• Aucun résultat trouvé

Conclusion de chapitre

Chapitre 2 : Les carrières

2.1. Entrer dans le métier

2.2.3. Ne pas faire de bande dessinée

Notre corpus est extrait du dépouillement de trente-deux illustrés qui tous ont la particularité de proposer des bandes dessinées à leurs lecteurs. En conséquence, les bandes retrouvées sont dessinées par près de 80 % des dessinateurs de l’échantillon ; faire partie des 20 % de dessinateurs restants est donc un fort signe de démarcation, voire l’indice d’une stratégie spécifique sur le marché du dessin. Dans leurs exercices de fonctions au sein des illustrés, ces dessinateurs privilégient soit le dessin d’humour, soit l’illustration, rarement les deux ensemble.

Le dessin éditorial

Dans la typologie de fonctions isolées lors du dépouillement, ce sont les termes de « dessin simple » ou de « gags » qui ont été retenus, car il y a peu de dessins politiques et encore moins des caricatures, mais plus généralement des vignettes à caractère unique qui n’impliquent aucun caractère séquentiel ou sériel qui permettrait de les confondre avec de la bande dessinée. Cette définition correspond – à la séquentialité près – à celle que fait Baudry du « dessin humoristique pour la presse, deéfini par sa forme (dessin ou seéquence de dessins formant un gag visant aà faire rire, sourire ou reéfleéchir) et par son mode de diffusion (dans toute forme de publication peériodique)519 ». Ces dessins sont parfois directement issus de la presse adulte, même quand ils sont destinés à un public beaucoup plus jeune et ils tendent à s’inspirer du modèle du « gag » anglo-saxon et peuvent être désignés comme tels. Pour autant, exercer la fonction de « dessinateur simple » dans les illustrés ne signifie pas nécessairement avoir une pratique parallèle de dessinateur de presse, tant les dessinateurs peuvent y être amenés pour les seuls besoins de leur rédaction, d’autant plus que cette pratique augmente fortement [tableaux 42]. De ce point de vue, il est donc possible de nuancer l’affirmation de Pascal Ory selon qui, entre le dessin de presse et la bande dessinée, « la non-confusion des deux genres reste une règle qui souffre peu d’exceptions520 »: Robert Rigot produit ainsi des pages d’actualité comme journaliste professionnel tout en illustrant plus de 45 albums au cours de sa carrière521. Certes, Pascal Ory part d’une définition implicite du dessin de presse comme dessin politique ou caricature, mais au regard de la variété des productions

519 J. Baudry, La bande dessinée entre dessin de presse et culture enfantine, op. cit., p. 25.

520 Pascal Ory, « Pour une révolution européenne » dans Pascal Ory et al. (eds.), L’art de la bande dessinée, Paris, Citadelles & Mazenod, 2012, p. 310. 

dessinées dans la presse pendant les années 1950 et 1960, cette acception paraît réductrice.

Dans le cas des dessinateurs qui produisent presque uniquement ce type de dessins et ne touchent guère à la bande dessinée, la démarche est toutefois différente. Certains d’entre eux n’ont d’ailleurs même pas de contact direct avec ces organes de publication jeunesse, qui achètent leurs gags via une agence de presse. Contrairement à leurs confrères des illustrés, leur démarche est toujours « ambulante522 » voire teintée de méfiance « à l’égard des contrats d’exclusivité523 ». Dans leurs demandes à la Commission de la carte, les dessinateurs-reporters multiplient le plus souvent les preuves d’emploi pour pouvoir atteindre le minimum de ressources demandé par la Commission. Si leur carrière est bien installée, ils peuvent néanmoins se permettre d’être liés de manière quasi-exclusive à un quotidien, à l’instar de Saint-Ogan au Parisien Libéré. Selon Christian Delporte, les dessinateurs les plus réputés se fixent après-guerre en équipe dans chaque rédaction. Ainsi, au Parisien Libeéreé, Saint-Ogan retrouve Pol Ferjac, Michel Douay et Moisan, et travaille avec Grum et Claude Raynaud qui le remplacent reégulieàrement au poste de dessinateur eéditorialiste524.

