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Chapitre quatrième

Dans le document Les baux emphytéotiques (Page 118-126)

Chapitre quatrième.

Droits des emphytéotes.

Aussitôt que les lods et ventes avaient été payés, l'em-phytéote avait le droit de se faire investir de l'héritage désigné dans le contrat. Cette formalité, faite ordinai-rement après la constitution du contrat, ne pouvait lui être refusée. Du reste, après chaque mutation, elle était nécessaire.

L'emphytéote avait des droits de jouissance fot·t étendus: droits de pêche, d'alluvion, et de recueillir les fruits dus. Il· pouvait changer, sans aucun doute, le mode de culture. La question devient plus délicate pom·

la superficie. La négative me semblerait préférable.

Changer la superficie d'un fonds, c'est le détériore•·.

Ce fonds, il est vrai, ne cesse pas d'exister et l'em-phytéose ne peut cesser qu'inter~tt(, rei. • Mais n'est-il pas admis aussi que l'emphytéote ne doit pas diminuer la richesse du sol et la valeur de la chose? Les bois de

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-haute futaie pouvaient êtt·e coupés par lui. Par cette exploitation, peut-on soutenir que ces biens aient subi quelques altérations? D'ailleurs pourrait-on l'empêcher de détruire les bâtiments qu'il aurait fait construire lui-même? Le fonds, dans ce cas , est détérioré et perd de sa valeur.

L'emphytéote avait-il droit au trésor? Deux opi-nions sont en présence. Voët soutenait l'affirmative.

La vérité est dans la .négative. Pour être proprié-taire du trésor, il faut être propriétaire du champ où il -est trouvé. L'emphytéote n'est pas le vrai proprié-taire. Les codes hollandais et napolitains ont résolu la

question en sens contraire. Le code civil seul n'en a pas parlé. Dans l'ar·ticle 788, le code hollandais donne à l'emphytéote tous les droits qui sont attachés à la pro-priété du fonds. Le code des Deux-Siciles s'exprimait ainsi (art i 686): <(Cependant le trésor qui se trouvera dans le fonds , appartiendra en proportions égales à l'emphytéote et au propriétaire direct, sauf le droit de celui qui l'aura découvert aux termes de l'art. 656. >>

Pour les mines et carrières situées sur le fonds em-phytéosé il faut distinguer; si elles étaient ouvertes et exploitées au moment où l'emphytéose a commencé, il est certain que l'emphytéote était dans son droit de les exploiter. C'étaient des fruits du sol.

Mais pom· celles qui n'étaient pas ouvertes au mo-ment où l'emphytéose a été constituée, il y avait

contro--

118"-verse, L'ancienne jurisprudence, même celle qui était la plus favorable, ne lui accordait pas le droit de les fouiller. L'emphytéote, disait-on, ne prend la chose flUe pour l'amélioret'. Du moins il ne doit pas la rendre en plus mauvais état. Extraire dn sol des produits était l'appauvrir. Cette opinion est adoptée par le code hollan-dais,_ art, 768 : <t Il lui est défendu d'en extraire des . pierres, de l~ houille, de la tourbe, de l'argile et autres

·matières semblables faisant partie du fonds, à moins que l'exploitation n'en ait déjà été commencée à l'épo-que de l'ouverture de son droit. » ,

Le tenancier emphytéotique poÙvait agir comme le propriétaire et exercer l'action réelle ou l'action posses-soire. Quand il y avait communauté d'habitants il avait droit de se faire délivrer des futaies pour le chauf-fage, à titre d'affouage, pour réparer et reconstruire les bâtiments.

Dans les pays de franc-allett, par suite d'un usage généralement répandu, le bailleur devait instruire l'em-phytéote dans un exploit d'assignation, en lui don riant copie des t'econnaissances faites par les auteurs du te tenancier. Les ·héritages devaient être désignés par vieux et nouveaux confins. L'emphytéote pouvait même requérir 'la représentation des anciens terriers. Un des caractères recognitifs de la directe qu'on attacha au ca-non emphytéotique était d'empêcher _que le tenancier opposât la compensation au bailleur. Cependant la

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tique rendit cette compensation possible. I..e tenander faisait offre et par là satisfaisait à ·ta reconnaissance; il pouvait ainsi retenir les sommes par compensation. Mais il était néressaire que la redevance eût une ·certaine importance.

