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Choix éclairé : connaître les deux côtés de la médaille

CHAPITRE 6 : Accoucher avec une sage-femme pour réparer déceptions, blessures ou traumatismes

7.1 Le rapport au corps : bâtir sa confiance autour du choix éclairé

7.1.1 Choix éclairé : connaître les deux côtés de la médaille

L’ensemble des femmes de ce groupe a comme point commun d’avoir passé au travers une démarche plus « cérébrale », les menant au choix d’un accouchement avec sage-femme, à domicile ou en maison de naissance, qui leur permettait d’être plus en contrôle de leur expérience. Elles ont souhaité maîtriser, du moins en partie, l’univers entourant la naissance pour être à même de se bâtir un projet de naissance qui leur ressemble plutôt que de se fier uniquement à une professionnelle. Ce choix éclairé, qui consiste en quelque sorte à se bâtir une connaissance juste de divers sujets entourant la naissance, a permis aux mères de prendre confiance en la capacité de leur corps à enfanter et de se tourner vers un accouchement physiologique, rejetant la majorité des interventions routinières en milieu hospitalier. Cette approche fait échos aux propos de Nisand et Mirinsky :

Offrir un choix éclairé sur les conditions de la naissance (une demande unanime des couples) implique de faire confiance aux femmes, de lâcher un peu de son pouvoir de professionnel. Redonner ses lettres de noblesse à la physiologie sans renoncer aux avancées de la médecine, poser que grossesse et accouchement sont des processus physiologiques qui ne nécessitent pas une surmédicalisation systématique mais un accompagnement et une technicité repensée, sont les vases d’une nouvelle approche de la naissance (Nisand et Mirinsky 2010 : 1127).

Rosemarie, par exemple, a entamé, en cours de grossesse, une réflexion pour prendre les décisions qui avaient du sens pour elle et son conjoint. C’est tout d’abord dans un cours de yoga prénatal qu’elle a eu la puce à l’oreille :

La personne qui est [au centre de yoga que je fréquente], elle nous expliquait justement toute la gestion de la douleur, de l’accouchement et j’ai pris en compte certaines informations et j’ai commencé à m’informer sur mes droits de femme enceinte, sur [...] le processus de l’accouchement, les positions d’accouchement et là j’ai commencé à plus poser de questions à ma médecin admettons : « Est-ce que je peux accoucher dans différentes positions? » Je voyais que la position, habituellement, les pieds dans les étriers, était une des pires positions pour accoucher à cause du coccyx – plein de petites questions comme ça. Et je n’aimais vraiment pas les réponses qu’elle me donnait (Rosemarie).

Toutes ces remises en question l’ont mené à lire et à interroger les professionnels qu’elle côtoyait. Elle en est venue à se dire que vraiment, elle devait « croire en son corps de femme », qu’elle lui fasse

93 confiance, pour arriver à accoucher et qu’un suivi sage-femme serait une possibilité pour y arriver. C’est à ce moment qu’elle a décidé de faire une demande d’aide à la maison de naissance. Les sages- femmes, en effet, reviennent aux processus naturels du corps, en écartant certaines pratiques ritualisées de la médecine moderne, permettant ainsi aux femmes de redéfinir leur rapport à leur corps en développant leur confiance en elle-même : « Through ritualized practices of pregnancy surveillance, combined with repetitive and intensive maternal reassurance, midwives affirm mothers as the ultimate authorities on their bodies and babies. In this process, they abandon notions about the supremacy of technology and build confidence in the sufficiency of nature. » (Cheyney 2001a : 37)