Ces dessinateurs appartiennent à la catégorie de dessinateur de presse « adultes », soit au sens politique traité par Christian Delporte, soit dans une acception d’humoriste, soit encore en tant que « reporter-dessinateur », un titre qui leur est attribué par la CCIJP quand ils obtiennent une carte de journaliste. Dans le corpus, près de trois quarts des « dessinateurs simples » qui ne touchent pas à la bande dessinée ont bien fait leur carrière dans une de ces branches et ce à toutes les générations. Tous ont fait la demande d’une carte de journaliste, qu’ils ont d’ailleurs obtenu pour la plupart, sans rencontrer autant de difficultés que leurs collègues qui travaillent pour les journaux pour enfants. Ils évoluent d’ailleurs dans d’autre syndicats que ces derniers : Cardon rejoint la section « dessinateurs » de la CGT Journalisme, Dubouillon celle du SNJ [Syndicat national des Journalistes]. Bref, même s’ils leur arrivent d’être collègues avec des auteurs plus polyvalents ou spécialisés dans d’autres branches du métier, leurs stratégies de carrières sont relatives à l’univers de la presse. Comme le rappelle Gus [Gustave Erlich] dans un mouvement d’humeur à la Commission :

522 J. Baudry, La bande dessinée entre dessin de presse et culture enfantine, op. cit., p. 30. 523 C. Delporte, Les crayons de la propagande, op. cit., p. 16.

[Ici-Paris] publie régulièrement huit dessins de moi dans chaque numéro depuis une dizaine d’années, ce qui me vaut le plaisir d’être honorablement connu de millions de lecteurs qui ne sont pas, je dois le dire, membre de la Commission de la Carte.

Paris-Jour, de son côté, publie de moi un dessin d’actualité quotidien, en deuxième

page, dans un emplacement réservé à cet effet, avec une signature grosse comme ça. […] Faut-il croire que le fait de dessiner constitue une activité particulièrement louche relevant d’une enquête particulière525 ?

Leur notoriété possible liée à la publication dans des quotidiens ou des périodiques adultes à tirage souvent national constitue leur premier critère de définition, et les rattache donc à la posture plus traditionnelle et prestigieuse du dessinateur de presse journaliste. Le second critère de définition est lié, très fortement, au fait de ne (presque) pas faire de bande dessinée et les inscrit alors, en négatif, au cœur des changements en train d’advenir dans le milieu du dessin dans les années 1950 et 1960526. Ne pas pratiquer la bande dessinée devient un trait caractéristique de leur profession ; malgré les encouragements de Goscinny, Sempé « ne savai[t] pas faire ça, et puis ce [qu’il] voulai[t] faire, c’était du dessin humoristique uniquement527 » et ce « n’était pas [le] genre » d’Henri Morez qui « inventai[t] des gags ». Celui-ci ajoute : « La bande dessinée, je détestais. Des fois, ça peut paraître singulier mais, j’avais du mal à lire Astérix528 ».

Pour autant, il est un peu rapide de qualifier de traditionnelle la profession de dessinateur de presse au regard d’une modernité qui toucherait uniquement les dessinateurs de bande dessinée ou de journaux pour enfants. L’ensemble des dessinateurs-illustrateurs du corpus héritent de la même culture professionnelle qui, selon Florent Champy, est certes construite historiquement, mais n’évolue pas moins pour demeurer un système fonctionnel. Malgré la diversité des intérêts et des pratiques des dessinateurs étudiés, il faut donc « considérer aussi l’unité de la culture avec laquelle les membres d’une profession travaillent529 ». Dans les faits, le profil sociodémographique des dessinateurs de presse est proche de celui des autres dessinateurs de l’échantillon : il ne s’agit donc pas d’une génération plus ancienne. Plus encore, aucun d’entre eux ne

525 CCIJP, Paris, Dossier Gustave Erlich, Gustave Erlich à M. Roger Nahon, Président de la Commission de la Carte, 11/12/1960.

