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Bordeaux : encastrement du référentiel culturel dans le projet de ville le projet de ville

Chapitre 1 - Le référentiel culturel des villes

I.6. Transversalité de la politique culturelle

I.6.2. Bordeaux : encastrement du référentiel culturel dans le projet de ville le projet de ville

Les arts et la culture ont depuis l’ère industrielle été considérés comme des moyens privilégiés pour contrebalancer les effets nocifs du développement industriel. Ils sont ainsi devenus les partenaires d’une « pratique moderniste de l’aménagement » (Laperrière, 1998).

Dans une même perspective aménageuse, le maire de Bordeaux affirme que la culture « a un rôle fédérateur et structurant, c’est pourquoi il faut qu’elle soit présente dans chacun des projets urbains de la ville »20. La dimension culturelle participe de ce qui fait la qualité de vie d’un territoire et s’affirme comme un indispensable levier d’attractivité. Ainsi, l’action culturelle de la municipalité, au-delà d’une politique équipementielle, se réoriente vers le renforcement du projet urbain.

La culture se voit repositionnée à l’échelle du micro-territoire, appelée à accompagner et structurer l’évolution de ces quartiers qui, il y a peu, constituaient le champ d’intervention presque exclusif des professionnels de l’animation socioculturelle et ceux de la politique de la ville.

« Au niveau de la proximité, la culture est plus que jamais au centre du développement de la ville », assure l’adjoint à la culture, confirmant l’inscription du projet de la ville dans une idéologie moderniste qui vise une « structuration de l’espace urbain favorisant l’échange et l’interaction » (Laperrière, 1998). La culture est alors convoquée dans sa fonction réparatrice d’un lien social menacé voire interrompu, en raison des difficultés que rencontrent certains de ces quartiers, classés dans la géographie prioritaire de la ville. On s’étonne donc que la politique de la ville, alors même que la dynamisation des quartiers est considérée comme un outil essentiel au

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développement culturel de Bordeaux21, n’ait pas été associée à cette réflexion sur l’aménagement culturel des territoires dont elle a la charge. Or, s’il est une politique préoccupée du rapport entre culture et cohésion sociale, c’est bien la politique urbaine, au travers des nombreux projets artistiques, associant artistes et habitants, qu’elle soutient. Malgré la volonté affirmée du maire de promouvoir l’expression créative des habitants des quartiers, l’action culturelle menée par la politique de la ville ne s’inscrit toujours pas dans un projet culturel urbain global. Les agents du développement social urbain regrettent que les liens avec la politique culturelle ne soient pas plus développés, d’autant plus qu’une meilleure articulation des deux approches, spécifique et globale, permettrait de donner une autre ampleur aux projets culturels territoriaux, de même qu’une prise en charge par le droit commun légitimerait ces actions qui pâtissent d’une assignation spatiale patente.

La rhétorique politique aime à rappeler l’axe fort de la mandature actuelle qui consiste à articuler les fameux trois piliers du développement de la ville, constitués des projets urbain, social, et agenda 21.

Au travers de ces trois projets emblématiques, Bordeaux se projette comme une « métropole humaine » qui renvoie à des valeurs de « partage » et de « solidarité ». Dans une perspective de développement durable, la culture est promulguée aujourd’hui comme facteur de lien social et appelée à contribuer à l’édification d’une ville où « il fait bon vivre ». Ainsi, la directrice de la culture précise que le projet de la ville « n’est pas qu’un projet urbain. C’est un projet de gens, un projet de société. Le projet urbain c’est les murs qui permettent au projet de société de se développer ».

Bien que le maire de Bordeaux affirme de ne pas opposer dans son projet « l’animation et la culture », il n’en demeure pas moins que, dans les faits, le cloisonnement des services, doublé de la concurrence entre élus, ne facilitent pas l’interpénétration des sphères de pratiques. L’adjointe à la solidarité admet rencontrer des difficultés à persuader son homologue de la culture que les projets culturels soutenus par sa direction « ce n’est pas de l’action sociale, c’est de l’authentique action culturelle ». De son côté, l’élu aux affaires culturelles, s’il assure que les services concernés travaillent aujourd’hui ensemble, confirme que « le projet urbain est le moteur du développement culturel, pas le projet social ». En effet, peu d’actions sont développées en lien direct avec la direction des affaires sociales. L’adjointe compte pourtant sur le projet social pour faire évoluer les mentalités.

