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UNE CONCEPTION MAÇONNIQUE DU PROGRES RENOUVELEE A L’EPOQUE CONTEMPORAINE

153. - À l’époque contemporaine, on observe que la franc-maçonnerie a adopté une définition propre de la notion de progrès, puis l’a théorisée, entretenant ainsi son rapport filial avec la philosophie humaniste (§ 1). En outre, l’examen de ces actions au cours de la même période permet de constater qu’elles sont toutes orientées dans un même but, celui de la défense de la laïcité et de ses différentes applications (§ 2).

§ 1. La théorisation contemporaine de la pensée maçonnique

154. - La pensée maçonnique a été théorisée et synthétisée à l’époque contemporaine, principalement par Jean MOURGUES312 et Pierre SIMON313. Elle s’articule autour de deux axes : la revendication explicite d’une filiation à la pensée humaniste (A) et la restriction de l’appréhension du progrès à des options sociales fondamentales (B).

A. La revendication explicite d’une filiation à la pensée humaniste

155. - Jean MOURGUES explique que la franc-maçonnerie a pour mission « d’élever ses

membres à plus de lucidité, à plus de maîtrise, et à plus de dignité ».314 Plus loin, il écrit que

« le travail maçonnique consiste à libérer. »315 Cette libération intervient par l’acquisition de

l’autonomie du jugement et de la conduite. L’évolution de la franc-maçonnerie française se

conçoit comme « une marche progressive vers la liberté de conscience »316. C’est bien la

conception du progrès propre aux Lumières qu’on retrouve ici. L’apprentissage, les connaissances libèrent l’homme. Comme le précise Jean MOURGUES, « l’Ordre […] doit

312 J. MOURGUES, La Pensée maçonnique « une sagesse pour l’Occident », PUF, coll. Politique d’aujourd’hui,

Paris, 5e édition, 1999, 282 p.

313 P. SIMON, La franc-maçonnerie, un exposé pour comprendre, un essai pour réfléchir, Flammarion, collection

Dominos, 1997, 126 p. et De la vie avant toute chose, éd. Mazarine, Paris, 1979, 258 p.

314 J. MOURGUES, La Pensée maçonnique « une sagesse pour l’Occident », PUF, coll. Politique d’aujourd’hui,

Paris, 5e édition, 1999, p. 40. 315 J. MOURGUES, op. cit., p. 139. 316 J. MOURGUES, op. cit., p. 36

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demeurer fidèle à la conception progressive d’une approche de la condition humaine. »317

D’ailleurs, l’œil dans l’imagerie de la franc-maçonnerie symboliserait la raison. Il illustre son propos en expliquant, plus loin, que le message que doivent délivrer les maçons repose sur quelques notions fondamentales : le « caractère universaliste de la civilisation, [le] respect de

la civilisation, [le] respect de la dignité humaine par la reconnaissance de la liberté de conscience en tout homme, [l’] apprentissage nécessaire et progressif des conditions de la maîtrise de soi, de la connaissance du monde et l’amour comme signe de la victoire à la fin

des combats. »318 Aussi, Pierre SIMON souligne que le maçon est toujours « à la disposition

[…] du social pour le prendre en charge et le faire progresser »319 Pour la franc-maçonnerie,

l’homme est la mesure du progrès. Elle est optimiste et croit en la perfectibilité de l’homme : les textes fondateurs, comme la Constitution d’ANDERSON, le prétendaient déjà320.

156. - Le « V.I.T.R.I.O.L.321 des hermétistes », ancêtre traditionnel des francs-maçons, se

fonde sur la permanence du processus de rectification qui réside au cœur des sciences. Pierre SIMON fait d’ailleurs référence à André LWOFF, prix Nobel de médecine en 1965 : « Le

progrès de la science implique l’abandon des concepts anciens et la construction de systèmes nouveaux ». On retrouve là une familiarité avec les idées développées par PASCAL et

ROUSSEAU. Comme la science, la franc-maçonnerie propose un renouvellement perpétuel des concepts : quand l’un ne fonctionne plus de façon satisfaisante, un nouveau concept est proposé qui n’est pas le perfectionnement de l’ancien. C’est ce que Pierre SIMON appelle la

méthode maçonnique. La notion de temps créateur est assimilée par Pierre SIMON qui écrit

« c’est le Temps qui remplace le paradigme ancien »322. Il observe qu’en application de ce

nouveau paradigme, qu’il nomme « paradigme génétique », depuis les années 1970, une véritable mutation des mœurs et des fondements de la société française s’est opérée. « La foi

du franc-maçon en fait un « homme de progrès » qui poursuit le combat des Lumières. Or, la loi générale de l’évolution est le passage du simple au complexe, du désordre à l’ordre […].