Rosemarie, explique qu’elle souhaitait un accouchement « positif ». Elle se visualisait bien entourée avec son conjoint qui serait très proactif à ses côtés, à l’aise dans son rôle d’accompagnant. Elle avait des craintes, certes, de ne pas y arriver, d’être prise au dépourvu, mais elle gardait en tête cette idée d’expérience positive. Elle nous livre ces propos qui démontrent bien à quel point son souhait s’est réalisé : « Aaaah! [Soupir.] C’est l’fun! Oui, moi j’ai aimé ça, accoucher. Des fois quand je vois des nouvelles mamans qui s’en vont accoucher, qui sont sur le bord, je les envie quasiment! Mais oui, ça a été positif. Mon souhait que ce soit positif s’est réalisé. […] [C]’est tellement magique… » (Rosemarie) À son sens, elle et son conjoint sont aujourd’hui aussi confiants et conscients lors des décisions qui concernent leur fille, grâce, en bonne partie, à l’apprentissage du processus de choix éclairé qu’ils ont vécu auprès des sages-femmes.

Éloïse, une sage-femme participante paraphrase les propos de certains parents sur le choix éclairé : « Je n’ai jamais fait de choix éclairé avant dans ma vie et là, soudainement, on me remet toute cette responsabilité-là entre les mains. Pour nous, c’est un cadeau. Parce qu’une fois que tu la prends et que tu l’intègres, elle t’appartient. Tu es maître du processus décisionnel, des évènements, des conséquences. Tu n’es pas juste quelqu’un à qui les évènements arrivent. » (Éloïse) En remettant en question le savoir expert véhiculé par le modèle de soins périnatals technocratique dominant et en faisant fi des commentaires sur la marginalité de tel ou tel choix, les parents arrivent à considérer de prime abord les intérêts de leur enfant, au moment de la grossesse et de l'accouchement, mais aussi a

posteriori.

Pour Lucie, la réflexion a eu lieu une fois qu’elle était en arrêt de travail, se disant continuellement qu’avec le même plan de naissance qu’à son premier bébé, il était certain qu’elle revivrait la même histoire d’accouchement sous péridurale empreinte d’interventions inutiles, alors qu’elle souhaitait un début différent pour ce nouveau bébé. Elle voulait vivre pleinement son accouchement et son sentiment était que ce serait plus aisé dans un milieu où la grossesse est perçue comme normale, comme pour les tenants du modèle de soins périnatals sage-femme :

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[…] ça me revenait tout le temps en tête que j’avais le goût de vivre ça naturellement, mais j’étais pas mal persuadée que si je retournais à l’hôpital, ça allait refaire le même

pattern, que j’allais sûrement revivre juste la même chose que ce que j’avais vécu au

premier […] [Q]u’est-ce que je pouvais faire pour y arriver? […] [J]’ai commencé à fouiller un peu, [je me suis dit que je] pourrais peut-être me prendre une accompagnante mais, les services d’accompagnante, c’est privé […] Finalement, j’ai […] regardé avec les sages-femmes. C’est un service qui est offert par la RAMQ, dans le fond. […] [J]e suis allée à la rencontre d’information ; j’ai faite : « O.K., c’est ici que j’accouche! Définitivement. » Je ne voulais plus rien savoir d’aller à l’hôpital. […] [J]e suis rentrée dans le milieu de la maison de naissance et j’ai vu comment c’était, et j’ai eu toute l’information par rapport à quel point elles sont bien formées, tout l’équipement, à quel point elles sont en mesure de faire toutes les mêmes mesures [d’urgence] qui seraient faites à l’hôpital. Il n’y a pas vraiment de différence dans le fond, d’être à l’hôpital ou à la maison de naissance s’il y a une complication. Ça m’a beaucoup rassurée. Et j’étais tellement bien à cette place là que je ne voulais pas aller à l’hôpital. » (Lucie)

Sa réflexion guidée par le besoin de trouver des outils pour « réussir » un accouchement physiologique a donc été ponctuée de plusieurs découvertes dans les livres et sur le web, dont le fait que les services sages-femmes sont gratuits et que les mesures de sécurité sont nombreuses. Le sentiment de bien-être au sein de la maison de naissance et l’organisation des services l’ont convaincue qu’il s’agissait là du bon choix pour elle, à la lumière des informations justes sur les possibilités qu’elle avait. Elle a donc eu la possibilité de faire un choix éclairé, en toute connaissance de cause.