• Aucun résultat trouvé

c Les assassinats et tentatives d'assassinat

Chapitre 1 : La violence mise en mots

1.1 La tentation de la violence

1.1.2. c Les assassinats et tentatives d'assassinat

La troisième forme de la violence révolutionnaire est la plus médiatisée. Elle intervient à compter du mois de décembre 1974 et concerne les BI et les NAPAP. Son caractère spectaculaire n'y est pas étranger puisque ces deux organisations optent pour une pratique qui apparaît inédite pour l'extrême gauche dans la France de l'après 68. Les BI (1974-1977), puis les NAPAP (1977) commettent ainsi – ou tentent de commettre –, en région parisienne, des assassinats par arme à feu, en désignant à chaque fois une cible individuelle. La volonté de tuer fait systématiquement l'objet d'une revendication et est largement commentée dans l'ensemble de la presse. Cette déclinaison de la violence révolutionnaire dans la seconde moitié de la décennie 1970 fait l'objet d'un consensus médiatique : la ligne rouge est franchie et sa répétition fait craindre un scénario de radicalisation tel que le connaissent d'autres pays occidentaux.

Entre décembre et novembre 1976, les BI sont le seul groupe d'extrême gauche à commettre et revendiquer des assassinats sur le territoire métropolitain. Ils sont au nombre de quatre. La particularité de cette organisation réside dans les cibles visées : toutes appartiennent au personnel diplomatique de régimes non-démocratiques, à l'image du nom qu'elle s'est donné. Les BI font ainsi leur apparition dans la presse française à la suite de l'assassinat, le 19 décembre 1974, du colonel Ramón Trabal, attaché militaire de l'ambassade d'Uruguay à Paris, aussitôt revendiqué par un communiqué de la Brigade Internationale Raul Sendic. Visé par plusieurs balles tirées à bout portant à l'entrée du parking souterrain de son immeuble dans le XVIe arrondissement, le colonel

Trabal meurt sur le coup. Le caractère politique de l'assassinat ne fait guère de doute. Le lendemain,

Le Figaro annonce ainsi en première page :

« L'attaché militaire uruguayen assassiné dans un parking à Paris. Les Tupamaros revendiquent l'attentat.

« La motivation politique de cet attentat ne fait aucun doute, puisqu'une organisation s'intitulant "Brigade internationale Raul Sendic", du nom d'un leader tupamaru, a revendiqué l'acte254. »

Inconnu du public français, comme le sont plus généralement les dictatures militaires latino- américaines, le parcours de Ramón Trabal est retracé par la presse, et notamment par Libération qui le présente comme un « tortionnaire uruguayen255 », « planificateur de la torture256 ». La référence

aux Tupamaros fait en outre parti du paysage d'extrême gauche occidental puisque des groupes se sont baptisés ainsi à Berlin et Munich dès 1968, en référence à l'organisation de guérilla uruguayenne257. L'identité de la victime et la signature de l'attentat sont profondément liées. Pour

l'expliciter, le journal reproduit, sans émettre de critique l'intégralité du communiqué de revendication, doublé d'un encart biographique consacré à Raul Sendic. Dénonçant le fascisme et l'impérialisme, le communiqué met en avant la vengeance des martyrs révolutionnaires que signifie cet assassinat :

« Le colonel Trabal, attaché militaire du régime fasciste uruguayen à Paris, a payé ses crimes. Resposable [sic] de la chasse aux réfugiés politiques uruguayens en France, le colonel besognait dans l'ombre avec la bénédiction de l'Etat français, marchand de canons, pour qui l'argent n'a pas d'odeur. Et pourtant ! Tortionnaire notoire, ancien chef des services de renseignement militaire, Trabal s'était distingué par sa bestialité dans la répression des syndicalistes combatifs et révolutionnaires comme Raul Sendic et ses camarades du Mouvement de Libération Nationale – Tupamaros emprisonnés et torturés depuis septembre 1972 et gardés en otages par le pouvoir. Toutes ses qualifications font de M. l'Attaché militaire un indésirable258. »

Après avoir vanté « la tradition antifasciste et anti-impérialiste du peuple français », les BI signalent que « l'exécution de Trabal est un avertissement259 ». Affirmant une identité d' « anti-

impérialistes conséquents [qui] ne tolèreront pas en France les agissements criminels du véritable terrorisme international, celui qui prend les peuples en otage260 », l'organisation lance des menaces

qui dépassent le cadre classique de l'extrême gauche française puisqu'elles visent ceux qu'elle considère comme des représentants de l'impérialisme dans le monde, et plus particulièrement en France en reprenant une phraséologie typique des organisations maoïstes des années précédentes :

254Le Figaro, 20 décembre 1974. 255Libération, 20 décembre 1974. 256Ibid.

