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Images du pouvoir et pouvoirs de l'image : La peopolisation, un dispositif social et technique au service de la construction des normes de Genre en politique : Le cas de la scène politique française de 2002 à 2012

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Images du pouvoir et pouvoirs de l’image : La

peopolisation, un dispositif social et technique au service

de la construction des normes de Genre en politique : Le

cas de la scène politique française de 2002 à 2012

Joseph Mayi

To cite this version:

Joseph Mayi. Images du pouvoir et pouvoirs de l’image : La peopolisation, un dispositif social et technique au service de la construction des normes de Genre en politique : Le cas de la scène politique française de 2002 à 2012. Sciences de l’information et de la communication. Université Nice Sophia Antipolis, 2016. Français. �NNT : 2016NICE2019�. �tel-01407238�

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Université Nice Sophia Antipolis

UFR Lettres, Arts et Sciences Humaines

Ecole Doctorale Lettres, Sciences Humaines et Sociales (ED 86)

Laboratoire Interdisciplinaire Récits Cultures et Sociétés (LIRCES / EA – 3159)

THESE

POUR L’OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR EN

INFORMATION & COMMUNICATION

Présentée et soutenue par

Joseph MAYI

05 juillet 2016

Images du pouvoir et pouvoirs de l’image

La peopolisation, un dispositif social et technique au service de la

construction des normes de Genre en politique

Le cas de la scène politique française de 2002 à 2012

Sous la direction de

Professeure Marie-Joseph BERTINI, Université de Nice-Sophia Antipolis, Directrice de thèse

Membres du jury

Professeure Isabelle GARCIN-MARROU, Institut d’Etudes Politiques de Lyon, Rapporteure Professeur Jamil DAKHLIA, Université de Paris III Sorbonne Nouvelle, Rapporteur

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Creative commons - Paternité - Pas d'Utilisation

Commerciale - Pas de Modification

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Titre

Images du pouvoir et pouvoirs de l’image : la peopolisation, un dispositif social et technique au service de la construction des normes de Genre en politique. Le cas de la scène politique française de 2002 à 2012.

Résumé

Cette recherche, inscrite au sein des Sciences de l’Information et de la Communication, porte son attention sur le processus du « tout-voir », du « tout-exhiber » et du « tout-raconter » devenu central depuis les années 2000 dans la communication des responsables politiques à travers le dispositif sociotechnique de la peopolisation.

Nous essayons de montrer ici comment la peopolisation s’est inscrite dans le dispositif de Genre à l’œuvre dans le tissu social et politique. Il s’agit d’analyser les formes de construction médiatique du Genre déployées par les responsables politiques eux-mêmes d’une part, à travers leurs stratégies de présentation qui conduisent à une réaffirmation des identités de Genre via un surinvestissement des marqueurs d’appartenance et/ou de différenciation, et par les médias dont la presse échotière d’autre part, à travers la pulsion scopique et le processus d’activation/réactivation des stéréotypes de Genre. Comprendre les liens objectifs qui se créent entre la production de ces images du pouvoir qui se donne à voir dans la presse people, et, tout un système de codages qui donne du « pouvoir » à ces images par l’impératif de transparence, le désir d’authenticité, la société cybernétique, les représentations sociales et la performativité de Genre, tel est l’enjeu essentiel de cette thèse. La technologie de pouvoir qu’est le Genre, agit sur les productions d’images politiques pour définir les pratiques de communication comme soumises à des conventions culturelles genrées.

Cette étude s’est appuyée d’une part sur un corpus d’images et d’articles de presses écrites people et photojournalistique entre 2002 et 2012, et d’autre part sur des entretiens de groupes focalisés pour saisir les perceptions des publics sur les images des responsables politiques dans la presse.

Mots-clés

Etudes de Genre, politique, presse, médiacultures, psychologie, imaginaire social, communication politique, études de réception, théorie de l’espace public, esthétique, cybernétique, sémiologie, analyse de discours.

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5

Remerciements

Je tiens à remercier tout particulièrement Marie-Joseph Bertini, qui m’a fait l’honneur d’encadrer ma recherche. En acceptant de diriger mes travaux, elle s’est engagée à m’accompagner dans ce parcours académique difficile. La rédaction de la thèse de doctorat est une épreuve de la vie, au sens littéral du terme, dont on ne peut venir à bout tout seul. Ces six (6) années ont été riches en expériences. Et sans ma directrice de thèse, je ne serais pas parvenu à être aussi productif. Elle a su m’encourager après le décès de mon père, pendant les périodes d’abattement. Elle m’a aidé à dissiper mes doutes et à persévérer.

Je remercie chaleureusement les membres du jury pour l’honneur qu’ils m’ont accordé de lire mon travail et de participer à ce jury de thèse, pour mettre en lumière ces travaux qui viendront, je l’espère enrichir la recherche autour des médias, de la politique, des questions de Genre et de la vie privée.

Je remercie aussi M. et Mme Boutchueng Ngonoué, M. et Mme Bamkoui, M. et Mme Batjom. Et j’ai une pensée profondément affectueuse pour ma mère.

J’exprime également ma reconnaissance à tous ceux qui ont participé à ma recherche, notamment les participants des entretiens de groupes focalisés à Nice et à Paris. Et, aussi à celles et ceux qui m’ont entouré au long de cette thèse, mes amis et les membres de ma famille en France et au Cameroun.

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6

Table des matières

Introduction ... 9

Première partie : Les représentations sociales, le Genre, et leurs impacts sur la Réception ... 19

Chapitre I : Un monde de représentations genrées ... 20

Section I : Introduction aux représentations sociales ... 20

Paragraphe 1 : Un monde de représentation: de l'émergence d'un concept vers un méta-concept ……… ………20

Paragraphe 2 : Vers une définition du concept de représentation sociale: représenter ou "re-présenter"………23

Paragraphe 3 : De l'omniprésence des représentations sociales à la construction de la réalité………26

Paragraphe 4 : Représentations sociales et réalités subjectives ……….28

Paragraphe 5 : Fonctions structures et élaborations des représentations sociales………...30

Paragraphe 6 : Le noyau central des représentations sociales………...….35

Paragraphe 7 : Organisation des représentations sociales, divergences et communication……….37

Section II : Les Gender Studies : avènement et définition ... 40

Paragraphe 1 : Cultural Studies et Gender Studies………....46

Paragraphe 2 : Gender Studies : du sexe au Genre…………..……….49

Paragraphe 3 : Le Genre comme construction culturelle………...……….53

Section III : Pouvoir et politique au sein de la société patriarcale ... 69

Paragraphe 1 : La société patriarcale………...……….69

Paragraphe 2 : La philosophie politique et la question des femmes au pouvoir……….……….82

Section IV : Genre et politique dans les dernières campagnes présidentielles .. 94

Paragraphe 1: Les questions de Genre dans les dernières campagnes présidentielles………..……….94

Paragraphe 2 : Candidats aux élections présidentielles et enjeux politiques de Genre………...98

Chapitre II : Performativité et authenticité à l’heure de la société de transparence ... 101

Section I : L’incontournable besoin d’authenticité en peopolisation ... 103

Paragraphe 1 : Authenticité et émotions en politique contemporaine……….………...103

Paragraphe 2 : Dialectique des émotions peopolitiques……...………..105

Paragraphe 3 : Authenticité et mauvaise foi……….………..108

(8)