317 J. MOURGUES, op. cit., p. 273. 318 J. MOURGUES, op. cit., p. 276.

319 Propos recueillis par Marc HENRY et Guy GENTIL, à l’occasion d’un entretien réalisé en avril 2006, dont le

contenu est disponible sur le site internet de la Grande Loge de France : http://www.gldf.org/radio/ann%C3%A9e- 2006/210-emission-davril-2006 (consulté le 7 février 2014).

320 P. SIMON, op. cit., p. 28.

321 « Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultam Lapidem » : « Visite l’intérieur de la Terre, et la

fouillant, tu trouveras la pierre philosophale ». Cette formule est une « invitation à la recherche de l’Ego profond, qui n’est autre que l’âme humaine elle-même, dans le silence et la méditation », selon J. BOUCHER, La symbolique maçonnique, p. 30.

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La pensée maçonnique progresse en soutenant les fondements de la Tradition par des concepts quotidiennement renouvelés. On ne détruit pas des certitudes, on les rectifie. […] Ainsi le progrès ouvre la voie de la morale. La maçonnerie prône une morale évolutive, là où l’enseignement dogmatique impose une morale figée. Dans le respect de la tradition, la

morale évolutive redéfinit quotidiennement les concepts qu’elle s’attache à valoriser.323 »

B. La limitation de l’engagement maçonnique à des options sociales

fondamentales

157. - Pour Jean MOURGUES, contrairement à ce qui a été développé précédemment, la vocation de la franc-maçonnerie n’est pas de se saisir des questions contemporaines. Il écrit : « Ceux qui voient dans la maçonnerie une institution réformiste ou progressiste à vocation

sociale immédiate ne se rendent pas compte qu’ils asservissent l’Ordre aux idées reçues – et qui passent –, qu’ils l’abaissent au niveau de la propagande et de la publicité, des lieux

communs et des slogans. »324. Il ajoute que le travail mené en loge est bien plus individualiste

que la majorité ne le pense. M. Alain BAUER, ancien Grand Maître du Grand Orient, relève cette division qui a toujours existé au sein de la franc-maçonnerie. On trouve d’une part les partisans d’une franc-maçonnerie « relevant uniquement de l’ordre « initiatique » » et d’autre part, ceux d’une franc-maçonnerie « politique fortement engagée dans le mouvement

social »325, pratiquant un rituel réduit au minimum.

158. - Mais le risque, Jean MOURGUES le relève : devenir un acteur qui « tourne le dos à

son siècle », qui « déserte la cause de l’humanité »326. Néanmoins, pour lui, ce risque doit

être pris afin éviter, d’une part, la confusion entre l’action maçonnique et celle de toute autre organisation et, d’autre part, le défaut d’apport d’une nouvelle dimension de l’action, d’une « valeur ajoutée » si l’on peut dire. Précisons que l’opinion de Jean MOURGUES, ici retranscrite, ne remet aucunement en cause l’existence d’une réelle influence de la franc-

323Ibid.

324 J. MOURGUES, op. cit., p. 142.

325 A. BAUER, Grand O – Les vérités du Grand Maître du Grand Orient de France, Folio documents, 2002

(publié aux éditions Denoël en 2001), p. 88.

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maçonnerie. La contradiction n’est que de façade, dans la mesure où ce maçon agit au moyen de son apprentissage maçonnique.

159. - Toutefois, s’il exclut du travail maçonnique les questions d’actualité, il n’en exclut pas des questions à portée plus vaste, comme celle du choix d’un modèle économique, ou les réponses possibles aux menaces totalitaires. Il estime que la franc-maçonnerie, par sa vocation historique, et son travail sur la maîtrise sur soi de l’individu, peut être source de réponse, tout en reconnaissant que cette idée peut apparaître comme une utopie.

160. - En outre, l’exclusion d’engagement des francs-maçons en tant que tel sur toute question ne signifie pas que le maçon ne doit pas s’engager. Au contraire, son initiation, puisqu’elle a vocation à offrir au maçon une autonomie de pensée, doit lui permettre de « mieux » s’engager, mais à titre individuel et non en tant que maçon. Il écrit : « Le progrès ne peut être

confondu avec l’efficacité, le salut avec la gloire temporelle et la vertu avec le vedettariat.

