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Chapitre cinquième

Dans le document Les baux emphytéotiques (Page 126-137)

Obligations des emphytéotes.

La quasi tradition, dans notre ancien droit comme en droit romain, fut toujours exigée. Les biens emphy-téosés étaient sujets à une tradition ; il s'ensuivait dès lors que l'emphytéote devait auparavant se faire nan-tir; sans cela il ne pouvait avoir la jouissance incom-mutable de son droit. Sans cette formalité nécessaire il n'avait contre le bailleur que des droits personnels.

Tout successeur à titre singulier pouvait l'évincer et l'expulser. La féodalité fit sentir à chaque mutation son influence sur le droit; l'investiture était exigée avec le consentement même du seigneur. Cependant, avec Je lemps, cette formalité perdit de son importance.

Les coutumes du Cambresis, ainsi que celles de Va·

Ienciennes, exigèrent toujours cette investiture. Les emphytéoses seules réalisées par devoir de loi furent des immeubles : eellcs qui n'avaient pas été revêtues de cette formalité furent déclarées meubles.

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-ticle 72 de la coutume de Rheims était ainsi conçu : << Vest ou devest n'est nécessaire en prise d'héritage en quelque titre q~œ ce soit; ainsi par la senle trçtdition des l ettres de bail d'héritages est acquis le droit de propriété. » Dans les provinces du midi, l'investiture était encore impo-sée du temps de Guy-Pape. Salvaing de Boissieu si-gnalait une nouvelle jurisprudence, d'apr·ès laquelle Je premier acquéreur d'un héritage était préféré au second' acquéreur d'un domaine emphytéosé qui en aurait pris l'investiture.

L'emphytéote fut soumis en outre à l'obligation de reconnaître le droit du propriétaire. Il possédait tels fonds relevant de sa directe sous tels et tels droits qu'il permettait payer. A chaque mutation d'emphytéose, ces actes recognitifs devaient être faits aux frais des tenanciers, sauf dans quelqu.es' provinces du pays de droit écrit, où ·les frais étaient supportés par' les deux parties. Communibus expensis dominii et possessionis.·-Tous les dix ans, le propriétaire pouvait exiger à ses frais une reconnaissance.

Un anêt du parlement de· Grenoble du {4 juin {·6{4 jugeait que l'acheteur d'un fonds albergé est temt de payer le restant de l'ill,troge sans pouvoir se prévaloir de son hypothèque antérieure, ni d~t défaut de réserre d'hypo-thèque de la part de celui qni a baillé son fonds en alber-gement, parce que celui-ci demeure toujours propriétaire et que l'albergata~re n'a que le domaine utile et l'usufruit,

Ce droit d'introge était le droit qu'à la suite de l'inves-titure suivant la constitution du droit, l'emphytéote devait à son entrée; sa quotité fut parfois très élevée.

Quelquefois_ il se montait jusqu'à la moitié de la va lem·

véritable. C'était réellement un prix. Ordinairement il devait être stipulé.

L'emphytéote était soumis au paiement du canon dont la quotité et le cal'actèt·e ont sans cesse différé à toutes les époques ; ce canon était de l'essence du con-trat emphytéotique. Sans doute le bailleur, dans un moment de générosité, pouvait exempter le preneur du droit d'introge sans altérer. la nature du droit con-cédé; mais pour le canon, il ne pouvait en être de même.

Nous avons vu que le canon emphytéotique, s'altérant sous l'influence de la féodalité, ·ne représentait plus le produit du sol. Ce n'était·que la reconna.issance de la dit·ecte ... Sa quotité diminua pendant quelque temps, mais bientôt elle fut plus élevée et le vrai caractère de cette redevance domina de nouveau. Alors dans ce cas s'établit un minime cens recognitif de la mouvance féo~. · dale et roturière. Cette redevance, outreles noms de pension ou canon emphytéotique, se nomma encore cens (on sait en vertu de quelle confusion), puis acapit dans d'anciens titres, et afficavage à Toulouse. L'emphytéote la payait en argent, ou bien partie en argent, partie en nature. Dans quelques provinces , notamment dans le Nivernais, le droit était constitué par la nature de cette redevance. Bordelage ou Bourdelage désignait un contrat

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emphytéotique dont le canon consistait en argent, en blé et en plumes, c'est-à-dire en volailles; sans une de ces trois espèces, le droit constitué changeait. A défaut de stipulations la redevancP. était portable; elle pouvait être quérable. Une amende était infligée à l'emphytéote qui se laissait mettre en retard pour payer le canon.