7

Section II : L’impératif de transparence en peopolisation ... 115

Paragraphe 1 : De la transparence des élus………...………..115

Paragraphe 2 : Approche wienerienne de la transparence sociale………...………...121

Paragraphe 3 : Société du futur: base de données et interface………..126

Chapitre III : La réception et les nouvelles approches culturelles ... 131

Section I : La question de l’ethos culturel travaillée par la peopolisation ... 131

Paragraphe 1 : La réception, un processus complexe………..………..131

Paragraphe 2 : De l'ethos culturel en peopolisation………….………..136

Paragraphe 3 : De la pulsion scopique en peopolisation……..………..141

Section II : La presse people comme objet de la culture de masse ... 145

Paragraphe 1 : Culture de masse, culture populaire et presse people………...………145

Paragraphe 2 : Réflexions sur l'usage que font les lecteurs de l'information peopolitique…….……….………...155

Paragraphe 3 : De la légitimité culturelle de la peopolisation dans la culture de masse………...163

Paragraphe 4 : Culture de la célébrité et images peopolitiques……….………...167

Section III : La peopolisation politique et les Cultural Studies. Pour une critique communicationnelle de la réception des images et des informations people .... 172

Paragraphe 1 : Approche dialectique des Cultural Studies en peopolisation………... ………...172

Paragraphe 2 : Nouvelle culturelle contre l'idéologie dominante………...177

Paragraphe 3 : Photographies de la presse people et esthétique culturelle………..………...184

Deuxième partie : Méthodologies, corpus, terrain et analyses ... 189

Chapitre I : Introduction à l’analyse des images ... 190

Chapitre II : Introduction à l’analyse de discours ... 198

Section I : L’analyse de discours assisté par le logiciel Tropes ... 198

Section II : Approche spécifique à l’analyse des articles de la presse écrite people ... 202

Chapitre III : Introduction à l’analyse des groupes focalisés ... 212

Section I : La méthode du focus group ... 212

Section II : Historique et objectifs de l’entretien collectif ... 212

Section III : Déroulement de l’enquête ... 213

Section IV : Traitement par le logiciel Tropes………...……….218

Chapitre IV : Les photographies analysées de la presse écrite étudiée : VSD, VOICI, PARIS-MATCH et GALA. ... 222

(9)

8

Section I : Images des hommes et des femmes politiques dans Paris-Match .. 222

Section II : Images des hommes et des femmes politiques dans GALA ... 227

Section III : Images des hommes et des femmes politiques dans VSD ... 232

Section IV: Images des hommes et des femmes politiques dans VOICI ... 239

Chapitre V : Analyse des articles de la presse écrite sélectionnée : VSD, VOICI, PARIS-MATCH et GALA. ... 244

Section I : Les structures des textes ... 244

Section II : La scène politique française sous le prisme du Genre dans les journaux ... 249

Paragraphe 1 : Les acteurs politiques français de premier plan………...252

Paragraphe 2 : Les actrices de la scène politique française………...270

Paragraphe 3 : Différences et ressemblances dans le traitement de l'image entre les hommes et les femmes politiques………..………...285

Section III : Analyse comparative des textes portant sur les femmes et les hommes politiques de la sémiosphère française dans le quadriptyque médiatique constitué de GALA, PARIS-MATCH, VOICI et VSD ... 290

Paragraphe 1 : Analyse comparative de l’ensemble des textes sur les femmes et hommes politique dans le magazine GALA ... 290

Paragraphe 2 : Analyse comparative de l’ensemble des textes sur les femmes et hommes politiques dans le magazine PARIS-MATCH ... 295

Paragraphe 3 : Analyse comparative de l’ensemble des textes sur les femmes et les hommes politiques dans le magazine VOICI ... 299

Paragraphe 4 : Analyse comparative de l’ensemble des textes sur les femmes et les hommes politiques dans le magazine VSD ... 303

Section IV: A titre informatif, des nuages de mots au sujet des dirigeants politiques dans la presse étudiée sur la période concernée ... 306

Chapitre VI : Analyse de discours des Focus groups à l’aide du logiciel Tropes .... 308

Section I : Focus group n°1 : groupe des intervenants de 18 à 24 ans. ... 308

Section II : Focus group n°2 : groupe des intervenants de 25 à 34 ans. ... 319

Section III : Focus group n°3 : groupe des intervenants de 35 à 60 ans. ... 332

Chapitre VII : Synthèse des documents : hypothèses de recherche et Problématique ... 344

Conclusion ... 356

Bibliographie ... 368

(10)

9

Introduction

Parler aujourd’hui d’une « civilisation de l’image »1

est devenu presque prosaïque. L’image est en effet désormais omniprésente2

, notamment dans les médias numériques. Cette révolution iconique est au fondement de la peopolisation, car la fonction de l'image est primordiale dans la fabrique du regard et la relation que nous entretenons avec le nouveau statut de l’image. La prolifération des images à laquelle nous assistons a un impact direct sur nos représentations et nos comportements. Le présent travail se propose d’analyser un aspect du rapport entre politiques et médias, et les différents publics. Nous nous interrogerons sur les formes de construction médiatique du Genre déployées par les dirigeants politiques eux-mêmes d’une part, à travers leurs stratégies de présentation qui conduiraient à une réaffirmation des identités de Genre via un surinvestissement des marqueurs d’appartenance et/ou de différenciation, et sur le rôle des médias dont la presse échotière d’autre part, dans la construction d’un processus d’activation/réactivation des stéréotypes de Genre en politique.

Dans un contexte où la fabrique de l’image est devenue incontournable dans les industries culturelles, il semble évident qu’elle joue désormais un rôle primordial dans les choix politiques des publics. Aussi, il s’avère pertinent de s’intéresser aux stratégies mises en œuvre par les responsables politiques en France pour conquérir l’électorat au moyen d’un travail de leurs images dans les médias. C’est ce qui a conduit à la formulation de notre sujet : « images du pouvoir et pouvoirs de l’image ». L’objectif poursuivi par la spécification de cette réflexion doit permettre de rendre compte, au-delà de l’analyse des modes de structuration des représentations sociales et culturelles genrées, de la manière dont les dirigeants politiques usent ou non des images stéréotypées et stéréotypantes qui circulent dans les médias. Nous essayerons également d’analyser la façon dont ils pâtissent ou non de cette peopolisation, en ceci que la production et la diffusion de ces images exprimeraient là des représentations genrées conformes aux attentes des publics-électeurs, ou plus simplement conformes à un « ordre symbolique » auquel continue de se conformer la classe médiatico-politique.

La complexité d’une telle étude nécessite d’opter pour un cadre épistémologique butlérien. En effet, les travaux de Judith Butler nous permettent de lire le phénomène de

1

Roland Barthes, « Civilisation de l’image », (Recherches et débats du Centre Catholique des Intellectuels Français), in Communications, Revue, Numéro 1, 1961, p. 220.

2

Pascal Moliner, Images et représentations sociales. De la théorie des représentations à l’étude des images sociales, Presses Universitaires de Grenoble, 1996.

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10

la peopolisation des responsables politiques au prisme du Genre par la désignation du concept qu’elle nomme : « la performativité »3. Le cadre temporel de cette étude s’étend sur la période de 2002 à 2012. Si la première date marque la première élection présidentielle du vingt-et-unième siècle, la seconde pour sa part renseigne sur une durée de plus de dix ans nécessaire pour une étude empirique dense. La prévalence de la matrice du Genre dans la construction des images politiques, émerge non seulement des travaux des Gender Studies, mais également des représentations sociales telles que travaillées chez Jodelet et Moscovici, dans ce sens que les manifestations de caractères ou de visions genrées découlent de la perception que le sujet a du monde qui l’entoure.

