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Malgré l’essor qu’a connu la théorie de la réception au sein de l’analyse littéraire, la tentative de décrire et d’approcher le lectorat cervantin s’est heurtée à bien des difficultés, liées au manque d’informations quant à la réception dans l’Espagne des XVIe

et XVIIe siècles. Les éléments d’interprétation qui suivent se fondent sur des analyses qui ont toutes essayé de définir le lectorat de cette époque : c’est à partir des travaux de Noël Salomon, de Maxime Chevalier, de François Géal et de José María Díez Borque notamment que nous avons tenté d’identifier et de cerner l’imaginaire des lecteurs contemporains de Cervantès dans un but bien précis. Il s’agit, en effet, de déterminer en quoi La Galatée et le Persiles constituaient-ils de véritables réponses aux attentes de ce public : l’imaginaire des lecteurs – qui se perçoit notamment dans leurs goûts et leurs orientations littéraires – a captivé Cervantès et le créateur s’est toujours montré à l’écoute des changements qui se produisent dans les attentes de ses lecteurs. Il est aussi intrigué par la teneur de certains débats contemporains relatifs à la légitimité d’une littérature de divertissement et au pouvoir dont serait doté le livre : aussi, au cours de son travail d’écriture, interrogera-t-il quelques uns de ces présupposés sans jamais remettre en question la place occupée par ce lecteur.

Rappelons, enfin, que la définition même du terme « lecteur » doit être nuancée, de la même façon que nous l’avons fait pour celle d’« auteur » : dans le contexte qui nous intéresse, il faudra, en effet, garder à l’esprit un certain nombre de données comme nous invite à le faire José María Díez Borque :

« Pero, de acuerdo con la realidad de la época, hay que matizar los conceptos de leer, lectura, lector, como hace Frenk :

« « Escuchar y leer » : el binomio apunta a la simultaneidad y a la frecuente identificación de los dos fenómenos. Debemos tener cuidado en no dar una interpretación anacrónicamente unívoca a los términos leer, lectura, lector en textos antiguos.[…] Doctos e indoctos escuchaban también la lectura de extensas novelas. Para los libros de caballerías hay pruebas contundentes : aquella frase del letrado Arce de Otalora (hacia 1560) : « En Sevilla dicen que hay oficiales que en las fiestas y las tardes llevan un libro de esos y le leen en las Gradas. » » » 175

175

DÍEZ BORQUE, José María, Literatura (novela, poesía, teatro) en bibliotecas particulares del

Siglo de Oro español (1600-1650), Universidad de Navarra, Iberoamericana, Vervuert, 2010, p.

Il n’est guère aisé de proposer une représentation précise des goûts des lecteurs espagnols des XVIe et XVIIe siècles. Certaines informations glanées à différentes sources permettent, certes, d’en esquisser la teneur, mais la définition à laquelle de tels travaux aboutissent reste toutefois insatisfaisante. En outre, le contexte historique dans lequel s’inscrit notre étude nous invite à envisager l’existence de matériaux et d’outils auxquels nous n’avons pas – ou difficilement – accès et c’est ce que suggérait déjà Francisco Rico, lorsqu’il évoquait la pratique de la lecture collective par exemple. Roger Chartier nous incite pourtant à ne pas renoncer à cette tâche, en remarquant :

« contre une définition purement sémantique du texte – qui habite non seulement la critique structuraliste, en toutes ses variantes, mais aussi les théories littéraires les plus soucieuses de reconstruire la réception des œuvres –, il faut tenir que les formes produisent du sens et qu’un texte, stable en sa lettre, est investi d’une signification et d’un statut inédits lorsque changent les dispositifs qui le proposent à l’interpétation. Il faut tenir aussi que la lecture est toujours une pratique incarnée dans des gestes, des espaces, des habitudes. À distance d’une phénoménologie qui efface toute modalité concrète de l’acte de lecture et le caractérise par ses effets, postulés comme universels, [...] une histoire des manières de lire doit identifier les dispositions spécifiques qui distinguent les communautés de lecteurs et les traditions de lectures. » 176