Les causes qui dispensaient le tenancier emphytéotique du paiement ~e cette redevance étaient à l'expimtion du droit, la perte de la chose, et dans le Dauphiné, la pt·escriplion trentenaire. Si l'emphytéote payail pm·

erreur des sommes non ·dues, il pouvait exercer la ré-pétition contre le bailleur.

Le bailleur avait comme garantie assurant le paie-ment des redevances dues par le prenem·, un pr·ivilége altl'ibué sur le fonds, objet de l'emphytéose. Ce privi-lége était au premier rang et existait même pour le paiement ·des arrémges, pourvu qu'ils ne fussent pas prescrits. En outre, il avait le dt•oit d'exiger, comme supplément de garantie, l'affectation d'un immeuble du preneur; c'était ce qu'on nommait assignat démonstratif.

On disait aussi cont1·' -about, contre-cens, contre-pan.

Si l'emphytéote décédait et que sa tenure fût divisée entre tous ses co-héritier, des coutumes et des parlements déclaraient que tous ces co·-hériiiers étaient solidaires pom· le paiement du canon. Tous étaient donc respon-sables de l'insolvabilité de l'un d'eux. La part en souf-france nommée en Anjou Cadis de la Fresch_e ou de la frare8che pouvait être exigée de ceux qui étaient

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-bles. C'était la doctrine des coutumes du Poitou, Bour-bonnais, Tourraine, Senlis, Laon, Reims. Paris, Tou-louse, Dijon, Bol'deaux, Rennes et Besançon. Les cou-tumes de Blois .. Orléans, Etampes et Grenoble rejetaient cette solidarité. Dans les provinces qui accordaient de plein droit la solidarité et dans lous les cas où les parties la stipulaient, l'héritier qui voulait déguerpir ne pouvait le faire qu'entre les mains de ses co-héritiers, en noti-fiant le déguerpissement au bailleur; mais l'autorisation de ~e dernier n'était pas suffisante. Personne n·e pouvait contraindt·e un co-héritier à accepter forcément une situation peut-être onéreuse.

On se souvient que le droit romain· imposait à l'em · phytéote qui voulait aliéner son droit., l'autorisation du propriétaire, à qui on devait présenter l'acceptation de la vente en lui offrant. la préférence. Dans notre ancien droit il n'en était pas ainsi. La vente était permise sans le consentement du baillenr. Le droit emphytéoti-que avait ainsi acquis un caractère de réalité sous l'in-fluence du droit féodal. Ce caractère de réalité tendit à se eonfondre avec le domaine utile. Dans les provin-ces du midi où les traditions romaines se conser·vèrent

plus longtemps que dans les provinces du nord, le droit de prélat-ion fut toujours admis. Cependant on pourrait citer divers arrêts repoussant ce droit d'une manière complète. Un arrêt du parlement de Grenoble du Vi juillet 1683 le décida ainsi. Sans aucun doute les parties pouvaient par des conventions spéciales déroger à ce

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-qui était admis. La stipulation devait êlre exprimée et réitét·ée à chaque reconnaissance. Si on s'était contenté de l'insérer au proëme c'est-à-dire dans l'acte consti-tutif de vente, le bailleue n'était pas admis à s'en pré-valoit·. On discuta si ee droit stipulé pouvait être cédé.

Les jui'Ïsconsultes étaient entièrement divisés. Dumou-lin et tous les auteurs de son teinps soutenaient la non cession. Guy Coquille et les juristes qui suivaient ad-mettaient la possJhilité de la cession.