526 En cherchant attentivement, on peut néanmoins retrouver des bandes dessinées produites par l’un ou l’autre d’entre eux, le plus souvent à l’intérieur des quotidiens auxquels ils participent et pour les besoins de la rédaction.

527 M. Lecarpentier, Enfances, op. cit., p. 95.

528 Entretien avec Henri Morez [Hers Askenazi], 02/08/2016.

commence à travailler avant 1923, ce qui semble bien être le signe d’un renouvellement générationnel dû en partie à une demande croissante de presse d’opinion. Christian Delporte va même plus loin puisqu’il remarque que « sur les 46 participants du salon Satire 35 (caractéristique, pourtant, du renouvellement du milieu du dessin de presse des années 1930), environ un sur quatre seulement poursuivit carrière » à la Libération. Dans le même temps :

Les dessinateurs n’avaient jamais été autant sollicités. Un même quotidien en accueillait jusqu’à sept ou huit […] Incontestablement, le public, privé durant quatre ans des impertinences des caricaturistes, plébiscitait leurs œuvres dans les journaux. Le retour du dessin de presse marquait à la fois la renaissance de la liberté d’expression dont il était une manifestation majeure, et le désir ardent des lecteurs à rire de nouveau sans crainte530.

Or, ce renouvellement touche également les autres secteurs du dessin : via le prisme des illustrés où ils ont été retrouvés, les dessinateurs « de presse » semblent donc s’accorder à leur époque. Ils en exagèrent même certains traits : à l’exception de l’Allemande Sonja Hopf, tous sont des hommes. Aucune ouverture aux dessinatrices de presse, donc, malgré la présence de certaines exceptions hors de l’échantillon, à l’instar de Muriel Dauphin, la femme de Jacques Naret, qui collabore à L’Humanité dans les domaines du dessin humoristique, de l’illustration de nouvelles et de la bande dessinée. Christian Delporte constate pour sa part une diversification sociale vers le bas des dessinateurs de l’immédiat après-guerre et une plus grande importance des pratiques autodidactes liées à la volonté de devenir journaliste plutôt que peintre531. Au contraire, dans l’échantillon étudié ni l’origine sociale ni le taux de formation artistique ne semblent différer grandement de l’époque précédente ni des résultats obtenus par Delporte sur son échantillon de 57 dessinateurs532. En particulier, les dessinateurs portés vers la presse privilégient toujours en premier lieu les Beaux-Arts. Delporte étudie toutefois les dessinateurs de presse politique uniquement.

En réalité, depuis Moïse Depond (Mose) jusqu’à Alain Dubouillon en passant par Henri Morez et Jacques Faizant, la profession de dessinateur de presse « adulte » s’entend à la fois dans son acception classique étudiée par Christian Delporte (humoriste, politique,

530 C. Delporte, Dessinateurs de presse et dessin politique en France, des années 1920 à la Libération, op. cit., p. 841-843.

531 Ibid., p. 16. 532 Ibid., p. 97.

parlementaire, à l’intérieur d’un organe de presse national ou régional) et dans une acception plus moderne (de reportage, satirique, absurde, graphique et pouvant s’exercer au sein de revues adultes destinées au dessin comme Bizarre, Hara-Kiri ou de revues spécialisées comme Elle). La présence dans le dépouillement de périodiques comme Hara-Kiri illustre bien les multiples sens que peut recouvrir cette fonction : tous les dessinateurs de Hara-Kiri reçoivent leur carte de journalistes ; pourtant, le périodique fait se côtoyer tous types de dessins et demande à ses collaborateurs une polyvalence de ton et de style nécessaire même dans le dessin politique. En se penchant sur la recomposition des publications de l’époque, il s’agit donc de comprendre pourquoi la répartition entre dessinateurs humoristes et politiques qui, selon Christian Delporte, avait permis de différencier avant-guerre la nouvelle génération de journalistes de l’ancienne d’artistes, n’est plus de mise. C’est que l’accession au statut de « journaliste » est désormais moins dépendante du type de dessin que du type de journal auquel participent ces dessinateurs.

