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Section 1. Les facteurs de déplacements

A. Deux concepts fondamentaux du modèle

La construction théorique du modèle repose sur deux concepts qui semblent définir et organiser les flux de visiteurs sur un réseau d'accueil, l'accessibilité et l'attraction des sites à partir de comportements de pratiques récréatives spatiales.

principaux facteurs de la répartition sur les sites naturels. Ils sont dépendants de deux facteurs, sa localisation dans le réseau exprimée par le concept d'accessibilité et dans un second temps, sa position relative par rapport à d'autres lieux que l'on déterminera par les attractions mutuelles que les sites possèdent les uns envers les autres.

1). L'accessibilité

Les travaux de Baxter et Ewing208 ont bien mis en évidence l'importance de l'accessibilité des

sites aux points de départ sur un réseau d'accueil. S'il apparaît indéniable que l'accessibilité routière des sites est un des éléments de la fréquentation des sites, l'accessibilité des curiosités naturelles d'un parking est tout aussi importante209.

Nous différencions deux types d'accessibilité : l'accessibilité routière liée au déplacement voiture et l'accessibilité pédestre du site naturel à partir d'un parking ou de tout autre lieu de stationnement.

La définition, donnée par J.M. Huriot et J. Perreur210, définit l'accessibilité d'un lieu comme la

mesure de la plus ou moins grande facilité avec laquelle une unité peut atteindre ce lieu depuis un sous ensemble de lieux. Exprimé dans ces termes, il convient alors de différencier l'accessibilité simple et l'accessibilité globale ou généralisée.

L'accessibilité simple permet de savoir si un lieu est accessible ou pas à partir d'un autre lieu. Cette accessibilité est une fonction de la distance : Aij= f(d(i,j)). L'accessibilité généralisée,

contrairement à l'accessibilité simple, consiste à mesurer un indicateur qui détermine l'accessibilité d'un point i de l'espace par rapport à un ensemble de points choisis j. Cette accessibilité généralisée d'un lieu peut se calculer de plusieurs façons mais la plus courante consiste à calculer l'ensemble des accessibilités simples de tous points à tous points et de la relativiser à tous les trajets d'un site à tout autre.

= ij j ij i i d d A /

De cette façon, l'accessibilité généralisée d'un lieu traduit quantitativement sa position plus ou moins centrale ou enclavée dans l'espace. Plus la valeur Ai est faible, plus le site est isolé, plus

208 Cf Le modèle de déplacement de Baxter et Ewing, page 132.

209 Cf. Modèle de pratiques récréatives dans une région naturelle, page 138.

cette valeur est élevée plus le lieu possède un caractère de "centralité", ou que le lieu i possède une meilleure desserte.

Il est nécessaire d'identifier deux distances bien distinctes dans un déplacement récréatif. La première est la distance d'accessibilité séparant le point de départ (la résidence ou la porte d'entrée) et l'espace naturel (généralement symbolisé par le premier site visité). La seconde est celle qui sépare les sites sur un réseau. Si le visiteur décide de visiter plusieurs sites, la distance réseau les séparant jouera un rôle fondamental sur la possibilité d'effectuer des circuits, donc sur le nombre de sites visités lors d'un déplacement récréatif. De même, les sites sont considérés comme significativement distincts ou non en fonction d'une distance minimale les séparant.

Nous ne prendrons pas l'accessibilité généralisée bien qu'elle pourrait être utilisée pour modéliser les potentialités d'un réseau à offrir des cheminements touristiques ou bien pour analyser l'insertion d'un site dans un réseau. Mais des calculs plus puissants comme les

attractions absolues211 ou l'autocorrélation spatiale212 analysant le voisinage possèdent une dimension

explicative bien plus efficace que nous développerons ultérieurement.

Nous pensons qu'une accessibilité généralisée présuppose que le premier déplacement voiture (de la résidence au premier site visité) soit de même nature qu'un déplacement voiture entre deux sites visités, or les observations laissent croire que ces deux déplacements sont de formes et de natures différentes. Les temps de déplacements ne semblent pas être dans le même ordre de grandeur. Si le premier déplacement peut répondre à un déplacement qui minimise le temps de parcours, les déplacements entre des sites lors d'un circuit touristique peuvent aussi faire partie de la visite d'un espace naturel (route de la corniche des Gorges du Verdon, route des crêtes des Vosges...), dans ce cas les déplacements ne minimisent pas toujours les temps de parcours.

Pour les déplacements voiture, nous entendons par accessibilité, l'accessibilité simple d'un site à partir d'un point de départ du déplacement (le lieu de la résidence ou la porte d'entrée du réseau). C'est l'accessibilité du premier déplacement voiture, celui qui permet de se rendre sur un espace naturel. L'accessibilité généralisée n'est pas pour autant oubliée, mais elle sera prise ____________________________________________________________________

Ferras, D. Pumain, Economica, Paris,1995. p. 55.

