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L’évaluation optimiste de Mao concernant la situation internationale du Vietnam et l’approbation chinoise vis-à-vis des propositions gaullistes

Les approches internationales et les relations sino françaises d’une guerre à l’autre concernant le

Chapitre 3 : Les négociations franco-chinoises sur les propositions de paix du général de Gaulle concernant le Vietnam

3.2 L’évaluation optimiste de Mao concernant la situation internationale du Vietnam et l’approbation chinoise vis-à-vis des propositions gaullistes

En dépit de la divergence entre la Chine et la France, en dépit de la tension créée par les incidents du golfe du Tonkin les 2 et 4 août 1964, il semble que la situation ait évolué du mieux possible. La Chine soutenait les propositions gaullistes. Le 24 juillet, l’article du Quotidien du Peuple pensait que les propres du Général sur la situation indochinoise au

1 Tong Xiaopeng, Feng Yu Si Shi Nian (Une mémoire du travail de Zhou Enlai), volume II, Pékin : Central

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cours de la conférence de presse du 23 juillet porta aux États-Unis un coup plus dur1. Lors

de l’entretien du 11 août entre Maurice Couve de Murville et Huang Zhen, après avoir critiqué la Chine de ne pas savoir où se plaçaient les responsabilités de la guerre et après avoir suggéré à la Chine de réunir la conférence des quatorze le plus tôt possible, le Ministre indiqua que le gouvernement français estimait que les questions indochinoises ne pouvait pas être discutée utilement dans le cadre des Nations unies, ne serait-ce que parce que la Chine, l’une des principales puissances intéressées, n’en faisait point partie. L’Ambassadeur de Chine marqua son accord sur tous ces points2. Dans la lettre au Ministre

des Affaires étrangères du Nord-Vietnam, le maréchal Chen Yi indiqua : « Les accords de Genève de 1954 sont les seuls accords internationaux pour le règlement de toute la question indochinoise. Si ces accords sont écartés, certains pays intéressés seront exclus, et si l’on permet à l’ONU, contrôlée par les États-Unis, d’intervenir en Indochine, cela ne pourra en aucun cas conduire à un règlement pacifique de la question indochinoise, mais ne fera qu’aggraver davantage la situation en Indochine »3. En dépit de l’appui total accordé aux

actions de Hanoi et des dispositions prises pour se défendre contre la menace des États- Unis, le maréchal Chen Yi déclara nettement à Lucien Paye que Pékin ne voulait pas la guerre et soutenait la réunion de la conférence des quatorze au sujet du Laos. Il espérait qu’un succès de la conférence permettrait de résoudre les problèmes d’Indochine et même de l’ensemble du Sud-est asiatique4.

Le 17 août 1964, Robert Morel-Francoz, ambassadeur de France en Birmanie, commença sa visite personale en Chine. Aux yeux des Chinois, il était gaulliste et soutenait

1 Dai Gao Le Tan Hua Da Tong Le Mei Guo Zheng Dong Le Xi De (Les propres du général de Gaulle blessent

les États-Unis et étonnent la République fédérale d’Allemagne), le Quotidien du Peuple, le 24 juillet 1964.

2 Télégramme, n° 930/934, le 11 août 1964, T64, DDF,1964, Tome II, Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt/M.,

New York, Oxford, Wien : Peter Lang, 2002, p.151.

3 AMAE, 119QO/527, Télégramme, n° 613, le 13 août 1964. 4 D. n° 204/1/AS, D80, DDF,1964, Tome II, op.cit., p.194.

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les propositions du général de Gaulle. Il avait indiqué devant son homologue chinois que la France et la Chine était les deux plus grands pays en Europe et en Aise, ils devaient donc s’unir pour la lutte contre les deux superpuissances, et que les États-Unis devaient se retirer du Vietnam1. Lors de sa visite en Chine, Morel-Francoz dit aux personnes chinoises qui

l’accompagnaient que le gouvernement français voulait ouvrir une nouvelle conférence de Genève plus vite possible en vue de forcer les États-Unis de se retirer. Il critiqua fortement l’intervention américaine au Vietnam et pensait que c’était une décision faute de Washington. Il souligna que la paix de l’Asie du Sud-est devait se fonder sur la neutralisation. Les diplomates chinois approuvaient ses points de vue. Cependant, ils lui indiquèrent que la neutralisation et la paix de cette région dépendaient de la position américaine. L’Ambassadeur français était d’accord avec les Chinois, mais il estimait que les États-Unis ne voulaient pas mener une guerre plus large2.

