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3 : Quelques cibles de la satire chateaubrianesque : attaques directes et individuelles

Chapitre VIII : La déconstruction d’une société

VIII- 3 : Quelques cibles de la satire chateaubrianesque : attaques directes et individuelles

VIII-3 : Quelques cibles de la satire chateaubrianesque : attaques

directes et individuelles

Il s’agit des attaques directes et personnalisées que l’auteur s’attelle à faire tout au long de son œuvre pour amplifier son discours satirique. Certaines personnalités ont marqué leurs noms dans la société du XIXe siècle pour multiples raisons. Ceux qui nous intéressent, en rapport

avec notre sujet, ce sont des personnages qui, par leur conduite et leurs actions envers le peuple, ont attiré un discours satirique venant de Chateaubriand. En d’autres termes, il s’agit des personnages dont la satire de Chateaubriand a ciblé parce qu’ils étaient à ses yeux, contestables par leurs actes. Son discours dirigé contre chacun d’eux se présente comme un véritable procès qui met à nu les travers commis dans une société en plein bouleversement. C’est ce que nous avons appelé des attaques directes et individuelles dressées contre les principales cibles de la satire chateaubrianesque. Chateaubriand, comme nous le verrons dans plusieurs illustrations, ne se perd pas dans une sorte de circonlocution pour condamner avec fermeté certains personnages qu’il nomme vertement et sans crainte. Ce sont des personnages cibles qui ont de près ou de loin contribué à la mort des individus ou à l’instabilité sociale. Ces personnages ont, de par l’autorité qu’ils incarnaient, heurté les principes fondamentaux de la société c’est-à-dire la liberté et le droit à la vie, qui sont des valeurs fondamentales d’une société. Étant lui-même un grand défenseur de la liberté, Chateaubriand n’a pas hésité d’attaquer avec véhémence les ennemis des principes précités ; principes qui régissent le fonctionnement harmonieux et paisible dans une société. Ce sous-chapitre se propose donc de mettre en lumière avec des exemples tirés des Mémoires d’outre-tombe, les quelques cibles de la satire chateaubrianesque. En nommant ces personnages cibles, Chateaubriand montre qu’il est l’incarnation de la liberté dont il est le fervent défenseur. Ce courage qui outrepasse la témérité s’énonce à travers des propos durs qu’il tient à l’encontre des personnages qu’il juge avec sévérité comme s’il les traînait en correctionnelle. Cela peut se démontrer par le jugement qu’il rend à la suite de l’assassinat du duc d’Enghien, rendant ainsi responsable M. de Talleyrand qu’il traite d’ailleurs d’instigateur. Ce qu’il en dit ici a une valeur de restitution des faits avec l’intention d’établir un réquisitoire : « Cette arrestation du duc d’Enghien, le 15 de mars, n’était pas ignorée de M. de Talleyrand ; il était journellement en rapport avec Bonaparte et conférait avec lui ; pendant l’intervalle qui s’est écoulé entre l’arrestation et l’exécution, M. de Talleyrand, lui, ministre instigateur, s’est-il repenti, a-t-il dit un seul mot au premier Consul en faveur du malheureux prince ? Il est naturel de croire qu’il a applaudi à l’exécution de la sentence. »365

C’est avec beaucoup de sévérité que Chateaubriand rend ce jugement en condamnant avec fermeté M. de Talleyrand qu’il inculpe. Cette condamnation, digne du dernier jugement rendu par Dieu devant l’homme pécheur, trouve sa gravité par le terme de la repentance, essentiellement religieux qu’il emploie. En se demandant si M. de Talleyrand s’était repenti et en croyant surtout qu’il avait « applaudi à l’exécution de la sentence », Chateaubriand établit clairement la responsabilité de M. de Talleyrand dans la

