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2.4 La métrologie en microélectronique

2.4.2 Les besoins en microélectronique

Les développements autour du contrôle dimensionnel sont guidés par les avancées techno- logiques en microélectronique. Par exemple, la caractérisation d’un transistor de plusieurs micromètres au début des années 1990, ne peut être identique à celle d’un transistor de quelques nanomètres aujourd’hui. De plus, la sensibilité aux défauts de gravure va très forte- ment augmenter avec la diminution des dimensions des objets. Par conséquent, les besoins autour des techniques de caractérisation ont évolué.

Les techniques

L’objectif fondamental de la métrologie est la mesure et le contrôle de dimensions atomiques, tout en maintenant un rendement de fabrication élevé. Pour ce faire, des contrôles automa- tiques, à haut-débit, non destructifs et directement intégrés à la ligne de production sont nécessaires. L’ITRS, dans son rapport mis à jour en 2013, préconise pour la métrologie une résolution de 1 % de la spécification du procédé (soit 0.4 nm) [1, 5].

La technique la plus majoritairement utilisée par l’industrie de la microélectronique est la Mi- croscopie Électronique à Balayage (MEB). Cependant, cette technique approche aujourd’hui sa limite de résolution (autour du nanomètre). De plus, l’émergence de nouveaux matériaux sensibles au faisceau électronique, tels que les polymères, entraîne également de nouvelles contraintes en terme de modification de structure lors de la mesure. Ces deux principales limites ont conduit à améliorer les performances de techniques de caractérisation déjà bien établies présentées ci-dessous.

Microscopie Électronique à Balayage (MEB)

La microscopie électronique à balayage consiste à étudier les interactions électron-matière, en scannant à l’aide d’un faisceau d’électrons (10-50 keV) la surface d’un échantillon. Elle

permet d’imager l’échantillon, avec un champ de vue de plusieurs µm2, tout en ayant une

résolution proche du nanomètre. Ainsi l’obtention d’une image directe de l’échantillon révèle instantanément la forme et l’organisation des objets, contrairement aux techniques dites d’imagerie indirecte. C’est une sonde locale à l’échelle micrométrique et il est nécessaire d’enregistrer plusieurs images pour accéder à une information statistique à plus grande échelle.

On peut distinguer deux variantes à cette approche : l’image vue de dessus, figure 2.18a, et l’image en coupe, figure 2.18b. La méthode la plus utilisée est le mode vue de dessus qui ne nécessite pas une lourde préparation d’échantillon et permet d’imager quasi-instantanément l’échantillon. Elle peut donc être directement intégrée dans une ligne de production, pour des analyses en continue. Cependant, une de ces limites majeures est qu’elle ne permet pas d’accéder à une information en profondeur. Seules des images en coupe fournissent cette information mais nécessitent une préparation de l’échantillon souvent longue, et la mesure devient destructive.

Chez tous les acteurs industriels de la microélectronique, la plupart des contrôles dimension- nels sont aujourd’hui réalisés par MEB. Cependant, sa limite de résolution a été identifiée par l’ITRS et ne serait plus adaptée à l’étude des prochains nœuds technologiques [65–67].

FIGURE2.19 – Évolution de la limite de résolution du MEB et du besoin en termes de résolution

pour la métrologie avec les nœuds technologiques [66].

La figure 2.19, extraite des travaux de Solecky et al. [66], montre l’évolution de la limite de résolution du MEB (aussi nommé CD-SEM pour "Critical-Dimension Scanning Electron Microscopy" en anglais) ainsi que le besoin en terme de résolution pour la métrologie avec les différents nœuds technologiques. La première information de ce graphe est que la limite de résolution de la microscopie a été fortement diminuée, illustrée par les carrés rouges. On peut également voir la différence de résolution sur les images MEB numérotées 3 et 4 sur la figure 2.19 effectuées sur un même échantillon. La première a été effectuée avec un microscope “ancienne génération”, numérotée 1 et la seconde avec un microscope “nouvelle génération” numérotée 2. Seule la seconde image permet une détermination précise de la largeur de lignes.

2.4. La métrologie en microélectronique Cependant, pour une mesure précise, la résolution nécessaire doit être égale à 1.5 % de la dimension de l’objet. La résolution de la microscopie à balayage n’est aujourd’hui plus suffisante. En effet, l’incertitude de mesure est de 6.5 % pour le nœud 22 nm, soit 4 fois supérieure au 1.5 % du nœud 250 nm. Cette constatation ne rend pas cette technique obsolète puisque le MEB restera une technique d’appoint mais ne pourra plus être utilisée pour une extraction précise des dimensions. Par ailleurs, les récents développements autour du MEB tels que la diminution du courant dans la colonne sont à l’étude pour augmenter la résolution de la technique [67]. De même, afin de sonder des empilements 3D, la variation d’incidence du faisceau d’électrons est aujourd’hui utilisée pour reconstruire par exemple des phénomènes de « pied » ou de pente négative sur les réseaux de lignes [68, 69].

