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Comparaison des activités dans les trois environnements

graphique en tâche de conception

5. Activité de mise au net

5.4. Comparaison des activités dans les trois environnements

On retrouve des différences et des similitudes dans l’ensemble de ces activités. Pour synthétiser, nous pouvons affirmer que les opérations de transformations du dessin de brouillon en dessin net sont les mêmes dans les six activités.

Une simplification graphique. Elle s’opère par réduction du nombre de traits, soit en choisissant un trait parmi plusieurs possibles, soit en ne recopiant pas dans la mise au net certains éléments graphiques (hachures, annotations, etc.) Cette opération permet de réduire le flou de l’esquisse.

Une réduction de l’imprécision. Elle s’observe de manière très claire lors des mises au net à la règle qui s’accompagnent très souvent de vérifications dimensionnelles (largeur d’un couloir, surface d’un local, recul du bâtiment, etc.).

Une réduction de l’ambigüité. Elle s’opère par une évolution du dessin vers des conventions graphiques partagées ou par l’explicitation du contenu par ajout de légendes ou de symboles.

La sélection d’une unique solution. Sur les esquisses de brouillon, il n’est pas rare de voir coexister plusieurs solutions architecturales. La mise au net opère un choix parmi différents possibles présents dans l'esquisse conceptuelle.

Par contre, les objectifs de ces transformations ne sont pas les mêmes dans les différents environnements. Dans tous les cas, il s’agit d’arrêter temporairement une version du bâtiment.

Lors du travail sur papier et sur palette graphique, la mise au net vise avant tout à réduire la complexité du problème architectural, en passant de dessins aux solutions multiples et imprécises à un dessin présentant une solution unique. Sur EsQUIsE, cette mise au net vise à dialoguer avec la machine, à décrire le plan en vue de l’interprétation et, en retour, en recevoir des évaluations (le modèle 3D). C’est donc principalement à cette étape que le concepteur, en plus de sélectionner la solution, procède à sa vérification.

Par ailleurs, comme évoqué à plusieurs reprises, la gestion de l’espace virtuel de dessins composé de l’ensemble des calques est différente dans l’activité sur papier et sur ordinateur. Sur papier, les calques se succèdent et reçoivent des représentations nettes qui deviennent ensuite une base pour l’activité de simulation. On assiste donc à la coexistence des deux types de représentations sur la même feuille. Au contraire, les calques numériques sont spontanément dédiés à l’une ou l’autre de ces activités. Pour SketSha, les calques brouillons sont progressivement remplacés par des calques nets et pour EsQUIsE, les calques nets existent indépendamment des calques brouillons, en vue de disposer en permanence d’un modèle cohérent.

Une autre différence majeure entre les activités sur les trois environnements est relative à la gestion de la succession des dessins synthétiques et conceptuels, ainsi qu’à la temporalité de la mise au net. La succession des dessins s’organise de manière différente dans les trois activités, schématisées dans la figure 60.

Dans les activités sur outils traditionnels, on observe des itérations entre esquisses conceptuelles et esquisses synthétiques : les concepteurs dessinent des croquis de brouillon, qu’ils mettent au net, avant de les réutiliser eux-mêmes comme brouillons, qui seront à leur tour mis au net, etc. Les périodes de simulation et de remise au net alternent sur papier. Le concepteur passe aisément de l’une à l’autre, changeant ou non de calque.

Dans les activités de croquis numériques sans interprétation, on voit évoluer globalement les représentations d’esquisses conceptuelles vers des esquisses synthétiques. Si les premiers calques comprennent les deux types de dessins, à l’instar des activités sur papier-crayon, les calques utilisés dans la seconde partie de l’activité ne comprennent plus que des dessins synthétiques. Les dessins de brouillon sont, au fur et à mesure du déroulement de l’activité, remplacés par des dessins nets. L’absence de dessins conceptuels en deuxième partie d’activité est rendue possible par le degré d’avancement du travail. L’objet est suffisamment concret pour ne pas nécessiter de simulation. Dès lors, sans doute pour économiser le « coût » du tracé, plus grand et moins expressif que sur papier-crayon, le concepteur ne dessine plus que des croquis essentiels pour la conception : les esquisses synthétiques qui permettent d’arrêter les décisions.

Dans les activités de croquis numériques avec interprétation, les deux types de dessins coexistent : les esquisses conceptuelles sont présentes sur certains calques et les esquisses synthétiques sur d’autres. Les concepteurs travaillent tour à tour sur une seule de ces catégories d’esquisses et la mise au net consiste à modifier les versions précédentes des esquisses synthétiques, sur base des simulations. Contrairement aux autres environnements, sur EsQUIsE, le concepteur engagé dans une phase de remise au net poursuit cette activité jusqu’à l’obtention

de tous les plans du bâtiment. La mise au net est donc complète et constitue une phase en soi de l’activité.

Papier-Crayon

Palette Graphique

EsQUIsE

TEMPS

Croquis conceptuels Croquis synthétiques Mise au net

Calque

Figure 60

Succession temporelle des esquisses conceptuelles et synthétiques.

Les différences relatives à l’activité de mise au net entre les trois environnements sont

Récapitulatif des différences dans la mise au net de dessins.

6. Discussion

De nombreux auteurs ont mis en avant l’intérêt de l’esquisse en conception préliminaire, par opposition aux outils de CAO. La souplesse de l’interaction (Bilda & Demirkan, 2003) et l’expressivité du croquis (Rodgers et al., 2000 ; McCall et al., 2001) sont des atouts indéniables de ce mode d’expression. D’autres auteurs ont montré l’intérêt des interfaces tangibles, dont le stylo est une forme rudimentaire, comme vecteur d’un plus grand investissement corporel dans la recherche de solutions, ce qui est reconnu comme facilitant la cognition spatiale (Kim & Maher, 2008). Néanmoins, peu d’études se sont penchées sur l’influence du caractère numérique du croquis, c’est-à-dire la comparaison entre le croquis papier et le croquis numérique.

Il convient tout d’abord de souligner les limitations de l’étude. Le nombre réduit d’observations ne peut nous permettre de généraliser nos résultats. Le public observé, composé d’étudiants, rend hasardeuses les conclusions relatives à un usage professionnel. Il est en effet reconnu que l’usage des dessins et les modes de raisonnements visuo-spatiaux des experts sont différents de ceux des novices. La durée de l’expérience, limitée à quelques heures, ne nous permet pas de comprendre les impacts sur l’activité à long terme, les modes d’apprentissages de l’utilisation du système ni, les stratégies de détournement ou de compensation mises en place par les utilisateurs dans la durée.

L'étude de l'activité de remise au net nous a cependant permis de mieux appréhender l'activité de conception préliminaire par dessins d'esquisses en architecture. Les différences observées entre les conceptions réalisées sur papier et avec les logiciels que nous développons nous permettent aujourd'hui de mieux comprendre les contraintes propres au dessin d’esquisse numérique et à l’interprétation du croquis. Elles ouvrent aussi la voie à cerner des opportunités d’assistance à la conception, et les modalités de cette assistance.