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Chapitre 1 : Notre enquête : problématique, méthode, terrain

1.4. Spécificités et différences entre la Seine-Saint-Denis et la Côte-d’Or

1.4.2. La Côte-d’Or

En conclusion, la Seine-Saint-Denis est un département marqué par un taux d’immigration très élevé, une proportion importante de familles pauvres et vulnérables. En dépit des efforts comme celui précédemment relevé, les moyens financiers et humains ne sont pas à la hauteur des besoins. Nous allons voir le contraste avec le département de la Côte-d’Or.

1.4.2.

La Côte-d’Or

Quelques éléments de contexte

Le département de Côte-d’Or se situe en Bourgogne, région en grande partie rurale (seulement 40 % des Bourguignons vivent dans les pôles urbains) et qui présente deux caractéristiques fortes : une faible densité démographique (la région est une mosaïque de 2 045 communes dont plus de 70 % comptent moins de 500 habitants) et une population vieillissante (l’âge moyen est de presque 41 ans contre à peine 39 ans pour la France métropolitaine ; 25 % des bourguignons ont 60 ans ou plus contre 21 % dans l’ensemble de la métropole.) (DRTEFP Bourgogne, Sepes, 2010).

La crise économique a touché durement cette région, où l’agriculture et l’industrie pèsent plus qu’au niveau national (1 salarié sur 5 travaille dans l’industrie). Le taux de demandeurs d’emploi a augmenté de 27,5% entre 2009 et 2012 et de 35,2% dans la zone d’emploi de Dijon. La part restreinte du secteur tertiaire, principal moteur de la création d’emploi en France depuis plus de 20 ans, y limite les possibilités d’embauche. Les activités tertiaires y sont en outre plus orientées vers le commerce et les services à la population que vers le service aux entreprises, les activités financières ou immobilières, ce qui contribue à limiter le développement du secteur. En octobre 2010, la région comptait 60 259 demandeurs d’emploi de catégorie A (8,6% de la population active), avec un chômage plus spécifiquement jeune et féminin, (10% des demandeurs d’emploi bourguignons sont des femmes de moins de 25 ans contre 8% en moyenne pour la France) ce qui s’explique en partie par la faiblesse du secteur tertiaire.) (DRTEFP Bourgogne, Sepes, 2010).

Le département de Côte-d’Or connaît plusieurs particularités par rapport à l’ensemble de la Bourgogne : il abrite la population la plus jeune et la plus diplômée de la région ; 69% de sa population vit en zone urbaine ; le département a connu la plus forte augmentation de population depuis 1999 ; le taux d’activité des 15-64 ans est de 72,2%. La zone d’emploi de Dijon est la moins touchée du département par la crise. Son économie est spécialisée dans des secteurs moins touchés (industrie pharmaceutique et secteur tertiaire). Elle connaît le taux de chômage le moins élevé de la région, avec une population diplômée de cadres et professions intermédiaires. 18,9% des actifs de moins de 35 ans de la zone d’emploi de Dijon sont diplômés de l’enseignement supérieur long, alors qu’ils sont 12,7% en Bourgogne23. Le département de Côte-d’Or dans lequel nous avons enquêté est donc plutôt privilégié, en termes de dynamisme économique, par rapport à l’ensemble de la région.

Notre territoire d’enquête en Côte-d’Or se composait essentiellement des habitants de Dijon et des communes limitrophes, mais nous avons également rencontré des personnes en zone rurale. Cela nous a permis de constater à la fois l’importance de l’offre des structures liées à la petite enfance dans l’ensemble du département, même en zone rurale, et le sentiment de délaissement de certains habitants aux frontières du département.

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Le département se caractérise par une politique sociale extrêmement active et innovante en faveur de l’accompagnement à la parentalité

Le schéma départemental Enfance - Famille de la Côte-d’Or (Conseil général, 2010) qui établit les grands axes de la politique partenariale entre l’Etat et le Conseil Général pour la période 2010-2014, fixe des orientations fortes qui signent l’inflexion importante des politiques publiques dans l’accompagnement à la parentalité. Concernant la petite enfance, plusieurs axes stratégiques se dégagent :