Concernant la conférence des trois parties laotiennes à Paris, le 26 août, Chen Yi confia à Paye que cette réunion devrait grouper les représentants véritables des trois tendances : le Prince Souvanna Phouma, le Prince Souphanouvong et le général Phoumi. Le gouvernement chinois souhaitait qu’un accord général de cette réunion de Paris pourrait faciliter la constitution d’une délégation unique laotienne pour la conférence des quatorze. « La Chine est favorable à l’octroi d’une aide par la France » dit Chen Yi. Il souligna également : « La Chine soutiendrait la République démocratique du Vietnam, si les États- Unis l’attaquaient »3. La réunion de trois dirigeants laotiens s’est tenue à Paris le 27 août.

Cependant, les États-Unis informèrent Phouma que Washington ne pourrait pas participer à la conférence de quatorze, si le prince Phouma renonçait aux conditions préalables. Sous

1 AMAEC, L’Ambassadeur de France en Birmanie, le 2 juin 1964, 117-01191-01, pp.10-11.

2 AMAEC, La visite de L’Ambassadeur de France en Birmanie en Chine, entre le 17 août et le 7 septembre

1964, 117-01191-01, pp.35-43.

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l’influence américaine, Phouma demanda Souphanouvong de retirer les troupes du Pathet Lao de la Plaine des Jarres. Il demanda également la C.I.C de vérifier ce départ. Souphanouvong les refusa le 16 septembre. La réunion de Paris fut donc terminée. Le 19 septembre, Phouma déclara que le Nord-Vietnam utilisait la zone Pathet Lao pour transporter des soldats, des vivres et des munitions au Sud-Vietnam. La situation vietnamienne se détériora1.

Grâce à l’exposition technique française à Pékin, Paye eut finalement l’occasion de voir le président Mao en septembre. En fait, Paye voulait toujours prendre une discussion avec le président Mao concernant les affaires internationales. Cependant, sa demande fut refusée le 29 juillet par le ministère des Affaires étrangères chinois sous prétexte des travails occupés de Mao Zedong. Le ministère des Affaires étrangères pensait que si le président Mao recevait individuellement l’Ambassadeur de France, « les pays de gauche » seraient en majorité mécontents, parce que la France était un « pays impérialiste »2. Lors

de l’entretien, après la discussion sur le développement des relations économiques et culturelles entre la France et la Chine, l’entretien porta tout naturellement sur les problèmes du Sud-est Asiatique. Mao Zedong a rendu hommage aux propositions du général de Gaulle et indiqué que la Chine populaire comme la France souhaitaient résoudre le problème vietnamien par une conférence internationale proposée par le général de Gaulle, mais, Mao Zedong indiqua également : « Il n’y aura pas de solution rapide à la crise indochinoise. Il faut attendre le jour où les États-Unis se verront obligés de se retirer, ce qu’ils ne veulent pas faire actuellement ». Il expliqua à Paye dans son langage révolutionnaire la relation entre destructions et créations, la conception traditionnelle du PCC : sans l’oppression impérialiste, il n’y aurait pas eu d’éveil du nationalisme et de la libération populaire. Il

1 Laurent Cesari, Les Grandes Puissances et le Laos, 1954-1964, op.cit., pp. 327-328.

2 AMAEC, La demande de l’ambassade de France pour voir le président Mao, le 29 juillet 1964, 117-01144-

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confirma : « Il faut combattre jusqu’à ce que les Américains ne veuillent plus combattre. Les États-Unis ne sont pas favorables à cette réunion »1. D’une part, d’après l’expérience

de la révolution chinoise, s’emparer du pouvoir par la force militaire est la seule façon efficace de procéder. D’autre part, selon le « pragmatisme révolutionnaire », le président Mao analysait donc le problème vietnamien en se fondant sur une conception de la lutte des classes. Cet entretien affirma évidemment qu’il pensait que la réunion de la conférence des quatorze ou la solution politique était difficile à le résoudre lorsque les troupes américaines étaient encore dans la région indochinoise. A ses yeux, d’après l’expérience en 1954, pour une négociation avec les États-Unis, il fallait avoir une victoire militaire décisive. Certes, Hanoi devait également limiter l’échelle de la guerre du Vietnam. Quand Mao Zedong rencontra les délégations du Nord-Vietnam en 1964, il leur dit donc plusieurs fois : « Il faut envoyer plus de troupes dans le Sud-Vietnam. Pourquoi vous avez gagné la guerre d’Indochine ? Parce que vous avez anéanti la principale armée française en 1954 »2.