mort du duc d’Enghien. Il ressort ainsi de cette inculpation, la dénonciation du meurtre et la critique de l’esprit sadique d’un meurtrier qui applaudi sa victime. Cette attitude vicieuse a fait dire à Jean-Pierre Richard dans le chapitre qui s’appelle « La mort et ses figures », chapitre tiré de son ouvrage Paysage de Chateaubriand, que Talleyrand est un « spectaculaire archétype du vice. »366 Ce vice, il l’exploite dans ses décisions fatales qui confèrent à sa personne, une image sombre et monstrueuse. Chateaubriand ne le ménage point en ceci qu’il établit sa culpabilité avec fermeté en ces termes : « J’ai tenu dans mes mains et lu de mes yeux une lettre de M. de Talleyrand ; elle est datée du 8 mars 1804 et relative à l’arrestation, non encore exécutée, de M. le duc d’Enghien. Le ministre invite le Premier Consul à sévir contre ses ennemis… Celui-ci a pris à la mort du duc d’Enghien une très forte part. Vainement on objecterait que la légèreté, le caractère et l’éducation du ministre devaient l’éloigner de la violence, que la corruption devait lui ôter l’énergie ; il ne demeurait pas moins constant qu’il a décidé le Consul à l’arrestation. Cette arrestation du duc d’Enghien, le 15 de mars, n’était pas ignorée de M. de Talleyrand. »367

Il semble que Chateaubriand n’enveloppe pas ses propos accusateurs contre M. de Talleyrand. Ce réquisitoire sous forme d’attaque directe est une satire contre les pourfendeurs de la liberté, de la morale et les adeptes du crime. M. de Talleyrand est ici la principale cible de cette satire qui rend le jugement d’un meurtre commis dans les circonstances les plus dramatiques.

Il se trouve que plusieurs faits lui sont reprochés au-delà de son statut de meurtrier. En effet, en tant que défenseur de la liberté de la presse, Chateaubriand ne pouvait souffrir de l’attitude indigne de Talleyrand à la tête du Nationale. Il dénonçait son immoralité dans un langage insultant où la violence éclatait d’un mot à l’autre. Le texte suivant nous en donnera un excellent exemple, tout en nous fournissant la preuve que Chateaubriand procède d’une satire ciblée : « Le patron du National, M. le prince de Talleyrand, n’apportait pas un sou à la caisse ; il souillait seulement l’esprit du journal en versant au fonds commun son contingent de trahison et de pourriture. »368 Le mémorialiste s’insurge directement contre M. de Talleyrand qu’il accable de propos insultants : « Souillure, trahison et pourriture. »

Dans ses attaques directes et individuelles, le personnage de Fouché est aussi compté au nombre des cibles de la satire chateaubrianesque. C’est un personnage dont le traitement ne subi aucun ménagement ni faveur. Bien au contraire, Fouché comme Talleyrand, attire sur lui toute la causticité de l’auteur des Mémoires pour ses fautes commises. Dans un élan

366 RICHARD (Jean-Pierre), ibidem, p. 20. 367

CHATEAUBRIAND (François-René de), op.cit., t. I, pp. 934-938.

impitoyable et sans compromis, Chateaubriand use de sa violence linguistique pour stigmatiser les actes de ce personnage perçu comme une remarquable cible. Lorsque Chateaubriand parle des Cents-jours à Gand dans le Livre XXIII au chapitre dix, il décrit les circonstances de sa rencontre avec Fouché, personnage dont il parle avec beaucoup de mépris. En voici quelques extraits : « Après les Cents-jours, madame de Custine me força de dîner chez elle avec Fouché… L’ancien ministre savait que je m’étais opposé à sa nomination à Roye, à Gonesse, à Arnouville ; et comme il me supposait puissant, il voulait faire sa paix avec moi. Ce qu’il y avait de mieux en lui, c’était la mort de Louis XVI : le régicide était son innocence. Bavard, ainsi que tous les révolutionnaires, battant l’air de phrases vides, il débitait un ramas de lieux communs farcis de destin, de nécessité, de droit des choses, mêlant à ce non-sens philosophique des non-sens sur le progrès et la marche de la société, d’imprudentes maximes au profit du fort contre le faible. »369 Ces paroles qui suivent, remarquablement antipathiques, montrent que Chateaubriand traite Fouché en ennemi, l’accablant de propos presque injurieux. Ce sont des propos qui dénotent d’une aversion liée à un rapport de tension entre deux êtres qui ne s’aiment pas. Ne retenant que des « non-sens » chez Fouché, Chateaubriand ne lui reconnaît aucun sens d’équité et moins encore une once de sentiment humain. L’accusant de cultiver le primat du fort sur le faible, il établit là un véritable réquisitoire contre un homme inique et apathique. Il le dit le plus clairement possible en ces termes : « Ne se faisant faute d’aveux effrontés sur la justice des succès, le peu de valeur d’une tête qui tombe, l’équité de ce qui prospère, l’iniquité de ce qui souffre, affectant de parler des plus affreux désastres avec légèreté et indifférence, comme un génie au-dessus de ces niaiseries… Je sortis en haussant les épaules au crime. M. Fouché ne m’a jamais pardonné ma sécheresse et le peu d’effet qu’il produisit sur moi. »370

