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Chapitre 2. Autisme: introduction à la problématique

2.3 Approches éducatives

Remarques générales

Dans le cas de l’autisme, plus le diagnostic est posé rapidement, plus une intervention éducative appropriée peut se mettre en place pour donner des chances à la personne atteinte d’autisme d’apprendre de nouveaux comportements.

Concernant les enfants, les prises en charges précoces appropriées à leur profil individuel sont essentielles. L’intervention précoce a des effets comme l’accélération du rythme de développement, des progrès significatifs au niveau du langage et une amélioration des comportements sociaux.

Dans ce domaine, la France commence à intégrer dans ses écoles spécialisées, institutions etc., des prises en charge qui tiennent compte des besoins et des profils des enfants atteints

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d’autisme: cadre structuré, repères spatiaux et temporels, repères visuels, mise en place des apprentissages en fonction des compétences et des comportements, problèmes des enfants, autrement dit des projets éducatifs personnalisés élaborés selon différentes approches éducatives.

Je pense qu’il est nécessaire de décrire ces entreprises éducatives ici86, car les stratégies éducatives et les apprentissages des parents et des professionnels éducatifs influencent et sont les bases des apprentissages des enfants en général, d’autant plus pour les enfants atteints d’autisme qui doivent tout apprendre, dans le sens que la capacité naturelle d’apprendre par imitation, répétition, essai est défaillante chez l’enfant atteint d’autisme. Plus spécifiquement, dans la description de mon Corpus autisme, l’impact des stratégies éducatives sur le développement langagier est essentiel afin de bien interpréter les données.

2.3.1 TEACCH

2.3.1.1 Historique du programme T EACCH

TEACCH, (Treatment and Education of Autistic and related Communication Handicapped Children) est un programme éducatif cognitif comportemental. Il a été créé en 1972 en tant que programme national en Caroline du Nord. Ce programme offre des services destinés aux enfants, aux adolescents et aux adultes atteints d’autisme ainsi qu’à leurs familles et à leur collectivité (Marcus, Schopler & Lord, 2000). TEACCH englobe plusieurs approches d’évaluation et d’intervention basées sur des données empiriques.

L’intervention globale TEACCH comprend, lorsque c’est le cas, un programme scolaire spécialisé qui est une combinaison d’enseignements spécialisés et d’entraînement comportemental structuré (Schopler, Mesibov & Hearsey, 1995). Le milieu d’apprentissage est organisé de façon à fournir la structure nécessaire à l’enfant ou à l’adolescent et surtout la plus grande autonomie possible. Une approche fonctionnelle est utilisée pour traiter les comportements non désirés et l’accent est mis sur la prévention et l’utilisation de stratégies cognitives et comportementales.

86Dans cette brève description des différents programmes ou approches éducatives, je me base sur deux rapports sur les stratégies éducatives, l’un fait en France et l’autre au Canada : Interventions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques proposées à l’autisme, Amaria Baghdadli, Centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptées, Languedoc Roussillon, 2007; Pratiques fondées sur les résultats s’appliquant aux enfants et aux adolescents atteints de troubles du spectre autistique: Examen des travaux de recherche et guide pratique, Santé mentale pour enfants Ontario, Perry & Condillac, 2003.

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2.3.1.2 Description du programme TEACCH

Plus spécifiquement, le programme est basé sur cinq questions principales, concernant le lieu, le but, le temps ou la quantité d’actions /activités à faire et le repère de fin de l’activité. La structuration du temps (par les indices visuels), la structuration des actions (la structuration de l’espace) sont essentielles dans les apprentissages. Il est important pour la personne en question que son activité soit divisée en séquences: qu’il y ait un début et une fin de l’activité, ce qui permet à la personne de se situer dans l’espace et de voir si elle a fini l’activité. Cette méthode essaie d’apporter des stratégies éducatives, dans les domaines où l’enfant atteint d’autisme est déficitaire, en tenant compte du profil cognitif de l’enfant atteint d’autisme.

