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COMPOSITION SOCIOLOGIQUE DU GROUPE MAÇONNIQUE 64 La composition de la maçonnerie doit retenir l’attention en ce qu’elle est, de façon

surprenante au regard de son idéologie, inégalitaire. Elle l’est effectivement tant du point de vue du sexe (§ 1) que des catégories socio-professionnelles (§ 2).

§ 1. Une composition inégalement mixte

65. - Mme Elisabeth MOREAU écrit « il n’est guère besoin d’un examen approfondi pour se

rendre compte que la franc-maçonnerie est « une affaire d’hommes », un domaine « réservé » où les femmes n’ont réussi à s’introduire que par effraction, et au prix d’une

transgression »117.

66. - Le Livre des Constitutions d’Anderson détermine comme landmark118 l’interdiction d’admettre des femmes dans l’Ordre maçonnique. L’article III de ces Constitutions dispose « Les esclaves, les femmes, les gens immoraux ou déshonorés ne peuvent être admis, mais

seulement les hommes de bonne réputation. » Cette interdiction a pour origine les règles

issues de la maçonnerie spéculative qui avait transposé les régimes applicables aux maçons constructeurs de métier. Néanmoins, dans toute l’Europe, guildes et « métiers » admettaient les femmes à la maîtrise comme le démontre le Livre des métiers d’Etienne BOILEAU, publié en1268, les statuts de la guilde des Charpentiers de Norwich, datant de 1375, ou encore le statut de la guilde de la loge d’York de 1693.

67. - En outre, les femmes ont décidé de constituer leurs propres groupements, que Paul NAUDON qualifie de « parodies […] fantaisies badines, où la maçonnerie avait bien peu de

choses à […] faire »119. Ces groupements portent les noms évocateurs d’Ordre de la Félicité,

Chevaliers de l’Ancre, Ordre de la Mouche à Miel, Chevaliers de la Rose, Ordre des Mopses.

Au XVIIIème siècle, les femmes fréquentent et dirigent le plus souvent les salons. Elles occupent ainsi par ce biais une place importante dans la vie intellectuelle de la société. Selon

117 E. MOREAU, « Et les femmes ? » in Panoramiques, n° 20, « Comment peut-on être franc-maçon ? », 1995. 118 Ce terme désigne les règles qui s’appliquent aux maçons.

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Paul NAUDON, c’est à cette époque qu’apparaît sérieusement l’idée de créer une véritable maçonnerie féminine, en quatre grades (apprentie, compagnonne, maîtresse, maîtresse parfaite). C’est le chevalier BEAUCHENE qui aurait été à l’origine de cette initiative, dès 1744120. Pour régulariser une situation qu’il ne pouvait plus ignorer, le Grand Orient a créé les

loges d’adoption. Il s’agit de loges secondaires attachées à des loges « régulières » - donc

masculines – et dirigées par leurs officiers sans toutefois entrer en contradiction avec les

Constitutions d’ANDERSON. Ces loges sont composées essentiellement de femmes nobles.

Leur action était principalement orientée vers les œuvres caritatives. Les loges les plus illustres telles que Le Contrat Social, La Candeur ou Les Neuf Sœurs avaient leur loge d’adoption. Elles constituaient un élément de la vie mondaine des loges traditionnelles. Cette pratique a rencontré un tel succès que le duc de Chartres a même initié sa femme et sa sœur, duchesse de Bourbon, devenue grande maîtresse des loges d’adoption. La Révolution a naturellement freiné leur développement, elles ont connu une nouvelle impulsion sous l’influence de l’impératrice Joséphine. Par la suite, elles ont décliné, puis totalement disparu sous la Restauration. Elles réapparaissent toutefois au début du vingtième siècle du fait de l’émancipation intellectuelle et sociale des femmes, même si le principe de la loge d’adoption invite à relativiser l’importance de cette émancipation. En 1907, par exemple, la Loge de la Nouvelle Jérusalem a obtenu de la Grande Loge de France l’autorisation de créer une loge d’adoption. En raison de sa régularité reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre, la Grande Loge de France n’a pas souhaité faire renaître ces loges d’adoption après la deuxième guerre mondiale. Toutefois, une véritable obédience féminine a été créée, avec son soutien, en 1952, la Grande Loge Féminine de France. Elle est aujourd’hui composée de trois cents loges et de 11 000 membres121. La création de cette obédience a entraîné le développement de la

maçonnerie féminine. Parallèlement à cette obédience exclusivement féminine, il existe aussi des obédiences mixtes telles que le Droit Humain. Elle bénéficie sans doute, parmi les obédiences mixtes, de la plus grande notoriété du fait de l’histoire de sa création notamment. Maria DERAISMES, journaliste et féministe milite pour l’entrée des femmes en maçonnerie. La Grande Loge Symbolique Ecossaise122 s’associe à cette démarche. Malgré l’interdit posé par les Constitutions d’Anderson, elle est initiée le 14 janvier 1882. Elle crée avec Georges MARTIN, qui avait collaboré à son initiation, l’obédience mixte le Droit Humain, qui devient

120Ibid.

