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leS clocheS en feR ngbongbo

Dans le document Bassins d’eau et espace agricole (Page 61-65)

par Rémy Jadinon

6. leS clocheS en feR ngbongbo

À la description donnée par Basiel Tanghe en 1920 sur ce type d’instrument chez les Ngbandi (« gong à battant extérieur de forme évasée, aplatie sur sa partie la plus large. [Employé] pour toutes danses traditionnelles, et en cas de guerre tribale »), correspond une entité organologique dans les collections du MRAC.

Ce «  gong en fer  », pour employer l’ancienne terminologie (MO.0.0.10675), a été acquis par le musée en 1912, suite à un transfert des collections du musée du Cinquantenaire. Il s’agit d’une cloche

simple en fer munie d’un manche en bois orné de quatre chaînes en laiton prolongées par des cordelettes en fibres végétales sur lesquelles sont disposées des «  capsules  » de fer doublées formant un grelot. Dans son catalogue de 2007, Jan-Lodewijk Grootaers en donne une interprétation plus ample quant à son utilisation sur la base de deux autres exemplaires appartenant à la collection Christian Gosseau  : «  La grande cloche baptisée “ngbongbo”, était conservée dans la hutte de l’ancêtre d’un chef de clan. On frappait dessus avec la main pour annoncer les événements importants, comme les naissances des jumeaux, le début d’une guerre ou l’avènement de la paix. À l’origine, la plus petite des deux cloches [dans sa légende, l’auteur décrit deux objets], ou “kpworo”, était attachée par une poignée en bois à un spécimen similaire pour former une double cloche » (Tanghe [1929], cité dans Grootaers 2007). La mission de reportage P. H. Van Molle en Ubangi et en Équateur au cours du mois de novembre 1957 a rapporté quelques enregistrements de cloches. Celles-ci accompagnent la danse des filles bambi des Ngbandi. Les jeunes filles sont soutenues au chant par un groupe d’hommes.

On y distingue de nombreux solos d’hommes et de jeunes filles qui se suivent, s’entrecroisent dans une polyphonie de type responsorial (DEKKMMA, archives sonores du MRAC).

Ill. 8.21. Cloche en métal simple récoltée en Ubangi en 1912.

(MO.0.0.10675, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver,

et trou de modulation terminal.

Récoltée en 1912 à Bobara, Ubangi.

(MO.0.0.9169, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

8.2. le hochet

Pour accompagner les danses, mais aussi pour égayer les nouveau-nés (Hutereau, dossier ethnographique archives MRAC), les Ngbaka jouaient du hochet wanga, composé de trois coques de fruits enfilés sur un morceau de bois (MO.0.0.12750). Il accompagne notamment les danses pour les initiations de gàzà (voir enregistrements HR.1974.58.157, archives MRAC de Mission de reportage P. H. Van Molle, musique de danse rituelle en Ubangi).

Ill. 8.27. Hochet en fruit « ga  » récolté par le commandant Armand Huttereau en 1913.

(MO.0.0.12750, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

Ill. 8.29. Flûte en bois ngbaka, collectée à Modjomba en 1913.

(MO.0.0.13643, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

8.3. leS flûteS

Une très belle collection de flûtes seba a été rassemblée par le commandant Armand Hutereau.

Ces pièces lobala (MO.0.0.13684) et modjomba (MO.0.0.13643 & MO.0.0.13644), deux sous-groupes ngbaka-ma’bo, ont été récoltées près du poste de Dongo.

Ill. 8.28. Flûte en bois lobala, collectée en Ubangi en 1913.

(MO.0.0.13684, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

(Dossier ethnographique 889, archives MRAC MO.0.0.9169).

Ill. 8.24. Trompe en corne avec embouchure latérale et trou de modulation.

Récoltée en Ubangi en 1935.

(MO.0.0.36234, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

Ces cors marquent donc différentes étapes de la gaza, notamment la sortie de ses initiés. Ceux-ci sont tenus par le secret de leur apprentissage. Ne pouvant parler en public, les répertoires des gaza ne comportent pas de parties vocales, seulement le chant de trompes gaga accompagné d’un soubassement rythmique exécuté par le tambour à membrane biya. La facture du modèle furu diffère légèrement par la nature de sa corne, mais il semblerait, bien qu’aucune trace sonore n’ait été mise à notre disposition, que le trou de modulation de l’instrument produise un différence d’un ton lui aussi. Il s’agit, comme ici, d’un bel exemple de réciprocité de pratiques musicales et rituelles entre deux communautés de phylums linguistiques différents.

Ill. 8.25. Trompe en corne à embouchure latérale avec pavillon en calebasse.

Récoltée en Ubangi en 1919.

(MO.0.0.22904, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

Ill. 8.26. Trompe en corne et calebasse avec embouchure latérale

Ill. 8.34. Tambour en bois fermé de forme conique à deux peaux lacées

« ngo » ngbandi.

Récolté en 1913 par le sous-lieutenant Le Docte, FF. de chef de secteur de la Melo.

(MO.0.0.11957, collection MRAC Tervu-ren ; MRAC Tervuren ©.)

Ill. 8.35. Tambour en bois fermé de forme conique à deux peaux lacées « ngo » ngbandi.

