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Chapitre sixième~

Dans le document Les baux emphytéotiques (Page 187-197)

Comment s'éteint l'emphytèose.

L'expiration du terme pour lequel le droit avait été concédé est une cause d'extinction tout naturelle de l'emphytéose. Ce terme peutêtt·ecertain etincer·tain; il est incertàin, si le bail emphytéotique a été constitué pour·) a vie du bailleur ou du preneur ou pour trois générations.·

Il faut dans ce dernier cas que tous les membres de la

•· dernière génération soient éteints. Le décès de l'aîné de la famille n'est pas suffisant.

L'emphytéose finit par la perte totale de la chose qui, d'après la maxime res perit domino, est entièrement aux risques du propriétaire. En cas d'incendie il n'est pas nécessaire d'appliquer l'article 624 du Code civil. L'em-phytéose ne cesse point. La perte partielle ne peut · mettre fin à ce contrat et elle doit êtr·e supportée par le preneur sans que le canon puisse être diminué.

La confusion entre ]es mains du preneur de la nue-propriété, soit qu'il l'acquiert par vente, donation, oq

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-testament, est une cause d'extinction de l'emphytéose.

Pour les baux emphytéotiques temporaires le droit de rachat malgré le bailleur n'appartient pas au preneur.

Ce droit n'a été établi que pom· les rentes foncièresper-pétuelles.

Comme h1 confusion, la consolidation entre les mains du bailleur· de l'emphytéose et de la nue propriété éteint les baux emphytéotiques. Si un emphytéote pendant trente ans n'exerce pas son droit emphytéotique, le bail-leur a prescl'it son droit et dans ce cas l'emphytéose est éteinte.

Toutes les causes d'extinction des obligations sont ap-plicables à l'emphytéose. La rescision pour cause de lé-sion ne peut éteindt·e l'emphytéose. Le preneur crai-gnant à chaque instant d'être privé du fruit de ses ]a-beurs et des améliorations qu'il aurait apportées aux biens emphytéosés, pourrait être arrêté dans ses projets de rendre plus pr·oductibles les domaines sm· lesquels son droit s'exerce. Peut-être même éviterait-il de faire les dépenses nécessaires à leur conservation? Mais il est évident que les baux emphytéotiques ne peuvent exis-te!', si le droit du bailleur se résout. Nemo jus q1wd non habet dare potest. Ce dernier n'a.pu disposet' de ce qu'il n'avait pas, Quand le droit de celui qui confère la

pro-pt·iété, ou un démembrement de cette propriété, s'éteint, il est certain que Je droit de celui auquel la propriété ou un de ses démembrements ont été transférés doit aussi se résoudre. Resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis. Dans ce cas il est admis que l'emphytéote

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-évincé a contre son bailleur une action en dommages intérêts.

Le défaut respectif par les parties de remplir leurs engagements éteint le droit emphytéotique ; 'le contl'at alors se résout de lui-même. Peut-on soutenir que le défaut de paiement de la t·edevance formant le contrat est une-cause d'extinction des baux emphytéo-tiques?

Pour résoudre une telle question il faut faire une dis-tinction fondamentale.

S'agit-il d'un contrat passé depuis la pl'Omulgation du code civil, ce sont les pt·incipes modernes qui doivent . être appliqués. Si la résolution n'est point prévue dans l'acte constitutif du conti at, cette résolution devra être demandée en justice. Le juge pourra même accorder au défendeur un délai comme à tout débiteur malheureux (cassation 50 Août !827). Art. !!84-9n6-!6oa Code civil.

La déchéance faute de paiement a été prévue dans le contrat. Le juge ne peut point accorder de délai. Le contl'at doit être exécuté, et ce serait le violer que

· donner dans ce cas. une pt·orogation (Art. 4! 85). Mais cependant le débiteur, même les délais expirés, est tou-jours en droit de payer. Il faut une sommation en jus-tice poU J' que- ce droit lui soit enlevé (A et. ! 6n6 du Code civil). M. Troplong soutient que cet art. !6n6 ne peut être appliqué dans notre hypothèse. La résolution

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doit être de plein droit. Cet article édicté pour le cas de vente d'immeubles ne peut-ê.tre étendu à l'emphytéose qui n'est point une vente, sm'tout aujom'd'hui quel1e ne prut être limitée qu'à un nombre d'années et n'est point perpétuelle. L'art.·~ 6n6 du Code civil doit être appliqué même dans le cas d'emphytéose. C'est une application de ce pl'ineipe qu'une obligation peut toujours être exé-cuté, tant qu'il n'y a pas eu une mise en demeure. Nous ne sommes plus au temps de la maxime diesintm]Jellat pro lwmine. Les parties restant inactives sont censées vou-loi raccorder tacitement une prorogation malgré la clause

du contrat. C'est pour cela qu'il faut un acte qui prouve qu'elle n'ont point cette intention.