Enfin, le % de rétrécissement sous faisceau augmente quand le nœud technologique diminue. Cet effet est aujourd’hui critique pour les polymères très sensibles au faisceau. De plus, le contraste électronique des diblocs relativement faible, ne permet pas de les différencier précisément. Nous verrons par la suite que ces problématiques de contraste électronique et de dégradation lors d’une mesure sur des BCP se retrouvent aujourd’hui pour de nombreuses techniques de caractérisation.

Microscopie Électronique à Transmission (MET)

La microscopie électronique à transmission est également basée sur l’interaction électron- matière. Le faisceau d’électrons est transmis à travers l’échantillon, permettant d’obtenir une image dont la résolution peut atteindre 0.2 nm. Cette résolution exceptionnelle a profité aux différents modes d’acquisition tels que la diffraction, l’holographie ou l’analyse de perte d’énergie.

Cependant, la préparation d’échantillons est lourde, et destructive. La technique MET est donc très peu utilisée en tant que technique de métrologie en microélectronique, mais est la technique référence pour caractériser à l’échelle atomique [70, 71].

Microscopie à Force Atomique (AFM)

La microscopie à force atomique permet de visualiser la topographie d’une surface. Une sonde locale, assimilable à une pointe, balaie point par point la surface d’un échantillon. Elle possède une résolution bien supérieure au MEB, de l’ordre du nanomètre et permet une étude en 3D de l’échantillon, cf. figure 2.20 pour l’exemple d’un réseau de lignes.

Il existe plusieurs modes opératoires donnant accès à une grande variété de propriétés de surface (mécanique, électrique et magnétique). Il est possible de mesurer l’adhérence, la déformation, la dissipation ou encore l’élasticité d’un matériau en étudiant sa réponse au contact de la pointe en mode tapping. Ainsi les différents blocs d’un BCP composés tous de chaînes carbonées possèdent des caractéristiques élastiques complètement différentes. Ces différences de comportement ont permis à Maivald et al. de réaliser des cartographies

FIGURE2.20 – Représentation 3D d’un réseau de ligne obtenue par AFM 3D [72].

bidimensionnelles avec une résolution nanométrique des différents domaines [73, 74]. Les mesures d’AFM sont cependant assez lentes et fortement dépendantes de la pointe, qui se modifie au cours du temps. Ainsi l’étude à large échelle n’est pas possible et entraîne des problèmes de reproductibilité de mesures. Par exemple, les informations telles que le profil de lignes sont fortement dépendantes de la forme et de la dimension de la pointe [72, 75]. Il faudrait utiliser des pointes spécifiques pour chaque nouvelle morphologie, ce qui n’est pas envisageable pour des contrôles en ligne. L’AFM reste cependant une technique de référence de l’étude d’objets, de taille nanométrique, déposés sur une surface, notamment autour des études de systèmes biologiques [76].

Si les différentes microscopies permettent une imagerie directe de l’échantillon, elles pré- sentent néanmoins des limites pour le contrôle dimensionnel. L’industrie des semi-conducteurs s’est donc tournée depuis quelques années vers de nouvelles méthodes, dites d’imagerie indi- recte, telles que les méthodes optiques (scattérométrie) et de diffusion de rayons X.

Scatterométrie optique pour le contrôle dimensionnel (Optical Critical Dimension, OCD) La scatterométrie optique repose sur l’interaction d’un faisceau lumineux avec le matériau. Ainsi, l’analyse de la diffraction du faisceau lumineux, en variant l’incidence et l’énergie, permet la caractérisation précise d’objets périodiques [77].

Le principe d’extraction du profil de lignes est illustré sur la figure 2.21. Pour extraire la forme des lignes, une méthode itérative est utilisée et consiste à faire correspondre le signal expérimental avec un signal simulé en faisant varier différents paramètres. Cette approche permet de modifier de nombreux paramètres simultanément et ouvre la possibilité de décrire des profils en 3D avec une grande précision. Les principaux avantages de cette méthode sont le caractère non-destructif, la résolution sub-nanométrique, le faible temps de mesure ainsi

2.4. La métrologie en microélectronique

que l’étude sur une large échelle (plusieurs centaines de µm2). Il est impossible de mesurer

un unique profil dans une zone définie.