A l’ère d’Internet et de l’explosion des réseaux sociaux, la « peopolisation » apparaîtrait comme une conséquence du désir scopique des sociétés modernes. Les responsables politiques en exposant leurs vies privées seraient dans la réponse à la demande d’une société médiatico-scopique qui mettrait en avant le fait que, la démocratie concerne aussi la transparence de la sphère privée : celle des femmes, des maris, des enfants. La sphère publique deviendrait sensible et inclusive en manifestant le pouvoir communicationnel qui est au fondement des procédures démocratiques, comme le pensait Habermas4. Ceci contribuerait à créer de l’affect chez l’électeur-spectateur, car en humanisant les responsables politiques, on les rapprocherait ainsi de leurs électeurs. D’ailleurs, Georges Davy pensait que : la vraie politique ne saurait être séparée ni de la réflexion morale et philosophique, ni de la connaissance positive de la vie sociale5.

Régis Debray dans son analyse sur la fonction de l’image contemporaine6

, mais aussi dans ses études de médiologies, montre combien l’image est symbolique, comment elle agit telle une magie sur les publics. Pour lui, l’image est l’enfance du signe, car elle a un temps d’avance sur le discours7. C’est pourquoi nous étudions ces images du pouvoir,

pour mieux percevoir le véritable pouvoir de l’image donc son influence sur les publics et notamment sur leurs représentations sociales genrées. Mais, cette image du pouvoir, aujourd’hui, qui se veut moderne, pose le problème de la désacralisation de l’image opérée par les médias comme l’avait constaté Eric Neveu dans son article De l’art (et du

3

Judith Butler, Le pouvoir des mots. Politique du performatif, Editions Amsterdam, Paris, 2004.

4

Jürgen Habermas, « Sur le droit et la démocratie. Note pour un débat », in Le Débat, Revue, n°97, 1997/5, p. 46.

5

Georges Davy, L’homme : le fait social et le fait politique, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Mouton & Co, 1973, p. 20.

6

Régis Debray, Vie et mort de l’image. Une histoire du regard en occident, Gallimard, 1992.

7

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11

coût) d’éviter la politique8

. Et, ne manque pas d’interroger l’esthétique des corps des responsables politiques et d’interpeller sur la représentation du pouvoir. Nous parlons d’esthétique des corps ici, parce que l’exposition du corps pose le problème du dévoilement de ce corps de l’homme ou de la femme politique qui se dévoile dans la presse magazine people et dans la presse spécialisée dans le photojournalisme. En effet, autrefois mystifié, ce corps du ou de la responsable politique se donne à voir à présent sous l’objectif des photographes de la presse magazine, parfois dans des postures triviales. Ce corps peut se rendre « banal », avec comme principal danger l’enfermement du responsable politique ou de la responsable politique dans sa corporéité.

Judith Butler nous permet de comprendre combien cette corporéité est hétéronormée. Il y a toute une construction rigide et hyperbolique du rapport entre Genre et sexes, de même qu’il existe aussi une relation entre Genre et sexualité9. Nous devons ainsi analyser comment cette exposition du corps du ou de la responsable politique est mise en œuvre dans la peopolisation politique, et comment cela sert-il à activer/réactiver les marqueurs d’appartenance et/ou de différenciation dans le Genre.

La communication et la politique étant consubstantielles10, selon Jacques Gerstlé, certains responsables politiques utilisent les atouts de la peopolisation pour s’illustrer en politique. La peopolisation politique serait un moyen de communiquer, et de construire de la crédibilité. En effet comme le rappelle Philippe Braud, la communication du politique repose sur un assemblage de facteurs mêlant des arguments rationnels et émotionnels11. Par ailleurs, Eva-Marie Goepfert expose l’idée selon laquelle, la légitimité de la peopolisation politique est acquise depuis une décennie dans le champ médiatico-politique, elle écrit : « La campagne présidentielle de 2007 (…) signe l’installation du

processus de peopolisation, mettant fin alors aux questionnements quant à sa légitimité ou sa validité, ce qui permet donc de le définir et de l’inscrire dans l’espace public français »12.

Cependant, en entrant dans le champ politique, cette pratique de la communication

pose le problème, d’une part de la surmédiatisation qui peut installer le ou la responsable

8

Erik Neveu, « De l’art (et du coût) d’éviter la politique », [En ligne], http://www.cairn.info/revue-reseaux-2003-2-page-95.htm

9

Judith Butler, La vie psychique du pouvoir. L’assujettissement en théories, Editions Léo Scheer, Paris, 2002. 10

Jacques Gerstlé, La communication politique, Armand Colin, 2008.

11

Philippe Braud, Sociologie politique, LGDJ Lextenso Editions, 2008.

12

Eva-Marie Goepfert, Médias, politique et vie privée. Analyse du phénomène de peopolisation dans la presse écrite française, sous la direction de Isabelle Garcin-Marrou, en vue de l’obtention d’une thèse en Sciences de l’Information et Communication, Université Lumière Lyon 2, le 10 décembre 2010, p. 34.

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12

politique dans un univers médiatique dont il ou elle n’aurait plus entièrement le contrôle sur son image, parce qu’il (ou elle) y est peu habitué(e). En effet, il s’agit d’une diffusion propre à celle utilisée pour les vedettes du spectacle dont Edgar Morin analysait les caractéristiques dans L’esprit du temps13. Et d’autre part, elle pose le problème de l’égalité entre les hommes et les femmes politiques dont les représentations sociales genrées sont quelquefois contradictoirement opposées. De plus, la communication politique est une communication sociale, puisqu’elle met en relation les publics et leurs responsables politiques. Elle focalise la séduction comme élément central de la communication via la peopolisation ou l’exposition volontaire des corps des responsables politiques qui acceptent de « se dévoiler » dans les médias. Cette mise en scène du pouvoir que dénonce Roger-Gérard Schwartzenberg14, demeure néanmoins une nécessité en raison de « la société des affects », des publics qui ont besoin de voir, de vérifier par eux-mêmes. De plus, ces derniers semblent ne plus croire au discours politique comme le disait Castoriadis15, car le clivage entre les dogmes de droite et de gauche s’effacent progressivement comme l’a démontré Marcel Gauchet dans La condition politique16

. Il semble aujourd’hui qu’on assiste au règne des talk shows et au recul de la presse écrite traditionnelle, autrefois support des grands débats d’idées. De fait, en acceptant de participer aux émissions télévisées, et en donnant de nombreuses interviews dans la presse spécialisée, les hommes et les femmes politiques sont à la conquête des publics qui ont abandonnés progressivement le débat politique, à tel point que Pascal Perrineau parle de « la démocratie désenchantée »17. Pour Marcel Gauchet, un basculement intervient depuis quelques années dans le rapport entre le pouvoir et la société. Il déclare : « Dans

la structuration hétéronome, le pouvoir était tellement au-dessus de la société qu’il n’y avait pas même à proprement parler de société. Il y avait un corps politique soudé à ce pouvoir qui se présentait comme sa cause. Avec l’orientation historique vers l’avenir, tout se renverse. C’est la société qui est première en tant que lieu du changement, en tant que lieu de l’action pour la production de l’histoire et la production tout court. Le pouvoir est second, il est réputé être l’effet de la société, et n’a plus de sens qu’à la représenter »18. C’est ce renversement de priorité du « cause » au «

13 Edgar Morin, L’esprit du temps, Armand Colin, 2008. 14

Roger-Gérard Schwartzenberg, L’état spectacle 2. Politique, casting et médias, Plon, 2009.

