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Chapitre I : Place de l’ARN dans l’évolution et Traduction bactérienne

B. Rouages de la traduction bactérienne

3. Allongement et terminaison de la traduction

a. Allongement de la traduction : synthèse des polypeptides

Le ribosome 70S, l’ARNm, les ARNt, ainsi que les deux facteurs d’allongement EF-Tu et EF-G, constituent la machinerie nécessaire à l’allongement de la traduction bactérienne. Au moment où un cycle d’allongement commence, un aa-ARNtaa vient d’être amené au site A par

EF-Tu (Gualerzi and Pon, 2015; Kavaliauskas et al., 2012), tandis qu’un peptidyl-ARNt est situé au site P. Le ribosome est alors en conformation pré-déplacement (PRE) (ou « pre- translocation ») (Yamamoto et al., 2013), et va catalyser la formation d’une liaison peptidique en transférant la chaîne polypeptidique liée au peptidyl-ARNt du site P vers l’extrémité N- terminale de l’aa-ARNtaa du site A. Ce dernier devient ainsi le nouveau porteur de l’ensemble

de la chaine polypeptidique néoformée. C’est le facteur EF-G qui permet ensuite le passage de la conformation PRE en conformation post-déplacement (POST) (ou « post- translocation »), en utilisant l’énergie fournie par l’hydrolyse d’une molécule de GTP (Ratje et al., 2010; XiaoLong and EnDuo, 2013).

Le déplacement (ou « translocation ») en question correspond au décalage des ARNt des site A et P respectivement vers les sites P et E (E pour « exit ») du ribosome (Ratje et al., 2010), ce dernier étant situé près des protéines S7 et L1 (Yusupov et al., 2001). Ce mouvement s’accompagne également du déplacement de l’ARNm d’un codon vers le site E en suivant le mouvement des ARNt, c’est-à-dire dans la direction A-P-E ; un nouveau codon peut alors être décodé au niveau du site A. L’ARNt qui a été désacylé avant le changement de conformation PRE-POST est donc maintenant situé au site E et va être exclu du complexe, laissant le ribosome prêt pour l’ajout d’un nouvel aa-ARNtaa au site A par EF-Tu et pour un nouveau cycle

d’allongement. En résumé, chaque cycle d’allongement aboutit à la lecture d’un nouveau codon de l’ARNm, à l’addition d’un aa à l’extrémité C-terminale de la chaîne polypeptidique et au relargage d’un ARNt désacylé (Fig. 14).

D’autres facteurs d’allongement tels que EF-4 et BipA sont trouvés chez les bactéries. S’ils ne semblent pas indispensables à la traduction en conditions optimales de croissance, ils semblent avoir un rôle plus important à jouer lors de conditions de stress telles qu’un pH acide, de basses températures ou une carence en nutriments (Ero et al., 2016). EF-4 a ainsi été impliqué dans un mécanisme de correction des erreurs de traduction et permet de

40 débloquer des ribosomes dont le cycle d’allongement ne s’est pas déroulé correctement (Qin et al., 2006) (Fig. 14), un phénomène plus courant en conditions de stress.

Figure 14 – Allongement de la traduction bactérienne

Représentation schématique d’un cycle d’allongement de la traduction inclus dans le processus complet de traduction. Chacun des principaux intervenants est représenté par sa structure tridimensionnelle hormis le ribosome, et les aa sont représentés par des billes de couleurs différentes. Issu de (Yamamoto et al., 2013).

41 On peut noter plusieurs propriétés intéressantes de l’allongement de la traduction. Ainsi, le même ARNm est le plus souvent traduit par une succession de ribosomes, formant ce que l’on appelle des polysomes, et permettant la synthèse de plusieurs copies d’une protéine à partir d’une molécule d’ARNm. Il est aussi intéressant de remarquer que les ribosomes peuvent être amenés à effectuer des pauses lors de la traduction, notamment lorsqu’ils rencontrent des séquences semblables à des SD (ou séquences « SD-like ») (Li et al., 2012). Les structures secondaires au sein de la séquence codante des ARNm sont d’ailleurs une autre source de pauses lors de l’allongement de la traduction (Wen et al., 2008), et permettraient parfois un adressage correct de certaines protéines vers la membrane pendant la traduction (Fluman et al., 2014).