257Voir à ce sujet le témoignage de Michael « Bommi » Baumann, Tupamaros Berlin-Ouest. Ou comment tout a

commencé, Paris, Presses d'aujourd'hui, 1976.

258Libération, 20 décembre 1974. 259Ibid.

« Avis donc à l'impérialisme US et aux trusts multinationaux qui arment et financent les militaires fascistes, et écrasent le continent latino-américain sous les dictatures pour le piller impunément. Avis également à la sous-humanité des tortionnaires et aux massacreurs de peuples en goguette à Paris261. »

Le communiqué se conclut par un slogan et un mot d'ordre : « Vive la lutte révolutionnaire des peuple d'Amérique Latine pour la libération nationale et le socialisme ! Mobilisons-nous pour défendre les emprisonnés politiques uruguayens262 ! »

Si la presse accorde une certaine logique à la dénonciation des activités en Uruguay du colonel Trabal, rien ne semble pouvoir pour autant justifier son assassinat, qui plus est sur le territoire français. Le deuxième attentat revendiqué par les BI dix mois plus tard, confirme la posture de l'organisation. Le 8 octobre 1975, l'attaché militaire adjoint de l'ambassade d'Espagne, Bartolomé García-Plata Valle, est victime d'une tentative d'assassinat devant son domicile, à Boulogne- Billancourt. Alors qu'il est grièvement blessé par balles, Libération joue la confusion en titrant : « Un attaché militaire franquiste abattu hier à Paris263. » Rapidement revendiqué par le commando

« Juan Paredes Manot » des BI, l'assassinat est présenté comme représailles à la mort d'un militant de l'organisation séparatiste basque ETA, et, plus largement, à la répression exercée par le régime franquiste contre les militants d'extrême gauche en Espagne. Le procès de Burgos en témoigne : seize personnes, accusées de faire partie de l'ETA, sont jugées en décembre 1970 par une cour martiale pour l'assassinat d'un policier espagnol et font de l'audience une tribune contre les pratiques de torture à l'égard des militants politiques par la police franquiste, appuyés par une importante mobilisation internationale, dont celle de militants et d'intellectuels français264. Condamnés à de

lourdes peines (dont six condamnations à mort), les militants basques continuent de bénéficier de manifestations de soutien critiquant non seulement le verdict, mais plus largement le régime autoritaire de Franco qui, sous la pression, commue les condamnations à la peine capitale en peine de réclusion criminelle. Le procès de Burgos constitue à ce titre la dénonciation du régime franquiste, largement relayée par la presse française. Alors que Le Monde indique qu' « un

261Ibid. 262Ibid.

263Libération, 9 octobre 1975.

264Gisèle Halimi, Le procès de Burgos, Paris, Gallimard, 1971. Jean-Paul Sartre en signe la préface. Outre le compte-

rendu des audiences de décembre 1970, Gisèle Halimi, avocate engagée, publie des témoignages sur la torture et plusieurs pièces du dossier judiciaire. Elle dresse également un panorama du traitement médiatique international du procès (p. 167-231). Pour le cas de la France, elle cite notamment France Soir qui dénonce « une scandaleuse parodie de procès » (30 décembre 1970), Le Figaro, avec un sens certain de l'euphémisme, pour qui le verdict « est, en tout état de cause, implacable, et l'on comprend qu'il est été accueilli avec stupeur », « inséparable de la nature particulière de ce que l'on pourrait appeler le "cas espagnol" » (29 décembre 1970), Le Monde qui estime que « c'est bien un défi lancé d'abord à une opinion étrangère, que les ultras du régime franquiste rendent totalement responsable d'une crise politique arrivée par le procès de Burgos » (30 décembre 1970).

commando révolutionnaire français revendique l'attentat commis contre l'attaché militaire adjoint de l'ambassade d'Espagne à Paris265 », une fois encore, Libération publie l'intégralité du communiqué

de revendication qui lui a été adressé. Construit comme celui de l'assassinat du colonel Trabal, il s'ouvre sur la revendication de l'attentat, motivé par la répression qui vise les militants d'extrême gauche antifranquistes, nationalistes ou antifascistes :

« La brigade internationale Juan Paredes Manot (du nom du militant de l'ETA, dit "Txiki", fusillé le samedi 27 septembre à Barcelone NDLR) revendique l'attentat contre l'attaché militaire du régime fasciste espagnol, le capitaine Garcia Plata. Cette action est la réponse conséquente des révolutionnaires français aux lâches assassinats des deux camarades de l'ETA et des trois du FRAP fusillés par les terroristes franquistes après un simulacre de procès.