15

Cornélius Castoriadis, « La montée de l’insignifiance », [En ligne], http://www.la-bibliotheque-resistante.org/mes_textes/la_montee_de_l27insignifiance.pdf

16

Marcel Gauchet, La condition politique, Gallimard, 2005.

17

Pascal Perrineau, Le désenchantement démocratique, Editions de l’Aube, 2003.

18

Marcel Gauchet, « Crise de la démocratie », [En ligne], http://www.cairn.info/revue-la-revue-lacanienne-2008-2-page-59.htm

(14)

13

effet », sous l’impact de « l’orientation historique » qu’il faut dorénavant observer comme le conclut d’ailleurs Marcel Gauchet19

.

La peopolisation de la vie politique française apparaît comme un phénomène qui a pris son essor récemment, notamment depuis l’élection présidentielle de 200720. Les deux principaux candidats, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, en exposant leurs vies privées, ont fait de la presse écrite et des médias de l’audiovisuel, les moteurs de leurs stratégies de communication, basées sur « la monstration », sur le désir d’authenticité et plus encore sur « la pulsion scopique ». Ces deux responsables politiques sont apparus comme les leaders d’une société française qui vit ce que Daniel Bougnoux appelle « la crise de la représentation »21. Bien évidemment, cette attitude qui consiste à se présenter en homme ou en femme providentiel(le), autrement dit en leader dont le destin personnel coïncide avec le destin du pays, n’est pas nouvelle ; on la retrouve déjà chez René Coty et Charles de Gaulle qui savaient donner quelques éléments de leurs vies privées aux journalistes, pour paraître plus proches du peuple, comme l’a démontré Christian Delporte22.

Cependant, si on s’interroge sur les travaux scientifiques qui existent au sujet de la peopolisation de la vie politique, on constatera que le milieu scientifique français contrairement aux milieux universitaires anglo-saxons (britanniques et américains), s’est longtemps refusé à traiter de la peopolisation. C’est le constat que fait Jamil Dakhlia23. Pour lui, il s’agit d’une notion qui s’est constituée dès les années 2000 par un

« empilement de sens successifs»24, produit par les médiacultures25, autrement dit issue du clivage entre culture de masse et médias. La peopolisation pose le problème de la place de l’esthétique dans la communication du personnel politique, et des pratiques culturelles contemporaines à l’ère du numérique. Il y a également la question du droit à laquelle doit faire face la presse échotière. En effet, en dévoilant la sphère privée des responsables politiques, parfois à leur insu, la presse magazine qui donne une place importante aux informations à caractère people s’attire des critiques (et des procès), puisque délibérément elle s’affranchit de l’article 9 du code civil français.

19

Marcel Gauchet, op-cit.

20

Eva-Marie Goepfert, op-cit.

21 Daniel Bougnoux, Crise de la représentation, Editions de La Découverte, 2006. 22

Christian Delporte, « Quand la peopolisation des hommes politiques a-t-elle commencé ? Le cas français », [En ligne], http://palimpsestes.fr/presidentielles2012/themes/peopolisation/delporte-debut-peopolisation.pdf

23

Jamil Dakhlia, « La représentation politique à l’épreuve du people : élus, médias et peopolisation en France dans les années 2000 », [En ligne], http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=TDM_010_0066

24

Jamil Dakhlia, op-cit.

25

Eric Macé et Eric Maigret, Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Brochée, 2005.

(15)

14

A l’ère de la spectacularisation des corps dans les émissions de téléréalités (depuis les années 2000)26, on note un véritable basculement dans le regard, dans le désir, donc dans l’expression de cette « pulsion scopique » de plus en plus prégnante dans la société française, comme dans la plupart des sociétés occidentales. Il semble intéressant de constater que cette ère des reality shows coïncide avec celle de la montée en puissance de la peopolisation politique. Les publics avides de spectacle feraient des médias, le réceptacle de leur « pulsion scopique » qui se trouverait désormais à l’intersection du symbolique et du réel d’une part ; et les médias assoiffés d’audimat, préoccupés par le nombre de lecteurs, de téléspectateurs ou d’internautes, provoqueraient, exacerberaient même cette « pulsion scopique » d’autre part. Et ce que l’on peut qualifier de registre symbolique dans la peopolisation politique, c’est ce désir-lien social en tant qu’il devient une condition de la vie politique liant les pulsions, et constituant même un impératif hypothétique au sens kantien, dans l’expression d’une vie politique démocratique.

Philippe Maarek démontre que la démarche de peopolisation chez le (la) responsable politique, lui permet en étalant sa vie privée, de convaincre ceux qui ne sont pas sensibles au discours politique27. Chez Lucien Sfez, on retrouve une vision beaucoup plus philosophique, marquée par les travaux marxistes et une perception du capitalisme et de son idéologie qui décrie la domination bourgeoise. En effet, Sfez décrit un symbolisme politique qui nourrit la représentation politique aujourd’hui, il affirme : « …la

représentation est alors stratégie de présence »28. En ce sens, tout ce qui peut apparaître comme spontané, sera logé et encastré dans un système de représentations. Et Jacques Gerstlé, en faisant une étude sur le rôle des médias dans la formation de l’opinion publique, sur les effets de la communication persuasive et sur les techniques de communication politique en vue de l’obtention du pouvoir et de sa conservation29

, occulte toute perception genrée dans la communication politique. De même, les travaux de Philippe Maarek sur le second tour de l’élection présidentielle de 2007, dans lesquels il expose les raisons de la défaite de Ségolène Royal30 (il trouve notamment qu’il y avait beaucoup plus d’erreurs stratégiques dans sa campagne, contrairement à celle de son adversaire Nicolas Sarkozy), n’esquissent pas la moindre approche genrée sur les causes

26

Murielle Ory, « L’exposition de la vie privée dans les émissions de télé-réalité, [En ligne],http://www.revue-des-sciences-sociales.com/pdf/rss33-ory.pdf

27

Philippe. J Maarek, Communication et marketing de l’homme politique, Litec, 2007.

28

Lucien Sfez, La politique symbolique, Presses Universitaire de France/Quadrige, 1993.

29

Jacques Gerstlé, La communication politique, Presses Universitaires de France, 1993.

30

Philippe. J Maarek, La communication politique de la Présidentielle de 2007, participation et représentation, L’Harmattan, 2009.

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15

de cet échec. Or, c’est principalement ce qui motive nos recherches depuis la première année du Master, où nous nous sommes d’abord penchés sur les représentations sociales et les raisons de la défaite de la candidate socialiste31. En deuxième année du Master, nous avons essayé de comprendre par analogie, les raisons de l’échec d’Hillary Clinton aux Etats-Unis, et la montée en puissance de Sarah Palin face au ticket Obama-Biden32. Les réponses à nombre de nos questions se sont retrouvées dans les travaux de Judith Butler qui a développée la notion de « la performativité de Genre »33.