Notre étude devra donc essayer de reconstituer cette réalité de la lecture dans l’Espagne des Siècles d’Or, mais nous avons conscience qu’elle est aussi vouée à présenter un nombre important de manques et de vides : ne disposant pas de toutes les données mentionnées par Roger Chartier ou Francisco Rico, nous rappelerons l’existence de certaines pratiques sans pour autant pouvoir fournir des chiffres précis destinés à étayer notre argumentation. Pour l’heure, nous allons passer en revue l’ensemble des éléments qu’il nous faut prendre en considération pour cerner la figure de ce lecteur auquel Cervantès s’adresse de La Galatée au Persiles.

L’étude des bibliothèques personnelles est une pratique encore relativement récente retenue par les chercheurs afin d’esquisser le profil de différents types de lecteurs en recensant les livres qu’ils possédaient : à partir de ces catalogues, il semble, en effet, possible de définir les goûts et les préférences de tel ou tel individu et de formuler des hypothèses quant à son imaginaire – celui-ci expliquerait ainsi la motivation de l’acquisition de certains ouvrages et serait, en retour, alimenté par la lecture de ces mêmes œuvres –. Or, des travaux déjà menés ont ainsi abouti à

176 CHARTIER, Roger, L’ordre des livres. Lecteurs, auteurs, bibliothèques en Europe entre XIVe

l’élaboration de catalogues de certaines de ces bibliothèques d’Espagnols des XVIe

et XVIIe siècles et offrent ainsi d’intéressants portraits de lecteurs. Ces données constituent des éléments essentiels pour notre étude, mais il convient de rappeler que l’analyse de leur contenu doit toujours aller de pair avec un certain recul critique : les descriptions des bibliothèques personnelles des contemporains d’un auteur sont, certes, de nature à définir le profil d’un type de lectorat et à en évaluer le degré de diffusion ainsi que son aura, mais leur interprétation doit aussi se faire avec une certaine prudence. En effet, les XVIe et XVIIe siècles sont traversés et travaillés par des tendances contradictoires et le concept même de bibliothèque est problématique. À cette époque, rappelons que le livre est à la fois source d’admiration et de méfiance et c’est pourquoi, comme le souligne François Géal :

« La première bibliothèque avec laquelle il faut compter, non seulement dans les pratiques mais surtout dans les imaginaires de l’époque, c’est l’anti-bibliothèque qu’incarnent les index successifs qui ponctuent son histoire. » 177

L’existence d’un contrôle de la lecture dans l’Espagne des Siècles d’Or a, en effet, fonctionné comme un frein à l’épanouissement de l’univers du livre et la notion de « contrôle de la lecture » fait immédiatement surgir à l’esprit les index de 1559 ou celui de Quiroga de 1584. Ces textes officiels imposent non seulement des normes de lectures, mais ils induisent aussi un rapport complexe et contraint au livre car l’ouvrage imprimé suscite la crainte. Ainsi :

« On conçoit qu’à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, sous l’effet de la pression appuyée des appareils de censure et de contrôle, lorsque lire devient véritablement une aventure, pour reprendre le mot de Virgilio Pinto Crespo, la situation ait été peu favorable à l’essor du livre et à la réunion d’ouvrages. » 178

La formation d’une bibliothèque personnelle n’est pas une pratique courante et la « réunion d’ouvrages » n’est pas une démarche allant de soi dans l’Espagne des XVIe

et XVIIe siècles. En outre, l’on peut aisément supposer que certains vides dans les recensements de bibliothèques dont nous disposons seront aussi éloquents que la présence d’autres ouvrages sur les rayons de ces mêmes bibliothèques. Si l’on soupçonne volontiers l’existence de circuits parallèles mis en place afin de contourner la censure, plusieurs difficultés se dressent déjà devant nous : les bibliothèques personnelles – conséquences de cette pratique assez récente et, en tout cas, limitée d’un point de vue social de « réunion d’ouvrages » – ne sont, hélas, pas nombreuses et il nous faudra, de plus,

177

GEAL, François, Figures de la bibliothèque dans l’imaginaire du Siècle d’Or, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 57.