La loi romaine enseignait que l'emphytéote était tenu des pertes partielles. D'un autre côté, le canon ne pou-. vait êtœ réduit en cas de stérilité ou de dégradation - .des terres. Ces principes furent admis dans le d·roit du moyen-âge. Cependant, s'il y avait eu erreur sur la contenance, dans ce cas la réduction devait avoir lieu.

Le canon était non-seulement recognitif de la directe, mais encore représentatif du revenu.

Une doctdne presque universelle enseignait que la possession de l'emphytéote qui avait cessé de payer le canon, quelle qu'en fût la durée, ne pouvait servir pour acquérir la propriété du fonds par prescription.

Personne ne pouvait prescrire contre son propre titre.

La prescription était néanmoins possible si l'emphtéote avait fait en justice une contradiction formelle. Un acte extra-judiç.iaire n'était point suffisant. Une jurispru-dence toute différente fut suivie dans le parlement de Gr·enoble; les usages locaux et la faveur de franc-alleu l'imposaient. La prescription centenaire sans contradic-tion était admise, non-seulement pom·l'emphytéose, mais encore pom· le droit féodal, à moins qu'il n'y eût possessoire d'exiger. Le fonds, dans ce cas, reprenait sa

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-condition naturelle sans qu'il fût soumis à aucun ca~

non ou lods, tant pour l'avenir que pour le passé. Ex-pilly, Salvaing de. Boissieu et Guy enseignèrent cette doctrine. Après l'expiration du contrat, l'emphytéote avait certainement le droit de prescrire son ancienne tenure dans les délais ordinaires, même contre l'Eglise.

La quotité du canon a tanto., c'est-à-dire en dessous de la quotité stipulée, pouvait être prescrite par trente ans contre le bailleur laïque et par quarante ans contre l'Eglise. Jamais le bailleur ne pou' ait tirer avantage de ses exactions.

L'emphytéote avait le droit d'aliéner librement et sans ·le consentement du bailleur, qui ne pouvait se prévaloir du droit de prélation ou de préférence , à moins de stipulations expresses et sans en instruire le bailleur. Faire des échanges ou hypothéquer son droit, créer des servitudes, et donner à antichrése, tous ces droits lui étaient accordés; mais dès que le fonds retournait aux bailleurs à l'expiration du contrat, ce dernier le recueillait franc et libre de toutes charges. On appliquait la maxime Resoluto j~tre dantis resolvitur jus accipientis. L'emphytéote pouvait aussi acquérir des ser-vitudes .. mais non en concéder. Son droit était suscep-tible d'être saisi immobilièrement _par ses créanciers hyphotécaires,

L'emphytéote avait même le droit de concéder une emphytéose sur le_ fonds emphytéosé, et il pouvait, dans

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-ce cas, se réserver tous le:; droits du bailleur. Lorsque outre la réserve d'un canon , un prix était stipulé, le baillem· pouvait pet·cevoir les lods et ventes comme s'il s'agissait d'une aliénation véritable. C'était l'un des points de l'avis donné par la chamot·e des comptes du Dau-phiné le 20 février !426. « Quis potest de feudo {acere

c< emphyteusim et de no-vo rem feudalem albergare, d-um

<< ta men tale albergamentwn non sa piat vim venditionis,

<< quod intelligitur, si rec1)n'atur magna pecunia de

intro-« giis et reNneatur modic,us census annuus, quoniam ex

<< . tune dom in us feudalis reciperet laudemia et

venditio-<< nem ad rationem pretii recept-i. »

L'emphytéote avait encoœ le droit de déguerpit··. Ce point ne fut pas toujours admis sans controverse. C'était un principe constant que quiconque était ténu d'une charge foncièt·e pouvait s'en affranchir en déguerpissant le fonds. Non homo debet sed res. Sans doute le tiers ac-quéreur était seulement obligé de supporter une charge foncière, mais le premier pt·eneur et ses hél'itiers de-vaient être tenus personnellement. de payer le canon.