Cette mise en demeure ne peut résulter que d'une clause spéciale de la convention OJJ d,une sommation judiciaire (art.~ 15~) Code civil): jamais elle n'existe ta-citement dans la convention.

Se trouve-t-on en présence d'un contrat d'emphyté-ose constitué antérieurement au Code civil, il faut dis-tinguer encore ! o si la déchéance n'est pas stipulée; l'art,

~-184 du Code civil reçoit son application. Les contrats doivent être exécutés conformément aux lois existantes et en vigueur. C'est un principe indiscutable. D'ail-leurs cette solution est conforme à l'ancienne j urispru-dence. 2° Le contrat stipule, d'une manière très expresse, la déchéance faute de paiement. Le 27 mai !8!7 un arrêt de la cour de cassation a décidé que dans le cas d' em-phytéose pet·pétueUe considérée p~r les lois ~e la

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-lution comme une cession définitive du fonds, que l'art.

i 6o6 du Code civil doit être applicable. Cet art. règle l'effet de la clause résolutoire dans les ventes d'immeu-bles. Il est inconte'stable que ce sont les lois en vigueur, au moment de l'interprétation de l'acte, qui doivent être appliquées. L'art. ! 6!)6 du Code civil doit de plus être étendu à l'emphytéose, puis qu'il n'est que la conséquence de ce principe que la mise en demeure seule empêche l'exécution du contrat et ne peut résulter que d'une clause expresse insér·ée dans l'acte et d'une sommation judiciaire et ne peut-être renfermée d'une manière tacite dans la convention.

M. Trop long critique encore cette décision. - Selon cet éminent JUI'Îsconsulte on oublie que d'après la légis-lation en vigueur à l'époque où les parties avaient ex-primé leur intention, la clause résolutoire était de pur style et sans aucune valeur. L'intention des parties con-tractantes est donc faussée; les stipulations par eux faites sont étendues et des mots dont l'inutilité était reconnue et échappés machinalement de la plume du rédacteur ont une importance capitale. Et cependant les conventions doivent être interprêtées d'après les intentions des par-ties au moment où elles ont contracté. On ne doit

point s'arrêter au sens des mots (principes admis dans les articles i i a6 et suivant du Code civil). Selon ce rn agistrat, la question doit être ainsi tranchée. L'article

! 6!)6 doit être repoussé, parce qu'il suppose une clause résolutoire, sérieuse, réfléchie mûrement, discutée et

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-sentie. Rien de sembla pie n'existe dans notre cas, où cette clause n'a été, dans l'intention des parties qu'une clause de style; sine mente sonmn, selon un vieil adage. Il est donc évident que, aux yeux des parties, elle est sensée ne pas exister. L'art. i 184 du Code civil règlant les effets de cette clause résolutoire quand le con tract est muet, reçoit dans l'hypothèse toute son application. La cour de Dijon par arrêt du 17 juillet 18!6 confirmé par arrêt de la cour de cassation du .f 9 mai ! 8-19 a suivi cette doctrine.

Ce qui est indiscutable c'est que les considérants de ces arrêts sont très obscurs. Ri.en ne nous prouve que l'art.

! 6n6 du Code civil doive êt1·e rejeté. De deux choses l'une, ou l'on applique la législation contemporaine à la formation du contrat; clanscecascesonllesancienneslois qui doivent prévaloire. L'art, -1!84 doit donc être passé sous le silence. Si au contmire comme toute la doctrine l'enseigne, c'est la loi en vigueur au moment où le con-trat doit être exécuté qui doit régir; il faut alors interpréter cette clause selon les principes de cette légis-lation. Une paœille clause aujourd'hui renfermerait évidemment une condition résolutoire expresse et tom-berait sous l'application de l'art. !6n6. En1 vain dit-on, qu'une clause résolutoire frappée de stérilité ab initio ne saurait porter aucun frujl par des événements ul-térieurs et étrangers à la volon lé des contractants. C'est une confusion. Que cette clause ait été frappée de stéri-lité, on le concède. Mais elle n'a pas été annullée et par con-séquent elle a toujours existé. Rien n'empêche que plus tard elle produise des fruits. Un champ stérile ne peut-il_

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-pas un jour porter la plus belle récolte? Nous n'insistons donc pas davantàge sur cette fausse application de la maxime quod nullum est ab initia tractat1t temporis etfec-. tus habere non potestetfec-. L'intention des parties est, dit-on, complétement méconnue. Elles ont inséré une clause sur laquelle ·elles n'ont pas mùr·ement réfléchi parce qu'elle n'était que de style. Est-ce sérieux? Qui peut s'exposer à insérer dans un acte une clause non-seulement inutile, mais qui peut être nuisible. Aussi avec Merlin et Du vergier, nous ne sommes point de l'avis de M. Trop long.