Les Gender Studies permettent de comprendre que toutes les postures des responsables politiques ne sont pas anodines. Elles sont genrées. Elles ont été intériorisées au fil du temps par les acteurs du jeu politique, parce que ces derniers vivent dans une société hétéronormée. Si on en vient à considérer l’approche foucaldienne d’intériorisation de la norme, approfondie par Judith Butler dans le fondationalisme du sujet qui a pour effet la dissimulation du pouvoir, on comprend aisément l’exclusion des femmes de la citoyenneté politique. Bien évidemment, cette exclusion remonte loin dans l’histoire et elle est théorisée par les écrits de grands philosophes parmi lesquelles Rousseau et Spinoza, pour qui la dichotomie entre sphère public et sphère privée est un prolongement de la hiérarchisation des rôles masculins et féminins. De surcroît, l’accès des citoyennes au droit de vote ne change pas radicalement la perception du pouvoir, puisque comme on peut le constater à travers le gender gap, les femmes s’abstiennent plus que les hommes et leurs choix de candidats sont parfois plus conservateurs comme le décrit Mariette Sineau dans un article édifiant sur le vote et la participation politique des

femmes34. Les femmes seraient-elles autant, sinon plus, victimes des représentations genrées que les hommes ? Pour Pierre Bourdieu, les femmes intègrent d’autant plus la domination masculine qu’elle a longtemps été pensée comme naturelle, comme nécessaire pour le bon fonctionnement de la société, et par ricochet de ses institutions. Pour Michel Foucault, cette domination s’amplifie au point de fonder une « orthopédie sociale ». Et, Marie-Joseph Bertini développe les approches bourdieusienne et foucaldienne dans son ouvrage Ni d’Eve ni D’Adam. Défaire la différence des sexes, dans

31

Joseph Mayi, Les spots de campagne au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 : approche d’une analyse communicationnelle et des représentations sociales, mémoire de Master I, sous la direction de Patrick Mottard, Université de Nice, 2008.

32

Joseph Mayi, Les représentations médiatiques des femmes politiques contemporaines : analyse du discours de la presse écrite française pendant la campagne présidentielle américaine de 2008. Le cas de Hillary Clinton et de Sarah Palin, mémoire de Master II, sous la direction du Pr. Marie-Joseph Bertini, Université de Nice, 2009.

33

Judith Butler, La vie psychique du pouvoir, Léo Scheer, 2002.

34

Mariette Sineau, « Vote et participation politique », in Margaret Maruani (sous la direction de) Femmes, Genre et sociétés. L’état des savoirs, Editions de La Découverte, 2005, pp. 299-300.

(17)

16

lequel elle affirme que « Le Genre fait Loi, autrement dit il détermine et structure

l’ensemble des normes et des valeurs qui en découlent »35 .

La peopolisation, en tant que dispositif social et technique des normes de Genre, obéit à des critères prédéterminés qui produisent des effets de sens en réponses aux attentes genrées du corps social. S’il est admis que l’image à travers la photographie, reste un reflet de la réalité, il n’en demeure pas moins qu’à cette image est accolée une micro-narrativité auquel se rajoute un discours normatif. Et, ce qui devient important dans l’analyse de cette image, ce sont ses effets de sens. Certes, l’image est polysémique comme le pensait Roland Barthes, mais elle comporte toujours des caractéristiques qui permettent de saisir l’aspect esthétique et l’aspect épistémique, et également l’aspect symbolique très important dans la représentation de l’image du pouvoir. Le corps du politique devient ainsi le premier opérateur d’une mise en scène figurative intégrant l’apparence physique, le rapport à l’espace, au temps, aux publics et au monde en général36. La relation au physique en devenant esthétique, fait du corps du politique, un corps-image, un corps-représentation. C’est sur cette image que le citoyen va se référer pour attribuer consciemment ou inconsciemment, un caractère au responsable politique. Ainsi, les représentations sociales genrées jouent un rôle central dans l’image que les électeurs ont des dirigeants politiques.

Les médias contribuent à interpréter l’exposition de ces corps d’hommes et de femmes politiques. Les médias développent ainsi un discours qui consiste à raconter, à mettre en scène la politique. Pour analyser le caractère incitatif des magazines people et des picture magazines, la logique de séquentialisation avec des variables diverses est à adopter, car l’étude du lien entre responsables politiques, médias, publics et les images, pose le problème de l’utilisation par les responsables politiques des outils médiatiques.

En postulant que le triple processus du « tout-voir », du « tout-exhiber » et du « tout-raconter » (devenu central aujourd’hui, tant pour les responsables politiques que pour les électeurs) s'inscrit dans le dispositif de Genre37 à l'œuvre au sein du tissu social et politique, nous nous poserons la question suivante qui constituera notre problématique : l’image peopolitique autorise-t-elle un rapprochement des registres des

35

Marie-Joseph Bertini, Ni d’Eve Ni d’Adam. Défaire la différence des sexes, Max Milo, 2009.

36

Marlène Coulomb-Gully, La démocratie mise en scènes : télévisions et élections, CNRS Editions, 1998.

37 La graphie proposée par Marie-Joseph Bertini pour le terme Genre avec cette majuscule (G), fait signe vers les

Gender Studies anglo-saxonnes avec la volonté de contribuer à l’enrichissement de cette question au sein des Sciences de l’information et de la communication, s’ajoutant aux préoccupations des rapports masculin-féminin dans le contexte de domination masculine ou encore des débats sur la parité.

(18)

17

hommes et des femmes politiques, ou bien au contraire conduit-elle à une réaffirmation des identités de Genre, via un surinvestissement des marqueurs d’appartenance et/ou de différenciation ?

Trois hypothèses seront ici mobilisées pour apporter des réponses à la question centrale qui est posée. La première hypothèse consiste à dire que : si l’impératif de transparence apparaît comme un idéal dans la sphère publique moderne avec des responsables politiques dont on exige la mise en scène publique de la vie privée, c’est que cet impératif du donner-à-voir de la « pulsion scopique » utilise la volonté de jouissance des publics et désigne l’expression d’une société avide de satisfaire un voyeurisme alimenté par la machine médiatique. La deuxième hypothèse se base sur l’affirmation que : si les médias apportent de la notoriété aux personnalités politiques, l’hypermédiatisation de leurs vies privées peut s’avérer dangereuse notamment à travers l’exposition des corps qui accentue la hiérarchie de Genre ; car l’esthétique people pose le problème de l’éthique de la représentation du pouvoir et plus spécifiquement du pouvoir féminin et de la capacité des femmes à gouverner. Dans la troisième hypothèse, on examinera l’assertion suivante : si les stratégies explicites et implicites d’identification de Genre mises en œuvre par les responsables politiques et leurs conseillers s’inscrivent dans un dispositif de façonnage d’une authenticité paradoxalement factice, c’est parce que les images produites sont soumises aux conventions et codifications culturelles qui valident ou qui invalident les perceptions de l’image des candidats(es) que peuvent avoir les lecteurs de la presse magazine.

Le cadre théorique qui nous paraît opérant pour cette étude essentiellement ancrée sur l’analyse de l’image et l’analyse du discours de la presse, est l’approche Gender

Studies avec une grille de lecture butlérienne. Le concept d’assujettissement travaillé par

Stuart Mill38 est approfondi chez Judith Butler à travers un appareillage théorique complexe et riche dans lequel elle déploie une redéfinition du « sujet » sous des aspects politiques et psychiques éprouvés par une sociabilisation hétéronormée. Ensuite, nous avons choisi l’approche sémiologique pour notre cadre empirique. Ferdinand de Saussure39 définit la sémiologie comme une science qui étude la vie des signes au sein de la vie sociale. Dans le même temps, Charles Sanders Pierce40conçoit la sémiotique comme la science générale des signes, laquelle a pour objet l’étude des processus de

38

John Stuart Mill, L'asservissement des femmes, Payot, 1975.