1) Le schéma départemental insiste sur la nécessité d’anticiper les problèmes, en focalisant l’accompagnement sur le tout début de la parentalité, lors de la grossesse. Il met en avant la nécessité de renforcer les jeunes parents ou futurs parents, décrits comme « angoissés », à l’arrivée d’un enfant, par leurs « compétences de maternage ». Outre le cadrage accentué de l’entretien psychosocial au 4è mois de grossesse, systématisé depuis 2007, l’accompagnement devra donc s’attacher à la « valorisation des compétences parentales » afin d’éviter que les difficultés rencontrées ne deviennent des problématiques familiales complexes, difficiles à gérer, voire maltraitantes ». Le texte précise qu’il faut inclure une réflexion éthique de cet accompagnement, ne pas porter atteinte à l’intimité des futures mères et parents, et veiller à ne pas stigmatiser les femmes en situation précaire.

2) L’accompagnement des familles vulnérables dès la maternité est aussi favorisé par la mise en place de liaisons très précoces entre les maternités et les puéricultrices, le développement des possibilités d’interventions des Centres d’Action Médico-Sociaux Précoce (CAMSP) dès la maternité, le renforcement du maillage entre la PMI, les maternités, les services de pédiatrie et de pédopsychiatrie, les médecins généralistes. 3) Pour répondre à l’insuffisance de l’offre d’accueil collectif et individuel de la petite-

enfance, le département privilégie le développement, notamment en milieu périurbain, des structures d’accueil collectif, reconnues comme un moyen de lutte efficace contre les inégalités. Dans les zones rurales, il encourage la création de modes d’accueil collectifs (type micro crèches). Dans la même logique, l’objectif est de développer les RAM (relais d’assistantes maternelles), d’augmenter les agréments d’assistantes maternelles (mode d’accueil prioritaire en campagne) et de favoriser leurs regroupements. Le département cherche en outre à développer une offre souple qui « permette aux parents de pouvoir mieux organiser leur vie familiale, sociale et professionnelle ».

4) Le schéma départemental souligne la transformation des pratiques professionnelles et des relations qu’entretiennent des institutions chargées de l’enfance avec les parents, dans le sens voulu par les récentes lois traitant des familles, (loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale ; loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale repensant la place des parents dans l’accompagnement, et loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance). Il s’agit désormais « d’apporter un soutien aux fonctions parentales », dans une logique de « co-construction » et de « coéducation ». L’objectif est de soutenir les parents dans l’éducation de son enfant, non de faire à leur place. La prise en compte des pères dans leurs fonctions éducatives instituant les règles d’une coparentalité effective, constitue également objectif fort.

Le soutien à la parentalité passe par le développement intensif en Côte-d’Or de lieux d’accueil/écoute parents-enfants et parents. De nombreux dispositifs liés au soutien à la parentalité et destinés à la petite enfance existent déjà dans le département, notamment les lieux d’accueil parents-enfants, habilités par le Conseil Général et gérés par des communes ou

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des associations, où « il s’agit d’offrir un espace ludique et de rencontre permettant de favoriser la relation parents-enfants en valorisant les compétences parentales » ; le REAAP, dispositif piloté par l’Agence Régionale de la Santé (ARS) ou la CAF, fédère les actions s’adressant à toutes les familles, ou d’autres initiatives (Service prévention familiale de l’ADEFO) mettent l’accent sur un accueil en direction des pères. Le département mène une politique volontariste en la matière : il compte pérenniser les lieux d’accueil/d’écoute existants, contribuer au développement d’autres lieux, et soutenir les actions mises en œuvre en direction des pères.

Pour conclure, de nouvelles normes d’action publique se dessinent ainsi, mettant l’accent sur plusieurs priorités départementales :

- Faire évoluer les rapports des professionnels chargés de la petite enfance avec les parents. Les professionnels doivent se garder de toute position surplombante, et fonder l’accompagnement sur la valorisation des compétences parentales et non la correction de leurs incapacités ;

- Développer les structures d’accueil collectives et lieux collectifs pour les assistantes maternelles, notamment afin de lutter contre les inégalités sociales ;

- Favoriser les lieux d’accueil/écoute parents-enfants et parents pour lutter contre l’isolement des familles et développer le lien social entre familles et professionnels et familles entre elles dans une dynamique de coéducation.

Cette politique volontariste et innovante est fidèlement relayée par de nombreuses structures d’accueil en Côte-d’Or, qui inscrivent ces nouvelles orientations dans des pratiques concrètes auprès de l’accueil des familles, notamment dans les centres sociaux.

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