Ce qu’apporte et a apporté cette méthode (devenue programme d’État dans la scolarisation des enfants atteints d’autisme en Caroline du Nord, aux États-Unis), c’est la régulation du comportement de l’enfant par l’anticipation des événements et activités à accomplir, la diminution des troubles de comportement, la satisfaction et le plaisir pour l’enfant qui arrive à effectuer des activités et à être récompensé socialement, et dans l’ensemble son intégration sociale et son développement socio-cognitif.

2.3.2 Analyse appliquée du comportement 2.3.2.1 Historique de l’A.B.A.

Une autre approche éducative cognitive comportementale est l’analyse appliquée du comportement. A l’origine, A.B.A, (Applied behaviour analysis) est une science du comportement qui, appliquée dans le cas de l’autisme, est devenue une stratégie d’intervention éducative. On y trouve deux variantes, une plus ancienne, celle créée par Lovaas (1987), et une autre forme plus récente, A.B.A. Verbal behaviour (basée sur les travaux de Skinner, 1957, sur le comportement verbal) qui est une approche centrée sur le langage et l’apprentissage du langage par le jeu, en interaction.

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2.3.2.2 Description de l’A.B.A.

La stratégie éducative est centrée sur les techniques de modification du comportement tels que l’indication, l’incitation, l’estompage, le façonnement, les renforcements, l’extinction, les punitions,87 la généralisation et le maintien des comportements adéquats.

L’A.B.A. se base sur les principes du conditionnement, sur des stimuli qui déclenchent ou non un comportement. En général, on considère que la personne agit sur son environnement par un comportement volontaire pour obtenir l’impact sur celui-ci et le modifier. Cela se fait au bénéfice ou au détriment de la personne. Par la suite, la personne reconnaît dans l’environnement les stimuli qui sont associés à une conséquence ou un impact souhaité et elle va apprendre à distinguer les stimuli qui ne permettent pas ce bénéfice ou provoquent un impact non souhaité.

Dans le cadre du A.B.A. il existe plusieurs techniques pour créer un comportement (l’indication, l’incitation (l’aide). l’estompage, le façonnement). Il y a plusieurs types d’aides: aide physique totale, aide physique partielle, aide gestuelle, aide visuelle, aide par modèleage (imitation), aide verbale. Par exemple, le guidage verbal est beaucoup utilisé par les parents et peut devenir, une stratégie parentale d’apprentissage du langage. On utilise des renforcements primaires (nourriture, jeux) et sociaux (félicitations) pour récompenser les actions réalisées.

2.3.2.3 Les apports de l’A.B.A.

Les principes de l’analyse appliquée du comportement sont également utilisés pour améliorer la qualité de vie de l’enfant-élève, en favorisant son autonomie et en diminuant les troubles du comportement. L’analyse appliquée du comportement cherche à diminuer les comportements inadaptés, à augmenter les comportements adaptés et à développer les compétences émergentes (Cooper, Hero & Heward, 2007).

La manière concrète dont fonctionne cette méthode éducative est la suivante. Tout enfant pris en charge avec un projet d’intervention, dans lequel, suite aux différentes évaluations, les compétences et les domaines déficitaires de l’enfant sont mentionnés et seront travaillés (les compétences pour les renforcer et les généraliser) dans le cadre des séances individualisées en utilisant des stratégies et des récompenses comme celles décrites précédemment. L’A.B.A est

87 Le terme « punition » peut sembler agressif, mais c’est un terme qui fait partie de la méthode comportamentale.

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considéré comme un programme intensif d’éducation qui est censé aider la personne à être scolarisée et intégrée socialement.

2.3.3 PECS

2.3.3.1 Historique du PECS

Picture Exchange Communication System (Système de Communication par Échange d’Images) est un programme de communication créé par Bondy&Frost (1994) qui permet de suppléer ou d’augmenter la communication des personnes ayant un déficit de la communication sociale. Le but final est d’apprendre à initier de façon spontanée des échanges au niveau de la communication.

2.3.3.2 Description du programme PECS

Il y a six phases dans le programme: l’échange physique, le développement de la spontanéité, la discrimination d’images, la construction de la phrase, la réponse à la question « Que veux-tu ? » et des commentaires et réponses spontanées à la sollicitation du partenaire. On utilise le classeur de communication PECS ou plusieurs cartes séparées ou on peut utiliser le PECS seulement pour certains moments: le repas, le temps et l’espace. Le PECS est un programme de communication qui est devenu un outil employé dans le cadre des approches éducatives comme A.B.A. et TEACCH.