211 Attractions produites sur un site par ses voisins (Mathis (Ph.), 1977).

212 Le concept d'autocorrélation spatiale permet à partir de calculs de variance d'analyser l'homogénéité de la

distribution d'informations sur l'espace en fonction du voisinage (Jayet (H.) 1993, Pumain (D.) et Saint Julien (T.) 1997).

en compte de façon différente dans les attractions que les sites du réseau possèdent entre eux. L'accessibilité simple sera donnée par le temps minimal (ou le chemin le plus court) qu'il est nécessaire d'effectuer au départ de la résidence d'un visiteur (ou de tout autre point d'entrée sur le réseau) pour se rendre sur l'espace naturel ou sur un site particulier en fonction de son attraction.

2). Les attractions

Toutes les observations que nous avons faites précédemment tendent à mettre en évidence qu'il existe une relation qui lie la distance et l'offre du site, ce que l'on peut aussi appeler l'attraction du site, l'influence que produit un site sur son voisinage. Cette distance doit être distinguée de celle de l'accessibilité car elle ne rentre pas dans le même processus de déplacement. Cette distance d'attraction est liée au type de circulation qu'auront les visiteurs entre les différents sites qui forment le réseau d'accueil. Si la distance d'accessibilité est celle qui sépare la résidence à l'espace naturel, la distance d'attraction est celle qui existe entre les différents sites de l'espace d'accueil. Ces distances associées aux masses des sites engendrent des phénomènes d'attractions qui vont interagir entre elles et créer des espaces de circulation plus ou moins attractifs car des sites seront plus ou moins enclavés, connectés et connexes sur le réseau.

Or notre hypothèse concernant le fait qu'un site moins enclavé utilise l'attractivité des sites voisins pour sa propre attractivité, nous oblige à considérer qu'il n'y a pas de symétrie entre les attractivités. L'attractivité d'un site est alors une fonction des attractions des sites voisins et de l'attraction que le site possède avec son offre spatiale.

a). Modèle de potentiel

La formulation du modèle de potentiel qui va servir de base aux calculs d'interactions spatiales des sites est la suivante213 :

ij j j i d E k Po = . ou −1 ij jd

kE qui est une formulation214 de α −β

ij jd

kE si α=1 et β=1

iPoj : potentiel du lieu j sur le lieu i (signifiant en physique, l’énergie provoquée par la masse j

213 Pini (G.). "L'interaction spatiale", in Encyclopédie de géographie, op. cit. p. 564. 214 Formulation du modèle gravitationnel de Reilly généralisé (Mathis Ph., 1973 et 1977).

sur l’unité de masse i) ; Ej : masse de j (le plus souvent la population, que l’auteur nomme l’émissivité) ; dij : distance entre i et j (pour i=j, la distance peut être prise égale à un, mais elle

peut aussi faire l’objet d’ajustements ou de pondérations obtenus empiriquement) ; k : constante.

C'est un modèle descriptif qui montre que les forces d'attraction dépendent de deux variables, la masse et la distance. L'utilisation de ces types de modèles ont servi généralement à calculer les interactions qu'avaient les pôles urbains entre eux afin de déterminer leur zone d'attraction, on peut citer les modèles tirés de la généralisation de la loi de Reilly.

La principale différence qui existe entre un modèle de type gravitaire et de type potentiel réside dans la forme même de la formalisation mathématique. Pour chaque pôle (ou site), la masse est prise en compte, et chacun attire donc simultanément en fonction de sa masse. Le déplacement est alors fonction de la résultante de toutes ces attractions. Ce qui veut dire que le modèle est dissymétrique, contrairement à un modèle purement gravitaire qui considère les échanges symétriques. Le point A exerce sur un point B une attraction qui ne sera pas la même que celle de B sur A.

L'avantage de prendre en compte les attractions des sites est d'obtenir une dimension quantitative à la hiérarchie du réseau. La masse d'un site, qui se définit par son offre spatiale, sa taille, sa notoriété, etc. possède une influence plus ou moins importante sur les autres sites en fonction de sa position qui le rend plus ou moins accessible d'autres sites dans le réseau,

b). Primauté de la masse sur la distance

Ph. Mathis215 indique que les modèles gravitaires mettent trop l'accent sur les élasticités

affectées à la distance car elle est évolutive avec les progrès techniques liés à la vitesse moyenne des temps de trajets des nouveaux modes de transport et à la notion même de distance utilisée (coûts, distances métriques, échelles...). C'est-à-dire qu'il va considérer que les influences des points sur l'espace sont principalement liées à une fonction de leur masse. Cette hypothèse de primauté de la masse sur la distance, concernant l'explication des différences qui existent entre les influences, représente un facteur important de la hiérarchisation de l'espace.

Cette primauté de la masse sur la distance aura pour conséquence dans le modèle FRED de s'intéresser plus particulièrement aux nœuds du réseau (ou sommets du graphe) et à ce qu'ils

représentent non seulement dans le graphe mais aussi dans les formes de répartition des visiteurs sur les sites.

