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La compréhension de la métaphore dans la psychopathologie schizophrénique par l’approche expérimentale : études comportementales

III.

2.1) Exemples des modèles de Frith et Hardy-Baylé dans la compréhension de la métaphore chez les patients schizophrènes :

Les troubles de la compréhension des métaphores selon le modèle de Frith (1992), seraient directement liées aux troubles de la métareprésentation et de cette façon aux anomalies de lecture intentionnelle de ces patients.

Contrairement à Frith, le modèle d’Hardy-Baylé postule l’intégrité de la capacité d’attribution intentionnelle des schizophrènes, et l’incapacité des schizophrènes désorganisés à se servir du contexte dans la compréhension des intentions d’autrui.

Le modèle de la « cascade pathogénique » d’Hardy-Baylé (1994) permet d’émettre l’hypothèse selon laquelle les troubles d’accès au sens figuré des schizophrènes ne reflètent pas une perte de compétence spécifique de compréhension des métaphores des patients schizophrènes, mais seraient en rapport avec les anomalies élémentaires de traitement intégratif du contexte global (Iakimova, 2003).

Différentes approches expérimentales ont tenté de clarifier la question de la compréhension de la métaphore au sein de ces modèles dans la schizophrénie.

III.2.2) Les concepts de littéralité et de concrétude dans la compréhension du langage figuré chez les patients schizophrènes à partir des tests d’interprétation de proverbes

L’emploi d’expressions au sens figuré comme les métaphores, les proverbes, les idiomes, fait partie des actes du langage : l’accès au sens littéral des mots individuels ne suffit pas pour accéder au sens du message transmis. La recherche clinique s’est toujours intéressée à ces formes du langage susceptibles d’illustrer un « paradoxe » révélateur des troubles de la communication des patients schizophrènes. En effet, « l’abstractionnisme systématique »

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identifié par Bleuler (1911) et reflété par la surabondance d’expressions figurées dans leur discours contraste avec des troubles de l’interprétation des expressions figurées (Iakimova, Passerieux, et Hardy-Baylé, 2006). Les dichotomies entre pensées littérales et figurées ou littérales et concrètes, étaient soutenues par le modèle du neurologue Goldstein (Goldstein, 1959) postulant la carence des attitudes abstraites dans la schizophrénie. Cette carence des attitudes abstraites des patients schizophrènes est quantifiée encore aujourd’hui dans la sous échelle négative, item N5 de l’échelle d’évaluation de la symptomatologie positive, négative et générale, la « PANSS » (Kay, Fiszbein, et Opler, 1987) (voir Annexe 8).

Les tests d’interprétation des proverbes traditionnellement utilisés pour l’évaluation clinique des patients schizophrènes ont montré la nature presque systématique des réponses concrètes données par les patients et ont permis de déduire le niveau de difficulté d’abstraction observé par l’analyse qualitative des interprétations données par les patients schizophrènes en termes de concrétude et de littéralité.

La concrétude correspond à la présence d’un mot ou symbole clé du proverbe réutilisé lors de son interprétation (exemple : « quand le chat n’est pas là, les souris dansent », réutilisation du mot « chat » ou « souris » ou les deux). La littéralité correspond à l’interprétation globale du proverbe de manière littérale et non abstraite (exemple : « l’herbe est toujours plus verte dans le pré voisin », deviendrait « le jardin d’à côté est mieux entretenu »).

Ces tests d’interprétation des proverbes ont conduit progressivement à rejeter l’hypothèse classique d’une perte globale des « attitudes abstraites » des patients schizophrènes comme le soutenait Goldstein au départ. Ces tests ont révélé que l’impression globale de la perte de l’abstraction résulterait d’une grande variété de troubles : de la tendance à privilégier le sens littéral ou « littéralité », de l’attachement au sens concret de l’un et/ou des deux symboles clés du proverbe ou « concrétude », et d’autres formes de troubles de la pensée. Les troubles de l’interprétation des proverbes ont également été observés dans d’autres pathologies psychiatriques (et ne sont donc pas spécifiques de la schizophrénie). La qualité des interprétations des proverbes est influencée par le niveau intellectuel (QI) des individus, par les caractéristiques cliniques des patients interrogés et dépend aussi de la qualité de l’évaluateur et des instructions données au patient (Iakimova, Passerieux, et Hardy- Baylé, 2006, a et b).

