• Aucun résultat trouvé

A travers cette recherche menée dans un milieu d’accueil de la petite enfance genevoise, nous souhaitions observer l’implication de l’utilisation d’un outil de dépistage précoce du développement, en l’occurrence l’Ages and Stages Questionnaires, dans la mise en place d’une telle procédure ainsi que dans la relation entre les parents et les professionnels de la petite enfance. Au terme de ce travail, nous pouvons certifier que l’utilisation de cet outil est pertinente, acceptée avec enthousiasme et envie par les parents et les professionnels de la petite enfance et qu’elle peut engendrer un renforcement des liens de relation entre les partenaires.

Cette expérience, nous a permis, en tant que pédagogues, de nous confronter à toutes les étapes amenant à mettre en pratique un outil de dépistage précoce dans une Institution de la petite enfance (IPE). En effet, nous avons, dans un premier temps, pris contact avec la direction de l’établissement pour présenter notre projet, puis nous leur avons présenté l’outil ASQ et ses implications dans le dépistage précoce. Ensuite, nous avons appris à collaborer avec des professionnels de la petite enfance, et surtout avec les parents des enfants ayant acceptés de compléter le questionnaire. Toutes ces étapes nous ont mené à connaître de manière approfondie cet outil que nous avions choisi d’utiliser. Ainsi, nous connaissons bien les raisons de sa conception, ses objectifs et surtout son application dans un contexte réel de terrain. De plus, nous avons également vécu et appris de chaque étape de sa mise en pratique, de la présentation de l’outil aux éducatrices et aux parents, de la passation de l’ASQ au sein de l’institution jusqu’au moment de discussion lors des entretiens entre les parents et les professionnels. Nous avons pu observer, tout au long de cette expérience, qu’il est important, en tant que chercheuses, de rester à disposition des professionnels et de leur offrir un soutien dans la mise en place d’un projet portant sur le dépistage précoce et ceci comprenant la totalité des enfants de deux groupes (sauf un refus de parents). En effet, en tant que chercheuses, nous sommes la référence pour les professionnels et les garantes de l’outil et de son utilisation. Cette recherche nous a également amené à nous questionner sur l’adéquation de l’utilisation de l’outil ASQ au sein du milieu de la petite enfance.

Il nous semble important, dans cette conclusion, de faire part de différents points qui ont retenu notre attention au terme de ce travail. Nous souhaitons donc partager nos réflexions concernant, tout d’abord, ce que cette recherche peut apporter à la littérature puis, par rapport aux limites observées de notre étude, ainsi que les recommandations que nous pourrions partager avec le terrain. Ensuite, nous nous exprimerons par rapport aux perspectives que pourrait avoir la mise en place d’un outil de dépistage tel que l’ASQ, et pour finir, nous ferons part de nos ressentis et réflexions sur ce que cette expérience nous a apporté sur un niveau plus personnel.

Premièrement, notre recherche met en avant « l’intérêt et l’enthousiasme » perçus chez les parents et les professionnels à utiliser une procédure de dépistage dans un milieu d’accueil de la petite enfance genevoise. En effet, si nous avons pu prendre note de certaines réticences voire peurs chez les professionnels, au terme de la recherche, ces derniers ont montré un grand intérêt pour la mise en pratique et l’utilisation de l’ASQ.

Les parents, quant à eux, ont démontré un accueil positif à leur participation à l’évaluation du développement de leur enfant. Un autre point à souligner, et qui est intéressant pour la littérature, est que l’ASQ s’est révélé être un « outil fiable et facile d’utilisation », ceci quel que soit le niveau socioculturel des familles, le contexte de passation, la formation des individus évaluateurs ou encore la culture ou la langue parlée soit à la maison, soit dans le milieu d’accueil. La tendance des parents, à évaluer de manière plus « sévère et exigeante » leur enfant comparé aux éducatrices, est également une information importante et qui ressort de notre recherche. En effet, les résultats présentés, ici, confirment que les parents ont des attentes plus élevées que les professionnels de la petite enfance.

Enfin, ce qui est intéressant, du point de vue de la littérature, est le « renforcement des relations » qui se développe entre les partenaires. En effet, une relation de confiance plus profonde et parfois intime peut se construire. Le dernier point que nous souhaitons présenter est l’établissement d’une « relation égalitaire » entre les parents et les professionnels de la petite enfance. Les observations faites durant cette recherche montrent, notamment lors des entretiens, des partages de connaissances mais rapportent également l’intérêt, dans la compéhension de l’enfant et de ses compétences réelles, d’un apport multiple d’informations dans des contextes variés.

Deuxièmement, il nous semble essentiel de noter les limites de notre recherche. L’échantillon sur lequel se base notre étude n’est pas assez important pour être considéré comme exhaustif. Ainsi, les résultats qui en découlent ne peuvent pas être significatifs, bien qu’ils coïncident tout de même avec la littérature déjà existante sur l’évaluation conjointe des parents et des professionnels de la petite enfance. Le manque de temps et d’organisation au moment de notre recherche-action sur le terrain ne nous a pas permis de réaliser tout ce que nous avions prévu, comme un focus groupe avec les parents des enfants ayant participés à la recherche. Celui-ci aurait certainement pu nous apporter plus de précisions, d’informations et de détails sur l’expérience vécue par les parents et ainsi nous donner le loisir de mettre en avant plus de liens entre les partenaires et l’outil de dépistage ASQ.