121 P. NAUDON, op. cit., p. 70. 122 Crée en 1880.

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en 1901 une fédération internationale. Elle compte aujourd’hui cinquante formations nationales et compte 14 000 membres répartis en 446 loges. En 1973, une scission a conduit à la création d’une Grande Loge Mixte Universelle, qui se réclame de la tradition du Droit Humain. Il faut également signaler l’existence de la Grande Loge Mixte de France, fondée en 1988 « dans l’esprit du Grand Orient de France ». Chacune de ces deux obédiences compte environ 1400 membres123. Les obédiences exclusivement féminines ou mixtes jouissent d’une reconnaissance inégale par les autres obédiences. A ce propos, M. Alain BAUER écrit : « Seul

le Grand Orient de France reconnaît ces obédiences, la régularité et la qualité de leur

initiation, et leur accorde le droit de visiter ses propres ateliers. »124

68. - Pour autant, malgré cette démonstration d’ouverture, le Grand Orient ne les initie que depuis 2010. M. Alain BAUER justifie ainsi le long refus de la franc-maçonnerie d’accueillir les femmes : « En fait, la Maçonnerie semble naturellement masculine, à cause d’une

interprétation du texte d’Anderson d’origine qui précise que pour être maçon il faut être un « homme libre ». Certains entendent plutôt homme (au masculin), d’autres entendent surtout

libre. »125. En outre, il indique que l’initiation est en elle-même problématique : « Lors de

cette cérémonie rituelle, l’impétrant, qui meurt et renaît symboliquement, est mis à nu

psychologiquement et en partie physiquement. »126 Soit. Il précise en outre qu’originellement,

l’initiation « mixte » n’existait pas. Il achève ce chapitre en indiquant que la réalité de la question n’est pas aussi importante qu’on voudrait le croire puisque les femmes ne semblent pas vouloir massivement rejoindre la franc-maçonnerie127. M. Bernard SAUGEY, pour sa

part, ancien président de la fraternelle parlementaire voyait comme principal obstacle à l’initiation des femmes, les titres propres aux grades maçonniques peu adaptés à la gent féminine. Il soulignait, en revanche, la faiblesse d’un tel argument pour justifier le maintien de cette position128.

123 V. P. NAUDON, La franc-maçonnerie, PUF, Que sais-je ?, 18ème édition, réimpr. 2004, p. 70.

124 A. BAUER, Grand O – Les vérités du Grand Maître du Grand Orient de France, Folio documents, 2002, p.

122.

125 A. BAUER, op. cit., p. 123. 126Ibid.

127 A. BAUER, op. cit., p. 124.

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69. - Le 2 septembre 2010, le convent du Grand Orient, réuni à Vichy129, a voté à 51,5 % des

voix exprimées – environ 1200 représentants des loges composant l’obédience – en faveur de l’initiation des femmes. Depuis, « ne peut plus être refusé qui que ce soit dans l'obédience

pour quelque discrimination que ce soit, y compris de sexe » selon le texte voté. M. Patrick

KESSEL, grand maître du Grand Orient de 1994 à 1995 a qualifié le scrutin de « moment

historique » selon la dépêche de l’agence Reuters. Jusqu’à cette date, les femmes ne

pouvaient être admises dans les loges du Grand Orient qu’à titre de visiteuses. La question de l’initiation des femmes avait déjà été mise à l’ordre du jour en 1999, lors des questions à l’étude des loges. Le Grand Orient se demandait s’il pouvait « revendiquer des ambitions

progressistes, humanistes et universalistes sans accepter d’initier les femmes »130 et « quelle

réponse [il devait] donner à la question de la liberté laissée aux Loges d’initier des femmes

ou d’affilier des Sœurs en leur sein »131. En 2009, le convent avait rejeté à 56 % des suffrages

la possibilité pour les loges d'initier des femmes. Mais le vote avait été annulé pour vice de forme et la haute juridiction maçonnique avait ensuite annoncé que rien dans le règlement interne n'interdisait à des loges d'initier les femmes. La décision du convent du Grand Orient revêt une grande importance dans la mesure où cette obédience est, on l’a vu, une des plus anciennes, mais aussi une des plus importantes numériquement. Selon un chiffre retenu de façon consensuelle, le Grand Orient compterait près de 50 000 membres132.

