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analySe du SyStème actuel

Dans le document Bassins d’eau et espace agricole (Page 197-200)

le SecteuR de la Santé danS le Sud-ubangi

2. analySe du SyStème actuel

2.1. cadRe JuRidique et StRuctuRe

La convention scolaire de 1977 entre l’État et les écoles gérées par les Églises, dites « conventionnées », et la loi-cadre de l’enseignement national de 1986 constituent les principaux textes réglant l’organisation juridique du système d’enseignement au Congo213, complétés par des directives et instructions officielles (Mokonzi & Mwinda Kadongo 2009 : 45-47). Depuis 2008, une nouvelle loi organique a été élaborée  ; ratifiée par le Parlement en 2011, elle attend d’être promulguée.

L’enseignement national se décline en cinq cycles  : primaire, secondaire, professionnel, supérieur et universitaire, dont l’organisation est chapeautée par cinq ministères différents  : le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP), le ministère de l’Enseignement

213 Rassemblés, pour l’enseignement primaire, secondaire et professionnel, dans un Recueil des directives et instructions officielles (CERSE, EPSP septembre 2001) ; pour le supérieur, dans un Vade-mecum du gestionnaire d’une institution d’enseignement supérieur et universitaire (CPE 2005).

supérieur universitaire (ESU), le ministère des Affaires sociales, le ministère de la Santé (formation des infirmiers dans l’enseignement secondaire) et le ministère de la Jeunesse (formation professionnelle en faveur des jeunes).

Trois niveaux se superposent dans l’organi-gramme de l’EPSP  : le maternel, le primaire et le secondaire. Seul le cycle maternel (trois ans) n’est pas obligatoire. Le cycle primaire (six ans) est réparti en trois degrés : élémentaire, moyen et terminal. Le secondaire propose, de son côté, quatre cycles : un cycle de spécialisation professionnelle (CSP) (un à deux ans) ; un cycle d’arts et métiers (trois ans) ; un cycle professionnel (quatre à cinq ans) et un cycle long (six ans) – les humanités – qui donne accès à l’enseignement supérieur.

L’ESU est, quant à lui, structuré en deux modules : le supérieur et l’université. L’enseignement supérieur intègre les instituts supérieurs techniques (IST) et les instituts supérieurs pédagogiques (ISP).

2.2. caRte ScolaiRe du Sud-ubangi

Le découpage du pays par l’EPSP ne correspond pas exactement à la trame administrative : le ministère compte actuellement 30 divisions provinciales et 237 sous-divisions. Depuis 2003, la carte scolaire de la province de l’Équateur a connu deux restructurations successives qui ont suscité la création éphémère des divisions Nord-Équateur – regroupant les deux Ubangi ainsi que la Mongala – et Sud-Équateur, auxquelles ont succédé les cinq divisions actuelles, au nombre desquelles la division scolaire Équateur II/Sud-Ubangi. Celle-ci est scindée, à son tour, en sept sous-divisions : Budjala, Gemena I, Gemena II, Kungu I, Kungu II, Libenge et Zongo.

de mission se dotèrent d’écoles primaires. Ainsi par exemple, du côté des Capucins – qui ont ouvert leur première école à Libenge (1915) – cinq années à peine après leur installation à Gemena (1926), pas moins de 66 chapelles-écoles étaient dénombrées dans le rayon d’activité de la nouvelle station.

Le développement quantitatif du réseau catholique reçut, en fait, une sérieuse impulsion à partir de 1925  : Louis Franck, alors ministre des Colonies, initia la réorganisation des réseaux de l’enseignement congolais. Dès lors, l’État, qui jusqu’alors allouait régulièrement des subsides aux missions catholiques, mais à titre gracieux, prit à sa charge le financement du réseau scolaire catholique (Kita Kyankenge Masandi 1982 : 169-170).

