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Le rôle chinois dans le problème du Vietnam aux yeux des Français et l’objectif du général de Gaulle pour une reconnaissance mutuelle

Les approches internationales et les relations sino françaises d’une guerre à l’autre concernant le

Chapitre 2 : La relation entre le rétablissement de la relation franco-chinoise et le problème du Vietnam

2.4 Le rôle chinois dans le problème du Vietnam aux yeux des Français et l’objectif du général de Gaulle pour une reconnaissance mutuelle

Dans le Sud-est asiatique, et particulièrement au Vietnam, c’était un fait que l’existence de la Chine populaire ne pouvait être ignorée. La Chine était même un acteur déterminant pour le problème indochinois pendant la guerre froide. La Quatrième République s’était aperçue que la RPC avait un rôle très important dans la guerre d’Indochine. Le

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gouvernement du PCC soutenait fortement la lutte du Vietminh contre la France. Il servait aussi de médiateur entre les deux pays belligérants pendant la Conférence de Genève et finalement a contribué à faire réussir la signature des accords de Genève sur l’Indochine en 1954. D’après les archives des affaires étrangères françaises dans ma base de données, nous pouvons découvrir que le Quai d’Orsay faisait toujours attention au développement de la situation dans la région indochinoise depuis 1954. Grace à la politique extérieure « modérée » de la Chine populaire, les pays d’Asie Sud-est avaient le sentiment d’être engagés dans une sorte de course pacifique avec la Chine sur le plan du développement politique, économique et social. Le lien économique entre l’Asie du Sud-est et la Chine populaire était renforcé par les colonies chinoises dans cette région. Les pays du Sud-est asiatique étaient tous impressionnés par la puissance du régime communiste1 . En mars

1959, le Quai d’Orsay pensait que concernant les affaires indochinoises, l’objectif majeur de la politique du PCC restait de disloquer la chaine des bases américaines de l’Océan Pacifique et d’obtenir le départ des forces américaines d’Extrême-Orient, ce qui pouvait expliquer l’attitude de la Chine vis-à-vis du Vietnam. Le Quai d’Orsay indiqua que la Chine populaire s’était trouvée renforcée dans la péninsule indochinoise en accroissant considérablement son aide au Nord-Vietnam depuis 1959, en installant une représentation diplomatique à Phnom-Penh et en conjuguent ses efforts avec ceux d’Hanoi pour exercer une forte pression sur le Royaume du Laos2. Aux yeux des Français, les dirigeants chinois

espéraient maintenir l’équilibre des forces dans la péninsule indochinoise afin de former une zone pacifique pour leur second plan quinquennal (le Grand Bond en avant)3. La Chine

populaire montra un certain esprit de conciliation, comme si elle voulait éviter tout sujet de tension en matière de politique étrangère, sauf vis-à-vis des États-Unis4.

1 AMAE, 119QO/503, Importance de la Chine nouvelle dans l’Asie du Sud-est, le 25 juillet 1956. 2 AMAE, 119QO/503, La politique extérieur de la Chine populaire, le mars 1959.

3 AMAE, 119QO/503, La politique extérieur du PCC, le 27 avril 1959. 4 AMAE, 119QO/503, La Chine et la détente, le 12 février 1960.

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Il y avait donc trois aspects de la politique diplomatique de la Chine populaire concernant la région indochinoise aux yeux des Français. Premièrement, le Cambodge, le Nord-Vietnam et les neutralistes du Laos devinrent un enjeu important du PCC dans cette région et dans des affaires du Bloc socialiste. L’influence de la RPC s’accroissait rapidement dans les affaires indochinoises1 . Deuxièmement, les Cinq Principes de la

Coexistence pacifique du PCC montrèrent la politique extérieure « modère » de la RPC. La Chine populaire soutenait toujours les accords de Genève de 1954 et de 1962 pour la paix d’Indochine et la réunification pacifique du Vietnam, mais la présence des États-Unis menaçait la paix de cette région aux yeux du PCC. Le 10 mai 1963, pendant la réception offerte par le président Ho Chi Minh pour la délégation chinoise, Liu Shaoqi indiqua que la Chine populaire soutenait toujours la lutte légitime et patriotique du peuple vietnamien et la lutte sacrée pour la réunification pacifique du Vietnam. Liu ajouta que le gouvernement chinois dénonçait les opérations américaines qui sabotaient les accords de Genève de 1954 et empêchaient la réunification pacifique du Vietnam2. En outre, aux yeux

des Chinois, la transformation du Sud-Vietnam en une base militaire par les États-Unis était une vraie agression de l’Asie du Sud-est3. Il y avait donc la possibilité d’un conflit

sino-américain en Asie du Sud-est. Troisièmement, l’objectif majeur des Chinois, au service duquel s’exerçait leur politique extérieure, était avant tout nationale. D’un point de vue nationaliste, ils apparaissaient légitimes et sains : édification économique, retour de la Chine à sa place et à son rôle dans le monde, affirmation d’un « leadership » à la mesure de ses capacités4.