39

Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Payot, 1995.

40

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18

signification c'est-à-dire le fonctionnement des signes, dans leurs logiques de production, de codification et de communication. Les images et les discours sont des éléments de pratiques signifiantes, en tant qu’elles sont des modalités de pratiques sociales. Une analyse sémiologique ou sémiotique est donc une analyse des signes sociaux. Elle complète les méthodologies d’investigations qualitatives classiques « orientées vers la cible » (l’analyse de la réception) en mettant au jour les mécanismes qui la soutiennent, le fonctionnement des codes mis en œuvre et le rôle de chaque élément considéré isolément et en interaction avec les autres (sur le plan de l’expression et sur le plan des contenus associés). La sémiotique ou la sémiologie, indifféremment, articule des dimensions (syntaxiques et pragmatiques) déterminantes dans la compréhension des processus de significations qui recouvrent les relations établies entre les symboles et les objets auxquels ils renvoient. Ainsi perçue, la sémiologie constitue alors une méthode d’analyse qui s’applique par nature à tous les champs concernés par la signification et donc ici aux photographies des personnalités politiques de la sémiosphère française, en tant que signes iconiques. Par ailleurs, elle peut s’inscrire soit au profit d’un paradigme, soit au profit d’une analyse circonstanciée. En effet, l’analyse sémiologique et les entretiens de groupes focalisés permettent une cartographie des enjeux et des leviers de positionnements genrés, et une analyse efficiente des postures des acteurs et des actrices politiques. La sémiologie, l’analyse de discours et les entretiens de groupes focalisés constituent des éléments essentiels d’une recherche sur les métamorphoses de la communication politique contemporaine par le phénomène de la peopolisation.

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19

Première partie :

Les représentations sociales, le Genre, et leurs

impacts sur la Réception

« On persuada à la reine de secouer le joug de ses formalités gênantes, qui condamnent une reine à une perpétuelle représentation. On lui peignit les charmes d’une société où règnent la liberté et la confiance, dont elle ferait les délices, dans laquelle ses agréments lui procureraient des succès plus flatteurs que les hommages commandés par l’usage. (…) La reine, sans en prévoir les conséquences, entraînée par le désir de plaire, par un sentiment de bonté qui porte à la communication, descendit en quelque sorte de son trône pour vivre en société intime avec les courtisans, et manger avec des hommes de chez le roi, et chez des personnes de la Cour. Il est facile de sentir comment cette manière de vivre était dangereuse dans une nation qui se familiarise si aisément. Alors on vit diminuer insensiblement le profond respect, qui est l’effet de la prodigieuse distance du monarque avec ses sujets ».

(Gabriel Sénac de Meilhan, Des principes et des causes de la révolution en France, Londres, 1790, pp. 30-31)

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Chapitre I : Un monde de représentations genrées

Section I : Introduction aux représentations sociales

Paragraphe 1 : Un monde de représentation : de l’émergence d’un concept vers un meta-concept

Pour comprendre les représentations genrées, il faut définir ce que sont les représentations sociales qui demeurent au fondement des rapports qu’entretiennent les individus entre eux, et notamment la question de l’inégalité des rapports sociaux de sexe41. La philosophie est la première discipline à s’intéresser au concept de représentation. L’œuvre d’Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme

représentation, publiée en 1818, met en avant le concept en expliquant que les

représentations sont le produit du travail secret de la volonté. Il faudra attendre la fin du XIXème siècle et Emile Durkheim pour que le concept de représentation bascule du côté de la sociologie. Dans un article parut dans la Revue de métaphysique et de morale en 1898, Emile Durkheim évoque et précise la nature des représentations collectives en partant d’une comparaison avec les représentations individuelles. Serge Moscovici42

explique que pour Emile Durkheim, la représentation individuelle se fonde sur la conscience de chaque individu, alors que la représentation collective se réfère à la société dans sa globalité. Il explique que les représentations collectives sont issues du phénomène associant les représentations individuelles au fait social. Les représentations collectives sont donc héritières des représentations individuelles.

Cette notion est particulièrement importante pour Emile Durkheim, son originalité tient dans le fait que, pour lui, les phénomènes collectifs ou sociaux ne sont pas la simple somme des sentiments individuels et privés, en s’associant ils évoluent. Il parvient à démontrer l’originalité des représentations collectives et à en faire un objet nouveau. Il sera le premier, explique Denise Jodelet43, à identifier les représentations comme productions mentales sociales relevant de « l’idéation collective ». Serge Moscovici44

41 Roland Pfefferkorn, Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classe, rapports de sexe, La Dispute collection « Le

Genre du monde », 2007.

42

Serge Moscovici, « Des représentations collectives aux représentations sociales : éléments pour une histoire », in Denise Jodelet (sous la direction de), Les représentations sociales, Presses Universitaires de France, 1989.

43

Denise Jodelet, « Représentations sociales : un domaine en expansion », in Denise Jodelet (sous la direction de), Les représentations sociales, Presses Universitaires de France, 1989.

44

Serge Moscovici, op-cit. in Denise Jodelet (sous la direction de), Les représentations sociales Presses Universitaires de France, 1989.

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21

explique que chez Emile Durkheim, les représentations désignent en priorité une vaste classe de formes mentales, d’opinions et de savoirs. Elles sont caractérisées par une certaine fixité, puisque partagées et reproduites de manière collective.

Après les travaux d’Emile Durkheim, le concept de représentation va entrer en sommeil pendant près de cinquante ans. C’est par l’intermédiaire de Serge Moscovici que la psychologie sociale va se pencher sur le concept de représentations. Les travaux réalisés jusqu’alors se sont focalisés sur des aspects spécifiques des représentations sociales, souvent en réponse à des questions théoriques soulevées par l’originalité de la position du concept, en perpétuelle tension entre le pôle psychologique et le pôle social.45 Denise Jodelet46 explique que pour rendre compte de la spécificité globale du concept durkheimien des représentations, il faudra attendre Serge Moscovici et son œuvre La

psychanalyse, son image et son public parue en 1961. Reprenant les termes de Claudine

Herzlich à ce sujet, elle déclare qu’il s’agit de la seule tentative systématique et globale réalisée dans le but de cerner la spécificité, constituant ce nouvel objet d’étude que sont les représentations sociales. Effectivement, Serge Moscovici47 explique que l’étude des représentations sociales n’a jamais fait l’objet d’une approche empirique suivie. Pour lui, la continuité et la concentration des efforts autour de cet élément d’étude sont pratiquement inconnues, nous sommes alors en 1961 et l’œuvre qu’il introduit ici représente le premier pas vers une étude plus systématique et suivie des représentations sociales. Malgré de magnifiques efforts, souvent sans lendemain, nous nous trouvons là sur un terrain en friche48. L’analyse de Moscovici fait naître le concept de représentations sociales. Elle va fournir une définition scientifique et décrire une méthode d’approche psychosociologique.