Comme nous l'avons vu précédemment, si les accessibilités apparaissent être un facteur explicatif des répartitions de visiteurs sur un espace, cette variable apparaît de plus en plus comme une valeur limitant par défaut des déplacements puisque des seuils de temps de parcours semblent gérer les distances de déplacements. Cette observation implique alors que la distance n'est pas l'unique variable explicative.

En matière de modélisation, cette hypothèse de primauté a des répercussions importantes. Si la forme de représentation de l'espace se fait par un graphe, cela suppose alors que les caractéristiques des nœuds (sommets du graphe) sont les éléments déterminants du système de déplacement et les liaisons entre ces points (arcs du graphe) apparaissent non pas secondaires mais moins explicatives. La valuation d'un arc est simple (coût de transport, temps, distance) car sa formulation mathématique est homogène et souvent linéaire, celle d'un nœud l'est beaucoup moins. Cette constatation est d'autant plus vraie pour un réseau d'accueil récréatif. La massification d'un site dépend de grandeurs difficilement quantifiables car elles sont liées à des comportements humains : valuation esthétique d'un paysage à partir d'un point panoramique, valuation d'une activité récréative sur les comportements de diffusion spatiale, valuation des équipements d'un site dans les pratiques récréatives.

Si on rajoute que les déplacements peuvent posséder plusieurs arrêts, il devient évident que le système hiérarchisé du réseau d'accueil va avoir une importance de premier rang dans l'organisation des circulations donc des répartitions. La fréquentation d'un site sera alors soumise à l'influence de l'ensemble des forces d'attraction des sites environnants.

c). L'influence du voisinage

Si l'on veut modéliser l'effet des comportements des visiteurs sur les déplacements, il devient nécessaire d'introduire une fonction (qui lie la distance et la masse) qui tienne compte de l'influence des sites voisins dans l'attractivité du site. Pour cela nous utiliserons comme base théorique le modèle des attractions absolues de Ph. Mathis216.

La modélisation des attractions absolues, définie par Ph. Mathis est un modèle dérivé du ____________________________________________________________________

215 Mathis (Ph.). "Economie urbaine et théorie ...op; cit. 216 Ibid. - p335.

modèle de potentiel, qui associe pour chaque masse une attraction du site dans l'espace. Ce modèle consiste à déterminer "l'attraction absolue" exercée par chaque ville sur toutes les autres. Cette attraction est ensuite relativisée sur l'ensemble du réseau et donne l'attraction relative de la masse. Elle traduit l'influence que possède une masse sur le réseau.

β α ) , ( ) , (i j cPi /dDij AA = ou AA(i,j) =cPiαdD(−ij)

avec Pi , population de la ville i ; D(i,j), distance entre la ville i et j ; α , élasticité spécifique d'une fonction déterminée appliquée sur la population ; β, élasticité sur la distance ; c et d, deux paramètres d'ajustement.

AA(i,j) est la matrice de dimension (N,N), non symétrique, indiquant pour tous les couples (i,j), avec i≠j l'attraction absolue de i sur j et de j sur i, si les populations des deux villes sont différentes, les attractions sont dissymétriques.

A partir de cette relation, Ph. Mathis calcule l'attraction relative d'une ville sur l'ensemble des autres villes. Cette attraction relative détermine la probabilité pour un agent localisé en j d'aller en i ce qui permet de déterminer pour une origine le classement et le poids des sites attractifs.

) , ( 1 ) , ( ) , ( j i n i j i j i AA AA AR

= = avec (, ) 1 1 =

= i j n i AR

L'intérêt d'un tel modèle est de différencier l'ensemble des attractions de chaque point de l'espace et sur chaque point de l'espace de donner une dimension relativisée de la valeur de cette attraction.

Le principe de modélisation que nous utiliserons pour FRED, sera sensiblement différent. Ph. Mathis calcule l'influence qu'exerce i sur ces voisins j, nous allons calculer pour chacun des sites l'attraction produite sur i par les sites voisins j217. Concrètement, dans la formulation, au

lieu de prendre Pi on prendra Pj pour avoir une formulation de ce type :

β α ) , ( ) , (i j cPj /dDij AA =

C'est-à-dire que l'on calcule un potentiel des sites j voisins susceptibles de rendre le site i plus

attractif en fonction de sa position dans le réseau. On reprend ici l'hypothèse qu'un site plus ou moins isolé sera plus ou moins attractif.

En résumé, un site possédera un potentiel attractif qui dépendra de la valeur attractive de son offre spatiale et des attractions absolues des sites voisins.

La construction du modèle FRED va donc dépendre de l'intégration des trois éléments fondamentaux qui gèrent le système des déplacements récréatifs sur un espace d'accueil récréatif, le visiteur, le lieu et le réseau.