Cependant la pratique admit que I.e preneur pouvait dé-guerpir. L'obligation personnelle du preneur était un ac-cessoire de la rente foncière; si cette dernière 'périssait, l'obligation dispamissait. Le preneur n'était-il pas dé-chargé complétement de toute obligation personnelle lorsque le fonds emphytéosé périssait? C'était la

doc-trin~ universelle, dit Merlin. Dans les pays de droit écrit par suite d'un arrêt en règlemént du conseil

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-du 24 oetobre ! 659, ren-du par le parlement -du Dau-phiné, Guy Allard déclarait que le déguerpisscment n'é-tait pas permis aux emphytéotes concernant les hauts justiciers. Salvaing de Boissieu enseignait que l'em-phytéote pouvait déguerpir en payant les arrérages de la rente. Cet arrêt fut plutôt inspiré par les usages locaux. On pensait généralement que l'emphytéote pou-vait déguerpit·, et le dégt~erpissement était possible même lorsque tous ses biens avaient été hypothéqués pour le paiement de son canon. La décharge de canon emphytéotique devait' être ordonnée par jugement. Il est évident que, s'il

y

avait eu faute de l'emphytéote, ce moyen de libémtion ne pouvait suffire. Fréquemment des difficultés s'élevaient sur l'interprétation des clauses exclusives de déguerpissement comme celles de fournir et faire valoir ou de payer à perpétuité. Dans tous ces cas le déguerpissement était-il possible? Les uns exigeaient une renonciation expresse, d'autres, au contraire, sou-tenaient qu'une renonciation tacite suffisait. Le tuteur, sans les avis des parents homologué, et la femme, sans le consentement du mari, ne pouvait déguerpir.

Quelques auteurs soutenaient sans aucun fondement que le déguerpissement n'était pas possible dans l'emphy-téose non perpétuelle.

Il était admis que quand la durée de l'emphytéose était expirée, le droit de l'emphytéote était éteint. La tacite reconduction n'était point admise. Ainsi, si le preneur avait continué de jouir de son droit, il devait restituer les fruits sans pouvoir être admis à payer le

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-canon. L'empl1ytéote devait aussi remettre les choses en bon état. Toutefois, si des constructions avaient été détruites par cas fortuit ou force majeure, l'emphytéote ne devait point en subir la perte. La question devenait · plus difficile quand il s'agissait de faire connaître son droit au point de vue des améliorations faites spontané-ment et volontairespontané-ment. On admettait (c'était un fait certain) qu'il avait le droit d'emporter tout ce qui pou-vait s'enlever. Mais pour les constructions faites par 1 ui, que devait-i_l faire si le propriétaire refusait de les paye1·.

Quelques auteurs, avec le parlement de Paris, ensei-gnaient qu'aucune répétition n'était due à l'emphytéote, bien que les principes d'équité fussent froissés. L'emphy-téose avait pour but d'améliorer le fonds qui en était l'ob-jet. Dans ce cas, le preneur n'avait fait que remplir son devoir en faisant sur ce domaine toutes les améliora-tions possibles. On craignait, du reste. la mauvaise foi du preneur; ce dernier am·ait pu faire des dépenses exa-gérées en constructions dans l'espoir de rendre impos-sible la réunion ùu droit réel de l'emphytéose avec la nue propriété. D'autres faisaient une distinction. Si l'emphytéose cessait naturellement, l'emphytéote pou-vait démolir ses constructions. Etait-ce la déchéance ou le déguerpissement, deux causes provenant de la faute du preneur, qui mettaient fin au contrat? Dans ce cas ils adoptaieBt la première opinion, refusant tous droits à l'emphytéote. Ce dernier était pour ainsi dire responsable de sa faute.

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