§ 2. Composition socio-professionnelle peu égalitaire

70. - À la question de déterminer l’origine sociale des maçons, la Grande Loge de France répond : « Aucune formation ou diplôme particuliers ne sont exigés [sic] pour entrer en

Grande Loge de France.

129 Le Grand Orient de France tenait symboliquement son convent à Vichy, en 2010, pour commémorer le

soixante-dixième anniversaire de sa dissolution, dans cette même ville, par le gouvernement du maréchal Philippe Pétain pendant la Seconde Guerre mondiale.

130 V. A. BAUER et J.-C. ROCHIGNEUX, A quoi réfléchissent les Francs-maçons ?, éditions Véga, Paris, 2010,

p. 67.

131 V. A. BAUER et J.-C. ROCHIGNEUX, op. cit., p. 68.

132 La Grande Loge Nationale Française compterait environ 38 000 membres et la Grande Loge de France

compterait environ 28 000 membres. Le Droit Humain, seule obédience mixte jusqu'alors revendique 15 000 adhérents, et la Grande Loge Féminine de France regroupe quelques 14 000 femmes mais accepte les hommes comme visiteurs.

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L’initiation est à la portée de tout individu désireux de progresser en connaissance et en conscience […]

La Grande Loge de France considère la diversité de ses membres comme une richesse et une condition de l’amélioration de chacun et dans ce but une loge de la Grande Loge de France n’est évidemment pas réservée uniquement à des catégories sociales particulières : elle regroupe des hommes venus de tous les horizons.

Les Frères de la Grande Loge de France sont ainsi de toutes origines socioprofessionnelles : salariés, cadres ou responsables d’entreprises du secteur privé, fonctionnaires de l’état ou des collectivités, enseignants, universitaires, professions libérales, commerçants et

artisans »133. M. Alain BAUER affirme d’ailleurs que la maçonnerie est « le lieu où se

rencontrent tous ceux qui auraient continué de s’ignorer, que ce soit pour des motifs

politiques et religieux ou des raisons d’Etat »134. Les seules conditions exigées sont

l’érudition, la présence aux réunions (au moins mensuellement) et la maîtrise de la lecture et de l’écriture. Pourtant, la réalité ne semble pas parfaitement rejoindre le discours de la Grande Loge de France en ce qui concerne la diversité des maçons. Déjà en 1977 et en 1978, le Grand Orient s’interrogeait sur la représentativité de son obédience : « La Franc-maçonnerie se veut

universelle dans tous les domaines et dimensions. L’est-elle vraiment ? La composition sociale du Grand Orient de France semble infirmer cette volonté. Les travailleurs manuels,

les ouvriers et les agriculteurs sont absents de nos colonnes. »135 En outre, cette diversité

affichée est propre à la maçonnerie française. La maçonnerie américaine, elle, se divise entre obédiences composées de personnes blanches et obédiences composées de personnes noires… La mixité n’est donc pas la préoccupation première de la maçonnerie américaine136.

71. - Mme Irène MAINGUY, documentaliste, responsable de la bibliothèque maçonnique du Grand Orient, explique qu’au XVIIIème siècle, la franc-maçonnerie excluait de ses temples les classes sociales les moins élevées. Si elle juge le recrutement « éclectique » et « équilibré »,

133 Site internet de la Grande Loge de France : http://www.gldf.org/fr/qui-sommes-nous/les-questions-que-vous-

vous-posez?start=4 (consulté le 3 juin 2013).

134 A. BAUER, « Relations internationales et franc-maçonnerie », propos recueillis par P. BONIFACE, Revue

internationale et stratégique 2004/2, n°54, p. 22.

135 Cette interrogation avait été formulée lors des questions à l’étude des loges. V. A. BAUER et J.-C.

ROCHIGNEUX, A quoi réfléchissent les Francs-maçons ?, éditions Véga, Paris, 2010, p. 59.