Outre la volonté apostolique et le soutien financier de l’État, le rythme d’expansion du réseau catholique était également dicté par la progression concurrentielle des missions protestantes dans la région, auxquelles il fallait faire pièce. Ainsi s’explique, par exemple, la création de la station Saints-Pierre-et-Paul à Mawuya et de ses deux écoles primaires, qui répondait en fait à l’implantation première d’une station protestante voisine, à Kala, et de son école de formation et d’apprentissage pédagogique pour la formation rapide des futurs enseignants du degré primaire (Teuns, Vlaamse Minderbroeders-Kapucijnen : 244 ; 246 ; 250).

Mais la Mission évangélique de l’Ubangi (MEU), qui occupa longtemps seule le terrain de l’actuel district parmi les Églises réformées, demeura relativement discrète dans cette première moitié du vingtième siècle. Pour expliquer les faibles progrès enregistrés par le réseau protestant, on laisse entendre que les premiers missionnaires d’origine américaine, anglaise et scandinave étaient peu enclins à apprendre le français, et moins encore, à l’enseigner. En 1934, Mgr B. Tanghe212 écrivait également, à propos de l’usage des langues : « Notre grand avantage [sur les protestants] est que nous parlons la langue locale, tandis que les protestants se servent du Lingala, langage commercial » (Teuns, Vlaamse Minderbroeders-Kapucijnen : 296).

Surtout, il est évident que les protestants subirent les conséquences de leur relégation à la

212 Bruges (20.03.1879 – 06.12.1947), missionnaire capucin.

marge de la trinité coloniale du Congo. Outre l’opposition farouche de l’Église romaine, pour des raisons doctrinales, ceux-ci endurèrent également l’hostilité des milieux industriels et de l’État. Les premiers voyaient d’un mauvais œil ces missions, dirigées par des étrangers, dont les intérêts ne se confondaient pas avec ceux des capitaux belges.

L’État, quant à lui, en dépit des accords de la convention de Berlin et de la convention de Saint-Germain-en-Laye, qui garantissaient la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, affichait une réelle aversion pour les protestants. La convention de 1906 avec le Saint-Siège et la politique des subsides scolaires doivent être interprétés dans ce sens  : alors qu’à partir de 1925, les missionnaires catholiques bénéficièrent de subsides publics pour leur enseignement, les protestants n’obtinrent ce même privilège qu’à partir de 1948 (Kita Kyankenge Masandi 1982 : 55 ; 57 ; 60).

La progression du réseau catholique resta positive tout au long des années 1920 à 1950. À côté de la catéchèse et de l’enseignement primaire, les missions avaient également besoin de bras « pour mettre en valeur » leurs concessions foncières et ériger églises, couvents, etc. Aussi, là où la nécessité se faisait sentir, des formations professionnelles étaient proposées en fonction des besoins à combler.

Le vicariat de Nouvelle-Anvers, organisé par les Pères de Scheut, auquel était attachée la partie sud de l’actuel district, comprenait, en 1934 : 236 écoles rurales, 21 écoles primaires et une école normale.

Ses établissements accueillaient plus de 11  000 élèves, dont 70  % au seul niveau rural et près de 30 % dans le degré primaire. Les postes de mission disposaient souvent de quelques ateliers manuels : petite imprimerie, poterie, scierie mécanique, menuiserie, briqueterie, petite manufacture de carreaux, tuilerie, ateliers de couture, de dentellerie, métiers à tisser, etc. (Annuaire des missions catholiques … 1935).

À la même époque, du côté capucin, les postes établis depuis quelques années comportaient chacun une école centrale (primaire) de cinq classes pour garçons, dirigée par un père et assisté de moniteurs locaux, tandis que partout où étaient installées les religieuses on comptait également une école centrale pour filles. Les missionnaires prenaient également en charge la formation des

Ill. 20.2. Bâtiment de l’école primaire d’Elikyia en 2010.

(Photo CDI-bwamanda/Heverlee.)