« La bourgeoisie espagnole sait qu'elle devra jouer la "comédie de la libéralisation" pour être admise dans le club européen. Il lui faut plus que jamais écraser sous la terreur les masses populaires qui profiteront de la moindre brèche pour faire entendre leur voie. Comme l'état d'exception et les assassinats ne suffisent pas, les barbouzes franquistes passent la frontière sous l'oeil bienveillant des flics de Ponia : ils plastiquent et mitraillent les réfugiés anti-fascistes et les militants de l'ETA, avant garde du peuple basque dans sa lutte de libération nationale et sociale266. »

Désignant par un diminutif peu amène Michel Poniatowski, ministre d'État et ministre de l'Intérieur de Valéry Giscard d'Estaing, fervent partisan de la peine de mort, le communiqué entend également dénoncer les relations diplomatiques franco-espagnoles. Il mobilise, comme en décembre 1974, la référence à la Guerre d'Espagne, mais cette fois en évoquant nommément la structure à laquelle l'organisation a décidé d'emprunter son nom. Synonyme de la solidarité internationale envers les Républicains espagnols combattant les troupes emmenées par le général Franco, les Brigades internationales de 1936 ont incarné l'idéal antifasciste en rassemblant plus de 30 000 volontaires communistes, anarchistes ou socialistes des quatre coins du monde pour combattre aux côtés des forces républicaines267. Pièce essentielle de la mémoire militante de gauche, la Guerre

d'Espagne est donc remobilisée, quarante ans plus tard, pour justifier la tentative d'assassinat de l'attaché militaire adjoint de l'ambassade d'Espagne à Paris, comme le note France Soir (« un terme qui rappelle la guerre civile en Espagne268 ») :

« Giscard et Franco main dans la main au niveau politique, économique, militaire et policier, oublient que des milliers de Français ont combattu dans les Brigades Internationales pour que vive l'Espagne Républicaine. Ils se sont habitués aux réactions "pétitionnardes" d'une gauche qui pleure ses martyrs.

265Le Monde, 10 octobre 1975. 266Libération, 9 octobre 1975.

267Stéfanie Prezioso, Jean Batou et Ami-Jacques Rapin (dir.), Tant pis si la lutte est cruelle. Volontaires internationaux

contre Franco, Paris, Syllepse, 2008.

« Les révolutionnaires quant à eux estiment qu'il est temps de construire la gauche qui venge ses combattants. Ils considèrent les représentants, les bailleurs de fond et les propagandistes des régimes fascistes comme des criminels de guerre et ils prendront les mesures nécessaires pour les isoler politiquement et les frapper militairement269. »

Comme en décembre 1974, le communiqué s'achève sur une exhortation révolutionnaire à caractère international : « Vive la lutte des peuples d'Espagne pour leur libération nationale et le socialisme ! Plus fort les coups contre la bête franquiste à l'agonie270! » Pour Le Figaro, l' « enquête

[s'annonce] difficile après l'attentat contre l'attaché militaire de Madrid271 », d'autant que l'ETA

décline toute responsabilité dans cet attentat « qui contredit la ligne habituelle de [son] combat272 ».

Si, selon un policier cité par France Soir, « cet acte [...] n'a aucun précédent dans l'histoire du gauchisme français », le journal rappelle qu' « il y eu pourtant un précédent : l'assassinat, dans le parking de son immeuble, de l'attaché militaire uruguayen Ramon Trabal273 » et constate que « les

policiers ne semblent pas savoir, pour l'instant, dans quelle direction orienter leurs recherches274 ». Il

précise que « celles-ci ne devraient pas se diriger vers les GARI275 » car « l'attentat de mercredi n'est

pas dans le style de ces commandos anarchistes qui ont toujours évité autant que possible que leurs opérations s'accompagnent d'effusion de sang276 ». Après le 11 octobre 1975, l'enquête n'est plus