[…] L’action qui n’est qu’agitation ne mène à rien, l’action pour l’action permet de vivre

d’illusions, mais les résultats obtenus s’achèvent dans la routine, le formalisme et la

sclérose. »327

§ 2. Les illustrations contemporaines de l’engagement des maçons en faveur du progrès : la défense de la laïcité

161. - À l’heure où les fonctions régaliennes étaient partiellement exercées par l’Eglise, la franc-maçonnerie a œuvré à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Elle a donc défendu directement la laïcité (A). Ensuite, elle s’est attachée à poursuivre la mission qu’elle s’était donnée en dénonçant les reliquats de la doctrine catholique assimilés par l’Etat et bridant la réflexion dans des domaines tels que la régulation des naissances, la bioéthique… (B)

A. La défense directe de la laïcité

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162. - La quête maçonnique de laïcité a débuté par la revendication d’un enseignement laïc (1) et s’est prolongée à l’époque contemporaine par la lutte contre le port de signes religieux à l’école ou la demande d’abrogation du régime concordataire (2).

1. Les origines : la défense de l’enseignement laïque

163. - Dans La religion dans la démocratie328, Marcel GAUCHET s’intéresse à différentes lois qui ont constitué un préalable indispensable à celle de 1905329 : les lois FERRY (1881-

1882), celle de la légalisation des syndicats (1884), de la légalisation des associations (1901)330. Pour l’auteur, toutes ces lois sont à inscrire dans un même mouvement de fond,

malgré leurs enjeux propres.

164. - La franc-maçonnerie s’est, en premier lieu, engagée en faveur de l’enseignement laïque331. L’enseignement a toujours été conçu par les francs-maçons comme un vecteur de

progrès, améliorant l’homme et le préservant de nombreux maux. L’enseignement laïque constitue avant tout, pour la franc-maçonnerie, un moyen de rallier à l’idée de la République, les plus hostiles voire les indifférents. « La Maçonnerie est progressive, et, le seul progrès

est instruire, c’est avec l’aide du savoir que l’on fait les hommes ; les hommes instruits font

328 M. GAUCHET, La religion dans la démocratie - Parcours de la laïcité, Folio Essais, 2011 (édité chez Gallimard

en 1998).

329 Finalement, la loi de 1905 apparaît comme la conclusion logique de ce cycle de mutation du rôle de l’Etat et du

développement des fonctions régaliennes. A vrai dire, il semblerait que ces « préalables » aient concentré plus d’efforts de la part des maçons que la loi de 1905 elle-même. En outre, elle clôt une ère politique anticléricale à laquelle le maçon Emile COMBES, a largement contribué en tant que président du Conseil. La loi est votée après son départ, causé par « l’affaire des fiches », un scandale qui a rejailli sur toute la maçonnerie française (v. sur ce point J.-R. RAGACHE, « 1904 : l’affaire des fiches », in Les Francs-Maçons – Les dossiers d’Historia, Ed. Tallandier, Paris, 1998 – réunion des articles parus dans Historia spécial, n° 48, juillet-août 1997 – pp. 102-103). Pour J.-R. RAGACHE, c’est « la fin de l’intervention directe de la maçonnerie dans la vie politique » (v. J.-R. RAGACHE, « 1870-1940 : la IIIème République se construit avec les loges », ibid, p. 81). Ainsi, il est ici consacré

plus de développements aux lois qui ont mené au vote de la loi de séparation, qu’à cette dernière à proprement parler, à l’instar des nombreux travaux consacrés à ce thème. A propos de la loi de séparation, v. notamment B. GILLARD, Elle enseignait la République : la franc-maçonnerie, laboratoire pédagogique des valeurs républicaines de 1871 à 1906, thèse préfacée par A. de KEGHEL, Dervy, Paris, 2005, pp. 373 et suivantes.