Ce passage décrit une scène d’inimitié et un sentiment de mépris que Chateaubriand cultive à l’égard de Fouché. Le regard qu’il porte sur la personne de Fouché, est un regard de répulsion parce qu’il l’assimile à un criminel. Des propos satiriques qu’il dirige contre Fouché témoignent de sa lutte contre toute forme de violence qui verse le sang innocent. Cela prouve à suffisance que Chateaubriand a en horreur toutes les personnes qui sont incapables de sentiments humains et dont la conduite heurte les principes fondamentaux de la vie à savoir, la liberté, la justice et le droit à la vie. Dans son discours satirique qu’il inflige à Fouché, il y a tout lieu de reconnaître qu’il s’attribue la tâche de mener une guerre contre les pourfendeurs des droits humains. Pour preuve, Jean-Paul Clément revient sur le terme régicide que Chateaubriand a reconnu chez

369

CHATEAUBRIAND (François-René de), op.cit., t. I, pp. 1453-1455.

Fouché : « En 1815, après Waterloo, tous les amis du futur Charles X et le faubourg Saint-Germain adjurent Louis XVIII de prendre Fouché, le régicide, le fusilleur de la plaine des Brotteaux à Lyon, l’ancien ministre de la police de Napoléon, dans son Conseil. »371

Ces deux témoignages semblent justifier le discours satirique de Chateaubriand dont Fouché est la cible. Dans les propos recueillis chez Jean-Paul Clément, le statut de criminel que Chateaubriand attribue à Fouché revêt toutes ses preuves. Au regard de toutes les attaques que Chateaubriand dirige contre les acteurs des crimes, les Mémoires d’outre-tombe semblent une œuvre qui dit la répugnance de Chateaubriand par rapport aux atrocités enregistrées dans sa société. En sa qualité de témoin de ces événements horribles et sanglants, il a voulu condamner avec véhémence leurs auteurs en les nommant avec une précision détachée de toute formule discrétionnaire. La valeur et le degré de sa satire se mesurent à la virulence de ses propos qui prennent distance de toute sorte d’euphémisme ou de circonlocution. Chateaubriand fait le procès de ses cibles, tout au moins les cibles de sa satire dans une lisibilité qui l’expose à l’adversité. Ses propos qui disent l’économie de sa pensée se présentent comme un véritable casus belli, car n’hésitant pas un seul instant d’exprimer sa critique à qui veut l’entendre, Chateaubriand fait preuve d’intrépidité. L’attitude qu’il tient devant Fouché, comme nous l’avons entendu dans son récit, en témoigne.

