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La cognition humaine: aspects généraux sur le développement neuro-typique

Chapitre 2. Autisme: introduction à la problématique

2.4 Développement cognitif dans la perspective neuro -typique et autistique

2.4.1 La cognition humaine: aspects généraux sur le développement neuro-typique

2.4.1.1 Modèles ou fonctions de la cognition humaine

La cognition humaine est un sujet d’étude qui a captivé les chercheurs dans plusieurs domaines: psychologie, philosophie, sciences cognitives, psycholinguistique. Dans la littérature de spécialité, le terme de cognition est utilisé avec plusieurs applications: cognition spatiale, perceptuelle, sociale, conceptuelle. Mais qu’est-ce que la cognition ? Y a-t-il plusieurs types ou modèles de cognition, ou s’agit-il plutôt de différentes fonctions, mécanismes et processus de la cognition ?

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2.4.1.2 La cognition humaine: perception et concepts – quel chemin ?

La cognition est l’ensemble des activités et processus qui ont comme objectif l’organisation et la structuration des représentations mentales. Ces opérations mentales – telles que penser, percevoir, concevoir, raisonner, symboliser, discerner, anticiper, avoir des croyances, résoudre des problèmes – constituent donc un ensemble complexe d’éléments particuliers, dont les plus importants sont: le traitement de l’information, la représentation et l’organisation des connaissances et des compétences cognitives complexes (Lawson, 2011: 11).

Le développement cognitif normal du jeune enfant est organisé en différentes étapes. Si on suit le modèle piagétien, il s’agit de six stades de développement et quatre périodes de développement: la période sensori-motrice (0-2 ans), la période de la pensée représentative et préopératoire (2 à 7 ans) la période des opérations concrètes (7 à 11 ans), la période des opérationnelles formelles (à partir de 11 ans) (Piaget, 1967).

Je vais m’arrêter sur deux processus essentiels pour le développement de l’enfant: la perception et la conceptualisation. Je prends ce schéma comme point de départ de mon explication.

Stimulus Sensation visuelle Interprétation Compréhension (perception)

(concept)

livre objet en papier avec des lettres livre Je peux lire des informations.

La perception d’un livre est liée au concept de lecture.

Figure 1. La perception

Il y a plusieurs étapes dans la perception selon cet exemple, décrit dans ce shéma. Mais au niveau de la perception (littérale et objective), il n’y a pas de signification. Les perceptions sensorielles subissent plusieurs associations cognitives afin d’être transformées en des pensées générales stockées dans la mémoire, qu’on appelle concepts (Bogdashina, 2003).

Il me semble que, tenant compte du schéma antérieur, la perception représente un premier niveau d’interprétation du monde, et la conceptualisation est le deuxième niveau dans un

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développement typique. On part d’une stimulation visuelle d’un livre pour arriver au concept de livre. Dans une cognition typique, les étapes supposent des mécanismes sous-jacents, mais il peut y avoir aussi soit une parfaite collaboration de différents mécanismes, soit une sorte de surcharge sur un mécanisme, par exemple perceptuel plutôt que conceptuel, ou conceptuel plutôt que perceptuel ce qui explique une meilleure performance visuelle que conceptuelle ou l’inverse. Afin de passer de la perception à la pensée, tout notre corps est investi, et les parties du corps comme les parties du cerveau, communiquent étroitement entre elles:

« Pensons-nous seulement en mots, c'est-à-dire avec des mouvements du larynx? Watson répond: non, nous pensons avec notre corps tout entier.

Supposons que nous entrions dans une chambre que nous connaissons et qui est plongée dans l'obscurité. Les réponses motrices aux objets qui s'y trouvent ont été organisées par l'habitude ; elles deviennent alors des stimuli kinesthésiques qui s'enchaînent les uns aux autres et nous permettent de nous guider. C'est un exemple de pensée kinesthésique. Chez l'enfant, en même temps que cette organisation kinesthésique, se fait l'organisation des mouvements du larynx, qui, lorsqu'elle est complète, constitue la pensée verbale. Mais il y a encore une troisième forme d'organisation: c'est celle des muscles lisses et des glandes. Il y a deux sortes de comportement viscéral, l'un non appris, l'autre appris: celui-ci constitue l'organisation viscérale, comprenant la série des réflexes conditionnels, des habitudes viscérales.

L'émotion est une réponse viscérale non-organisée. La forme de pensée kinesthésique peut devenir prédominante pour un moment, si aucune difficulté ne survient; sinon, la forme vocale (ou sous-vocale) prend place ; si l'une et l'autre sont bloquées, apparaît l'émotion. Néanmoins, en général, la pensée prend la forme vocale, de sorte que l'on peut dire: la pensée est surtout une causerie à mi-voix » (IX. Phénomènes intellectuels. Pensée et attitudes mentales, 1925: 594.

Je considère en effet que nous pouvons parler d’un continuum au niveau de nos facultés sensorielles et conceptuelles afin qu’on puisse dire qu’une ou l’autre de ces facultés deviennent de manière primordiale notre modalité pour interpréter le monde ressenti. Mais il y a une différence entre avoir plusieurs facultés fonctionnelles dont l’une peut être prioritaire par excellence et avoir une ou plusieurs facultés fonctionnelles qui essaient d’accomplir le rôle de « traduction des informations » pour les autres facultés. C’est ce qui se passe dans le cas des personnes atteintes d’autisme, pour lesquelles la conceptualisation reste un processus abstrait et difficile et qui est facilité par la perception en tant que premier niveau d’interprétation du monde ressenti.

La perception suppose apprentissage et maturation. Mais comme tout n’est pas donné depuis la naissance, il faut activement apprendre à transformer et à lier d’une façon appropriée l’information.

Si les processus perceptuels fonctionnent correctement, les jeunes enfants sont capables de donner

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du sens à l’environnement (Bogdashina, 2003). Si les processus perceptuels fonctionnent mal, l’information est mal organisée ou investie.

La perception et la conceptualisation sont les processus cognitifs de base dans le traitement de l’information. Des études récentes ont montré en effet que les processus conceptuels résident dans les mêmes bases neuronales que la perception et l’action. Pourtant, des simulations perceptuelles de la neuro-imagerie et de la recherche comportementale ont prouvé que la modalité perceptuelle joue un rôle fonctionnel constitutif dans nos représentations mentales des objets (Connell & Lynott, 2012), et par conséquent que le traitement perceptuel influe considérablement sur le traitement fonctionnel (Dantzig et al., 2008). On pourrait peut-être conclure que des perturbations au niveau perceptuel vont engendrer des perturbations au niveau conceptuel.

Ce qui fait l’importance de notre communication humaine en général, c’est que nous sommes capables de donner du sens à ce que nous percevons, que nous ne restons pas au niveau de ce que nous voyons. Nous sommes capables d’aller au-delà et c’est justement à ce niveau que la cognition de la personne atteinte d’autisme fait défaut (Peeters, 1996: 29).

2.4.2 Développement cognitif de la personne atteinte d’autisme