330 Sur l’influence de la maçonnerie sur le vote de la loi de 1901, v. B. GILLARD, op. cit., pp. 216 et suivantes. 331 Sur ce point, v., notamment, J.-R. RAGACHE, « 1870-1940 : la IIIème République se construit avec les loges »,

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des citoyens. La Maçonnerie est humanitaire, elle est solidaire ; c’est de l’humanité et de la

solidarité que d’apprendre aux hommes à se connaître et aux peuples à s’aimer. »332

165. - Dès le début de la Révolution, une école laïque et gratuite apparaît nécessaire. L’enseignement est alors, tout entier, entre les mains de l’Eglise et la catéchèse y est enseignée. Une enquête sur l’instruction, menée de 1876 à 1877, révèle que les congréganistes détenaient 48 % des 15 600 écoles communales de filles en région rurale et 66 % des 3 600 écoles communales urbaines333. Cette situation de fait est institutionnalisée le 6 mars 1850 par la loi FALLOUX qui permet au clergé et aux congrégations d’ouvrir des maisons d’éducation dont ils sont les seuls maîtres. Certains enseignements, tels que l’histoire ou la philosophie, disparaissent alors du programme des agrégations. Un laïque, pour devenir instituteur, doit subir un examen, obtenir un diplôme et être agréé par un Comité de Charité au sein duquel un prêtre est membre de droit, alors qu’un congréganiste n’a besoin que d’une lettre d’obédience. 166. - Sous la IIème République, le ministre maçon de l’Instruction publique, CARNOT,

formule la demande d’un enseignement primaire obligatoire et laïque qui favoriserait « la connaissance des devoirs de l’homme et des droits du citoyen », « le développement des sentiments d’égalité et de fraternité » et l’affranchissement des instituteurs du contrôle ecclésiastique334. Mais son projet est rejeté. Edgar QUINET, maçon lui aussi selon Paul

GOURDOT, connaît un échec semblable lorsqu’il demande à l’assemblée législative, en 1849, « la séparation de l’école et de l’église ». La loi DURUY de 1867, sur l’enseignement primaire, accorde néanmoins la gratuité à toutes les familles qui n’ont pas les ressources nécessaires pour y accéder et introduit dans les programmes scolaires l’enseignement de l’histoire et de la géographie.

167. - Paul GOURDOT affirme que les loges ont fait office de commissions d’étude des projets relatifs à l’enseignement laïque. L’influence des loges s’exerce au moyen d’un réseau

332 BGO, 1874, n°1 et n°2, mars-avril 1874, pp. 108-110, Session extraordinaire, 2ème séance, mardi 7 avril 1874, vœu

de la loge Les Fidèles d’Hiram, cité par P. GOURDOT in Le Combat Social des Francs-Maçons, éditions du Rocher, Humanisme et Tradition, 1999, p. 213.

333

J. LALOUETTE, « Expulser Dieu : la laïcisation des écoles, des hôpitaux et des prétoires », in Mots, juin 1991, N°27. Laïc, laïque, laïcité. pp. 23-39.

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d’adhérents, actif notamment au sein des départements335. Cette action est par la suite relayée par des associations telles que la Ligue de l’Enseignement336, animée par Jean MACE – lui-

même franc-maçon – des amicales d’instituteurs ou encore des comités créés par des maçons. Les comités départementaux de la Ligue se multiplient, soutenus financièrement par la franc- maçonnerie. La ligue publie aussi un bulletin pour dynamiser la création de ces comités locaux, à la disposition desquels la franc-maçonnerie mettait ses locaux ou des conférenciers. La ligue propose par ailleurs des enseignements ouverts aux pratiquants de toutes les religions. La seule condition qu’elle impose est que l’instruction ne doit pas y être doctrinaire mais scientifique.

168. - Entre 1866 et 1868, 895 loges ont rejoint la Ligue de l’Enseignement. Aussi, à titre individuel, de nombreux maçons en sont devenus membres. En 1925, la ligue est réorganisée et renommée « Confédération Générale des Œuvres Laïques » et est alors reconnue d’utilité publique.

169. - Toutefois, les actions de la franc-maçonnerie en faveur de l’enseignement laïque et gratuit ne se limitent pas à celles menées par la ligue. En effet, en 1875, un groupe de francs- maçons crée le Denier des écoles laïques libres337 qui avait pour vocation la collecte de fonds

pour la création d’écoles laïques. Alors que la collecte s’effectuait par le biais de troncs situés chez les sympathisants de la cause, en 1879, le Grand Orient suggère que chaque loge recueille désormais des fonds. La franc-maçonnerie va ainsi soutenir diverses initiatives individuelles visant à développer les enseignements scientifiques et lutter contre l’ignorance – des adultes notamment. Elle s’associe à la création de lieux dédiés à l’instruction comme des bibliothèques. À titre d’exemple, on peut citer la Société pour l’Instruction élémentaire338, fondée par CARNOT en 1815. Cette société a notamment fondé l’enseignement mutuel et de véritables cours libres pour l’enseignement secondaire des filles. Jules FERRY, Camille PELLETAN, Adolphe CREMIEUX et Jules SIMON, notamment, figureront parmi ses membres.