La lecture du discours satirique de Chateaubriand donne le reflet d’un procès d’intention qui martèle les coupables de crimes épouvantables et les responsables de l’injustice sociale. Se réclamant défenseur des libertés populaires, Chateaubriand assume cette fonction dans la mise en écriture d’une critique violente contre ceux qui portent atteinte à ces libertés. C’est une attitude propre à un auteur engagé qui veut faire de son œuvre, une tribune d’expression au service de la société. Jean-Paul Clément reconnaît ce côté d’homme libre et engagé qu’incarne Chateaubriand quand il dit la chose suivante : « Chateaubriand fut un homme tout à la fois politiquement engagé et intellectuellement libre. La passion coexiste avec un retrait critique qui ne peut manquer d’irriter les gardiens du sérail…En 1806, Chateaubriand polémiquait avec sang-froid en adversaire raisonnable. »372 Cette adversité est consubstantielle à sa conscience aiguë d’être le plaideur des causes sociales et justes. C’est pourquoi, Jean-Paul Clément ajoute que « Dans les Mémoires d’outre-tombe, il plaide encore. » Cette plaidoirie est caustique d’autant plus qu’elle déconcerte ses principaux adversaires qui se sentent directement visés. Au nom de son engagement et de sa liberté comme le lui concède Jean-Paul Clément, Chateaubriand part en guerre contre ceux qui

371

CLÉMENT (Jean-Paul), op.cit., p. 41. 372 CLÉMENT (Jean-Paul), op.cit., pp. 206- 207.

entérinent les mesures attentatoires à la liberté et au droit à la vie. Ayant l’avantage de connaître ces hommes qui portent les germes de la peste sociale, il arme son discours des mots qui sont comme un pistolet chargé pour le dire avec Jean-Paul Sartre. Ces mots dressent un procès ciblé, une satire directement adressée aux personnes cibles dont les noms sont volontairement cités par Chateaubriand. C’est ce que nous avons appelé par attaques directes et individuelles comme si Chateaubriand procédait par une sorte de règlement de compte. En déployant vertement un réquisitoire accablant contre ses cibles, l’auteur des Mémoires

s’aperçoit comme un justicier qui s’émancipe du silence complice de la lâcheté et de toute complaisance, pour asseoir sa liberté d’expression et son droit à la dénonciation des vices. Cette satire ciblée se révèle comme la mise en accusation des pourfendeurs de la loi naturelle. Pour Chateaubriand, la nature veut que l’homme soit libre tandis que la société lui impose le droit de régner. Or, ce droit parfois qui se distingue par des méfaits tels que la tyrannie, le crime ou le bannissement, ne rencontre pas l’assentiment de Chateaubriand. C’est pourquoi, connaissant nommément les ennemis de la cause qu’il défend farouchement, il s’arme d’un discours satirique et mène une guerre contre eux. Dans les propos caustiques qu’il tenait contre Fouché, le mot d’indifférence faisait partie des vices qu’il attribuait à sa cible. Il nous montre une fois de plus qu’il a en horreur l’indifférence quand il déclarait : « L’indifférence, j’en conviens, est une qualité des hommes d’État, mais des hommes d’État sans conscience.»373 S’il disait de Fouché qu’il était indifférent, il va sans dire qu’il ne lui trouvait aucune conscience. La conscience est cet arbitre intérieur, cette censure viscérale qui évite à l’homme de commettre des actes odieux. C’est bien cette faculté humaine de porter des jugements de valeur sur ses propres actes. Fouché qui se trouvait vide de cette faculté ne pouvait qu’attirer des attaques du satirique. Cette sorte d’attaque directe qui fait étalage des mots offensants, semble conférer aux dires de Chateaubriand, le degré paroxystique de la satire. Tandis que d’autres auteurs, pour des mesures sécuritaires s’emploient à condamner l’iniquité sociale sans dénoncer en termes clairs les instigateurs, Chateaubriand se donne la licence et la témérité de faire des procès ciblés, au mépris de toutes représailles. Dans un discours violent au terme duquel Chateaubriand s’oppose à la nomination de Fouché comme ministre, nous réalisons à quel point des rapports sociaux étaient conflictuels. Ce qui prenait une direction orageuse par des attaques directes : « Je soutins, seul avec M. Beugnot, qu’en aucun cas Louis XVIII ne devait admettre dans ses conseils M. Fouché… Que deviendra le ministre si un député, montant à la tribune un Moniteur à la main, lit le rapport de la convention du 9 août 1795 ; s’il demande l’expulsion de Fouché comme indigne en vertu de

