint-Pierre.

164 Témoignages (5 mai 2006). « La meilleure solution : le non recours », p. 4.

165 « Le 6 mai 2006, un appel a été lancé à « toutes celles et tous ceux qui sont soucieux du principe de précaution, face aux dangers, pour la santé humaine et l’écosystème, de la dioxine et des autres substances toxiques issues de l’incinération (…) et qui pensent nécessaire de rechercher des solutions alternatives à l’incinération des déchets sur l’île de La Réunion, à se réunir » en vue de constituer un Comité citoyen contre la construction d’un incinérateur à La Réunion. C’est à Bois d’Olive (Saint-Pierre) que 200 Réunionnais ont voté pour la création de l’Association de citoyens contre l’incinération des ordures ménagères à La Réunion (ACCIDOM-R), présidée par Jean-Pierre Edwards ». Témoignages (2006). « Projet d’incinérateur à La Réunion ».

préférable de mettre en place une véritable filière de recyclage qui n’est aujourd’hui qu’embryonnaire. Cette filière à l’avantage de créer de nombreux emplois mais doit être envisagée à l’échelle de l’océan indien pour être efficace »166.

Ce projet subit ainsi les foudres de la population mais aussi celles des élus puisque cette association est fortement soutenue, par la Députée de la Réunion, Huguette Bello, qui s’engage également contre le projet de construction de deux incinérateurs dans le Département.

Deux élus de droite, André Thien-Ah-Koon et Alain Bénard s’y opposent également car c’est une solution trop coûteuse et polluante. Quant à Jean-Paul Virapoullé, sénateur UMP - La Relève et maire de Saint-André, il déclare « Lorsque le socialiste Christophe Payet était président du conseil de 1992 à 1998, il a arrêté un Plan départemental de traitement des déchets qui préconisait l’implantation de deux incinérateurs dans l’île. Tout le monde, sans exception, a signé … Nous aurons bientôt 1 million d’habitants. Les centres d’enfouissement ne suffisent plus. Il faut trouver autre chose »167

Le ministre de l’Outre-mer François Baroin qui était arrivé à La Réunion en septembre 2006 pensait également que la question de l’élimination des déchets ménagers passe par l’implantation d’un incinérateur. L’urgence selon lui est d’autant plus réelle quant on sait que la décharge de la rivière Saint-Etienne approche de la saturation.

.

En outre, Ibrahim Dindar168, Conseiller Général DL (démocratie libérale) défend ce projet comme étant la meilleure solution et souligne : « La réglementation européenne est draconienne, nous la respectons. La volonté politique et les moyens pour traiter au mieux les déchets sont là. Et nous mettons en place des centres de tri et de collecte, des poubelles de quartier, un plan de communication, mais l’incinération est incontournable. Il n’existe pas d’alternatives sérieuses. Les écologistes disent qu’il faut tout recycler. Ce n’est pas possible »169

166 Le Journal de l’île (2006). « Accidom dit non à l’incinérateur ».

. En effet, à la différence des élus, les Verts considèrent qu’il est urgent d’arrêter le processus de

167 Le JIR (2006). « L’incinérateur au centre des débats ».

168 Président de la commission Aménagement-Environnement du Conseil Général.

169 Le JIR (2001). « La Réunion s’équipe de deux usines d’incinération », p.7.