2.3.4 Méthode Padovan

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La méthode Padovan a été initiée par Béatriz Padovan (1977) au Brésil89. La méthode de réorganisation neuro-fonctionnelle est une approche thérapeutique qui s'appuie sur l'organisation

88 Il semble que la Haute Autorité de Santé ne reconnaît pas en France cette méthode comme méthode recommandée dans la prise en charge de l’autisme. Par contre, elle est beaucoup pratiquée en France par les ergothérapeutes et les orthophonistes, et beaucoup utilisée dans le cas de l’autisme, avec des bons résultats. Mais du point de vue scientifique, il n’y a pas beaucoup de recherches, et la méthode n’apparaît pas non plus dans les recueils des interventions éducatives en France et au Québec.

89 Il n’y a pas beaucoup d’informations sur les recherches à la base de cette méthode thérapeutique, sauf les deux articles de Beatriz Padovan, Reorganizacao Neurofuncional : metodo Padovan, 1997; Reorganizacion neurofuncional en los disturbios mioosteodentofaciales. El trabajo conjunto de la odontologia y de la logopedia, 1996. Elle s’est basée sur les travaux de Rudolph Steiner et Temple Fay.

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neurologique. Cela suppose de connaître le processus de maturation du système nerveux central.

Chaque séance thérapeutique est censée stimuler de manière naturelle et physiologique le potentiel génétique du système nerveux central. Le principe est simple mais reconnu efficace. Trois éléments sont impliqués: la répétition, le rythme et la régularité des mouvements, qui ont pour effet de stimuler le phénomène de plasticité neuronale. Des études récentes sur la plasticité neuronale et la capacité du système nerveux central à récupérer et à se développer à partir de la fonction motrice, valident le principe de cette thérapie. Pour parler, nous utilisons les mêmes circuits nerveux et les mêmes muscles que pour respirer et manger. Selon Padovan, l'étape du « parler » sera aussi améliorée par la récapitulation des mouvements de base liés aux fonctions de la bouche, c'est à dire: la respiration, la mastication, la succion et la déglutition, d'autant plus que ces fonctions neurovégétatives sont également reconnues comme étant des fonctions pré-linguistiques.Cette méthode est pratiquée en France par les orthophonistes spécialisés en Padovan ou par les ergothérapeutes. Elle est reconnue en tant que thérapie éducative pour les enfants atteints d’autisme.

2.3.5 Synthèse des trois premiers sous-chapitres

L’objectif de ces sous-chapitres généraux sur l’autisme a été de décrire ce qu’est l’autisme à travers trois dimensions – comportementale, neuro-biologique et cognitive, en passant par les critères de diagnostic avec des changements récents proposés par la DSM V (APA, 2013) et en décrivant en fin de compte les prises en charge principales en France de l’autisme. L’image qui émerge de cette description générale de l’autisme est celle d’un trouble développemental hétérogène, avec des causes inconnues, mais des évidences au niveau des atteintes cérébrales, et qui est différent d’autres troubles développementaux, comme le retard mental par exemple, qui peut lui être associé.

Du point de vue cognitif, l’analyse des trois théories explicatives (théorie de l’esprit, théorie de la cohérence centrale et théorie des fonctions exécutives) de la cognition de la personne atteinte d’autisme a souligné la complexité de ce trouble ainsi que l’importance de prendre en compte plusieurs aspects cognitifs. D’autre part, la présentation de ces trois théories comme hypothèses explicatives a mis en évidence d’une part la difficulté à trouver une seule théorie explicative pour l’ensemble du trouble, et d’autre part, l’importance des liens entre ces trois théories. Le deuxième aspect est essentiel pour ma démarche, puisqu’en effet la référence à soi chez l’enfant atteint

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d’autisme ne peut être comprise qu’à la lumière des explications à ces trois niveaux: théorie de l’esprit, théorie des fonctions exécutives, théorie de la cohérence centrale.

2.4 Développement cognitif dans la perspective neuro -typique