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La première chose qu’il me fallait faire était de restreindre et préciser le champ d’étude. Même me limitant à Dakar, il était impossible de rencontrer des représentants de toutes les institutions et organisations impliquées dans la gestion des déchets. Plus j’avançais et plus le champ de la solidarité numérique au Sénégal semblait correspondre à ce que je recherchais. J’ai eu ensuite la chance, grâce aux contacts apportés par F. Flipo, de rencontrer le cas d’une action de RSE par une entreprise française, relayée par une association française et une agence gouvernementale sénégalaise qui avait pour projet d’avoir un impact positif sur la société et l’environnement au Sénégal.

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1.

Solidarité numérique

J’ai ainsi choisi de me concentrer sur les déchets électroniques et la question de la solidarité numérique. En effet il me semblait que ceux-ci plaçaient les pays du Sud dans une terrible situation de double-bind. D’un côté, et bien que flous, les discours internationaux sur le développement durable préconisent de freiner la (sur)consommation et incitent à la réutilisation ou à l’élimination propre des déchets numériques. En parallèle, prolonger la durée de vie de matériel électronique dont une grande part de leur empreinte écologique est produite au moment de leur fabrication semble à première vue bénéfique pour l’environnement. Cependant, d’un autre côté, les discours de lutte contre les fractures numériques poussent à l’équipement mondial et généralisé en nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), présenté comme un puissant levier pour le développement (Cnuced, 2008) condition indispensable au développement. Ce discours trouve un écho important dans un pays comme le Sénégal qui désire entrer dans cette société de l’information et en devenir acteur à part entière. Une puissante politique publique représentée par le Président sénégalais Abdoulaye Wade, fondateur du Fonds de Solidarité Numérique (FSN, 2005), est mise en œuvre. Concrètement cette solidarité se matérialise par l’envoi depuis le Nord d’ordinateurs de seconde main aux pays du Sud afin qu’ils puissent eux aussi participer à notre société globale de l’information. Celle-ci se trouve fortement renforcée par les publicités des opérateurs de télécommunications et autres intérêts marchands très présents dans l’espace public du pays, donnant ainsi lieu à des enchevêtrements d’argumentaires à visée commerciale et « développementiste ». Ainsi le Sénégal reçoit-il la double injonction paradoxale : « développez-vous dans le numérique / réduisez vos déchets numériques ». Et bien souvent : « accepter nos produits numériques usés (parfois déjà à l’état de déchets) / n’ayez pas de déchets numériques. »

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2. Le cas d’un don d’ordinateurs

Parmi les actions de solidarité numérique, le cas d’une action de responsabilité sociale d’entreprise par Axa, en partenariat avec Besançon.clic et Sénéclic, consistant en un don d’ordinateurs, m’a semblé exemplaire.

On peut lire en effet dans la presse : « Axa France allie déménagement et modernisation informatique » (Le Monde informatique du 2/02/2007). Axa a réussi tout en réduisant la superficie de ces locaux à en profiter pour renouveler son parc informatique et fait don d’une partie de son matériel usagé à l’association Besançon.clic qui lutte contre les fractures numériques dans son agglomération ainsi qu’au Sénégal. Axa réalise ainsi une action solidaire visant à lutter contre la fracture numérique et montre son engagement environnemental, l’action suit le principe des 3R (Réparation, Réemploi, Recyclage). Le matériel est réemployé au lieu d’être rejeté. Axa fait œuvre de développement durable45. Axa fait montre de responsabilité sociale d’entreprise conciliant le progrès économique et social avec le respect de l'environnement. Axa fait apparaître cette action de mécénat dans ses rapports internes, ceci allège en partie les chiffres de ses bilans environnementaux de développement durable (exigé pour toutes entreprises cotées en bourse), son empreinte écologique est diminuée, elle fait valoir cette action de don en tant que mission humanitaire, solidaire donc.

L’association Besançon.clic est reconnue aussi comme outil de coopération décentralisée. Ainsi, à Dakar, 23 écoles (17.000 élèves) ont reçu 500 appareils. Dans une démarche de transmission de savoir-faire, le service TIC de la commune et le Centre d’handicapés au travail (Chat), son partenaire pour la configuration et la maintenance des ordinateurs, collaborent à la création, à Dakar, d’un centre de recyclage animé par des travailleurs handicapés. Le relais est pris localement par la Sénéclic et le Chat, dont les missions sont nationales, ils prennent en charge l’installation, la formation des enseignants et le dépannage du matériel. Sur le site internet de la ville on peut voir affiché « 2006 : Sénéclic, un concept similaire à Besançon.clic est mis en place en République du Sénégal, 1500 écoles

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Au sens du Rapport Bruntland : développement qui s'efforce de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Il va dans le sens d’une solidarité entre génération et d’une solidarité Nord-Sud.

97 équipées de 30 000 ordinateurs ». Récompensé dans la catégorie « des services publics pour l’inclusion sociale et plus de cohésion » par la Commission Européenne dans le cadre de la compétition entre collectivités territoriales, Besançon.clic reçoit en 2007 l’e-award européen. La ville de Besançon est reconnue en 2009 dans la catégorie Responsabilité Sociétale « pour son action de réduction de la fracture numérique tout en sauvant la planète » et est décorée du Trophée CIO 2009.

Depuis le Nord, cette solidarité numérique semble réussir et profiter au Nord comme au Sud. De nombreux prix et récompenses félicitent les uns et les autres de leurs bonnes actions de don humanitaire à visée sociale. Les acteurs du Nord montrent l’exemple, l’action est relayée par les acteurs du Sud, qui équipent leur pays près du terrain. C’est justement sur le terrain où je devais me rendre.