D’une part, le renouveau du dessin de presse à la Libération ne se comprend plus au sens strict de dessin d’actualité ou de dessin politique. Le sondage effectué dans France-Soir a permis de trouver dès 1947 des dessins de presse en première page, signés d’abord par Jean Effel et Jean Bellus. À L’Humanité, si ces dessins sont encore rares en 1946, ils s’imposent assez vite, et sont signés Donga, Mittleberg (Tim), Jacques Naret ou Kamb, des dessinateurs que l’on retrouve dans ces pages jusqu’à la fin des années 1960, tandis qu’apparaît par ailleurs le dessin de reportage. Pourtant, selon Alain Dubouillon, la demande en dessin politique est limitée :

Il y a eu un grand creux. Parce qu’au XIXe, il y avait énormément de dessins… Quand la photo a pris le pouvoir après la guerre, les dessins ont été un peu mis de côté. Personne n’avait de formation de dessinateur d’actualité ou politique, alors qu’en Angleterre ils avaient conservé ça très longtemps, cet aspect de la satire533.

En 1959, dans un article intitulé « Feu le dessinateur reporter » de la revue Écho-Dessins, André Galland se fait l’écho de ce constat désabusé d’un métier qui disparaît avec la photographie, et où il ne compte plus qu’une douzaine de confrères :

Trente-huit ans de dessins d’actualité pris sur le vif dans les grands quotidiens, les illustrés de France et d’Europe, vingt ans à l’Illustration – les assises, l’Assemblée

nationale… […] Je ne cache pas que si ça ne rapportait pas grand-chose […], cela était passionnant534.

Il faut dire que les quotidiens généralistes l’emportent sur la presse d’opinion dès 1947535 : le nombre de pages concernées par le seul dessin politique ou d’actualité reste faible et peu susceptible de fournir à elles seules un salaire convenable à un dessinateur. En Belgique, celui-ci a encore plus de mal à se maintenir : dans Le Peuple, les premières signatures après-guerre sont françaises, et là comme au Soir seuls les gags ont une place régulière dans les maquettes dans les années 1950 et 1960. En revanche, les hebdomadaires politiques et éditoriaux s’imposent536, et avec des revues comme Témoignage Chrétien, France Observateur et l’Express, le dessin « éditorial » côtoie désormais le dessin uniquement « politique ». Il s’agit là d’un terme directement inspiré de la tradition anglo-saxonne de l’editorial cartoon. En Belgique comme en France, quotidiens et hebdomadaires importent des dessins d’humour des revues anglo-saxonnes telle Punch. Le Soir belge ouvre même une rubrique intitulée « L’esprit à l’étranger » à partir de 1957. Pour illustrer ce propos, C. Delporte cite le dessinateur Tim Mittelberg, pour qui commence à la Libération le « règne du dessin rigolo537 ». Le qualificatif d’ « éditorial » s’avère utile pour comprendre la frontière fine qui existe entre le dessin de presse, la caricature et le dessin d’humour et remettre en cause la répartition entre dessin « politique » et « artistique ».

D’autre part, le dessin d’humour est remis à l’honneur à la Libération mais sous une nouvelle forme plus avant-gardiste et liée à l’absurde. C. Delporte note lui-même que le dessin politique devient « le parent pauvre » alors que s’impose une « nouvelle forme d’humour au second degré », liée à un nouveau contexte : « changement d’individus, changement d’état d’esprit, changement des sources et des formes de l’humour, changement des aspirations des lecteurs538 ». D’un côté, la presse adulte s’ouvre à d’autres types de dessins que celui des scènes grivoises ou proches du vaudeville qui, dans les années 1950 encore, faisait leur fonds de commerce539. À titre d’exemple, la bande dessinée de Jean-Claude Forest, Barbarella, est publiée dans les pages de

V-534 André Galland « Feu le dessinateur reporter », Écho-Dessin no 75, avril 1959, p. 4.