136 V. sur ce point, A. BAUER, « Relations internationales et franc-maçonnerie », propos recueillis par P.

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elle précise toutefois qu’il ne s’étend que « de la haute noblesse à la petite bourgeoisie »137. Mais aussi éclectique qu’il soit, ce recrutement dans quelques classes sociales distinctes – pas aussi différentes qu’on pourrait s’y attendre – ne conduit pas à une véritable mixité. Mme Irène MAINGUY précise en effet que « les francs-maçons d’origine sociale différente ne se

fréquentent pratiquement pas »138. Néanmoins, comme le précise la documentaliste, « ils n’en

sont pas moins tenus mutuellement au devoir de fraternité. »139 Elle relève dans son article

que certains groupes sociaux ne sont plus du tout représentés, comme les ecclésiastiques. Pourtant, chaque loge comptait parmi ses membres au moins un prêtre, mais la Révolution a marqué leur départ définitif. Mme Irène MAINGUY écrit : « Au milieu du XIXème siècle, les loges sont surtout constituées d’une bourgeoisie attachée à l’idéologie anticléricale et

libérale140. Ainsi en 1875, la loge la Clémente Amitié à Paris, initie le même jour Jules Ferry

et Emile Littré en présence de Gambetta et de Louis Blanc. »141 La loi de 1905 relative à la

séparation de l’Eglise et de l’Etat ne fait que consommer le divorce entre les deux institutions142. La haute bourgeoisie catholique suit le clergé dans sa volonté de rompre tout

lien avec la franc-maçonnerie. Pour autant, tous les catholiques ne désertent pas les loges. La disparition des prêtres des temples maçonniques s’explique par l’excommunication systématique des francs-maçons baptisés. Le pape Clément XII, à la fois chef d’Etat (temporel) et chef de l’Eglise catholique (spirituel) condamne avec retentissement la franc- maçonnerie, par la Bulle In Eminenti du 4 mai 1738. L’existence même du secret maçonnique suffit à rendre, aux yeux du pape, les maçons suspects d’hérésie, « car si les francs-maçons

ne faisaient point le mal, ils n’auraient pas cette haine de la lumière »143. A cela s’ajoutent

« d’autres motifs justes et raisonnables, de Nous connus »144, mais qui n’ont jamais été

révélés… Pour justifier cette position, le Révérend Père José A. FERRER-BENIMELI, de la Compagnie de Jésus, écrit que « toute association non autorisée [était] considérée, selon la

137 I. MAINGUY, « Qui sont les francs-maçons aujourd’hui ? Evolution sociologique des francs-maçons en loge »,

in Franc-Maçonnerie magazine, n°23, avril-mai 2013, pp. 22-27.

138 I. MAINGUY, op. cit.,p. 22. 139Ibid.

140 Sur la composition essentiellement bourgeoise de la maçonnerie au XIXème siècle, v. B. GILLARD, Elle

enseignait la République : la franc-maçonnerie, laboratoire pédagogique des valeurs républicaines de 1871 à 1906, thèse préfacée par A. de KEGHEL, Dervy, Paris, 2005, pp. 94-97.

141 I. MAINGUY, op. cit., p. 23.

142 Sur ce point, v. notamment J. DUQUESNE, « 18e-20e siècles : le long combat de la soutane contre le tablier »,

in Les Francs-Maçons – Les dossiers d’Historia, Ed. Tallandier, Paris, 1998, (réunion des articles parus dans

Historia spécial, n° 48, juillet-août 1997), pp. 86-93.

143 Cité par P. NAUDON, La franc-maçonnerie, PUF, Que sais-je ?, 18ème édition, réimpr. 2004, p. 64. 144Ibid.

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jurisprudence de l’époque fondée sur le droit romain, comme un centre de subversion et un

danger pour le bon ordre et la sécurité des Etats »145.

72. - Cette interdiction a été renouvelée à plusieurs reprises : en 1751 par Benoît XIV, en 1865 par Pie IX, en 1884 par Léon XIII dans la fameuse encyclique Humanum genus : « Pour

eux [les francs-maçons], en dehors de ce que peut comprendre la raison humaine, il n’y a ni dogme religieux, ni vérité… De plus, en ouvrant leurs rangs à des adeptes qui viennent à eux des religions les plus diverses, ils deviennent capables d’accréditer la grande erreur du temps présent, laquelle consiste à reléguer au rang des choses indifférentes le souci de la religion, et à mettre sur le pied de l’égalité toutes les formes religieuses alors que la religion

catholique est la seule véritable. »146

73. - Les interdits papaux ont eu un impact important dans les pays de forte tradition catholique (notamment la Pologne, l’Espagne ou le Portugal). En France, en revanche, la Bulle n’a jamais été appliquée puisqu’elle n’a pas été enregistrée par le Parlement de Paris. Elle n’a ainsi pas été promulguée. Paul NAUDON explique d’ailleurs que de nombreux ecclésiastiques composaient les loges pendant tout le XVIIIème siècle. Il précise même que les

statuts en usage dans les Loges de France147 indiquent que « Nul ne sera reçu dans l’Ordre,

qui n’ait promis et juré un attachement inviolable pour la Religion, le Roi et les Mœurs. »148

