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Le terme « schizotypie » renvoie à une constellation de traits cognitifs et de personnalité, sous-tendant le fait qu’une personne soit perçue par les autres comme originale ou excentrique. Bien que les traits schizotypiques indiquent une vulnérabilité à la psychose (Lenzenweger, 2006), ils ne constituent pas en eux même une pathologie et sont présents dans la population de sujets sains (Claridge, 1997).

Allen et Schuldberg (1989), ont étudié la compréhension de 10 proverbes familiers et 3 proverbes non familiers selon le score de schizotypie positive chez les sujets inclus. Les sujets dont les scores de schizotypie étaient les plus élevés, montraient des scores de troubles de la pensée plus élevés que les autres selon les critères de Marengo (Marengo, Harrow, Lanin-Kettering, et Wilson, 1986), et présentaient des troubles de l’interprétation des proverbes nouveaux, non familiers. La désorganisation de la pensée semble avoir un impact négatif pour la compréhension des proverbes non familiers avec une prévalence de réponses idiosyncratiques, bizarres dans leur travail (Allen et Schuldberg, 1989). Ces résultats sont peu extrapolables, vu le faible nombre de proverbes non familiers testés dans cette étude.

Dans l’étude de Langdon et Coltheart (2004), les auteurs divisent les sujets entre faible score et haut score de schizotypie selon le « Raine Schizotypal Personnality Deasorder » (Raine, 1991). Les auteurs testent la compréhension de phrases métaphoriques, ironiques, littérales et incongrues. La tâche est constituée d’histoires complétées d’une phrase métaphorique, ironique, littérale ou incongrue qui est récitées aux participants. Sur 36 participants inclus, les sujets présentant un haut score de schizotypie ont des performances similaires aux sujets présentant un faible score de schizotypie pour la compréhension des expressions métaphoriques, contrairement à leurs performances dans la compréhension des expressions ironiques. Dans la suite de ses hypothèse, Langdon met en avant une continuité entre trouble de la compréhension de l’ironie dans la schizotypie et la schizophrénie, mais une discontinuité vis-à-vis de la compréhension des métaphores, les sujets schizotypiques ayant des performances préservées, c’est-à-dire ne présentant pas de trouble de la compréhension des métaphores (Langdon et Coltheart, 2004).

Dans leur article, Humphrey et collaborateurs (2010) étudient le traitement des métaphores dans la schizotypie dite « positive ». Ils réalisent cette distinction selon les critères de Raine, qui classe les différentes formes de schizotypies en schizotypie positive (avec des

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expériences de délires, d’hallucinations), la forme négative (avec des éléments déficitaires), et la forme désorganisée (avec discours et comportement désorganisés). Les auteurs exposent différentes théories concernant la schizotypie dans leur article :

- la théorie de continuité entre la schizotypie et la schizophrénie. Selon cette hypothèse, les sujets présentant de hauts scores de schizotypie auraient des patterns cognitifs similaires à ceux observés dans la schizophrénie. Un des domaines cognitifs touchés serait la pragmatique du langage, avec une interprétation littérale ou concrète des métaphores. Ces difficultés seraient dues au dysfonctionnement du système sémantique de telle façon que les sujets auraient des difficultés à se représenter et à interpréter les métaphores dans leur sens figuré (Langdon et Coltheart, 2004) (Ce résultat n’avait néanmoins pas été retrouvé dans l’étude de Langdon et Coltheart, comme nous l’avons mis en évidence précédemment).

- L’hypothèse alternative suggère que les sujets présentant de hauts scores de schizotypie seraient plus performants dans la compréhension de la métaphore que les sujets présentant de faibles scores de schizotypie. Ce paradigme est basé sur les études ayant montré que l’activité cérébrale les individus présentant des hauts scores de schizotypie positive était caractérisée par une augmentation de l’activité de l’hémisphère droit, qui joue un rôle important dans le traitement des métaphores et des processus de traitement sémantiques (Claridge, 1997). Selon ce point de vue, cette possibilité d’activation d’associations sémantiques éloignées, suractivées dans la schizotypie, serait nécessaire à l’interprétation du langage figuré, incluant la métaphore (Mashal, Faust, Hendler, et Jung- Beeman, 2007).

Dans leur étude, Humphrey et collaborateurs (2010) reprennent la tâche de Langdon avec des conditions différentes de phrases métaphoriques ou littérales appropriées ou inappropriées en fonction du contexte inducteur, ce contexte étant l’histoire lue par les sujets au départ. Selon l’hypothèse de l’hyper-activation hémisphérique droite sous-tendant les processus de traitement sémantiques dans la schizotypie positive, les auteurs incluent des sujets présentant un haut score de schizotypie positive, versus des sujets présentant un faible score de schizotypie. Pour augmenter la puissance de leur étude qui avait été critiquée dans celle de Langdon, ils incluent au total 59 sujets. Il en ressort, une discontinuité entre la schizophrénie et la schizotypie dans la compréhension des métaphores, les sujets schizotypiques n’étant pas handicapés dans le traitement des métaphores (Humphrey, Bryson, et Grimshaw, 2010).

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Aux vues de leurs résultats, les auteurs ne peuvent pas soutenir l’hypothèse d’une créativité augmentée chez les patients schizotypiques par rapport aux témoins (Nettle et Clegg, 2006). Ainsi, Humphrey et collaborateurs expliquent qu’un sujet serait avantagé par sa créativité dans la compréhension des métaphores jusqu’à un certain niveau, qui schématiquement serait débordé dans la schizophrénie, son système d’association sémantique étant si lâche qu’il devient dysfonctionnel. Cette hypothèse ne peut être retenue dans cette étude, étant donné que les sujets présentant un haut score de schizotypie ne sont pas plus performants dans le traitement des métaphores que les sujets présentant un faible score de schizotypie.

Les auteurs suggèrent dans leur discussion, à partir d’une étude en IRM fonctionnelle, qu’il serait judicieux d’utiliser des métaphores nouvelles dans les études sur la schizotypie positive, le cerveau droit étant impliqué dans le traitement des associations sémantiques éloignées des métaphores nouvelles, plutôt que des métaphores lexicalisées utilisées dans leur étude, plus familières aux sujets, et dont le traitement est probablement différent (Mashal, Faust, Hendler, et Jung-Beeman, 2007).

Avant d’aborder les études en imagerie fonctionnelle chez le sujet sain et le patient schizophrène dans le but d’approfondir ces données, il semble intéressant de relater les différentes hypothèses psycholinguistiques concernant la compréhension de la métaphore chez les sujets sains afin de mieux comprendre les hypothèses psychopathologiques de la compréhension de la métaphore chez les patients.

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III.5) Modèles psycholinguistiques d’accès à la compréhension du langage