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III.2.3) L’influence des caractéristiques cliniques dans la compréhension de la métaphore dans la psychopathologie schizophrénique :

Les premières études traitant de l’influence de la psychopathologie dans la compréhension du langage figuré des schizophrènes, n’ont pas toujours utilisé des outils diagnostiques précis et adaptés afin d’atteindre leurs objectifs (Thoma et Daum, 2006).

De Bonis et collaborateurs ont réalisé une subdivision entre groupe « paranoïde » et « non paranoïde » dans leur étude. Ils ont montré que le sous-groupe de schizophrènes « non- paranoïdes » avait plus de difficulté dans la compréhension des métaphores dans un questionnaire à choix forcé, par rapport aux témoins sains, au groupe de patients dépressifs et au sous-groupe de schizophrènes « paranoïdes » (de Bonis, Epelbaum, Deffez, et Féline, 1997).

Langdon (2002) a mis en évidence que les troubles formels de la pensée de type négatif étaient associés aux troubles des fonctions exécutives et aux troubles de la compréhension de la métaphore chez les patients schizophrènes. Ceci correspondrait à des troubles de nature sémantique plutôt que pragmatique dans leur compréhension des métaphores (contrairement aux troubles de la compréhension de l’ironie caractérisés par des difficultés de théorie de l’esprit et de troubles formels de la pensée de type positif). Il a suggéré que les troubles formels de la pensée n’étaient pas unitaires dans la schizophrénie et n’avaient pas les mêmes conséquences sur la compréhension du langage figuré chez ces patients (Langdon, Coltheart, Ward, et Catts, 2002).

Sponheim, dans une tâche d’interprétation de proverbes avec réponses libres, a montré que le score d’abstractionnisme était positivement corrélé à l’intelligence globale (QI) des participants, le score de concrétude était négativement corrélé au QI (plus le QI était faible plus le score de concrétude était élevé), aux fonctions exécutives, à l’attention et à la mémoire, et le taux de réponses bizarres ou idiosyncratiques était corrélé positivement aux troubles formels de la pensée de type positif mais pas aux fonctions cognitives (Sponheim, Surerus-Johnson, Leskela, et Dieperink, 2003).

Dans l’étude de Iakimova et collaborateurs que nous avons détaillée ci-dessus, les auteurs ont testé l’hypothèse selon laquelle l’interprétation des métaphores dans la schizophrénie était liée à la sévérité de la symptomatologie et en particulier à la sévérité des

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troubles formels de la pensée. Ils ont conclu selon le modèle de Hardy Bayle (Hardy-Baylé, Sarfati, et Passerieux, 2003) que les schizophrènes qui commettaient des erreurs d’interprétation des métaphores avaient des troubles formels de la pensée significativement plus sévères que ceux qui n’avaient jamais commis d’erreur. Ce résultat confirmerait le rôle central de la désorganisation de la pensée des patients schizophrènes dans la qualité de leur traitement sémantique (Iakimova, Passerieux, et Hardy-Baylé, 2006).

Mossaheb et collaborateurs, ont montré que les difficultés de compréhension des métaphores familières et nouvelles dans différentes tâches de compréhension des métaphores étaient en rapport non seulement avec des troubles cognitifs mais aussi avec la symptomatologie négative dans les troubles du spectre schizophrénique (inclusion de patients schizophrènes et présentant un trouble schizo-affectif, selon les critères diagnostiques du DSMIV) (Mossaheb, Aschauer, Stoettner, Schmoeger, Pils, Raab, et Willinger, 2014). Ils rejoignent ainsi l’hypothèse finale de la méta-analyse de Thoma et collaborateurs (Thoma et Daum, 2006) selon laquelle les troubles de la compréhension de la métaphore seraient associés à la symptomatologie négative dans la schizophrénie.

III.3) L’approche expérimentale et cognitive dans la compréhension des