Sous l’Ancien Régime, il est même fréquent que les cérémonies religieuses (notamment les funérailles de maçons) comportent des manifestations maçonniques (vénérables en tenue, insignes de dignité maçonnique présents sur le cercueil…). Mais, alors que pendant le XVIIIème siècle, l’excommunication des francs-maçons n’était jamais prononcée, le Concordat

de 1801 a rendu cette règle effective. L’Eglise a nuancé sa position lors de la promulgation du Code de Droit Canon en 1917. Désormais, seuls encourent l’excommunication les adeptes d’une « secte maçonnique se livrant à des machinations contre l’Eglise ou les pouvoirs civils

145 J. A. FERRER-BENIMELI, S. J., Historia de la Masoneria española en el siglo XVIII. Relationes entre la Iglesia

Católica y la Masoneria, Saragosse, 1971, et les Archives secrètes du Vatican et de la franc-maçonnerie, Paris, Dervy-Livres, 1990, cités par P. NAUDON, op. cit., p. 64.

146 Cité par P. NAUDON, La franc-maçonnerie, PUF, Que sais-je ?, 18ème édition, réimpr. 2004, p. 64. V. sur ces

points B. GILLARD, op. cit., pp. 344 et suivantes.

147 Inscrits dans la première édition française des Obligations de la Confraternité des Francs-Maçons, La Tierce,

Histoire, Obligations et Statuts de la Très Vénérable Confraternité des Francs-Maçons, 1742, p. 142.

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légitimes »149. Le Codex Juris Canonici, promulgué en 1983 par Jean-Paul II ne réserve plus

un régime spécifique à la franc-maçonnerie. C’est désormais le droit commun des associations qui s’applique : seul « est puni d’une juste peine celui qui adhère à une

association conspirant contre l’Eglise »150. Néanmoins, la déclaration de la Congrégation

romaine pour la doctrine de la foi, approuvée par le pape, datant du 26 novembre 1983 jugeait les principes maçonniques « inconciliables avec la doctrine de l’Eglise », ajoutant que les fidèles qui appartenaient aux associations maçonniques étaient « en état de pêché grave ». En outre, le journal du Vatican, L’Osservatore Romano, publiait le 23 février 1985 : « Le climat

de secret, qui règne dans les loges, comporte […] le risque pour les inscrits de devenir les instruments d’une stratégie qu’ils ignorent. » Les interdits papaux ont conduit les loges à

initier de moins en moins de catholiques. Pour autant, le dialogue n’est pas rompu entre les deux institutions, comme le démontre l’appel commun à la fraternité du 15 novembre 1985, relatif à l’accueil des étrangers en France. Néanmoins, il semble que la position de l’Eglise se soit récemment durcie. En mars 2013, la Congrégation pour la doctrine de la foi151 a exigé

qu’un prêtre soit démis de ses fonctions en raison de son appartenance à une loge du Grand Orient de France et de son refus de la quitter. L’intéressé indiquait pourtant trouver une « complémentarité dans la double appartenance » et apprécier le travail mené sur « les

questions de société » par le Grand Orient152. Toutefois, comme l’indique M. Claude

LEGRAND, grand secrétaire de la Grande Loge nationale française, cette mesure revêt un caractère exceptionnel. Il ajoute que la Grande Loge nationale française - qui affirme sa croyance en un dieu, qui n’est pas nécessairement celui des chrétiens - compte « une bonne

poignée » de prêtres sur 26 000 maçons153.

74. - Un même constat s’impose en ce qui concerne les enseignants et en particulier les instituteurs, devenus professeurs des écoles. Cette disparition est toutefois plus tardive, se manifestant plus particulièrement au XXIème siècle154. Plusieurs facteurs expliquent ce

149 Cité par P. NAUDON, op. cit., p. 66. 150 Canon 1374, cité par P. NAUDON, ibid.

151 Créée en 1542 à Rome pour défendre l’Église contre les hérétiques, l’institution a aujourd’hui pour rôle de