En fait, avant que la politique agressive de la RDVN vis-à-vis du Sud-Vietnam ait conduit à des tensions dans la région vietnamienne, le PCC avait eu une évaluation optimiste sur la situation, c’est-à-dire, l’intervention américaine serait limitée. Il semble que le PCC ne pense pas que les États-Unis auraient la capacité d’intervenir massivement dans les affaires révolutionnaires mondiales après la guerre de Corée. En outre, le PCC considéra que le gouvernement américain avait peur de la guerre. Le 18 novembre 1957, pendant un entretien entre Mao Zedong et la délégation du Parti communiste italien en Moscou, Mao dit que les communistes ne pouvaient pas avoir peur de l’intervention

1 AMAE, 119QO/527, Document no 120, Entretien avec Mao Tsé-toung, le 13 septembre 1964 ; CCCPC

Party Literature Research Office, Mao Zedong Nian Pu, 1949-1976,volume V, op.cit., p.147. Selon le record chinois, le président Mao était d’accord et soutien forcement l’idée de paix proposée par le général de Gaulle sur les problèmes indochinois.

2 Yang Kuisong, Xin Zhong Guo Cong Yuan Yue Kang Fa Dao Zheng Que Yin Du Zhi Na He Pin Zheng Ce

De Yan Bian (L’Evolution de la politique Chinoise pendant la guerre d’Indochine), Social Science in China,

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américaine dans certaines régions, parce qu’elle ne pourrait pas durer longtemps1. Le 20

août 1958, pendant son entretien avec le prince Sihanouk, Mao indiqua que les États-Unis intervenaient dans les affaires taïwanaises, vietnamiennes et thaïlandaises. Il pensait que la Maison Blanchesouhaitait de se charger de toutes les affaires internationales, mais les

États-Unis n’en avaientpas les capacités2.

Bien que le PCC ne refuse pas la possibilité d’une guerre déclenchée par les États-Unis, l’échelle de la guerre serait petite aux yeux des Chinois3. Il semble que ce soit la raison

pour laquelle le PCC continua de soutenir activement la lutte dirigée par Hanoi après le commencement de « la guerre spéciale » déclenchée par l’administration de Kennedy. Le PCC considéra que la situation de la lutte était favorable et le Nord-Vietnam faisait un très bon travail4. Le 5 octobre 1962, le président Mao dit à Vo Nguyen Giap : « L’impérialisme

américain intervient dans les affaires européennes, asiatiques, africaines et latines américaines, comme dix doigts pressant sur dix puces. Finalement, il ne pourra rien prendre. Les Américains sont obligés de prendre en compte la guérilla dans le Sud- Vietnam, la force du Nord-Vietnam et de la Chine. Vous avez pris « un doigt » américain dans le Sud. La situation est favorable pour nous. Les États-Unis pensent que « la guerre spéciale » durerait cinq années ou dix années, mais je pense qu’ils seront fatigués à la fin. Il est impossible que le gouvernement américain intervienne dans cette guerre à grande échelle ou prolonge la guerre dans le Nord, parce qu’il n’en pas l’énergie ni la capacité. L’impérialisme américain ne pourra pas gagner cette guerre. La victoire est à nous »5. En

même temps, le président Mao demanda aux vietnamiens de ne pas relâcher de ses vigilances. Il pensait qu’il y avait aussi le risque de l’escalade de la guerre contre le Nord-

1 CCCPC Party Literature Research Office, Mao Zedong Nian Pu, 1949-1976,volume III, op.cit., p.253. 2 Ibid., p.416.

3 Ibid..

4 CCCPC Party Literature Research Office, Mao Zedong Nian Pu, 1949-1976,volume V, op.cit., pp.39-40.

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Vietnam, mais Mao Zedong assura que si les troupes américaines avaient attaqué la RDVN, la RPC aurait envoyé les volontaires chinois dans le Nord-Vietnam comme pendant la guerre de Corée1.