Le taux brut de scolarisation (TBS), qui compte parmi les indicateurs les plus usuels de l’offre scolaire, établit le pourcentage de population effectivement scolarisée, relativement à la population officiellement en âge de fréquenter l’école (6 à 11 ans). Le TBS approximatif216 pour l’ensemble du Sud-Ubangi était de 89,56  % en 2008 (Zongo non compris), soit un pourcentage supérieur à celui de l’ensemble de la RD Congo pour l’année scolaire 2006-2007 (83,4 %). Celui-ci est en réalité tiré vers le haut par les territoires de Budjala et de Kungu, le TBS du premier dépassant largement les 100 % ; à l’inverse, Libenge est très en-deçà (58,03  %) et très loin des objectifs de scolarisation universelle auxquels a souscrit le pays. Il apparaît également que Gemena accuse un faible TBS (63,37 %), qui contrebalance la bonne implantation relative des établissements scolaires sur son territoire (AMR de 32,54 km2).

L’analyse révèle qu’il existe donc un net clivage géographique en termes d’accès à l’enseignement primaire, au détriment de Libenge mais également 216 Les données démographiques dont nous disposons ont un découpage par classe d’âge quinquennal, inadapté au calcul de cet indice ; nous sommes donc partis de la sommation des effectifs moyens, par année, des classes d’âge [5 à 9 ans] et [10 à 14 ans]

pour recomposer approximativement la population d’âge scolaire dans le Sud-Ubangi.

de Gemena. La question de l’héritage colonial n’est pas sans fondement  : la région de Budjala a très clairement bénéficié de l’activité missionnaire des Pères de Scheut, plus dynamiques que leurs coreligionnaires capucins dans le domaine de l’enseignement, mais cela ne suffit pas à expliquer pareils écarts. Il faut admettre que les inégalités sont avant tout creusées par des paramètres socio-économiques  : bon nombre d’enfants demeurent, en effet, en dehors des canaux scolaires, soit que les parents sont incapables de faire face aux frais, soit qu’ils peuplent des zones dépourvues d’écoles, non pas en raison de l’absence de structure scolaire dans leur milieu d’origine, mais bien plutôt parce que nombre d’habitants quittent leurs villages pour des campements afin d’exercer des activités agricoles, piscicoles ou halieutiques et où aucune infrastructure n’est prévue pour l’éducation de leurs enfants.

2.3. la qualité de l’enSeignement et leS filièReS

Les données dont nous disposons sont insuffisantes pour une analyse détaillée de la qualité de l’enseignement dispensé. La question du personnel enseignant en particulier, est peu documentée. Quel que soit son nombre ou la qualité de sa formation, il appert toutefois qu’au niveau primaire, l’insuffisance des capacités d’accueil laisse peser une sérieuse hypothèque sur la qualité de leur enseignement. Il fait peu de doute, en effet, que pareil objectif ne peut se concilier favorablement avec une charge pédagogique élevée.

Or, à l’exception de Kungu I, les classes sont partout surpeuplées (tableau 20.2) : quand elles ne dépassent pas le ratio maximal prévu par la loi-cadre (50/1), elles présentent en effet des effectifs très largement supérieurs à la moyenne nationale217. Que peut-on attendre, en termes de qualité, d’un enseignement dispensé en moyenne à presque 50 élèves en même temps218 ?

217 38 élèves par classe pour l’année scolaire 2009-2010 (CTSE 2011 : 60).

218 Notons que la situation évolue en cours d’année, les abandons faisant diminuer les effectifs.

Tableau 20.1. établissements scolaires de l’EPSP dans le Sud-Ubangi, 2009-2010

Écoles Classes

S/Divisions Maternel Primaire Secondaire Total Maternel Primaire Secondaire Total Établ. AMR* Établ. AMR Établ. AMR d’établ.

* ARM : aire moyenne de recrutement.

Source : EPSP/Équateur II. Rapport final des travaux de promotion scolaire provinciale, années 2008 à 2010.

Le Sud-Ubangi compte, en 2010, un peu moins de 1800 établissements scolaires. Essentiellement confiné aux zones urbaines, le niveau maternel est négligeable en milieu rural, ce qui explique que seules sont recensées 68 écoles sur l’ensemble du territoire, dont 33 dans les seules sous-divisions Gemena I et II.

Bien plus nombreuses sont les écoles primaires et secondaires. La sous-division de Budjala, avec 161 écoles, vient en tête, ce qui s’explique en partie par l’héritage de l’instruction assurée dans la région par les Pères de Scheut, mieux implantés que les Capucins ayant occupé les autres zones.