ce rapport qui le chassait, lui Fouché (je cite textuellement), comme un voleur et un terroriste, dont la conduite atroce et criminelle communiquait le déshonneur et l’opprobre à toute assemblée quelconque dont il deviendrait membre ? »374 Le mémorialiste atteint ici le faîte de sa satire par des propos insultants qui assomment la cible de sa satire. C’est une satire acharnée, digne d’une opposition dualiste entre le bien et le mal. Cette sorte de manichéisme qui se dégage dans la satire chateaubrianesque se définit par la violence de ses attaques ciblées, laquelle violence qui confirme son statut de défenseur des libertés populaires. Son aversion pour Fouché jugé comme criminel, voleur et terroriste, est le symbole d’une guerre ouverte entre la force du mal et celle du bien. La parole satirique se montre ici comme une arme parée pour défendre les suppliciés contre les bourreaux incapables de tout sentiment humain, et qui deviennent à leur tour, les cibles d’une critique acerbe.

Dans le Livre XXIV au chapitre cinq, Chateaubriand consacre une bonne partie qu’il intitule « Jugement sur Bonaparte ». Ce qu’il en dit tient lieu d’un véritable procès contre Bonaparte. Autrement dit, Bonaparte est compté au nombre des cibles de la satire chateaubrianesque, et les propos suivants en témoignent : « A Sainte-Hélène, il a condamné lui-même avec sévérité sa conduite politique sur deux points : la guerre d’Espagne et la guerre de Russie ; il aurait pu étendre sa confession à d’autres coulpes. Ses enthousiastes ne soutiendront peut-être pas qu’en se blâmant il s’est trompé sur lui-même. Récapitulons : Bonaparte agit contre toute prudence, sans parler de nouveau de ce qu’il y eut d’odieux dans l’action, en tuant le duc d’Enghien : il attacha un poids à sa vie.»375

En insinuant que la mort du duc d’Enghien est imputable à Bonaparte, homme coupable d’action odieuse, Chateaubriand réalise ipso facto une attaque directe qui montre la gravité des méfaits de sa cible. Une cible à laquelle il suggère de dire davantage sa coulpe, parce qu’il estime que son imprudence a fait plusieurs victimes. C’est ce qui explique assurément, à en croire les propos de Chateaubriand, « un poids à sa vie. » L’auteur des Mémoires estime en effet, que le nombre incalculable de ses victimes pourrait constituer un fardeau sur sa conscience d’où l’importance de la confession qui serait de nature à le libérer des souillures du péché qui font perdre la grâce, pour une possible rédemption. L’idée essentielle que l’on peut tirer de cette satire véhémente, c’est la volonté qu’a l’auteur de pourfendre les errements de la société et de dénoncer les méfaits qui se situent à la limite de la décence. Cette dénonciation a ceci de particulier, de sortir de l’anonymat et d’attaquer directement la cible de cette satire par la précision identitaire. Cette précision ou cette attaque directe, nous l’avons dans le Livre XVI au chapitre huit où

374

CHATEAUBRIAND (François-René de), op.cit., t. I, pp. 1506-1507.

Chateaubriand parle de Bonaparte : ’’Ses sophismes et ses remords’’ : « Les divers acteurs de la tragédie se sont mutuellement chargés ; Bonaparte seul n’en rejette la faute sur personne ; il conserve sa grandeur sous le poids de la malédiction ; il ne fléchit point la tête et reste debout ; il s’écrie comme le stoïcien :’’Douleur, je n’avouerai jamais que tu sois un mal !’’ Mais ce que dans son orgueil il n’avouera point aux vivants, il est contraint de le confesser aux morts. Ce Prométhée, le vautour au sein, ravisseur du feu céleste, se croyait supérieur à tout, et il est forcé de répondre au duc d'Enghien qu'il a fait poussière avant le temps. »376 Par un style très poétique il emprunte le langage du Dieu créateur, qui créa l’homme à partir de la poussière. Chateaubriand rend un jugement sévère à Bonaparte qu’il accable de méchants mots. Le rendant coupable des horreurs épouvantables, les fautes de Bonaparte semblent irrémissibles aux yeux de Chateaubriand qui, comme la voix de Dieu, prononce la sentence en termes de malédiction. C’est certainement la finalité de tout acte criminel puisque la voix dont