335 V. P. GOURDOT, op. cit, p. 197.

336 P. GOURDOT, op. cit., p. 203 et suivantes. 337 V. P. GOURDOT, op. cit., p. 207.

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170. - L’ordre du jour du Congrès maçonnique de Bordeaux de 1869 fait apparaître une question relative à la nécessité d’une intervention de la maçonnerie dans l’enseignement. En 1870, plusieurs maçons participent aux travaux de la Commission gouvernementale constituée par le ministère de l’Instruction publique et la Mairie de Paris. Celle-ci compte parmi ces membres CLEMENCEAU, CARNOT, des journalistes du Siècle et Favre, directeur du Monde Maçonnique. Leur réflexion a donné lieu à un rapport rendu le 8 octobre 1870. Dans celui-ci, les membres distinguent quatre principes qui doivent désormais s’appliquer à l’enseignement : il doit être libre, obligatoire, et délivré par la commune ou l’Etat, et enfin, être laïque et gratuit.

171. - On observe que l’action de la franc-maçonnerie en faveur de la liberté et la laïcité de l’enseignement a pris plusieurs formes. Elle a agi indirectement en manifestant son soutien – matériel, intellectuel et financier – à des structures qui y étaient totalement dévolues. Mais elle a aussi agi directement par le biais de campagnes de presse, de la dispense de cours gratuits, de l’allocation de bourses et de prix ou encore la création de bibliothèques populaires. À titre d’illustration, à Orléans, la Loge « Les Emules de Montyon » a fondé une bibliothèque d’ouvrages variés, traitant aussi bien de l’hygiène que des beaux-arts, de l’économie politique, de la philosophie et de la morale, des sciences physiques et naturelles, des voyages339

Les maçons ont, en effet, publié des articles dans la presse et ont créé des revues spécialisées telles que La République Française, L’Eclaireur, Le Journal des Instituteurs, La Justice ou encore Le Siècle340.

172. - En 1871, disposant de dons en faveurs de l’enseignement qui n’avaient pas été alloués, le Grand Orient a décidé de leur affectation à des cours gratuits de langue allemande pour adultes341. Ces cours rencontrant un grand succès, le Grand Orient décide de diversifier les enseignements pour désormais proposer des cours commerciaux, d’anglais, de géographie… 173. - La franc-maçonnerie développe aussi un système de bourses. À partir de 1873, au Havre, elle offre aux élèves les plus méritants des écoles laïques communales des livrets de

339 BGO, mars-avril 1876, n°1 et 2, Travaux des Ateliers, p. 35, cité par P. GOURDOT, op. cit., p. 220. 340 V. P. GOURDOT, op. cit., p. 210-211.

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caisse d’épargne, pour stimuler leur goût pour l’instruction… En outre, des bourses sont aussi versées, pendant trois ans, à de jeunes hommes sélectionnés par des délégués de l’Atelier, pour leur permettre d’accéder à un apprentissage de leur choix. Pendant trois ans, ils bénéficient aussi de la surveillance bienveillante de la loge. Le but de cette démarche est d’en faire des adultes autonomes342.

174. - Parallèlement, l’Assemblée générale du Grand Orient crée une commission « chargée

d’encourager la production d’ouvrages d’enseignement conçus dans un esprit libéral et

démocratique »343. Celle-ci établit une liste régulièrement publiée dans le Bulletin du Grand

Orient de France, à destination de ceux qui, par leur profession, seraient susceptibles de les utiliser. En outre, un Comité d’Etudes morales, principalement composé de maçons, s’est chargé d’assurer la promotion d’un ouvrage intitulé Principe de Morale et d’Education

Laïque. En 1895 est créée la fraternelle de l’enseignement. Cette fraternelle a été à l’origine

de la diffusion, à toutes les loges, et en particulier à leurs membres qui exercent la profession d’enseignant, d’une liste d’ouvrages rédigés par des maçons344. Enfin, il a été demandé aux

maçons, lors des Convents du Grand Orient qui ont abordé ces questions, de recourir à leur