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Communication non-verbale dans le développement neuro- neuro-typique

Chapitre 3. Langage et communication du jeune enfant neuro- neuro-typique et avec autisme: l’acquisition de la référence à soi

3.1 La référence à soi dans le langage et la communication de l’enfant neuro-typique

3.1.1 Langage et communication dans le développement neuro-typique .1 Langage et communication : questions générales

3.1.1.2 Communication non-verbale dans le développement neuro- neuro-typique

Selon Corazze (1980), la communication non-verbale rassemble les gestes, les postures, les rapports de distance entre les individus, grâce auxquels une information est émise. L’intention dans la communication non-verbale, comme dans la communication verbale, joue un rôle primordial.

C’est en fonction de l’intention que nous avons, que nous choisissons tel ou tel moyen de communication, à tel ou tel degré d’expressivité. Avant le langage, l’enfant communique avec tout son être (sons ou cris, expressions faciales, postures, regard, gestes). Après l’apparition du langage, l’enfant peut accompagner ses productions vocales par des gestes, ou peut n’utiliser que les gestes, en fonction de son intention communicative.

Expressions faciales et émotions: mimiques et sourires

La communication pré-linguistique suppose la mise en œuvre par l’enfant de toutes ses ressources corporelles afin de communiquer avec autrui. Le premier sourire apparaît vers 6 semaines, et vers 6 mois le rire aux éclats apparaît à son tour (Brigaudiot & Danon-Boileau, 2002).

Mais le sourire s’estompe au milieu de la première année (Trevarthen, 1977), en laissant de

101 Je développerai cette idée dans la partie suivante portant sur le langage et la communication chez les personnes atteintes d’autisme.

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la place ax vocalisations. Ainsi, déjà dès 3 mois, l’enfant et sa mère peuvent dialoguer dans les vocalisations conversationnelles (Trevarthen, 1977 ; Brigaudiot & Danon-Boileau, 2002).

Darwin (1877, cité par Guidetti, 2010) dans ses journaux a bien attiré l’attention sur l’importance de ces moyens non-verbaux que le nourrisson utilise afin d’entrer en communication avec son entourage.

L’importance des expressions faciales et des émotions chez les jeunes enfants a été soulignée dans les travaux de Wallon (1942, 1970, cité par Guidetti, 2010) qui a accentué l’idée du « stade émotionnel ». Le développement émotionnel du jeune enfant passe par plusieurs étapes, en fonction de l’âge: quand les enfants sont plus jeunes, les expressions faciales et les émotions sont présentes surtout lors de la reconnaissance des visages, dans la réaction à la nouveauté et dans l’expression des réactions physiologiques, mais, par contre, à un âge plus avancé, elles requièrent d’autres moyens cognitifs comme la théorie de l’esprit afin de comprendre les intentions de sa propre personne et des autres. Ces différents moyens non-verbaux sont utilisés ensemble avec des vocalisations ou mots, au cours des deux premières années (Guidetti, 2002 a, b).

Regard et attention conjointe

Faire acte de référence, c’est désigner à autrui un objet du monde par un geste ou par des mots (Brigaudiot & Danon-Boileau, 2002: 47). Dans la communication entre les mères et les enfants, le regard joue un rôle important.

En effet, le regard ensemble avec le sourire constituent le cadre de la mise en place de l’intéraction mère-enfant, qui commence par l’attention conjointe. Selon Klauss et al., (1970, cités par Corazze, 1980: 111), 73% des mères expriment verbalement le désir d’avoir un contact visuel avec leur enfant, tandis que les mères d’enfants aveugles regrettent le contact visuel et l’impression de ne pas vraiment communiquer. Le regard représente en effet l’élément essentiel de ce qu’on appelle l’attention conjointe. L’attention conjointe pourrait ainsi être définie comme le partage du même objectif par deux personnes.

L’attention conjointe représente le moyen le plus naturel de communication entre une mère et son enfant et institue ainsi une complicité affective naturelle. En même temps, comme je vais le rappeler par la suite dans le cas des enfants atteints d’autisme, l’absence du regard et de l’attention conjointe paralyse la communication, de sorte qu’elle devient défaillante. Le partage d’attention sur l’objet peut se faire soit à l’initiative de la mère et l’enfant (à environ 10 mois) arrive à suivre

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le regard de celle-ci ; soit c’est la mère qui suit son intérêt pour un objet (Brigaudiot & Danon-Boileau, 2002).

Il est important ici de souligner la différence entre porter son attention sur l’autre et partager son attention sur un objet avec l’autre, le premier aspect est appelé « attention mutuelle » et le deuxième c’est « l’attention conjointe » (Masson, 2011 :21).