L’aire moyenne de recrutement (AMR) des écoles primaires est de l’ordre de 47,3 km2, un indice remarquable si l’on tient compte du fait qu’à l’échelle du pays, les écoles primaires couvrent, en 2010, une AMR de 65,35 km2 (CTSE 2011 : 10). Encore que, compte tenu de la configuration démographique du Sud-Ubangi214, et comme il y a lieu de penser que la carte de l’implantation des établissements scolaires épouse approximativement celle des zones de peuplement, il faut considérer cette AMR comme une estimation haute.

Celle-ci masque toutefois naturellement des disparités importantes, selon les territoires.

214 De larges pans de l’arrière-pays sont vides, ou presque, de peuplement humain, ceux-ci s’implantant préférentiellement le long des axes routiers et des principaux cours d’eau (voir par exemple, dans la partie septentrionale, le nord et l’est, respectivement des territoires de Gemena et de Libenge  ; dans la partie méridionale, l’ouest du territoire de Kungu).

Il apparaît ainsi, sans surprise, que c’est dans les territoires accueillant une agglomération importante (Gemena, Zongo) que l’AMR est la plus restreinte. À l’inverse, la desserte du territoire de Libenge, qui abrite avec Kungu la plus forte proportion d’enfants scolarisables (28,18  %)215, pose question  : peut-on attendre d’enfants qu’ils parcourent 12 km par jour pour se rendre à leur leçon, dans une région où les voies d’accès sont dégradées et en l’absence de moyen de locomotion mécanisé, pour ne pas parler d’un service de transport organisé ?

Ill. 20.1. Bibliothèque du complexe scolaire de Bwamanda en 2010.

(Photo CDI-bwamanda/Heverlee.)

215 Estimation approximative (voir note suivante).

Tableau 20.3. filières techniques de l’EPSP/équateur II (2009-2010)

Section Budjala Gemena I Gemena II Kungu I Kungu II Libenge Zongo TOTAL

Agricole 8 12 5 5 7 7 44

Commerciale 2 18 2 4 8 4 1 39

Construction 1 2 1 1 5

Coupe-couture 1 1 1 3

Électricité 2 3 1 1 3 10

Électronique 1 1

Mécanique 1 2 2 5

Menuiserie 2 8 1 11

Nutrition 1 1

Sociale 33 25 13 16 16 8 3 114

Vétérinaire 1 1 2

TOTAL 46 67 33 25 36 21 7 235

Source : tableau de l’auteur, d’après : EPSP/Équateur II. Rapport final des travaux de promotion scolaire provinciale, années 2008 à 2010 & Rapports finaux des travaux de promotion scolaire provinciale de 2008 à 2010 de l’EPSP/Équateur II.

Ill. 20.5. et 20.6. Institut de Bobito en 2010.

(Photos CDI-bwamanda/Heverlee.)

Ill. 20.7. Un atelier électrique à l’institut Bamwisa/

Bwamanda, en 2010. (Photo CDI-bwamanda/Heverlee.)

Tableau 20.2. établissements scolaires de l’EPSP. Nombre d’élèves par établissement et par classe (2008-2010)

S/Divisions Élèves par établissement Élèves par classe

Maternel Primaire Secondaire Maternel Primaire Secondaire

Budjala 40 309 382 21 48 30

Gemena I 19 393 176 6 54 28

Gemena II 90 346 88 25 66 14

Kungu I 44 195 282 19 27 35

Kungu II 0 315 115 0 45 17

Libenge 89 305 107 29 45 18

Zongo 754 375 263 69 47 40

Équateur II/ 53 319 211 18 48 26

Sud-Ubangi

Source : calculs de l’auteur, sur base de : EPSP/Équateur II. Rapport final des travaux de promotion scolaire provinciale, années 2008 à 2010 & Rapports finaux des travaux de promotion scolaire provinciale de 2008 à 2010 de l’EPSP/Équateur II.

Ill. 20.3 et 20.4. Un bâtiment et une classe de l’école primaire de Mawuya, en 2010.