178

analyser les catalogues de ces bibliothèques, en tenant compte des manques qui sont, eux aussi, significatifs. En effet, si un ouvrage est soumis à la censure, il n’a pas de raison d’être dans une bibliothèque mais, son absence dans les rayons ne signifie pas qu’il n’a jamais été lu par le propriétaire de la bibliothèque ou encore qu’il n’a jamais trouvé sa place parmi les autres ouvrages. La suspicion règnant autour du livre et du savoir – orthodoxe ou hétérodoxe – qu’il peut transmettre annonce d’ailleurs l’existence de tels vides dans ces objets d’étude que constituent les bilbiothèques personnelles : si l’individu qui a réalisé ce travail de « réunion d’ouvrages » était en possession d’un ouvrage présent dans la liste des livres interdits, il semble cohérent de supposer qu’il s’en débarrassât devant le risque d’un contrôle et d’une condamnation. Cette réalité complexe du monde des livres dans l’Espagne des Siècles d’Or rend ainsi plus ardue notre tentative de définition des goûts des lecteurs.

L’existence de la censure est un fait qu’il nous faut considérer avec attention dans l’étude des bibliothèques qui montreront toutes, a priori, une orthodoxie et une certaine uniformité. Ces remarques semblent davantage porter sur des ouvrages de contenus religieux, philosophiques et éventuellement politiques. Cependant, si les œuvres, que l’on considère aujourd’hui comme littéraires, paraissent le plus souvent épargnées par la censure inquisitoriale, le livre de fiction fait aussi l’objet d’une suspicion évidente car la notion de divertissement qu’il sous-entend entretient des liens dangereux avec une autre, résumée dans le verbe latin : seducere. Le livre de divertissement cherche à plaire aux lecteurs et risque, dans le même temps, de les détourner de préoccupations plus essentielles. Si les Index s’intéressent assez peu à ce pan de la masse imprimée, les moralistes reprendront les termes employés par ces textes de référence pour formuler des critiques à l’encontre des créations fictionnelles. La littérature et les ouvrages de fiction ne jouissent pas d’un grand crédit, au cours du XVIe

siècle, et leur condamnation – ou leur critique – est une constante dans les discours officiels. Comme le résume François Géal :

« La dénonciation de toute littérature de « l’inutile » est déjà au cœur des pragmatiques de 1502 :

« Las obras que se uvieren de imprimir, vean de qué facultad son, i las que fueren apócriphas, i supersticiosas, i reprobadas, i cosas vanas, i sin provecho, defiendan que no se impriman. »

Les mêmes termes seront réutilisés dans les textes de 1558 : « materias vanas, deshonestas, i de mal exemplo »,

et en 1627 :

« no dexar que se impriman libros no necessarios, o convenientes [...], y de que no se espere fruto y provecho común. »

officiel et celui des moralistes, qui en reprennent la lettre et l’esprit, tout au long des XVIe et XVIIe siècles. » 179

Le livre est sans conteste au centre des préoccupations de l’Inquisition et le livre de fiction paraît, en outre, susceptible de tomber sous le coup des accusations d’œuvres « sin provecho » ou « vanas ». Ricardo Saez rappelle cependant que les ouvrages que nous qualifions aujourd’hui de littéraires ne constituent pas les cibles privilégiées des institutions dans leur volonté de contrôle et les chiffres apportés ici relativisent, en effet, la portée des affirmations précédentes de François Géal :

« Le catalogue de l’index de Valdés fait état d’une liste de 698 ouvrages faisant l’objet d’une interdiction. Ces ouvrages se répartissent de la façon suivante :

431 ouvrages rédigés en latin 175 ouvrages rédigés en espagnol 54 ouvrages rédigés en allemand 11 ouvrages rédigés en français 12 ouvrages rédigés en portugais

Parmi les 175 ouvrages rédigés en espagnol, l’interdiction frappe tout particulièrement les ouvrages de piété, entendons par là, les livres de dévotion et de spiritualité au nombre de 31 :