Par ailleurs, comme nous allons le voir par la suite, l’attention conjointe représente également l’un des précurseurs de la théorie de l’esprit (Baron-Cohen, 1991).

La communication gestuelle: gestes conventionnels et gestes référentiels

Les gestes ont plusieurs fonctions dans la communication verbale et non-verbale du jeune enfant, et en fonction du niveau pré-linguistique ou post-linguistique. Selon Bruner (1975), les gestes font le passage entre la communication non-verbale et le langage, comme une sorte d’unité harmonieuse et complexe dans le développement du jeune enfant

Au niveau pré-linguistique, les gestes sont orientés dans un premier temps vers la demande, mais aussi vers le partage de l’attention. Le geste accompagne le regard dans cet objectif de partager un intérêt sur un objet. Au fur et à mesure que l’enfant se développe, les gestes aussi prennent différentes fonctions, deviennent plus élaborés et plus intentionnels (Guidetti 2002 a,b ; Gullberg et al., 2008). Jusqu’à un an, l’enfant utilise le langage articulé parallélement avec la communication non-verbale (les gestes).

Selon Guidetti (2002b) les gestes se divisent entre gestes convetionnels et gestes non-conventionnels. Les gestes conventionnels sont ces gestes qui ont une signification précise et un équivalent verbal (affirmation et négation avec le mouvement de la tête, pointage), acceptés dans le cadre d’une communauté, utilisés pour remplacer le langage, le compléter ou le contredire. Les gestes non-conventionnels sont les gestes que l’enfant utilise pour communiquer et dont, certains peuvent disparaitre.

Parmi les gestes conventionnels, le pointage trouve bien sa place dans le développement de l’enfant. Le pointage intentionnel apparaît avant l’âge de 12 mois, mais d’autres formes de pointage peuvent apparaître très tôt, vers 3 mois (Foggel & Hannah, 1985, cités par Morgenstern, 2009 a).

Le pointage représente un pont entre la communication gestuelle et la communication verbale (Bates et al., 1979 ; Butterworth & Grover, 1989 ; Butterworth et al., 1998 ; Butterworth, 2003) et un précurseur gestuel des outils grammaticaux dans les productions verbales (Bruner, 1975; Clark,

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1978; Goldin –Meadow & Butcher, 2003 ; Morgenstern, 2009 a a).

Le pointage peut prendre un statut différent en fonction des modalités employées, ainsi le pointage peut avoir une fonction anaphorique (Boutet et al., 2011) ou déictique, autant chez l’enfant entendant que chez l’enfant sourd-signeur. Ainsi, pour l’enfant signeur, le pointage sera intégré dans le système formel de la langue et aura le même statut que les pronoms et les démonstratifs en français, mais il sera aussi utilisé comme geste non-linguistique. Par contre, pour l’enfant entendant, le pointage reste un geste de désignation pré-linguistique et ensuite complémentaire au langage verbal (Mathiot et al., 2009). Par conséquent, le pointage permet au jeune enfant d’organiser le regard conjoint, première triangulation, qui permet l’accès à la deixis (Morgenstern, 2009 a a). Ainsi, les déictiques employés par l’enfant (« ici », « là », « moi »), sont en continuité avec le langage (Clark, 1978).

Selon Bates et al.,(1975) il y a deux types de pointage proto-impératif et proto-déclaratif. Le pointage proto-impératif est utilisé afin d’obtenir quelque chose de la part d’un adulte, le pointage proto-déclaratif désigne un objet afin de partager l’attention sur cet objet. Il peut y avoir une différence de gestes (index –pour montrer un objet) ou doigt pointé avec le bras allongé dans le cas du pointage proto-déclaratif, ainsi que le suivi ou non du regard. L’étude de Mathiot et al., (2009 :165) a montré que la valeur du pointage est donné par l’ensemble de plusieurs éléments:

ainsi la voix sert d’attirer l’attention pour donner plus tard un contenu référentiel et informationnel, les gestes localisent l’objet d’attention pour l’autre et le regard vérifie l’attention porté à l’objet.

Mais ce qui est le plus important dans le geste de pointage est qu’il suppose l’attention partagée soit pour demander soit pour partager l’intérêt pour un objet (Brigaudiot & Danon-Boileau, 2002). C’est pour cela que le pointage fait défaut chez les enfants atteints d’autisme, puisqu’il suppose l’attention conjointe et donc le partage du regard (Baron-Cohen, 1989, 1992). Je reviendrai par la suite sur ces aspects, dans la partie sur la référence à soi chez les enfants atteints d’autisme.