Parmi les autres causes de cessat.ion,il faut compter les détériorations commises par l'emphytéote sur les biens emphytéosés. Ces détél'iorations doivent être con-sidérables, et de nature à exiger l'application de l'art.

618 du Code civil, prononçant la déchéance de l'usufrui-tier qui se rend coupable de dégradations. S'il ne s'agit que de simples détériorations diminuant la valeur du bien emphytéosé, il ne peut y avoir résolution du droit emphytéotique; l'emphytéote peut être contraint par le bailleur à une réparation et à fournir des sûretés pour l'avenir. La même théol'ie s'applique aux abus de jouis-sance et aux malversations dommageables dont le pre-neur emphytéotique était convaincu.

Nous avons terminé notre travail. Cette matière offrait certainement de nombreuses difficultés. Définir un contrat sur lequel le Code civil a gardé le silence le plus complet, déterminer les caractèr·es qui le

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-guen t des autres conventions auxquelles il ressemble et tracee les règles qui Je régissent en s'appuyant sur les traditions du droit, telle était I'œuvi'e que nous avions cnh·eprise.

L'emphytéose délaissée à notre époqÙe mériterait d'attirer l'attention des législateur·s. L'avenir prouvera que notre désir est fondé. Les avantages qu'offre ce con-teat sont nombreux ; nous n'avons point, sans doute, comme anciennement, autant de terrains incultes et improductibles. Cependant l'agriculture n'est-elle pas en état de souffrance? L'industrie d'ailleurs, au lieu de la secoul'ir lui a été nuisible; les villes ont attiré tous ses bras ; les campagnes désertes deviendront bientôt incultes si on n'y porte remède. Encourageons donc l'agl'iculture? Les baux cm phytéotiques ne sont-ils pas un moyen d'améliorer le sort des classes agricoles·?

Les villes elles-mêmes ti'Ouveraient. dans ce contrat un amortissement aux énormes dettes dont elles sont gt·evées. On sait qu'elles disposent de nombreux terrains vendus la plupart du temps à des prix peu élevés à des entrepreneurs qui s'enrichissent en y élevant des cons-tructions sur lPsquelles ils bénéficient d'une manière exagérée. Que ces tenain& soient donnés à l'emphytéose?

Chaque année les cités recueilleront un revenu annuel peu considérable, il est vrai, mais certain. Au bout de quelque temps, d'immenses coHstnwtions leur

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-tiendront Ces constructions seront une source de crédit et permettront de faire des emprunts à de~ condi-tions avantageuses.

Nous n'a v ons qu'un espoir. Puissions-nous, par ce modeste travail, avoit· attiré l'attention sur une matière oubliée, négligée et mét·itant cependant toutes les sym--pathies!

La Faculté de Droit, après avoir lu la présente thèse, en mttorise l'impression, sans entendre par là exprimer

d'opinion sur les propositions qui s'y trouvent énoncées.

GENÈVE, le 20 décembre i 87!.

Le doyen de la Faculté:

CHARLEs BROCHER, professeur.

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ERRATA

Page 15, ligne 5 : au lieu de Hygiénus lisez Hyginus.

Page 37, ligne 9 : au iieu de le droit plus étend'u lisez le droit le plus étendu.

Page 36, ligne 20 : au lieu de incertit1td lisez incertitude.

Page 47, lignes Z3 et 25 : au Eeu de lacédonâum lisez laude-mium.

Page 59, ligne 17 : au lieu de êf17r:V07Jf1ara lisez êf17r:OV7Jflara.

Page 5~, ligne 23 : au lieu de depeditum lisez depe1·ditum.

Page 61, ligne 2 : au lieu de attestanion~m, lisez attestalionem, ligne 4, au lieu de malmn lisez molmn; ligne 6, au lieu de ajJlius lisez ampli vs.

Page 66, ligne 18 : au lieu de sriibü lisez sm.ibit.

Page 76, ligne 1 : au lieu de su.no lisez si u110.

Page 96, ligne ll : au lieu de compilati.os liEez compilation.

Page 106, ligne 15. au lieu dejwe lisez jus.

Page 10il, ligne 10 : au lieu de emphytéote lisez emphytéotique.

Page 111, ligne 8 : au lieu de recondition lisez réconduction.

Page 122, ligne 20: au lieu de les avis lisez l'avis.

Page 14.4, ligne 19 : au lieu de couseillisez conseil.

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