(Photo CDI-bwamanda/Heverlee.)

Dans le secondaire, le ratio élèves/classe est meilleur (26 élèves par classe, contre 24 élèves par classe à l’échelle du pays en 2008-2009) et mieux équilibré entre les sous-divisions éducationnelles219, mais l’enseignement reste trop général, encyclopédique et inadapté. Dans la filière générale, tous réseaux confondus, les options littéraires et 219 Étendue E = 26 et écart-type σ = 10,82 (primaire),

contre E = 39 et σ = 9,15 (secondaire).

scientifiques (math-physique, chimie-biologie) ont la prépondérance sur l’enseignement technique et professionnel qui concerne moins de 10  % des effectifs scolaires  ; dans la filière professionnelle, l’option technique sociale est la plus répandue (plus de 54 %) alors que seul un institut sur cinq comporte une section agricole (tableau 20.3).

«  polycentré  » où se côtoient acteurs étatiques et non étatiques, ces contributions financent aussi – et souvent principalement – l’appareil administratif des réseaux parallèles222. Pareil bricolage, dont l’origine remonte à la fin des années 1970, a fini par «  s’institutionnaliser  », au lendemain de la grève illimitée des enseignants de 1992 sous la terminologie de « frais/prime de motivation », avant de se muer en «  frais d’appointement  », depuis la proclamation de la gratuité en 2010. L’enquête auprès des écoles menée en 2008-2009 a permis d’établir que ces « frais » constituent jusqu’à 75 % de la facture scolaire par élève (9,83 $ US)223.

Aujourd’hui encore, en dépit de sa forte dépréciation, l’enseignement est perçu comme le principal vecteur d’ascension sociale et, en ce qui concerne le monde rural en particulier, il est permis de se demander si ce succès ne reflète pas également l’existence d’un coût d’opportunité favorable à la formation scolaire, sensément corrélée à des débouchés professionnels attractifs, en contrepoint d’une trajectoire agricole en nette désaffection (De Herdt, Titeca & Wagemakers 2010 : 161).

Deux micro-enquêtes ont été menées il y a quelques années, afin d’établir localement le budget des ménages dans le Sud-Ubangi. À Bungba224, en 2004, il était estimé qu’une famille-type de deux adultes et sept enfants, avec trois enfants en primaire et un adolescent en secondaire, affectait entre 6 et 8 % de ses dépenses annuelles aux frais scolaires, fournitures

222 En 2008/2009, les frais de fonctionnement par trimestre à payer dans les réseaux conventionnés, par chaque élève dans la province de l’Équateur se ventilaient comme suit : 65,5 FC (29 %) pour les canaux étatiques ; 159,5 FC (71 %) pour les canaux non étatiques (De Herdt, Titeca

& Wagemakers 2012 : 691). 

223 Dollars constants 2006. Notons que ce montant est susceptible de varier fortement d’une province à une autre, voire même d’une sous-province éducationnelle à une autre, en raison de la ventilation des compétences entre les différents niveaux de pouvoir, légales ou illégales, quant à l’établissement des frais (ministère de l’EPSP, gouverneurs de province, gestionnaires des réseaux conventionnés, directeurs d’écoles, enseignants, etc.) (André et. al. 2010 : 138).

224 Centre du Sud-Ubangi, à 8 km de Bwamanda.

scolaires non comprises (minerval et taxe)225. D’autre part, l’étude d’impact socio-environnemental du projet Pro-Route de 2007, réalisée par AGRECO, notait qu’entre Gemena et Karawa, une famille « moyenne » avec quatre enfants d’âge scolaire y consacrait environ 18 % de ses dépenses, fournitures scolaires comprises (World Bank 2007 : 13) 226.

Quelle que soit la proportion retenue227, on imagine dès lors sans difficulté l’ampleur de la contrainte financière et les choix dramatiques auxquels est confronté un ménage rural en relation avec la scolarisation de ses enfants.