1 AMAE, 119QO/504, Politique de la Chine populaire en Asie, le 18 mars 1961 ; Données de la politique

extérieure chinoise, le 6 janvier 1964.

2 AMAE, 119QO/586, Discours du Président Liu Shao-Chi lors de la réception offerte par le Président Ho

Chi Minh, le 10 mai 1963

3 AMAE, 119QO/504, Discours de Li Fu-Chun au congrès du Parti Lao Dong de la RDVN, le 10 octobre

1960 ; Télégramme de l’Ambassade de France en Japon, le 7 avril, 1963.

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Lorsque le général de Gaulle envisageait la relation entre la RPC et les affaires vietnamiennes, il voyait l’essence de la guerre comme un conflit entre la Chine et les États- Unis. Les États-Unis ne pouvaient pas gagner la guerre, mais le Nord-Vietnam, aidé par la Chine, ne pouvait pas non plus espérer une franche victoire. Quant à la Chine, elle ne voulait pas prolonger le conflit et avait besoin d’une longue période de calme pour pouvoir se concentrer sur son développement. « La présence, ou l’influence prédominante soit de la Chine, soit des États-Unis, étant inacceptable pour l’autre partie, la seule hypothèse valable est celle de la neutralité » et la Chine « pourra entrer en rapports normaux avec les États-Unis »1. Deuxièmement, la position du gouvernement chinois, selon les informations

obtenues par le Quai d’Orsay, montra la possibilité d’une coopération franco-chinoise pour le problème vietnamien. Le gouvernement chinois soutenait publiquement le retour aux accords de Genève de 1954 pour apaiser les tensions au Vietnam2. Aux yeux du général de

Gaulle, il fallait résoudre le problème vietnamien à partir des accords de Genève de 1954. Il y avait donc une analogie entre les positions chinoises et françaises, ce qui serait favorable aux négociations franco-chinoises3 . Troisièmement, grâce à la position

dominante de Pékin vis-à-vis d’Hanoi à ce moment-là, si la France pouvait prendre le contact avec la RPC, la France pourrait avoir un impact sur le Nord-Vietnam grâce à l’influence de la Chine. Ensuite, si l’URSS, la RPC et le Nord-Vietnam acceptaient l’idée gaulliste, les États-Unis seraient obligés de participer à cette négociation sous la pression communiste. En même temps, l’ingérence des États-Unis pourrait être éliminée après la guerre. Finalement, de Gaulle ne souhaitait pas voir l’influence chinoise revenir dans cette

1 AMAE, 119QO/527, Instructions pour Monsieur Paye, le 11 mai 1964, p.7.

2 AMAE, 119QO/504, Télégramme, n° 443/AS, Discours de Li Fu-ch’un au Congrès du Parti Lao Dong de

la RDVN et controverse doctrinale sino-soviétique, le 10 octobre 1960 ; no10/AS(b), Données de la

politique extérieure chinoise, le 11 février 1964.

3 Comptes rendus des entretiens de Gaulle-Kennedy (31 mai-2 juin), CR256, DDF, 1961, Tome I, op.cit.,

pp. 669-681 ; AMAE, 119QO/527, Points essentiels traités lors de l’audience du général de Gaulle accordée à l’Ambassadeur de Chine, M. Huang Chen, à l’Élysée, le 19 juin 1964.

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région d’autant plus que la Chine était devenue une puissance communiste. Le Général souligna devant ses alliés occidentaux que la reconnaissance d’un pays communiste n’était donc pas l’approbation de son régime politique1. Il pensait que si la France établissait des

relations diplomatiques avec la Chine populaire, elle pourrait empêcher la Chine d’intervenir directement ou indirectement dans des affaires vietnamiennes et éviter au Vietnam une emprise à la fois communiste et chinoise. Autrement dit, c’était une opération diplomatique pour « défendre » et « préserver » l’indépendance du Vietnam2.

