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Section IV : Genre et politique dans les dernières campagnes présidentielles

Paragraphe 2 Candidats aux élections présidentielles et enjeux politiques de

Lors de l’élection présidentielle de 2012, trois femmes politiques représentent leurs partis politiques : Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière, Eva Joly pour Europe-Ecologie-

Les Verts et Marine Le Pen du Front National. Les deux premières sont issues de

formations politiques qui avaient déjà eu à présenter des candidates lors de précédentes élections présidentielles. Or, Marine Le Pen apparaît comme un « phénomène » nouveau pour le parti frontiste dont l’idéologie est connue pour être « antiféministe ». On pourrait donc se poser la question de savoir : que dit ce positionnement du parti créé par Jean- Marie Le Pen ? Est-ce un renouveau idéologique ou plutôt un changement de « façade » pour se donner une nouvelle image ? Nous n’envisageons pas de développer ici une recherche approfondie sur les raisons qui ont poussées le FN à investir Marine Le Pen, la fille du fondateur du parti. Cependant, nous voulons mettre en avant la question de la présentation genrée des partis politiques. En effet, ce n’est pas parce que les partis vont investir des femmes, que leur idéologie s’en trouvera profondément changée : nous avons ici pour exemple le programme de Marine Le Pen qui voulait revenir sur la loi sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse)260.

« La manière dont le Genre s’exprime dans la campagne n’est pas seulement le fait des stratégies des candidats (…), mais est toujours cadrée par un certain nombre d’institutions. En ce sens, la campagne présidentielle comme moment singulier et incertain révèle aussi l’importance paradoxale d’une série d’institutions qui œuvrent à

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Marlène Coulomb-Gully, « Mâle ou normal ? ». Incarnation et masculinité(s) du couple Hollande-Sarkozy dans la campagne présidentielle de 2012 », [En ligne], http://gss.revues.org/2619

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Op-cit. [En ligne], http://gss.revues.org/2619

260

[En ligne], http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle-2012/20120305.OBS2882/le-pen-remet- en-cause-le-remboursement-de-l-ivg.html

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(re)produire des normes de Genre et de sexualité, au sein et au-delà du champ politique »261. Les partis politiques fonctionnent en effet comme les opérateurs des positionnements idéologiques des candidats. On peut donc être amené à penser qu’en cas de second tour entre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen ou entre Marine Le Pen et François Hollande, en 2012, la présence de la leader frontiste au second tour, n’aurait peut être pas comportée une traduction genrée dans son positionnement idéologique comme cela avait été le cas de Ségolène Royal qui comme l’écrivaient Achin et Dorlin :

« …a réussi à redéfinir le contenu symbolique et idéologique de la figure de la « Femme politique »262.

Dans l’élection présidentielle de 2012 comme dans celle de 2002, c’est la masculinité gouvernante qui est à l’œuvre. La campagne électorale présidentielle de 2007 apparaît donc comme un tournant dans notre approche sur le Genre en politique française. Et, la peopolisation en questionnant ici les espaces public/privé au prisme du Genre, déplace aussi le questionnement sur « l’hétérosexualisation » voire « l’hétérospectacularisation »263 de la politique. En effet, dans les trois dernières campagnes électorales qui concernent notre recherche, la publicisation de l’hétérosexualité des candidats est apparue comme une évidence ; de telle sorte qu’en 2012, elle en devient même un atout pour Nicolas Sarkozy et François Hollande qui utilisent leurs compagnes dans l’exposition de leur image, puisque ce que donne à voir de lui, le pouvoir, c’est qu’il « n’est pas seulement sexué, codé au masculin, il est aussi (hétéro)sexuel »264. Cependant, les épouses des deux candidats au second tour de l’élection présidentielle, n’ont pas la même image dans les médias : Carla Bruni-Sarkozy s’est vue construire par la presse, l’image de la « potiche », alors que Valérie Trierweiler véhicule celle de « la femme de tête ». Cependant, « Si la proposition des deux femmes

est différente et leur positionnement stratégique apparemment opposé, elles n’en restent pas moins réduites l’une comme l’autre à conforter la masculinité de leur compagnon »265.

Nous comprenons aisément ici que les campagnes présidentielles présentent une « force normative » quant aux « usages des normes de Genre et de sexualité ».

261

Catherine Achin et Lucie Bargel, Ibid., [En ligne], http://gss.revues.org/2633

262

Catherine Achin et Elsa Dorlin, « Nicolas Sarkozy ou la masculinité mascarade du Président », in Raisons politiques, n°31, août 2008, Presses de Sciences Po, p. 36.

263

Catherine Achin et Lucie Bargel. op-cit. [En ligne], http://gss.revues.org/2633

264

Ibid.

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L’hétéronormativité de la représentation des élus et la virilité historique qui constitue l’ethos Présidentiel sous la Vème

République, rendent complexe l’apparition des femmes ou des personnes homosexuelles à des postes de responsabilités aussi importants que la magistrature suprême. Toutefois, on ne peut pas manquer d’évoquer quelques évolutions observables dans les questions sexuées, sexuelles et de Genre dans le débat politique français depuis 2002. Les femmes politiques autant que les hommes politiques parlent à présent de Genre et de sexualité dans leurs discours. La féminité et la masculinité se redéfinissent continuellement à tel point qu’elles devraient obliger les industries culturelles à l’ère du numérique à repenser les normes de Genre. Mais, les dirigeants politiques intègrent-ils ces changements dans leurs corps ? En effet, il s’agit aussi ici de savoir s’il y a un rapprochement des registres des hommes et des femmes politiques, ou si au contraire, ceux-ci volontairement accentuent leurs différences dans leurs postures et dans leurs discours pour se rapprocher des perceptions genrées que pourraient avoir leurs électeurs ?

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Chapitre II : Performativité et authenticité à l’heure de la société de