Les livres d’heures : 23 Les prières superstitieuses : 11

Les œuvres d’Érasme traduites en espagnol : 14 Des ouvrages italiens traduits en espagnol : 19 Des ouvrages de littérature : 19 » 180

À l’évidence, le livre de fiction n’est pas au centre des préoccupations de l’Inquisition ; il n’en reste pas moins que le vocabulaire employé dans les index soit susceptible d’être appliqué à ces créations fictionnelles. Dès lors, il paraît extrêmement difficile de légitimer la présence dans une bibliothèque personnelle d’œuvres relevant de la littérature de fiction et l’on peut aisément comprendre que les Espagnols des XVIe et XVIIe siècles n’aient pas souhaité multiplier ce type d’acquisitions. La littérature de divertissement est, en effet, elle aussi bien souvent associée à des termes péjoratifs (« cosas vanas, i sin provecho », « materias vanas, deshonestas, i de mal exemplo », « libros no necessarios, o convenientes ») et pourrait faire l’objet de condamnation : le

179

Ibid., p. 243.

180

SAEZ, Ricardo, « Censure et création : le cas du Lazarillo de Tormes (1554,1559,1573) »,

Figures de la censure dans les mondes hispanique et hispano-américain, Garrot, Juan Carlos ;

risque, même hypothétique, aura découragé certains d’étoffer les rayons de leurs bibliothèques consacrés à ce type d’ouvrages. D’autant que le livre, souvent associé à l’idée de transmission du savoir durant les Siècles d’Or, exclut les notions d’« inutile » et de « divertissement » : puisque le livre est un objet cher, les acquéreurs chercheront certainement à faire des investissements utiles et réfléchis. Rappelons, en effet, que :

« Escribe Jaime Moll sobre la condición comercial del libro :

« Si el libro, por su continente, es un producto manufacturado, su producción tiene un coste o se exige una inversión, que en la mayoría de los casos se procurará recuperar y además se intentará la obtención de beneficios. Estamos ante la figura del editor, como es llamado modernamente, aunque hasta avanzado el siglo XIX no existe esta realidad independiente y especializada de la actualidad. En esta época, el editor es habitualmente un librero, de mayor o menor importancia, que aborda la actividad editorial de una manera continuada o esporádica como ampliación beneficiosa de su negocio de librería. » 181

Toutes ces remarques visent à apporter des explications à la présence réduite de livres de fiction dans les bibliothèques personnelles dont nous disposons actuellement. Il serait toutefois erroné de croire, en se fondant sur ces seules données chiffrées, que les histoires contenues dans ces ouvrages ne sont pas diffusées : elles n’en sont pas moins lues et circulent malgré les obstacles matériels et idéologiques que nous venons d’évoquer. Divers phénomènes comme les rééditions successives de certains ouvrages prouvent d’ailleurs que ces créations jouissent, en dépit d’un contexte peu favorable à la littérature de fiction, des faveurs d’un lectorat important.

Notre étude porte sur la période de 1585 à 1617, celle qui assiste à l’émergence et à l’enracinement d’un rapport chaque fois plus complexe au livre. Comme nous avons pu le constater, l’analyse de ce contexte reste une étape essentielle car elle permet de comprendre le manque d’outils que nous déplorons aujourd’hui : les bibliothèques sont peu nombreuses et portent aussi l’empreinte de la censure. Celle-ci peut, d’ailleurs, être de deux types : interne et préalable, c’est-à-dire réalisée par le possesseur des livres, ou externe et a posteriori, lorsque l’Inquisition s’immisce dans le processus. Ces bibliothèques n’incarnent enfin que l’une des représentations d’une activité – la réception – dont les formes sont multiples : la lecture orale, la lecture collective, la circulation d’ouvrages qui représentent d’autres façons d’aborder les œuvres sont des éléments difficiles à mesurer et à utiliser, car l’on peut difficilement les évaluer de façon