Troisièmement, notre recherche nous a amené à nous questionner sur les éléments que nous pourrions partager avec le terrain dans le but de les conseiller. Notre première reflexion s’est portée sur la « partie pratique » d’une mise en place d’un dépistage systématique dans une IPE. En effet, nous conseillerions de procéder selon un ou deux âges spécifiques dans chaque groupe. De cette manière, tous les enfants seraient pris en charge et répartis sur l’année, afin de partager le travail d’observation sur plusieurs périodes. L’application du questionnaire par le professionnel en serait alors facilitée. Notre seconde réflexion s’est portée sur « l’éthique » et son respect lors de l’utilisation d’un outil de dépistage tel que l’ASQ. Afin de garantir une utilisation contrôlée et une confidentialité des informations, il est nécessaire que les professionnels de la petite enfance rappellent et expliquent clairement le but et les objectifs de la démarche de dépistage précoce aux parents. En effet, il est important de rappeler que ce test est pratiqué de manière systématique auprès de tous les enfants afin d’éviter des biais d’utilisation et de discrimination en l’utilisant de manière ponctuelle et sur un enfant « sélectionné » à cause d’inquiétudes exprimées par les professionnels. Les parents et les professionnels de la petite enfance doivent également être au courant des différences entre la pratique de dépistage qui va s’effectuer et la pratique de

diagnostic afin qu’il n’y ait pas de malentendu lors de la remise des résultats aux parents. Par ailleurs, nous avons pu observer que notre position de chercheuse a permis de garantir une

« relation hiérarchique égalitaire » entre les parents et les éducatrices durant l’entretien car nous apportions les résultats aux deux partenaires au même moment. Ainsi, nous recommandons aux IPE de charger une personne, formée mais externe à la situation, pour procéder à la cotation des questionnaires. Finalement, l’utilisation de l’outil de dépistage ASQ permet de porter un « regard différent sur l’enfant » car, lorsque le professionnel est dans une situation difficile, il a tendance à se focaliser dessus ce qui l’empêche de se décentrer et d’observer l’enfant dans sa globalité. L’ASQ permet d’observer tous les domaines de développement sans distinction.

Quatrièmement, ce travail nous a fait évoluer sur un niveau personnel. En effet, nous avons eu un grand intérêt à proposer l’ASQ dans une IPE et à pouvoir observer des « échanges plus posés et confiants » entre les parents et les professionnels de la petite enfance lors d’une situation habituellement stressante pour les deux parties, l’entretien. Ainsi, nous souhaiterions retrouver cette ambiance chaleureuse dans notre vie professionnelle et l’instauration d’une pratique de dépistage conjointe avec les parents peut en être une voie. Mettre en place cette recherche nous a également appris à « aller au bout de ses convictions » en prenant la peine d’insister auprès des personnes responsables afin de pouvoir réaliser notre projet. Tout ne se déroule, effectivement, pas facilement et il est alors important de persévérer dans sa démarche. Aussi, nous éprouvons une satisfaction personnelle à avoir pu mettre en place et réaliser un tel projet de recherche qui a demandé une importante collaboration avec les différents professionnels de l’IPE, tels que la direction ou les éducatrices. Cette recherche nous a amené à changer notre « regard sur les parents ». En effet, ce travail nous a confirmé que nous pouvions faire confiance aux parents et en leurs capacités à observer et évaluer leur enfant. Nous avons, d’ailleurs, noté qu’ils n’hésitent pas à mettre en lumière les difficultés de leur enfant et semblent même parfois étonnés en comparant leurs observations, plus sévères, avec celles des éducatrices. Cette recherche nous a également permis d’affiner nos connaissances sur le dépistage précoce des troubles du développement et surtout d’expérimenter de manière concrète la collaboration avec les familles et les professionnels.

Bien que ce travail ait été long, compliqué et parfois difficile à gérer compte tenu de nos situations personnelles, la distance et les changements professionnels qui ont beaucoup évolués pendant toute la durée de notre recherche et écriture de ce travail, nous avons pu mettre en lien un travail de terrain avec la théorie acquise durant notre cursus estudiantin et surtout porter un regard de chercheuses et le transmettre à travers ce travail.

Pour conclure, ce travail nous questionne sur la nécessité de la mise en place d’une procédure de dépistage précoce systématique, à l’aide d’un outil de dépistage tel que l’Ages and Stages Questionnaires, dans le milieu de la petite enfance genevoise. Comment amener toutes les Institutions Petite Enfance d’un canton comme Genève, qui fonctionnent chacune de manière autonome, à pratiquer d’un même concert ? Est-il possible de commencer par une IPE pilote afin d’en constater les résultats puis, imaginer une généralisation ?