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6. Résultats et interprétations

6.4 Apports de l’utilisation de l’outil ASQ dans la relation parents-professionnels

sont partants et motivés. Les éducatrices se sont données de la peine pour bien expliquer aux parents notre recherche afin qu’ils participent. Les parents ont accepté de s’impliquer dans cette co-construction avec les éducatrices pour le bien de leur enfant. En effet, les parents n’étaient pas obligés de participer, surtout sans même nous connaître, mais ils se sont engagés dans cette recherche car c’est l’institution de leur enfant, c’est pour le développement de leur enfant et aussi pour la curiosité et l’envie d’apprendre de nouvelles choses.

Les pratiques tant de l’éducatrice que du parent sont remises en question et sujettes à discussion.

Les parents et les éducatrices trouvent intéressant de voir ce qu’il est possible d’aménager comme activités ludiques et que nous pouvons faire les mêmes peu importe le lieu, à la maison ou à la garderie.

6.4.1 Les a priori des professionnels avant la démarche

Pour commencer, il faut préciser que lorsque nous avons proposé notre projet de mémoire à la directrice et son adjointe, en expliquant que les éducatrices étaient partantes et motivées, elles ont dans un premier temps été assez sceptiques. En effet, elles avaient un présupposé sur les parents en étant persuadées qu’ils n’allaient pas participer. Le fait qu’il y ait un doute de la part de la direction nous montre que la relation et la compréhension entre les parents et les éducatrices n’étaient pas toujours bien établie. Dans la retranscription du focus group (Annexe 7), nous retrouvons aux lignes 556 - 558, la responsable adjointe qui évoque son état d’esprit au début de la recherche : « moi j’avais quand même un petit peu des a priori de me dire . mais comment les parents ils vont vraiment réussir . à faire ce questionnaire ».

Ici, malgré les réticences de la directrice et de son adjointe, elles nous ont autorisées à lancer notre projet auprès des éducatrices et des parents. Nous supposons que les éducatrices ont joué un rôle important dans cette décision et que la direction a quand même laissé « une porte ouverte » en essayant un nouveau projet dans leur institution. En effet, au lieu de nous dire un « non » définitif, elles ont laissé les parents décidés s’ils voulaient ou non participer à notre recherche. Cela nous montre, que la directrice exerce un bon leadership car elle reste ouverte aux nouveautés et est attentive aux demandes et besoins de ses éducatrices. Irwin, Lero et Brophy (2004) soulignent l’importance de la position de la direction d’un établissement pour influencer les pratiques de leur personnel. En effet, les éducatrices répondent positivement à de nouveaux projets si la direction soutient ce type de démarche.

Le rôle de la directrice a donc été très important dans notre démarche car c’est elle qui a décidé si la recherche avait lieu ou non. En exerçant un bon leadership et en étant ouverte d’esprit, la directrice et son adjointe ont accepté notre recherche et ont fait confiance aux éducatrices ainsi qu’aux parents.

La direction a été également intéressée de savoir si tous les parents avaient accepté ou s’il y avait eu des refus, lors du focus group, la question est de nouveau apparue mais elles ont aussi demandé si les éducatrices avaient dû insister ou pas. Aux lignes 634 - 647, nous avons une discussion entre l’adjointe et les éducatrices au sujet des parents. Elle demande « et les parents / vous avez pu trouver facilement / des parents qui souhaitaient le faire / ils ont tout de suite dit / ah super on vient / ou bien vous avez du insister », les éducatrices ont répondu qu’elles n’avaient pas insisté mais bien expliqué et que la majorité ont accepté tout de suite.

6.4.2 Une opportunité de réaliser un entretien sur le sujet spécifique du développement de l’enfant

L’utilisation d’un outil tel que l’ASQ a permis aux parents et aux professionnels d’avoir un entretien qui n’est pas prévu par la garderie. Cet entretien a donné la possibilité aux parents et aux

éducatrices d’aborder des sujets qui sont difficiles à énoncer entre deux portes, lors de l’accueil ou du départ de l’enfant.

De plus, plusieurs parents ont abordé le fait qu’ils ont apprécié d’avoir la possibilité de faire un entretien avec le professionnel. Ils ont mis en avant le besoin qu’ils avaient d’avoir un moment d’échange avec les éducatrices en dehors du temps d’accueil ou de retour de l’enfant. Dans ces situations, bien que les enfants se situaient en grande majorité dans la zone blanche, les parents étaient tout de même inquiets du développement de leur enfant. Ils montraient également de l’intérêt dans le but de mieux connaître la garderie, pour ainsi pouvoir appréhender ce que fait leur enfant dans la journée.

Ce qui est fortement mis en avant lors des rencontres, c’est que ce moment d’entretien permet des échanges entre les parents et les professionnels qui ne peuvent pas être fait au moment de l’accueil ou du retour de l’enfant, entre deux portes.