Dans ces conditions, la situation des élèves est bien souvent précaire. Beaucoup de familles s’avèrent incapables de payer les frais à temps. Or, le non-paiement expose fréquemment les élèves à l’exclusion temporaire de l’établissement par la direction. Le taux d’absentéisme est par conséquent assez élevé, surtout chez les jeunes adolescents (13-14 ans) qui se procurent eux-mêmes de quoi payer leur minerval (revente sur les marchés). En 2011, dans les écoles soutenues par le CDI-Bwamanda, le taux de présences plafonnait en moyenne à 80  % (établissements primaires et secondaires, Sud- et Nord-Ubangi confondus) (CDI-Bwamanda ca 2011a : 11).

D’autre part, l’investissement dans l’enseignement est une option contraignante aux effets discriminatoires, dont les filles sont les premières

225 Enquête réalisée sur la base d’une interview de groupe avec six personnes originaires de Bungba (Develtere

& Stessens 2005 : 39).

226 Résultats à prendre à titre informatif, les auteurs n’étant pas très explicites sur la méthodologie et les outils d’enquêtes employés. Tout au plus sait-on que l’étude a procédé « par groupes focaux d’une vingtaine de personnes » (World Bank 2007 : 13).

227 Les frais de fourniture scolaire expliquent pour partie l’écart observé entre ces pourcentages ; il est permis de penser que cet écart reflète également l’importance de la variable « frais de motivation/d’appointement » - sans doute implicitement incluse sous une autre terminologie dans la nomenclature sommaire reprise dans les études susmentionnées : « contribution des parents  » (étude AGRECO)  ; «  minerval  » (étude sur Bungba) – dont le montant est en principe fixé au niveau de la direction des écoles, en concertation avec le COGES et le CP (André et al. 2010 : 137).

2.4. la queStion deS fRaiS ScolaiReS ou la Subvention du SyStème éducatif paR la baSe

Depuis les années 1970, en dépit des déclarations d’intention, le désengagement progressif de l’État dans le secteur de l’éducation s’est traduit par une diminution constante de la part du budget national y alloué. Le processus s’est accéléré avec les mesures d’ajustement structurel imposées au pays par les bailleurs institutionnels internationaux (FMI, BM), alors même que les ressources nationales continuaient de se contracter dramatiquement, amplifiant encore la crise du financement dans l’enseignement. Les troubles de la décennie 1990 et du tournant du xxisiècle ont aggravé la situation. De 1982 à 1987, la part du budget national consacrée à l’éducation est tombée de 25 % à 7 %, puis à 2-3 % à la fin du siècle. Dans le même temps, le montant investi par élève est passé de 159 $ US à 23 $ US par élève, pour atteindre 7 $ US en 2006. Parallèlement, le salaire réel des enseignants est passé de 68 $ US à 27 $ US, puis à 12,6 $ US en 2002, alors que les effectifs payés par l’État enregistraient une réduction drastique sur la même période (André et al. s. d. : 126-127).

La démission de l’État aurait pu entraîner la disparition du « champ scolaire220 » et il est étonnant d’observer paradoxalement sa résilience depuis trois décennies, dans un contexte de pauvreté quasi généralisée et alors que la dégradation de la qualité de l’enseignement est régulièrement relevée par les usagers-mêmes. Entre autres arrangements historiques, facteurs sociaux et institutionnels qui ont été récemment étudiés221, cette pérennisation

220 Pour reprendre la terminologie employée par Poncelet et. al., désignant l’espace d’interaction entre « agents-acteurs, leurs rapports de pouvoir et leurs stratégies de reproduction dans une autonomie relative au regard de l’espace social de référence » (2010 : 24).

221 Cette question a fait l’objet d’une importante étude qualitative, menée en partenariat avec certaines universités belges et des chercheurs congolais, dont les résultats ont été synthétisés dans plusieurs contributions complémentaires (André et al. 2010 ; De Herdt, Titeca & Wagemakers 2010 ; Poncelet et al. 2010 ; De Herdt & Poncelet 2011). L’article de De Herdt, Titeca & Wagemakers a été actualisé dans une publication récente (Id. 2012 : 681-701).

est en fait rendue possible grâce au rôle central joué

est en fait rendue possible grâce au rôle central joué

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