Le parlement de Paris et les autres parlements de France étaient de cette dernièt'e opinion. Cependant seul, le parlement de Grenoble jugeait que Je droit de pretation stipulé ne pouvait être transmis. C'était un di'Oit perso~nel au bailleur, qui était autorisé et ne--cessaire po~r la réunion et la consolidation du do-maine direct et du dodo-maine. utile. Celte jueisprudence fut très catégorique et tellement rigide que le roi; les engagistes e(l'Eglise même ne pouvaient y échapper.

On était incertain sur la' manière dont ce droit de pré-lation devait être exercé quand il avait été stipulé. Du""' moulin prétendait qu'il pouvait être exercé sur une pal'-tie de la vente lorsque cette seule parpal'-tie était de la mou-vance du bailleur. Guy-Pape, était d'un avis contraire.

L'emphytéote aurait éprouvé un préjudice réel et trop grand si l'acquéreur 'pouvait, par ce moyen, faire ré-siliet' son marché. Enfin, d'autt·cs controverses exis-taient

sm·

les points suivants. L'un des bailleurs d'un fonds emphytéosé par plusiem·s personnes

pouvait-9

il exercer le rel rait par prélation sur la totalité de l'im-meuble? Le il malgré l'acquéreur? Le il-malgré ses co-bailleurs? Ce droit de prélation pouvait-il être exercé contre le vendeur qui reprenait son fonds à défaut du paiement du juste prix, au moyen de l'offre de payer le prix pt·imitivement convenu? Celui qui exerçait ce droit était-il tenu de verser le prix en un seul paiement ou était-il fondé à user de délais stipulés en faveur de l'acheteur dans le projet de vente? Toutes ces questions demanderaient, pour être résolues, une étendue d'explications que noUs ne pouvons présenter à raison de la restriction de notre travail.

Il était admis que le prenem· n'était pas obligé d'a-voir l'autorisation du bailleur pour aliéner son droit emphytéotique afin d'offrir à ce dernier la préférence à prix égal. Néanmoins il devait le faire connaître à son cédant, qui avait le droit de percevoir à cette occasion un droit de- mutation portant le nom de ·lods et ventes.

Vinfluenee du droit féodal avait ainsi fait passer à l'ac-quét·eur l'obligation de dénoncer la vente. J;e droit qu'on devait payer ne représentait plus désormais le prix du con-sentement que le bailleur devait accorder à cette vente, mais bien le prix d'agt·ément du nouvel emphytéote ; c'était ce dernier qui devait donc les lods et ventes.

Pom· la détermination du montant du droit, il était né-cessaire qu'il déclarât le prix de son acquisition. Comme la quotité des lods et ventes se déterminait suivant l'u-sage des lieux et suivant la stipulation contenue dans le

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-contrat constitutif, il était important de connaître ces usages ; or, ces usages variaient suivant les coutumes du pays où l'on se trouvait. Dans les pays de dr·oit écrit, c!élait à raison du tiers denier, du quart., du quirit, du sixième, dixième, douzième, treizième, vingtième de-nier. On rencontrait des stipulations qui déterminaient autrement la quotité de ce droit. On prenait comme base poUl' les lods el ventes le canon emphytéotique qu'on doublait, triplait, etc.

La constitution du droit emphytéotique ne donnait pas ouverture aux lods quand il n'y avait pas bourse déliée, c'est-à-dire quand le bailleur ne recevait pas

le

denier d'entrée. S'il y avait bourse déliée, les lods et ventes étaient dus à eoncurrence de l'argent donné.

Dans quelques provinces du midi, les lods étaient toujo·urs adjugés quand on étclblissait une emphytéose.

-Pour savoir si ]a résolution de l'emphytéose donnait ou-verture aux lods et ventes, il fallait faire urre distinc-tion. En vertu du droit de prélation stipulé, les lods étaient dus et retenus snr le prix, en cas de résolution par rachat du domaine et quand il s'agissait d'une abdi-cation payée du domaine direct. Mais si par une clause de réméré insérée au contrat eonstitutif, le domaine utile était racheté, soit qu'il y eût abdication gratuite de la directe, soit qu'il y eût déguerpissement, soit qu'il y eût faute de paiement, les lods n'étaient pas dus. Lors-que le bailleur vendait son domaine dir·ect, c'est-à-dire le canon qui en était la représentation, le transport de

ce dr·oit à un tiers donnait ouverture aux lods et ventes;

il en était de même si l'emphytéote vendait son domaine utile. Dans le cas de vente à réméré, le rachat avait-il lieu dans le délai stipulé, aucuns lods n'étaient dus, puis-que tout était comme auparavant? Certains jurisconsultes voulaient qu'ils fussent dus pour les deux v·entes.