Loin d’être un objet uniquement individuel ou psychologique, les représentations sociales sont, comme leur nom les indique, empreintes de « social ». Ce dernier y intervient de plusieurs manières. D’abord par le contexte concret où se situe les individus, par les communications qu’ils établissent entre eux ensuite, et également par les cadres d’appréhension que constituent la culture et les normes, les valeurs et les idéologies liées

45

Denise Jodelet, « Représentations sociales : phénomènes, concept et théorie », in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, 1984, p. 361.

46

Denise Jodelet, op-cit. in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, 1984.

47

Serge Moscovici, La psychanalyse, son image, son public, Presses Universitaires de France, Paris, 1961.

48

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aux appartenances sociales spécifiques. Alors que Jean Paul Codol49 explique que ce qui permet de qualifier les représentations de sociales tient plus dans leur processus d’élaboration : échanges et interactions, que dans leurs supports individuels ou groupaux. Serge Moscovici50 pense que pour que la représentation puisse être qualifiée de sociale, il faut davantage s’intéresser aux fonctions de cette dernière plutôt qu’aux circonstances de sa constitution. L’une des fonctions propres aux représentations sociales, est leur contribution aux processus formateurs et aux processus d’orientation des conduites et des communications sociales. Mais, la représentation ne fait pas qu’orienter ou susciter des conduites dans une réalité élargie ou transformée, elle propose des formes où les rapports sociaux concrets peuvent trouver leurs expressions.

Le concept de représentation sociale se situe à l’interface du psychologique et du social. Cet élément fait de la notion de représentations sociales, une notion particulièrement complexe. Sa position mixte implique qu’elle soit mise en rapport avec des processus relevant d’une dynamique sociale et d’une dynamique psychique. L’étude des représentations sociales doit alors prendre en compte le fonctionnement cognitif de l’appareil psychique autant que le fonctionnement du système social pour être efficace.

L’articulation entre le pôle psychologique et le pôle social semble soulever un bon nombre de questions. Jean-Claude Abric prend le parti de développer une approche expérimentale des représentations pour répondre à ce souci d’articulation. Toutes ses recherches expérimentales s’appuient sur la théorie des représentations sociales élaborée par Serge Moscovici. Le choix de l’expérimentation ne fait pas l’unanimité, néanmoins Serge Moscovici déclare dans son œuvre La psychanalyse, son image, son public51

, que faire des représentations sociales un champ d’investigation sera possible, mais uniquement par le recours à l’observation systématique et expérimentale. Jean-Claude Abric52 explique que ces études expérimentales ne s’intéressent pas exclusivement aux facteurs et aux comportements directement observables, mais elles mettent l’accent sur les dimensions symboliques des phénomènes observés et se centrent sur la notion de signification. S’éloignant du cadre conventionnel des expérimentations, il remet en cause le « vide expérimental » et expérimente des situations où le sujet est observé avec tout

49

Jean-Paul Codol, « Differentiating and non-differentiating behavior », in Jean-Paul Codol et Jean-Philippe Leyens, The cognitive analysis of social behavior, The Hague, Boston, 1982.

50

Serge Moscovici, op-cit. Presses Universitaires de France, 1961.

51

Serge Moscovici, op-cit. Presses Universitaires de France, 1961, p. 259.

52

Jean Claude Abric, « L’étude expérimentale des représentations sociales », in Denise Jodelet (sous la direction de), Les représentations sociales, Presses Universitaires de France, 1989.

(24)

23

son « lot » d’à priori, de systèmes de pensées préétablis, et de schèmes interprétatifs. L’objectif premier de ces études expérimentales est de vérifier la validité de l’hypothèse : « Les comportements des sujets ou des groupes ne sont pas déterminés par les

caractéristiques objectives de la situation, mais par la représentation de cette situation »53.

La notion de représentations sociales à l’interface du psychologique et du social, a pour vocation d’intéresser toutes les Sciences Humaines. L’élan nouveau donné par Serge Moscovici va permettre au concept de représentations, désormais qualifiées de sociales, de s’étendre au-delà du champ de la psychologie sociale pour intéresser la quasi-totalité des Sciences Humaines. On retrouve la notion de représentation à l’œuvre en sociologie, en anthropologie, en ethnologie, en psychologie clinique ou pathologique, en histoire, en informatique, dans les sciences du langage ou de la cognition mais aussi dans les sciences de l’information et de la communication. Pour Denise Jodelet, les représentations sociales sont « … une unité d’approche nouvelle, féconde pour la psychologie sociale,

prometteuse pour les autres sciences sociales ». 54 Denise Jodelet55 parle du concept de représentations sociales comme d’un domaine en expansion caractérisé par sa vitalité, sa transversalité et sa complexité, se situant à un carrefour de théories.

Paragraphe 2 : Vers une définition du concept de représentation sociale : Représenter ou « re-présenter »

Le terme même de « représentation » renvoie à plusieurs définitions, et il est impliqué dans différents champs sémantiques. Dans le Petit Robert56 2007, trois sens sont principalement mis en avant. Représenter, c’est l’action de mettre devant les yeux ou

devant l’esprit de quelqu’un, mais c’est aussi le fait d’en imposer c'est-à-dire se faire

valoir, se montrer, et pour finir, représenter c’est le fait agir à la place ou au nom de

quelqu’un.

53

Jean Claude Abric, op-cit. in Denise Jodelet (sous la direction de), Les représentations sociales, Presses Universitaires de France, 1989.

54

Denise Jodelet, op-cit. in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, 1984, p. 64.

55

Denise Jodelet, op-cit. in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, 1984.

56

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24

Ces trois grands axes définitionnels sont repris par la plupart des dictionnaires de la langue française. Pierre Mannoni57souligne que dans les définitions du terme « représentation », les notions de signes, de symboles et d’images, apparaissent très tôt. On définit en français, le terme « représentation » comme le fait de rendre sensible quelque chose qui ne l’est pas d’emblée.

Représenter, c’est donc « tenir lieu de, être à la place de », sous cette acception la représentation est la reproduction mentale de quelque chose, un objet, une personne, une idée, etc. La représentation s’apparente ici au symbole, au signe. Mais représenter, c’est aussi « re-présenter », c'est-à-dire rendre présent à l’esprit, à la conscience, en ce sens, la représentation est la reproduction mentale d’autre chose. Dans les deux cas, il s’agit avec la représentation du contenu mental concret d’un acte de pensée qui restitue symboliquement quelque chose d’absent ou de lointain.

Denise Jodelet58 met en avant cinq caractéristiques fondamentales se dégageant de l’analyse du fait de représenter. La représentation est toujours la représentation d’un objet ; elle a un caractère imageant et la propriété de rendre interchangeable le sensible et l’idée : le percept et le concept. Elle a un caractère symbolique et signifiant, elle a un caractère constructif ainsi qu’un caractère autonome et créatif. Elle souligne ensuite un fait d’importance considérable même à un niveau social zéro. L’analyse de l’acte représentationnel émanant de n’importe quel sujet montre que la représentation comporte toujours quelque chose de social. Les catégories qui la structurent ou l’expriment sont issues et empruntées au fond commun de culture dont celui du langage. Cette relation entre sujet et objet, établie par l’acte de représentation, renvoie pour Denise Jodelet59

au caractère autonome, constructif et créatif de la représentation qui engendre une part de re-construction et d’interprétation de l’objet. De la même façon, pour Pierre Mannoni60

, la représentation signifie toujours quelque chose à quelqu’un ; elle fait aussi apparaître quelque chose de celui qui la livre, sa part d’interprétation. De ce fait, la représentation n’est donc pas seulement une reproduction, elle est également une construction, et par le biais de la communication recèle une part d’autonomie et de création individuelle ou collective.