La chute de l’alliance sino-soviétique présentait à la fois une opportunité pour la reconnaissance mutuelle aux yeux du général de Gaulle. Depuis 1960, le dispute entre Moscous et Pékin conduirait finalement à la chute de cette alliance importante dans le Bloc socialiste. Après cet événement, la normalisation des relations franco-chinoises était amorcée. L’image d’une Chine se « réorientant » par rapport au reste du monde, à la suite de sa rupture avec l’URSS, était plus vraie encore dans le domaine diplomatique. Cette rupture entrava sérieusement l’indépendance et la liberté de manœuvre de la Chine3. Aux

yeux du Quai, le camp socialiste ayant un seul centre à Moscou, se trouva scindé en deux à cause du avec le différend russo-chinois. La Chine devint du fait de sa rupture avec la Russie réellement indépendante et, par conséquent, un facteur important de la politique internationale. Il n’était avantage pour la France de laisser les Chinois repliés sur eux- mêmes, sans aucun contact avec le monde extérieur4 . « L’indépendance » de la Chine

signifia l’apparition d’un « system bipolaire » dans le camp socialiste. Avant les divergences entre la Chine populaire et l’Union soviétique, le gouvernement français pensait qu’il n’était pas nécessaire de discuter les affaires internationales avec la Chine

1 Document 4, Circular Telegram from the Department of State to the Embassy in France, January 18, 1964,

FRUS, 1964-1968, Volume XXX, China, pp. 6-8.

2 Télégramme, n° 149/150, le 25 janvier 1964, T47, DDF, 1964, Tome I, op.cit., pp. 106-108. 3 AMAE, 119QO/504, Données de la politique extérieure chinoise, le 6 janvier 1964. 4 Télégramme, n° 91/97, le 26 janvier 1964, T47, DDF, 1964, Tome I, op.cit., pp.106-108.

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populaire, parce que l’URSS avait un ascendant sur la Chine et avait toujours le dernier mot. Par la suite, l’administration du général de Gaulle pensait qu’il fallait négocier directement avec la Chine populaire. La reconnaissance mutuelle entre la France et la Chine pourrait établir un « canal » important pour discuter des problèmes asiatiques, particulièrement des problèmes de l’Asie de Sud-est avec la Chine. Le rétablissement des relations diplomatiques sino-français, aux yeux du gouvernement français, pourrait maintenir la foi les accords de Genève de 19541. Nous pouvons conclure que d’une part,

le problème indochinois est une des raisons essentielles pour le rétablissement des relations diplomatiques franco-chinoises.

Dans les années 1960, la Chine populaire était une « force indépendante » dans le camp socialiste. De son côté, la France montrait un caractère indépendant face à l’influence américaine. Les deux pays étaient également isolés dans leurs Blocs respectifs. L’analogie de leurs situations aida à la reconnaissance mutuelle. C’était vraiment une opportunité naturelle de la marche de l’histoire. Cependant, le processus n’allait pas de soi. Il y avait des opinions divergentes très grandes sur le problème algérien entre la France et la Chine. De fait, à partir de juillet 1962, après avoir reconnu l’indépendance de l’Algérie, la France poussait finalement à négocier avec la Chine populaire la reconnaissance mutuelle. Lorsque Edgar Faure envoyé par le général de Gaulle, il semble que le président de la Cinquième République lui demanda de sonder l’attitude chinois sur les problèmes indochinois. Lors de l’entretien entre le président Mao et Faure le 2 novembre 1963, après la discussion sur la situation du Sud-Vietnam, Faure indiqua au président Mao que si la France pouvait établir les relations diplomatiques avec la Chine populaire, la coopération sino-française jouerait un rôle important dans les affaires internationales. Bien que la

1 Document 4, Circular Telegram from the Department of State to the Embassy in France, 18 January 1964,

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France n’ait plus d’intérêt colonial en Asie, dit Faure, elle connaissait bien les problèmes asiatiques et avait une influence culturelle sur l’Indochine. « Le gouvernement français espérait la paix de la région indochinoise » conclura Faure. Cependant, l’attitude de Mao Zedong fut ambiguë. Il ne donna aucun commentaire à propos de Faure. Il dit seulement que les États-Unis bloquaient le siège atour la Chine par leurs alliances, comme par exemple, avec le Thaïlande et le Sud-Vietnam1 . Le 27 janvier 1964, le Communiqué

conjoint franco-chinois marqua l’établissement de relations diplomatiques entre la Cinquième République française et la République populaire de Chine. Les opérations diplomatiques françaises vis-à-vis de la RPC sur le problème du Vietnam commencèrent rapidement.

1 AMAEC, L’entretien parmi Mao Zedong, Faure et sa femme, le 2 novembre 1963, 110-01982-14, pp.20-

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Chapitre 3 : Les négociations franco-chinoises sur les propositions de paix du général

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