Cependant l'opinion la plus répandue était celle suivant laquelle on devait payer les lods pour la premièr-e et non pour la seconde vente. Une doctrine assez ac-èréditée enseignait que, lorsque le transport de l' emphy-téose se faisait sans bourse déliée .. il n'était dû aucuns droits. Dans l'Anjou, le Lyonnais, le Forez et le Dau-phiné, en cas d'échang~s, di successions et de dona-tions co1latérales, on payait un droit appelé mi-lods. Il en était de même dans la Provence pour les échanges

et les- donations faites à des étrangers. -D'autres ques-tions étaient encore discutées vivement. Les lodsétairnt-ils dûs par le bailleur qui avait affermé son droit quand il acquérait le domaine utile d'un des emphytéotes? Un emphytéote qui faisait une coupe de bois à haute futaie devait-il les lods ? En était-il de même lorsque la vente était rescindée pour cause de lésion? Si les lods avaien~

été indûment perçus il était établi que l'action en répé-tition des sommes indûment payées pouvait être exer-cée.

Les main-mor·tables qui acquéraient à titre de bail emphytéotique étaient généralement soumis au paie-ment d'un drmt rèprésentatif des lods et ventes qu'ils

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-ne payaient jamais. La quotité de cette redevance vadait selon les coutumes. Dans les pl'ovinccs du midi, on exi-geait le double du canon tous les dix ans, et tous les vingt ans on devait payer un droit de lods.

Nous avons dit que l'emphytéote devait suppor·ter toutes les charges de la propriété,_ Il était soumis par· con-séquent au paiement des impôts. L'importance du canon pouvait fair·e stipuler que les deux parties devaient en partager le poids,

Toutes les réparations, sans aucune distinction de-vaient aussi être à la charge du preneur dur·ant le temps du bail emphytéotique. L'art. 18 du tarif de !722 fixa le prix de l'acte constitutif au double de ce qui était exigé par l'art. 15 pour les baux à loyers. Ce prix de-vait être supporté par l'emphytéote. L'édit de décembre '1703,, connu sous le nom d'Edit des insinuations,

éta-blit un dr·oit domanial du centième denier dû à chaque mutation du droit réel et immobilier à l'exception des successions directes et domaniales contractuelles en li-gne directe. Le droit devait être payé par l'emphytéote

ct son acquét·eur dans les six mois, plus tard dans la quinzaine, aux termes de l'édit d'octobre 170IJ. L'édit du 15 mars 1728 réduisit ali demi-centième la quotité primitive

du

centième de ·la valeur des biens. Un arrêt du Conseil d'Etat du 2 janvier i 77IJ exempta les baux emphytéotiques des biens ruraux ne dépassant pas 29 ans,

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-Dans quelques provinces, les emphytéotes furent sou-mis à certaines redevances spéciales: dans le Hainaut l' acccourtillage pour le changement de cul ture; les accap-t8 et réaccaptes, ou arrière-àccaptes en Languedoc et en Guyenne pour changement d'emphytéote et du bailleur par mort ou mariage, et les drouilles, sorte de rétribu-tion accessoire ~xigée en Bresse et dans le Bugey par les officiers ou mandataires des bailleurs qui reeevaient les lods et ensaisissaient les acquéreurs.

Sans être astreint à améliorer, construire ou planter, s'il ne s'y était pas expressément engagé, l'emphytéote devait conserver les fonds emphytéosés, ne pas les d~té­

riorer et leur donner les soins d'un bon père de fa-mille. A la cessation du bail, sans distinguet' la cause qui la produisait, l'emphytéote, ~es héritiers ou ayant-causes, contractaient l'obligation de rendre au propr.ié-taire les lieux en très bon état sans être cependant res:

ponsables des détériorations commises par force majeure ou par cas fortuit.

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