57

Pierre Mannoni, Les représentations sociales, Presses Universitaires de France, collection « Que Sais-Je ? », 1998, p. 5.

58

Denise Jodelet, op-cit., in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, 1984.

59

Denise Jodelet, Ibid., in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, 1984.

60

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25

Denise Jodelet propose au regard de tous les travaux effectués sur le concept de représentation sociale, une définition : « Le concept de représentation sociale désigne une

forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l’opération de processus génératifs et fonctionnel socialement marqués. Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. Les représentations sociales sont des modalités de pensée pratique orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l’environnement social, matériel et idéel. En tant que telles, elles présentent des caractères spécifiques au plan de l’organisation des contenus, des opérations mentales et de la logique. Le marquage social des contenus ou des processus de représentation est à référer aux conditions et aux contextes dans lesquels émergent les représentations, aux communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu’elles servent dans l’interaction avec le monde et les autres. »61

Denise Jodelet explique que les représentations sociales sont véritablement des systèmes d’interprétations qui régissent notre rapport au monde et aux autres. Ces mêmes représentations orientent et organisent nos conduites et nos communications sociales, mais leurs actions ne s’arrêtent pas là. Pour elle et les psychosociologues en général, grâce aux représentations sociales, nous pouvons diffuser et assimiler les connaissances, nous sommes capables d’élaborer nos identités personnelles et sociales, les groupes peuvent ainsi s’exprimer, et de fait les transformations sociales s’opèrent. Les représentations sociales semblent donc, au vu de ces derniers éléments, incontournables tant dans notre vie individuelle que collective.

Serge Moscovici62 met en avant trois hypothèses permettant la description du concept de représentation sociale. La première a trait à la reproduction sur le plan cognitif des propriétés d’un objet. La seconde hypothèse précise que cette reproduction se fait à un niveau concret, imageant. La représentation s’avère être un processus de médiation entre concept et perception, entre deux organisations psychologiques, l’une purement intellectuelle, l’autre majoritairement sensorielle. La représentation n’est pas seulement une instance intermédiaire entre concept et perception, mais plutôt un processus qui les rend interchangeable. Et c’est cette fusion entre concept et perception qui crée l’impression de réalisme. La troisième hypothèse met en relief l’aspect signifiant de la représentation. Celle-ci tient autant compte des qualités extrinsèques qu’intrinsèques de

61

Denise Jodelet, op-cit. in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, 1984, p. 97.

62

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26

l’objet. Le contenu d’une représentation est à prédominance figurative, il est structuré par une signification donnée.

Paragraphe 3 : De l’omniprésence des représentations sociales à la construction de la réalité

Pierre Mannoni63 explique que les représentations sociales englobent des concepts authentiques comme le vrai, le faux, le beau, le juste ; des objets physiques ou sociaux comme la culture, la mode, les bonnes manières et des catégories d’individu. Elles émaillent les sphères religieuses ou politiques, mais également tous les domaines de la vie sociale : les idéologies, la mythologie, les fables et légendes, les récits folkloriques, la pensée scientifique mais aussi des domaines tel que la superstition, les croyances, les illusions. Les représentations sociales semblent omniprésentes. En effet, pour Serge Moscovici64, les représentations sociales sont des entités presque tangibles. Il explique qu’elles se croisent et se cristallisent sans cesse à travers une parole, un geste, une rencontre, dans notre univers quotidien. La plupart des rapports sociaux noués, des objets produits ou consommés ou des communications échangées en sont imprégnés. Pour Mannoni, les représentations sociales demeurent présentes aussi bien dans la vie mentale quotidienne des individus, que des groupes. Elles sont constitutives de nos pensées tant comme organisatrices du psychisme que comme produits élaborés par la mentalité collective culturellement déterminée. Les représentations sociales façonnent littéralement la réalité, « la réalité n’est pas ce qu’elle est, mais ce qu’elles en font »65.

Cette omniprésence s’explique par le rôle qu’endossent les représentations, pour Serge Moscovici elles sont des systèmes cognitifs qui ont une logique et un langage

particulier. Les représentations sociales permettent aux individus de s’orienter dans l’environnement social, matériel et de le dominer66

. Elles peuvent donc largement être assimilées à une forme de connaissance. Denise Jodelet67 explique à ce sujet, dans l’œuvre publiée sous la direction de Serge Moscovici, que les représentations sociales se présentent sous des formes très variées, plus ou moins complexes. Elles sont à la fois images porteuses de significations, systèmes de références interprétatifs et significatifs,

63

Pierre Mannoni, op-cit. Presses Universitaires de France, collection « Que Sais-Je ? », 1998.

64

Serge Moscovici, op-cit. Presses Universitaires de France, 1984.

65

Pierre Mannoni, op-cit. Presses Universitaires de France, collection « Que Sais-Je ? », 1998.

66

Serge Moscovici, op-cit. Presses Universitaires de France, 1961, p. 128.

67

Denise Jodelet, op-cit. in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, 1984.

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27

catégories classificatrices et encore théories interprétatives. Mais, Denise Jodelet montre qu’à travers cette multiplicité, il est toujours question de la même chose, à savoir une forme de connaissance sociale. Effectivement, malgré toutes les formes que peuvent revêtir les représentations sociales, le but de celles-ci est toujours d’interpréter et de penser notre réalité quotidienne ; donc d’après cette auteure, les représentations sociales concernent en premier lieu ce qu’elle nomme « la connaissance de sens commun » ou encore « la pensée naturelle », c'est-à-dire la façon dont nous appréhendons les évènements de la vie quotidienne, les données de notre environnement, les informations qui y circulent et les individus qui le composent. Cette connaissance pratique, nous explique-t-elle, se constitue à partir de nos expériences, mais aussi et surtout à partir des informations, savoirs et modèles de pensée que nous recevons et transmettons à notre tour, par l’éducation, la tradition, la culture ou encore la communication sociale. La connaissance pratique qui est donc socialement élaborée et partagée, va permettre une certaine maîtrise de l’environnement grâce à la capacité de compréhension, d’explication, d’action et d’interprétation qu’elle offre. « Nous avons toujours besoin de savoir à quoi

nous en tenir avec le monde qui nous entoure. Il faut bien s’y ajuster, s’y conduire, le maîtriser physiquement ou intellectuellement, identifier et résoudre les problèmes qu’il pose. C’est pourquoi nous fabriquons des représentations ».68

Grâce à cette connaissance pratique, nous sommes donc capables de maitriser le monde qui nous entoure, mais au-delà de la maitrise, il s’agit réellement avec les représentations sociales de la construction de la réalité. « Donnant sens, dans un

incessant brassage social, à des évènements et des actes qui nous deviennent communs, elle forge les évidences de notre réalité consensuelle, concourt à la construction sociale de notre réalité ».69

Denise Jodelet explique que, c’est grâce aux représentations sociales que nous sommes capables d’aborder le monde qui nous entoure. Elle rajoute que les représentations sociales nous guident dans la façon de définir ensemble autrement dit socialement, les différents aspects de notre réalité. Pour Jean-Claude Abric, la représentation sociale est « Le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle

un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une

68

Denise Jodelet, op-cit. in Serge Moscovici (sous la direction de), Psychologie Sociale, Presses Universitaires de France, Paris, 1984, pp. 360-361.

69

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