181

DÍEZ BORQUE, J. M., Literatura (novela, poesía, teatro) en bibliotecas particulares del Siglo

quantitative et objective. Rappelons ainsi, avec Fernando Bouza, l’importance de la circulation de manuscrits, un phénomène que la mention du nombre d’éditions des livres étudiés ne prend, bien sûr, pas en considération à l’heure de définir l’impact réel d’un ouvrage. Le critique décrivait ce type de diffusion de la sorte :

« A [los] trataditos de preceptiva clerical o cortesana, memoriales, gacetas de avisos

–llamadas también folletos–, relaciones de sucesos, poesías, coplas satíricas, escrituras de anticuario…, que […] circulaban escritos de mano, se podrían añadir sermones, carteles de justa y desafío, libelos infamantes, breves vidas de santos, testimonios de milagros y éxtasis, profecías, vaticinios, comedias y toda clase de papeles que pudieron o no llegar a la imprenta. Pero, no obstante, la circulación manuscrita también afectó a creaciones de mayor vuelo tanto en tamaño como en voluntad, pudiéndose encontrar, así, novelas, crónicas históricas, tratados genealógicos, discursos políticos, escritos de naturaleza espiritual, […], literatura caballeresca, etc. » 182

Enfin, en ce qui concerne la lecture orale, l’étude de Margit Frenk 183 sur laquelle s’appuie José María Díez Borque par exemple, rappelle que l’analyse de bibliothèques ne doit pas faire oublier l’existence d’une diffusion bien plus large :

« Dada la importancia que la voz seguía teniendo en la trasmisión de los textos, el público de la literatura escrita no se limitaba a sus lectores, en el sentido moderno de la palabra, sino que pudo haberse extendido a un elevado número de oyentes, de todos los estratos sociales, incluyendo a la población analfabeta. Cada ejemplar de un impreso o manuscrito era virtual foco de irradiación, del cual podían emanar incontables recepciones, ya por su lectura oral, ya porque servía de base a la memorización o a la repetición libre. Bastaba con que en una familia o en una comunidad hubiese una persona que supiese leer para que, virtualmente, cualquier texto llegara a ser disfrutado por muchos. » 184

Au vu de l’importante énumération des obstacles à la définition du lectorat aux Siècles d’Or, il est incontestable que les outils dont nous disposons sont imparfaits et que la tentative de définition dans laquelle nous nous lançons devra toujours être nuancée. Malgré ces difficultés et le caractère partiel des résultats que nous nous apprêtons à fournir, il nous a semblé que l’enjeu de cette analyse légitimait la démarche : il s’agit, en effet, d’appréhender, d’une autre façon, le panorama littéraire d’une époque et de proposer – même s’il s’agit davantage d’une esquisse que d’un dessin précis et définitif – un ou des profil(s) de lecteurs pour comprendre la teneur du dialgoue que Cervantès tissera avec eux. Il est, en effet, important de décentrer notre regard souvent figé sur le seul acte créateur oubliant, de la sorte, l’existence d’un circuit et du triangle de

182 BOUZA, Fermando, Corre manuscrito. Una historia cultural del Siglo de Oro, Madrid, Marcial Pons, 2001, p. 59.

183 FRENK, Margit, Entre la voz y el silencio, Madrid, Centro de Estudios Cervantinos, 1997.

la réception dans lequel il prend place : si nous ne prétendons pas faire nôtres les conclusions de Roland Barthes lorsqu’il affirmait que « la naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’Auteur » 185

, il est à présent difficilement envisageable de décrire une création sans la replacer dans le schéma communicationnel dans laquelle elle s’inscrit. Accorder une place au lectorat dans une étude ne signifie pas nier ou minimiser le rôle de l’auteur. Au contraire, il apparaît qu’en cernant la figure du lecteur, la capacité du créateur à dialoguer avec cet autre prendra tout son sens et, dans le cas de Cervantès – qui, par ses références récurrentes à ses lecteurs, nous incite à reconsidérer cet alter ego –, cette tâche se présente même comme un passage obligé et nécessaire.

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