FIGURE2.21 – Représentation d’une méthode de régression itérative pour obtenir le profil

d’un réseau de ligne par OCD.

On peut ainsi se rendre compte que plus la description de la forme de l’objet est précise dans l’algorithme itératif, plus le traitement des données et la reconstruction de l’objet réel seront rapide et précis. Il est ainsi assez courant de coupler une technique d’imagerie directe telle que le MEB et l’OCD. Ce couplage permettra également de limiter les problèmes de convergence des modèles et d’unicité de la solution qui peuvent être obtenus par la seule utilisation de l’OCD. Suite au développement de l’OCD dans le contexte de la microélectronique et aux résul- tats prometteurs, plusieurs équipements sont aujourd’hui commercialisés. Jusqu’à présent, les modèles proposés reposent sur une librairie d’indices optiques enregistrés pour les différents matériaux massifs. Cependant, des déviations d’indice ont été observées en réduisant la taille des objets jusqu’à des dimensions nanométriques. De tels effets de confinement quantique ne sont pas pris en compte par les modèles actuels pour la simulation et entraînent une perte de résolution de la technique [78].

La diffusion centrale des rayons X (Small Angle X-ray Scattering, SAXS)

Nous présentons ci-dessous un aperçu de la technique SAXS. Une description plus détaillée est donnée dans le chapitre 3.

La diffusion des rayons X est une technique analogue à l’OCD. En effet, elle est basée sur l’interaction d’un faisceau de rayons X (de longueur d’onde plus petite que celle de la lumière) avec l’échantillon, et plus particulièrement avec les électrons qui le composent. Le SAXS n’a été

que très récemment ciblé pour des applications en microélectronique. En effet, jusqu’au début des années 2000, la plupart des expériences SAXS étaient réalisées dans des synchrotrons. Aujourd’hui, plusieurs équipements de laboratoires sont commercialisés.

Le SAXS permet l’étude structurale de matériaux nanométriques. Cette technique est non destructive et apporte une information statistique avec une résolution sub-nanométrique. Son principal avantage est qu’elle permet d’extraire des informations précises indépendamment de la taille des objets.

FIGURE2.22 – Diffusion centrale des rayons X en transmission (SAXS) et en réflexion (GISAXS). On peut distinguer deux géométries de mesure, illustrées sur la figure 2.22 : un mode en transmission, appelé SAXS [79], et un mode en réflexion en incidence rasante, le GISAXS [80]. Alors que le SAXS permet une étude morphologique et structurelle de matériau « bulk », le GISAXS est adapté à l’étude d’objets ou de films minces déposés sur un substrat.

Le SAXS et le GISAXS consistent à mesurer l’intensité diffusée par l’échantillon, au voisinage de l’origine du réseau réciproque. Ce signal de diffusion provient des variations de la densité électronique dans l’échantillon à l’échelle du nanomètre jusqu’au micromètre. Ce sont donc des techniques de caractérisation indirecte. Pour le contrôle de dimension critique, le SAXS et le GISAXS ont montré des résultats prometteurs et ont été ciblés comme des techniques prépondérantes dans la caractérisation des futurs nœuds technologiques [2, 3]. Néanmoins, il n’existe pas à ce jour d’équipement de laboratoire permettant de réaliser des mesures SAXS et GISAXS avec des temps de mesures compatibles avec la production à grande échelle.

Nous avons vu dans ce premier chapitre qu’un besoin en termes de caractérisation mor- phologique et dimensionnelle était présent. L’absence d’une technique unique capable de caractériser l’ensemble des procédés en microélectronique laisse place au développement de nouvelles techniques de caractérisation. Suite au constat de l’ITRS roadmap autour de l’apport de la diffusion des rayons X dans cette thématique, mes travaux de thèse se sont orientés autour du développement du SAXS et du GISAXS. En effet, l’utilisation de ces deux techniques pour la lithographie est très récente et peu développée (mis à part le NIST). Un travail autour de ces deux approches est nécessaire, afin de mettre en évidence les informations accessibles

2.4. La métrologie en microélectronique et avec quelle précision, et de développer le traitement de données, pour les adapter afin de répondre aux demandes de la microélectronique.

Dans le prochain chapitre, l’étude de nano-objets par diffusion centrale des rayons X en configuration transmission et en configuration réflexion est présentée. Après un rappel des différentes approches théoriques de la diffusion des rayons X, nous décrirons les équipements opérationnels pour de telles mesures et les méthodes de traitement de données utilisées.

angles

3.1 Interactions Rayons X-Matière