évoquée. Sept mois plus tard, les BI sont à nouveau à la Une des journaux avec l'assassinat, le 11 mai 1976, de Joaquín Zenteno Anaya, ambassadeur de Bolivie à Paris, abattu à Paris. La victime est cette fois d'un rang supérieur aux précédentes. L'attentat est revendiqué par la Brigade internationale Che Guevara, du nom du révolutionnaire cubain tué en 1967 au cours d'affrontements avec les forces militaires boliviennes, devenu une icône du Panthéon international de l'extrême gauche277. La presse monte en dramaturgie : « Le terrorisme international tue à Paris278 » titre ainsi France Soir qui précise qu' « il apparaît également que le tueur a agi en véritable "professionnel" de

"l'Internationale terroriste"279 ». Les BI sont alors présentées comme des « mercenaires d'une

idéologie quelconque, [des] professionnels de l'attentat280 ». La responsabilité du groupe fait

269Libération, 9 octobre 1975. 270Ibid.

271Le Figaro, 9 octobre 1975. 272Libération, 9 octobre 1975. 273France Soir, 11 octobre 1975. 274Ibid.

275Ibid. 276Ibid.

277Robert Frank, « Imaginaire politique et figures symboliques internationales :Castro, Hô, Mao et le "Che" », dans

Geneviève Dreyfus-Armand, Robert Frank, Marie-Françoise Lévy et Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les Années

68..., op. cit., p. 31-47.

278France Soir, 13 mai 1976. 279Ibid.

d'autant moins de doute puisqu'il indique que « l'ambassadeur de Bolivie a été "exécuté" avec la même arme (un pistolet automatique 7,65) qui avait servi contre l'attaché militaire adjoint de l'ambassade d'Espagne en octobre dernier281 ». Comme pour les deux précédents attentats

revendiqués par les Brigades internationales en 1974 et 1975, Libération publie le communiqué de l'organisation dans son intégralité. Il insiste sur le caractère vengeur de l'attentat :

« Pour nous, le fascisme n'est pas une page d'histoire ancienne, c'est la dictature ouverte des éléments les plus réactionnaires au service du grand capital. En 1976, la botte militaire écrase plusieurs continents, les grandes puissances impérialistes arment et financent les gorilles partout où leurs intérêts sont menacés par la montée des luttes populaires282. »

Les références à l'antifascisme et à l'internationalisme sont une nouvelle fois mobilisées, ajoutées à la Résistance pendant l'Occupation :

« Si les représentants du fascisme sont les amis de Giscard, ils ont toujours été les ennemis du peuple français. Ceux qui oppriment leur propre peuple, qui protègent les anciens nazis seront traités comme il [sic] le mérite [sic]. Après les "réceptions de choc" organisées en l'honneur du tortionnaire uruguayen de Trabal et le flic de Franco Garcia Plata, les révolutionnaires français continueront d'agir dans l'esprit de la Résistance et de l'internationalisme prolétarien. Assez larmoyé devant les monuments aux morts, passons à l'action directe, contre les bourreaux des peuples283. »

Comme les précédents, le communiqué se termine par une série de mots d'ordre

281Libération, 12 mai 1976. 282Ibid.

283Ibid.

Illustration 2: Libération, 12 mai 1976

révolutionnaires : « Pas un sou, pas une arme, pas un instant de répit, pour les impérialistes, les multinationales et les gorilles. La France ne sera pas la poubelle des dictatures. Vive la lutte du peuple bolivien pour sa libération nationale et sociale284. » Les BI continuent d'intriguer la presse,

au gré des attentats perpétrés. Six mois plus tard, alors qu'un attentat faisant des dégâts matériels vient tout juste de viser le domicile du président du Front National, Jean-Marie Le Pen, un nouvel attentat visant un diplomate iranien, Homayoun Keykavoussi, est revendiqué par l'organisation. « Abattu en plein Paris285 » le 2 novembre 1976, le conseiller culturel et social de l'ambassade d'Iran

à Paris a cette fois été visé par les Brigades internationales Reza Rezaï, du nom « d'un opposant marxiste-léniniste iranien, tué par la police le 16 juin, à Téhéran, lors d'un combat de rue286 ». Le Monde précise en outre que :

« Reza Rezaï était considéré comme le chef du commando qui avait assassiné, le 2 juin 1973, le lieutenant-colonel Lewis Hawkins, conseiller militaire américain en Iran, et était également accusé d'être l'instigateur de l'assassinat du général Saïd Taheri, chef de la justice militaire d'Iran, tué à Téhéran le 13 août 1972287. »

Une nouvelle fois, Libération offre un écho favorable à cet attentat dont réchappe le diplomate iranien, précisant en première page qu'il « travaillait pour les services secrets288 ». Le journal fait