Une autre propriété, retrouvée uniquement chez les bactéries, est la traduction cotranscriptionnelle. Il faut en effet savoir que le démarrage de la traduction bactérienne ne requiert pas que l’ARNm soit entièrement transcrit, et que transcription et traduction ont lieu toutes les deux dans le cytoplasme. Un complexe de pré-démarrage de la traduction peut ainsi se former dès lors que le RBS de l’ARNm a été transcrit et émerge du tunnel de sortie de l’ARNpol. Il est d’ailleurs aujourd’hui admis que le premier ribosome à traduire un ARNm détermine la vitesse de transcription par l’ARNpol, et empêche celle-ci de faire marche arrière (« backtracking ») à l’occasion de pauses dans la transcription (Proshkin et al., 2010).

b. Terminaison de la traduction et recyclage des ribosomes

La dernière étape du processus de traduction est la terminaison, aboutissant à la libération du polypeptide néo-synthétisé de son interaction avec le ribosome 70S, puis à la dissociation les deux sous-unités du ribosome afin qu’elles puissent être réutilisées pour la traduction d’autres ARNm. La fin de la séquence codante de l’ARNm doit également être libérée pour que les ribosomes suivants du polysome puissent y accéder. Chez les bactéries on connait à ce jour trois facteurs de terminaison de la traduction (RF pour « release factor ») et un facteur de recyclage (RRF pour « ribosome recycling factor ») dont les rôles seront décrits ici.

Lorsqu’un codon non-sens se trouve au site A du ribosome, il n’est pas reconnu par un ARNt mais par un facteur de terminaison. Ainsi, le codon UAA (ocre) sera reconnu par RF1 ou

42 RF2, tandis que le codon UAG (ambre) sera reconnu uniquement par RF1 et le codon UGA (opale) uniquement par RF2. L’un ou l’autre facteur va alors rompre la liaison covalente entre le polypeptide complet et l’extrémité 3’-CCA du peptidyl-ARNt situé au site P (Caskey et al., 1977; Kisselev and Buckingham, 2000; Pallesen et al., 2013). C’est ensuite RF3 qui va interagir avec la protéine ribosomique L12, puis libérer RF1 ou RF2 du site A du ribosome avant de s’en séparer lui-même, via l’hydrolyse d’une molécule de GTP (Freistroffer et al., 1997; Pallesen et al., 2013).

Il faut alors l’intervention de RRF couplée à la fixation d’EF-G à proximité des sites A et P, ainsi que l’hydrolyse d’une nouvelle molécule de GTP, pour provoquer la dissociation des sous-unités 30S et 50S (Karimi et al., 1999; Peske et al., 2005; Sternberg et al., 2009; Zavialov et al., 2005). La sous-unité 30S reste toutefois associée à l’ARNt du site P, encore apparié à l’avant-dernier codon de la phase ouverte de lecture de l’ARNm. C’est IF3 qui va permettre le recyclage de cet ARNt et de la sous-unité 30S (Karimi et al., 1999). Il s’agit là d’une étape importante car IF3 empêche la réassociation entre les deux sous-unités, qui pourrait bloquer indéfiniment les ribosomes en fin de traduction. La petite sous-unité du ribosome est alors généralement libre de se dissocier de l’ARNm.

Toutefois, une particularité intéressante des ARNm chez les bactéries est qu’ils peuvent être polycistroniques, c’est-à-dire porteurs de plusieurs ORF se suivant sur la molécule d’ARNm. Dans ce cas de figure, on considère que lorsque la traduction d’une ORF s’achève, la sous-unité 30S peut scanner l’ARNm pour trouver la région de démarrage du cistron suivant au lieu de s’en dissocier. Il a d’ailleurs été démontré que la dissociation du ribosome 70S elle-même n’est pas forcément requise, au moins lorsque le codon de démarrage du cistron suivant à traduire se trouve à proximité directe du codon de terminaison du cistron qui vient d’être traduit (Yamamoto et al., 2016). Cela peut d’ailleurs être une façon d’exprimer et réguler uniformément des gènes faisant partie d’un même complexe ou d’une même voie de biosynthèse, qui se retrouvent souvent sur un même opéron transcrit en un ARNm polycistronique.

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Chapitre II : Expression génétique et sa régulation par