Après les incidents du golfe du Tonkin d’août 1964, le PCC élabora une déclaration pour dénoncer les opérations américaines. Lorsque le président Mao examina le manuscrit de cette déclaration, il dit à ses camardes que le gouvernement américain optait pour l’escalade militaire dans la guerre du Vietnam, la Chine devait donc se préparer au combat contre les Américains dans la région vietnamienne. Mao Zedong décida d’annuler son plan d’enquête sur la situation du Sud de la Chine et de discuter avec les dirigeants du PCC sur le problème indochinois2. Le Comité Centrale du PCC demanda à la municipalité de Pékin

d’organiser une manifestation de millions de personnes pour montrer l’appui chinois en faveur de la lutte vietnamienne le 7 août 19643. Cependant, les informations obtenues par

le canal secret apaisèrent rapidement la tension dans le PCC. Les Chinois reprennent l’évaluation optimiste sur la situation du Vietnam4. Le gouvernement chinois repensa qu’il

n’y aurait pas de conflit direct entre la Chine et les États-Unis dans la région vietnamienne, parce que le gouvernement américain limiterait l’échelle de la guerre dans le Sud-Vietnam et avant l’intervention américaine, le Nord-Vietnam aurait gagné la guerre. Le 13 août 1964, le président Mao dit à la délégation militaire du Nord-Vietnam : « Il semble que les États-Unis ne cherchent pas à déclencher la guerre contre nous. La Chine n’espère naturellement pas faire la guerre avec les Américains. Vous n’espérez aussi pas intensifier la guerre dans votre région. Vous devez donc limiter l’échelle de vos opérations militaires pendant dix ans ou quinze ans, mais, vous devez aussi vous préparer pour faire face à toutes

1 Ibid., p.367, p.378. 2 Ibid., p.382.

3 L’instruction du Comité central du PCC sur l’organisation d’une manifestation, Zhong Gong Zhong Yang

Wen Xian Xuan Ji, volume XLVI, op.cit., pp.338-340.

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les éventualités »1. Le 5 octobre, le président Mao dit encore à Pham Van Dong : « Nous

ne savons pas la guerre dura combien de temps, ce qui dépend essentiellement l’attitude américaine. Je pense que, maintenant, il n’est pas nécessaire de discuter si vous devez envoyer les troupes dans le sud. Il faut attendre l’occasion. Quand l’occasion sera favorable, il faudra envoyer vos troupes dans le sud. Le gouvernement américain n’a pas décidé d’attaquer le nord. Je pense que les États-Unis ne voudront pas s’engager dans un conflit contre nous ». Pham Van Dong répondit au président Mao que Hanoi espérait battre l’armée ennemie dans la sphère de « la guerre spéciale » et ne pas laisser la guerre s’étendre dans le nord. Mao Zedong approuva cette politique militaire du Nord-Vietnam et indiqua que les Nord-Vietnamiens devaient avoir une attitude prudente sur le problème de la lutte militaire. Il pensait que Hanoi ne devait pas engager beaucoup trop des troupes dans l’action à ce moment-là2. La Chine populaire souhaitait donc que la RDVN n’étende pas la

guerre et utilise la théorie de guerre prolongée créée par Mao Zedong. Pour Mao, il fallait seulement utiliser la guérilla pour vaincre les ennemis. La guerre contre les Américains dans le Sud-Vietnam devait se poursuivre.

Dans ces circonstances, une conférence internationale proposée par la France n’était pas épuisée par le PCC, mais il fut difficile de persuader le gouvernement chinois de participer à une négociation immédiate pour la paix. Il semble que grâce au conflit franco- américain concernant le problème vietnamien, le PCC ait espéré profiter des propositions françaises, en faisant la simagrée de soutenir quelle conférence, comme un « chantage », à ce moment-là, de chercher à gagner du temps et d’empêcher l’intervention militaire

1 Ibid., pp.385-386.

2 Ibid., pp.414-145; Cold War International History Projet, Working paper No.22, 77 Conversations between

Chinese and Foreign Leaders on the Wars in Indochina, 1964-1977, Washington, D.C.: Wilson Center, 1998,

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américaine à grande échelle afin que le Nord Vietnam puisse gagner la lutte contre les États-Unis, en les amenant progressivement à une défaite complète.

3.3 La position ambigüe de la Chine concernent les propositions gaullistes concernant

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