Collecté par le sous-lieutenant Le Docte, FF. de chef de secteur de la Melo près du poste de Budjala en 1913.

(MO.0.0.11968, collection MRAC Tervuren ; MRAC Tervuren ©.)

Ill. 8.36. Tambour en bois fermé de forme cylindro-conique à deux peaux lacées.

Collecté par le R.  P.  Liberat en 1912 dans l’Ubangi.

(MO.0.0.10752, collection MRAC Tervu-ren ; MRAC Tervuren ©.)

Ill. 8.33. Flûte en bois mbandja récoltée près d’Oto, chefferie de Banza en 1913.

(MO.0.0.13517, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

8.4. le tambouR à deux peaux ngo

Nous disposons de deux exemplaires de ces tambours à deux peaux lacées de forme tronconique (MO.0.0.11957 & MO.0.0.11968). Ils ont été collectés par le sous-lieutenant Le  Docte, faisant fonction de chef de secteur de la Melo, et envoyés au MRAC le 25

février 1913. Dans ses notes, le militaire décrit l’objet à la fois comme un instrument de danse et comme

«  appartenant au chef  ; à la naissance de celui qui doit lui succéder, le chef plante un arbre “ngo” auquel l’héritier devenu chef prendra le bois nécessaire pour faire son tambour. Nul ne peut couper de cet arbre sans autorisation du chef. À sa mort, le ngo est cassé sur sa tombe, on passe à l’héritier » (Le Docte, dossier ethnographique du MRAC). L’auteur insiste dans les notes qu’il joint au colis livré au MRAC, sur les interdits liés à la confection de l’instrument. Les membranes sont en peau d’éléphant. Un autre exemplaire collecté par le R. P. Liberat dans la région n’est pas clairement identifié ngbandi, mais l’a été ensuite par comparaison. Ce

Ill. 8.30. Flûte en bois ngbaka, collectée à Modjomba en 1913.

(MO.0.0.13644, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

Ces flûtes sont toutes faites de bois et taillées en forme tubulaire. Certaines sont recouvertes d’une peau de reptile (MO.0.0.13645) ou de fil de cuivre (MO.0.0.13642) et nanties d’une cordelette de suspension. Il est surprenant ici de voir les considérations sociologiques fournies par l’auteur pour ces flûtes, qu’il considère comme des

« ornements utilisés dans les beuveries [...] on siffle lorsque l’on boit du vin  » (fiche ethnographique n°  312, archives MRAC), alors qu’il voyait dans le sifflet nza (MO.0.0.13517) des Mbandja, récolté à Banza, à quelques kilomètres à peine, «  des flûtes de la mort, pour se venger des accusations non rachetées » (Dossier ethnographique n° 312, archives MRAC). En comparant les figuratifs présents sur les poteaux funéraires zande avec ceux des amulettes et flûtes du nord Congo, Jan-Lodewijk Grootaers décrit ces dernières comme «  des flûtes associées aux rites d’initiation et conservées ensuite pour la guerre et la chasse » (Grootaers 2007). Il est toutefois compréhensible de voir dans une même entité un usage multiple et non déterminé, que le collecteur aura par contre, lui, défini selon son paradigme de recherche.

Ill. 8.31. Flûte en bois ngbaka récoltée près de Dongo en 1930.

(MO.0.0.13645, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

Ill. 8.32. Flûte en bois ngbaka, collectée par le commandant Ar-mand Huttereau à Modjomba en 1913.

(MO.0.0.13642, collection MRAC Tervuren  ; photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren ©.)

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modèle (MO.0.0.10752) est nanti d’une tête humaine et d’un appendice sculpté sur la caisse de résonance. Sans plus d’informations sur l’objet, il est, en effet, difficile de statuer sur son origine  : ngombe, ngbandi  ? Ou devons-nous seulement nous aligner sur le collecteur et lui donner comme origine « Ubangi » ?

concluSion

On ne peut parler des musiques ubanguiennes comme de musiques où cohabiterait une dichotomie entre art et culture, entre beauté et efficacité ou encore entre force et signification, ainsi que le suggère Georges Meurant pour les arts plastiques. Je le cite  : «  L’esthétique de la Force n’est ni apollinienne ni dionysiaque, elle n’est pas philosophique. Le ressenti doit être de l’ordre énergétique, il a une valeur opérationnelle, c’est dans son intégralité qu’elle nous mobilise  » (Grootaers 2007). À l’écoute des répertoires rituels, profanes ou modernes de la région, pareille assertion enlèverait à la fois toute possible légèreté de composition, toute pulsion artistique et toute audace symbolique pour condamner la musique ubanguienne à une convention poïétique culturelle.

Le goût du beau musical, comme l’a démontré Jean Molino (2007) évolue entre les niveaux de création et de réception. Il ne peut se rapporter aux seuls emprunts d’imageries générales de la culture d’origine (Meurant 2007). La praxis musicale est intrinsèquement dynamique. La multiplicité des compositions en atteste de la richesse et de l’effervescence artistique qui elle aussi outrepasse les barrières culturelles. Pour comprendre la pratique musicale ubanguienne, il faut voir en elle le reflet d’époques et de cultures croisées qui ont longtemps cheminé ensemble.

RéféRENCES

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chapitRe 9

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