• Aucun résultat trouvé

Chapitre III : Adaptation des entérobactéries à l’environnement, réponse au stress et ARN régulateurs

A. L’enveloppe cellulaire des entérobactéries

1. Composition de l’enveloppe chez les bactéries à Gram négatif

Les bactéries possédant une enveloppe cellulaire composée d’une membrane interne, d’une paroi périplasmique et d’une membrane externe (Fig. 24) sont classifiées en bactéries à Gram négatif. Elles sont nommées ainsi car elles ne retiennent pas la coloration au violet de gentiane après un lavage à l’alcool, un procédé nommé coloration de Gram d’après son auteur. Cette classification se fait par opposition aux bactéries à Gram positif qui ne possèdent

79 qu’une membrane interne, mais aussi une paroi externe beaucoup plus épaisse et imperméable à l’alcool, leur permettant de retenir la coloration de Gram. Je m’attarderai uniquement sur les bactéries à Gram négatif dont font partie les entérobactéries.

Figure 24 – Composition de l’enveloppe des bactéries à Gram négatif

Sont représentées la membrane interne (IM – « inner membrane ») avec les protéines de membrane interne en gris ; la membrane externe (OM – « outer membrane ») avec les protéines de membrane externe (OMP – « outer membrane protein ») en vert. Les phospholipides (PL) sont les principaux composants de ces membranes, de même que les lipopolysaccharides (LPS) pour le feuillet externe de la membrane externe. On trouve dans le périplasme la paroi peptidoglycane, des protéines périplasmiques ainsi que des lipoprotéines liées à l’une des membranes. D’après (Ruiz et al., 2009).

a. Phospholipides et lipopolysaccharides

L’enveloppe des bactéries à Gram négatif est composée de deux membranes, chacune formée d’une double couche de phospholipides (PL). Il s’agit de molécules amphiphiles caractérisées par une tête hydrophile portant un groupement glycérol-phosphate (Fig. 24, en beige), et une queue hydrophobe lipidique. Ces propriétés sont primordiales pour la formation des membranes, puisque la bicouche de PL est le plus souvent en contact avec l’eau et doit elle-même être imperméable à l’eau et aux ions. Cette dernière fonction est remplie par sa

80 partie interne hydrophobe formée des chaînes carbonées des PL, tandis que les têtes hydrophiles font face soit au cytoplasme et au périplasme pour la membrane interne, soit au périplasme et au milieu extérieur pour la membrane externe (Fig. 24). Ces PL sont donc essentiels à la compartimentation des cellules et à leur isolation de l’environnement, mais aussi à leur réplication par exemple, puisque seule une synthèse suffisante en PL peut leur permettre de croître en taille jusqu’à être en mesure de se diviser en deux cellules filles.

Les lipopolysaccharides (LPS) portent quant à eux une chaîne de sucres variés ou chaîne polysaccharide en lieu et place du groupement glycérol-phosphate des PL. Ils sont exclusivement localisés au feuillet externe de la membrane externe, où ils jouent un rôle important dans la capacité des bactéries à former des biofilms (voir Introduction III.A.3.b pour une définition). Plus généralement, les LPS sont impliqués dans l’interaction entre bactéries et hôtes puisque les divers polysaccharides des LPS peuvent beaucoup varier d’une espèce à l’autre, et être reconnus par le système immunitaire de l’hôte en tant qu’antigènes (Maldonado et al., 2016). Ils permettent parfois même de distinguer certaines souches pathogènes d’espèces autrement commensales, comme c’est le cas chez E. coli. Par ailleurs, les LPS sont des constituants essentiels chez la plupart des bactéries à Gram négatif. Leur export à la membrane externe requiert l’intervention d’une des deux seules protéines de membrane externe (OMP pour « outer membrane protein ») essentielles chez les bactéries à Gram négatif, à savoir LptD. Une fois la biosynthèse des LPS achevée, LptD les exporte depuis le périplasme vers l’extérieur de la membrane externe (Chng et al., 2010).

b. Paroi peptidoglycane

Un autre élément important de l’enveloppe des bactéries à Gram négatif est leur paroi peptidoglycane. Celle-ci est composée de longs polymères réguliers de sucres, les glycanes ; en l’occurrence il s’agit ici d’une répétition de disaccharides N-acétyl-glucosamine/N-acétyl- acide muramique. Ces glycanes sont interconnectés par des chaînes latérales peptidiques, formant ainsi un réseau autour de la bactérie, constituant un cytosquelette qui détermine la forme des bactéries (Huang et al., 2008) et supporte les contraintes physiques auxquelles ces bactéries sont confrontées. On note que cette paroi est dans la plupart des cas essentielle et permet par exemple aux bactéries de résister aux chocs osmotiques (Silhavy et al., 2010). La paroi et sa biosynthèse sont de ce fait des cibles privilégiées de nombreux antibiotiques, à

81 l’image des β-lactames qui inhibent l’action des transpeptidases catalysant la connexion entre les chaînes peptidiques latérales de la paroi peptidoglycane (Schneider and Sahl, 2010).

c. Les protéines membranaires et périplasmiques

Si les membranes confèrent aux bactéries la capacité de s’isoler de l’environnement, il leur faut toutefois un moyen d’interagir avec cet environnement pour en extraire les nutriments nécessaires à leur développement, mais aussi pour en détecter les éventuels changements. Ces fonctions reposent au moins en partie sur de multiples protéines localisées à l’enveloppe cellulaire. Leurs rôles divers sont résumés ici, mais certains cas de figure seront abordés de manière plus détaillée dans la suite de ce chapitre.

De nombreuses protéines membranaires assurent ainsi l’essentiel des échanges avec le milieu extérieur, avec des porines et des récepteurs permettant l’import d’une grande variété d’ions et de nutriments. Les protéines membranaires sont notamment importantes dans la réponse au stress, dans la mesure où réponse efficace peut parfois impliquer une modification conséquente du contenu des membranes en protéines (voir Introduction III.B et

III.C). Cela peut notamment s’expliquer par la nécessité des bactéries de s’adapter aux divers

sucres et ions à sa disposition, tout en limitant l’import de ceux déjà présents en excès dans la cellule.

D’autres protéines peuvent former des appendices externes à l’image des flagelles et des protéines Curli, respectivement impliqués dans la motilité et l’adhésion des cellules (voir

Introduction III.A.3). Ces complexes protéiques sont d’une grande importance notamment

dans les processus de formation de biofilm et pour la virulence de certains pathogènes. Les pili sont également des appendices protéiques, permettant pour leur part l’échange de matériel génétique entre bactéries via la conjugaison.

Enfin, de nombreuses protéines périplasmiques sont importantes pour le bon assemblage et l’adressage correct des différents constituants de l’enveloppe cellulaire, ou encore pour la réponse et la résistance au stress. C’est notamment le cas de certaines protéines chaperonnes qui préservent les protéines membranaires sous une forme dénaturée

82 dans le périplasme, afin qu’elles puissent être correctement adressées à la membrane externe (voir Introduction III.A.2.b).