Nous avons pu constater que certains thèmes sont récurrents tels que la santé de l’enfant, son développement et la vie à la maison. Les parents parlent avec confiance de ce qui se passe à la maison, des différences d’éducation entre les deux parents, le cadre et les limites difficiles à poser à l’enfant. Ainsi les parents rentrent dans une certaine intimité et le professionnel rentre dans l’intimité des familles qui lui en parle.

Un lien de confiance se tisse, se crée, se transforme ou reste inchangé entre l’éducatrice et les parents, mais l’entretien est un moment privilégié et propice à l’évolution de la relation entre les parents et l’éducatrice. Ce moment de rencontre permet à l’éducatrice de leur donner des conseils et de discuter sur une base commune avec les parents en fonction des résultats de l’enfant.

Il est mis en avant, pendant les rencontres, l’intérêt du parent d’avoir un entretien durant l’année pour échanger sur ce qui se passe à la garderie. Cela permet d’avoir un autre regard sur le comportement de l’enfant dans un autre milieu que celui de la famille et nous constatons alors qu’il n’agit pas forcément de la même manière. Ensemble, le parent et l’éducatrice peuvent discuter du projet pour l’enfant pour l’année à venir. En effet, l’éducatrice peut prévenir les parents que leur enfant va ou pas changer de groupe l’année d’après afin de les préparer au changement.

Tursz et al. (1999) mettent effectivement en avant l’apport important des entretiens et des diverses discussions entre les parents et les éducateurs du jeune enfant. Ils expliquent que ces moments permettent de mettre l’accent sur les forces et les difficultés de l’enfant mais également de comparer ces observations dans des situations multiples et non pas uniquement dans le contexte familial ou le contexte de garde. De plus, les auteurs expliquent qu’à travers ces moments d’échanges, il peut y avoir une évolution de la relation entre les parents et les professionnels grâce à une communication dans les deux sens et non plus seulement de professionnels à parents. Un autre élément important ressort de cet article, proposé par les auteurs, c’est le fait que les entretiens permettent aux parents de pouvoir s’engager dans une démarche de collaboration avec les professionnels et inversement.

L’entretien a permis de rassurer les parents sur les capacités de leur enfant, soit grâce à la comparaison des résultats avec le graphique, soit grâce à l’éducatrice ou à la chercheuse.

Lors des entretiens, nous voyons les parents inquiets de connaître les résultats des questionnaires des éducatrices et de comparer les résultats. Une fois, le graphique présenté, les parents sont apaisés.

Les scores demeurent impressionnants pour le parent et il souligne qu’il est important de rester vigilant quant au développement de cet enfant.

6.4.3 Les apports du point de vue des parents

Les parents rendaient même les questionnaires plus tôt que prévu et étaient impatients d’avoir les résultats.

Certains parents ont dit le besoin qu’ils avaient de parler à l’éducatrice, de discuter et de partager leurs craintes, tant par rapport à la santé de l’enfant, à son comportement à la garderie et à la

Enfin l’intérêt d’avoir un outil comme l’ASQ est le fait que les parents soient parties prenantes et participent au développement de leur enfant. De plus, même si les parents étaient inquiets et stressés avant l’entretien, ils savaient de quoi nous allions discuter et savaient ce qui avaient été testé et ce qu’ils avaient répondu. En travaillant sur la même base, les parents et les éducatrices étaient au même niveau « hiérarchique » et les discussions reposaient sur une base commune d’items et pas seulement sur des observations d’un seul lieu. Les parents étaient soulagés de savoir que les éducatrices aient fait passé le même questionnaires qu’eux.

De ce fait, nous avons constaté que lorsqu’il y a un domaine qui est à surveiller pour un enfant, les parents sont moins surpris à l’annonce des résultats car ils ont pu s’en rendre compte à la maison en remplissant le questionnaire. Ils sont alors plus ouverts à la discussion et ne vont pas « se braquer » en entendant les observations des éducatrices. La maman de Jonathan nous explique que « l’outil est vraiment top pour voir les différences et s’il y a des problèmes, que ce n’est pas juste sur l’appréciation de l’éducatrice. Les parents le font aussi donc ça peut leur ouvrir les yeux sur leur enfant. ». Le papa de Rémi nous dit qu’il trouve que c’est « intéressant comme outil pour se rendre compte des choses, que cela peut sûrement aider les parents à ouvrir les yeux sur leur enfant et agir en conséquence. Ce n’est pas facile d’agir et de voir les difficultés de son enfant sur des « simples paroles » de l’éducatrice car on peut vite mal le prendre, comme une critique, ce qu’une éducatrice peut dire sur son enfant. ».