état de la revendication, cette fois adressée par téléphone à l'Agence France Presse :

« Trois heures à peine après l'attentat, un correspondant anonyme se réclamant des Brigades internationales Reza Rezayi affirmait par téléphone à l'AFP "avoir exécuté le représentant en France de la Gestapo iranienne : la SAVAK". La voix ajoutait : "Cette action est en accord avec notre ligne internationaliste, nous avons administré le juste châtiment à un individu dont le rôle est de pourchasser les progressistes iraniens en France289." »

Le quotidien reprend d'ailleurs en première page la référence à la police politique du régime nazi, indiquant qu' « Homayoun Keykavoussi était un membre important de la gestapo du shah d'Iran, la célèbre Savak290 », ce qui vise à susciter l'antipathie d'un lectorat qui, s'il ne connaît pas le

nom de la victime, ne nourrit pas de sympathie particulière pour le régime monarchique iranien et sa « police politique291 » et pour lequel la référence à la police politique du régime nazi ne peut agir

que comme un puissant repoussoir.

Le 23 mars 1977, une nouvelle organisation fait son apparition : les NAPAP revendiquent

284Ibid.

285Le Figaro, 3 novembre 1976.

286Le Figaro, 3 novembre 1976 et Le Monde, 4 novembre 1976. 287Le Monde, 4 novembre 1976.

288Libération, 4 novembre 1976. 289Ibid.

290Ibid.

l'assassinat de Jean-Antoine Tramoni, moniteur d'auto-école « abattu de cinq balles292 » à Livreuil-

Brévannes, dans le Val-de-Marne. Si les NAPAP sont « des inconnus293 », leur victime ne l'est pas.

Cinq ans après, cet assassinat fait appel à la mémoire de l'extrême gauche française, dans sa déclinaison maoïste. Cet événement occupe largement l'espace médiatique, tous titres confondus, pour lesquels la dimension politique ne fait guère de doute. Le Figaro indique que Jean-Antoine Tramoni est « responsable de la mort du maoïste Pierre Overney294 », Le Monde le présente comme

« condamné pour le meurtre de Pierre Overney et libéré en 1974295 » et L'Humanité insiste sur sa

fonction de vigile chez Renault en le qualifiant d' « ex-truand du patronat296 ». Pour les titres et

sous-titres de la presse, la lisibilité politique de cet assassinat est donc, en dépit des condamnations, exemplaire. Plus que sur les circonstances de l'attentat, la presse revient longuement sur le meurtre de Pierre Overney, le 25 février 1972 et rappelle la tension entretenue par l'extrême gauche à l'époque :

« Faut-il voir une relation de cause à effet entre l'indignation provoquée à l'époque par cette affaire et le crime d'aujourd'hui, dont les conséquences, sinon les mobiles, apparaissent très politiques ?

« La sentence prononcée à l'encontre de J.-A. Tramoni – quatre ans de prison – avait paru bien légère à ceux qui dénonçaient, par la même occasion, la "violence patronale".

« […] Membre de la direction du personnel de Renault, M. Robert Nogrette avait été enlevé, le 8 mars 1972, par un "commando" se réclamant de la Nouvelle Résistance populaire, puis séquestré pendant quarante-huit heures. Mais certains amis de Pierre Overney, peut-être, n'avaient pas oublié celui qu'ils poursuivaient plus particulièrement de leur vindicte et qui incarnait, à leurs yeux, les "chiens de garde du patronat".

« Étaient-ils prêts pour autant à recourir à des mesures extrêmes pour "tester" l'impact de la méthode violente qu'ils préconisaient parfois297 ? »

En raison de ses liens avec l'extrême gauche, et le maoïsme en particulier, la position éditoriale de Libération est particulièrement attendue. Illustrée par une photographie prise par Christophe Schimmel devant les grilles de l'usine Renault-Billancourt quelques instants avant la mort de Pierre Overney alors que le vigile pointe une arme sur lui, « l'exécution de Tramoni298 » barre la première

page du quotidien, accompagné du sous-titre :« Mercredi à 19 heures, cinq ans après, le meurtrier de Pierre Overney est abattu de cinq balles de 11,43299. » Cet événement fait l'objet de deux pages

spéciales dans lesquelles un article polyphonique rend compte d' « un comité de rédaction

292Le Figaro, 24 mars 1977. 293J.B., Le Monde, 25 mars 1977. 294Le Figaro, 24 mars 1977. 295J.B., Le Monde, 25 mars 1977.