21 Cf. Le document de politique culturelle de Bordeaux sur le site de la mairie, URL :

L’élaboration du troisième projet social a ainsi été l’occasion d’expérimenter un travail interservices à partir d’un traitement transversal de la question de la solidarité. Les équipes municipales, y compris celle de la culture, ont réfléchi sur la manière dont chaque service pouvait mieux prendre en compte les plus démunis et « favoriser des rencontres dans les quartiers qui permettent de mieux vivre ensemble », explique l’élue. La réflexion commune et la déclinaison opérationnelle d’une question sociale globale auraient ainsi permis de rapprocher les agents municipaux. Il n’est pas surprenant qu’un acteur social, en la personne du directeur de l’Association des centres d’animation de quartier de Bordeaux, ait alors initié un travail sur les représentations avec les responsables de la direction de la culture, qui semblent par ailleurs satisfaits de la démarche : « Il a mis en place une démarche projet avec des acteurs qui se sont retrouvés autour de la table pour la première fois de leur vie. Des acteurs sociaux, socioculturels, culturels. Et ils se sont rendu compte que l’offre et la demande ne s’étaient jamais parlées. Ils ont mis six mois à établir un lexique commun, à parler la même langue, à dire c’est quoi un public en difficulté, un public éloigné. Et ils se sont découverts. », précise la directrice adjointe de la culture.

En attendant le grand jour de l’harmonisation des approches et de la mise en commun effective des projets, il semble difficile de parler de décloisonnement culturel effectif, même si, comme le prétend l’élu à la culture, cette dernière serait enfin devenue à Bordeaux, une « pratique sociale »

De même, ce fameux 4ème pilier du développement durable qu’il appelle de ses vœux occupe une place relativement modeste dans l’agenda 21 de la ville. La culture apparaît dans l’objectif 16 du thème 6 (sur un total de 7 thèmes), portant sur la sensibilisation et l’éducation au développement durable et sur l’élaboration d’autres formes de gouvernance. Il est question de mieux inscrire la culture dans la ville en valorisant le patrimoine culturel, en créant des événements générateurs de rencontres et de partage ou encore en systématisant l’intégration de la dimension culturelle et/ou des lieux de fabrique dans les projets d’aménagement urbain. Sur la question de la gouvernance, une allusion à la création d’assises de la culture est faite, mais force est de constater que la dimension culturelle apparaît dans l’agenda 21 de la ville, sous la forme d’orientations générales manquant d’ambition et déjà éprouvées par ailleurs. De l’aveu même du directeur du développement durable, la culture constitue « le maillon le plus faible » de l’agenda 21. Dans le projet bordelais, la dimension culturelle est avant tout sollicitée, selon lui, pour « mobiliser de façon plus joyeuse, pas seulement pédagogique mais ludique », au travers notamment de spectacles déclinant la thématique de la protection

de l’environnement. Le créneau choisi se révèle, en effet, bien étroit au regard des enjeux culturels actuels.

L’agenda 21 pour la culture, adopté par les cités et gouvernements locaux (CGLU), à Barcelone en 2004, mais dont Bordeaux n’est pas signataire22, réaffirme les principes énoncés par l’Unesco sur la promotion et la protection de la diversité culturelle et s’appuie sur la théorie des quatre piliers du développement durable proposée par Jon Hawkes (2001). Jordi Pascual formule celle-ci en ces termes : « les actions pour le développement des sociétés reposent sur quatre piliers : le pilier économique porte sur la richesse créative ; le pilier social redistribue cette richesse, tandis que le troisième pilier, l’environnemental, s’occupe de la responsabilité envers l’environnement ; la boucle du développement ne peut se fermer sans un quatrième pilier, celui de la culture » (cité par Blouët, 2008 : 18). L’Agenda 21 de la culture promeut les villes au titre d’instances privilégiées du changement sociétal et soutient que les politiques culturelles doivent portées cette ambition en proposant une approche globale, transversale et inclusive du développement. L’élaboration de nouveaux modes de gouvernance ainsi que la participation à la vie culturelle des citoyens constituant alors les modalités de la mise en œuvre.

I.6.3. Québec : une approche transversale en construction

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