Ce parent évoque alors le concept de « partenariat » qui se distingue, comme l’affirme Chatelanat et Pelgrims (2003), par le fait que plusieurs personnes se retrouvent pour débattre d’un sujet ou d’objectifs communs. Krieger et al. (2013) ajoutent que ce concept est intéressant, dans le milieu de la petite enfance et du dépistage précoce car les parties se doivent de travailler ensemble et de partager leurs compétences. Ainsi, l’efficacité de cette méthode de prise en charge a été largement

constatée sur le continent européen. Dans cette optique, Favez et Métral (2002) expliquent que les informations apportées par les parents sont importantes et fiables surtout lorsqu’ils évoquent des comportements qui ne sont pas facilement observables en dehors du milieu familial.

Un parent note toutefois le fait qu’il est intéressant pour eux de pouvoir observer une similitude entre les résultats de la maison et ceux de la garderie.

Dans un cas sur deux, le parent explique que de voir ces résultats lui apporte de la fierté vis-à-vis de son enfant.

Un parent a émis une réflexion et un doute en voyant la différence des résultats entre la maison et la garderie. Il a dit « Peut-être que j’ai surévalué ? ». A l’inverse, deux parents, en regardant la comparaison des scores, évoquent le fait d’avoir peut-être sous-évaluer leur enfant lorsqu’ils voient les résultats de la garderie. Rappelons que dans la littérature, les parents ne surestiment pas le développement de leur enfant.

Une thématique ressort fortement dans plusieurs entretiens, c’est l’inquiétude. En effet, qu’elle soit craintive ou sereine, elle est présente dans l’esprit des parents au moment de recevoir les résultats des tests de dépistage. Une maman évoque même le fait que d’observer un résultat peu élevé chez son enfant pourrait être difficile à accepter. Ainsi, pour certains parents, avoir les scores leur permet de se rassurer et à d’autres de confirmer leur confiance.

Nous pouvons noter que lors des entretiens, certains parents ont fait peu de remarques concernant un apport quelconque de la prise de connaissance des résultats des questionnaires.

Les bons résultats généraux des enfants, lors de la passation à la maison, pourraient être un élément expliquant ce manque d’intérêt. Quelques parents montrent tout de même un « soulagement » de connaître les résultats.

Un des parents était nerveux de connaître les résultats du test bien qu’avant la passation du test, la famille avait pris les devants en inscrivant l’enfant à des séances de logopédie au rythme de deux fois par semaine. Le professionnel et le parent ont tous deux constaté des progrès dans le comportement de l’enfant suite à ces séances et ils s’accordent sur le fait qu’ils ne peuvent plus se baser entièrement sur les résultats à la vue de sa progression.

6.4.4 Les apports du point de vue des professionnels

Comme nous l’avons précisé ci-dessus, la directrice et son adjointe étaient inquiètes de l’ampleur de la recherche, de toute l’organisation à mettre en place et de l’implication des parents. Nous les avions rassurées en leur expliquant que nous allions être très présentes pour les éducatrices et pour toutes les questions de celles-ci et des parents. Cette inquiétude ressort dans le focus group aux lignes 691-701. Ici, nous avons pu voir qu’avec l’expérience de notre recherche, la direction et les éducatrices ont vu que les parents sont parties prenantes lorsqu’il s’agit de leur enfant et qu’ils étaient très motivés.

Les éducatrices nous ont fait part de leur inquiétude face aux familles qui parlent une autre langue que le français à la maison. En effet, elles étaient inquiètes pour les enfants car elles ne savaient pas ce qu’ils allaient comprendre de leurs demandes mais stressées également pour les entretiens pour les mêmes raisons concernant les parents. Au final, tous les entretiens se sont bien passés et

même avec une langue maternelle différente, les éducatrices et les parents ont réussi à se comprendre.

Les éducatrices ont apprécié l’ouverture des parents sur leur vie privée. Une éducatrice a également trouvé intéressant d’avoir un entretien qui commence par une base commune de discussion et non pas commencer par poser le problème de l’enfant. En effet, le questionnaire permet de partir d’une base commune, puis d’élargir la discussion et de ne pas se focaliser sur le problème. Elles expliquent aux lignes 87 à 93 que lorsqu’il y a une « inquiétude » de leur part, c’est plus facile pour les parents d’accepter et de s’en rendre compte car ils ont également rempli le questionnaire.

L’utilisation d’outils de dépistage à remplir par les parents pour les professionnels, comme l’expliquent Squires, Potter, Bricker et Lamorey (1998), peut être un point d’entrée pour entrer dans la communication et le partenariat entre les acteurs.

Beauregard, Comeau et Poissant (2010) appuient cette vision de l’utilisation d’un outil de dépistage comme pont de communication entre les parents et les professionnels. En effet, les auteurs ajoutent que cela peut avoir un impact sur l’engagement des parents dans la démarche et dans la relation avec les professionnels. Ainsi, les parents ont l’opportunité de connaître de manière plus précise leur enfant et seront capables de lui proposer des activités adaptées à son niveau de développement.