535 Fabrice d’Almeida et Christian Delporte, Histoire des médias en France: de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2010, p. 165  -166.

536 C. Delporte, C. Blandin et F. Robinet, Histoire de la presse en France, op. cit., p. 159.

537 C. Delporte, Dessinateurs de presse et dessin politique en France, des années 1920 à la Libération, op. cit., p. 843. 538 Ibid., p. 852.

539 Voir par exemple « Les petites femmes leur assurent leur pain quotidien », V-Magazine no 393, 13/04/1952, à propos de David, Dubout, Effel, Faizant, Ferjac, Gad, Gus, Moallic, Monnier, Peynet, Pichard et Soro.

Magazine, une revue jusque-là plus connue pour ses dessins légers. De l’autre, des revues comme Hara-Kiri, et même Pilote dans une certaine mesure à la toute fin de la période, développent un humour de l’absurde graphique, inspiré à la fois par la tradition du nonsense anglo-saxon (et plus précisément par la lecture de la revue satirique américaine Mad), par la satire française et par plusieurs courants de l’avant-garde littéraire et artistique (la ’Pataphysique, le dadaïsme, le surréalisme). Les revues L’Os à moëlle (1938, en France) puis Pan (1946, en Belgique) et surtout Bizarre (1953, en France chez Éric Losfeld, puis Pauvert) sont pionnières dans ce genre où les frontières entre la prise de parti politique, artistique et sociale sont brouillées, remettant sur le devant de la scène des aspirations « artistiques » que Delporte avait pourtant vu décroître avant la Libération. Ce changement est générationnel : c’est la découverte des atrocités de la Seconde Guerre mondiale, la réalité de la menace nucléaire et l’absurdité des guerres coloniales, notamment les « événements » d’Algérie qui vont en fait guider le tournant du dessin absurde et sans parole, lui-même fortement lié aux avant-gardes situationnistes, surréalistes et dada540. Grâce à l’écart à l’indépendance, le tableau 42.2 permet bien de lire le progrès du dessin simple pour les seules cohortes « Modernes » et « Jeunes », qui sont à la fois les cohortes concernées au plus près par ces événements politiques et par l’évolution du dessin d’humour. Ce progrès est bien plus important que celui qui concerne la bande dessinée. Siné, Reiser ou Cavanna figurent parmi les grands noms de ce renouveau ; c’est aussi le cas de Cabu, qui commence par dessiner une « rubrique militaire » dans Hara-Kiri à son retour du contingent, ou de Bosc qui revient d’Indochine et produit également dans la revue des dessins antimilitaristes541. À sa manière, Dubouillon a perçu cette différence qui s’installe peu à peu et qu’il lit bien comme un écart qui sépare la nouvelle génération de ses aînés :

Il n’y avait pas d’actualité à l’époque, c’était ce qu’on appelle des dessins d’humeur, des gags, pour diversifier, pour illustrer un peu. Il y avait Sempé aussi, qui faisait une page, Bosc commençait à faire une page, il y en avait pas mal, toute l’ancienne école quand même. Mais Paris-Match prenait plutôt des dessinateurs, un peu d’avant-garde, enfin pas d’avant-d’avant-garde, mais moins classiques que certains quoi. […] Je me souviens, avec les dessinateurs de l’ancienne génération, ils faisaient des petites

540 Laurent Gervereau, « Cartographie des représentations de la guerre d’Algérie » dans Laurent

Gervereau, Jean-Pierre Rioux et Benjamin Stora (eds.), La France en guerre d’Algérie: novembre 1954-juillet

1962, Nanterre, Musée d’histoire contemporaine-BDIC, 1992, p. 185.

541 Jessica Kohn, « La “vie militaire” de Cabu : du Bled à   Hara-Kiri, Cabu et la guerre d’Algérie » dans Anne-Claire Bondon et Philipp Leu (eds.), L’image contestataire. Les pouvoirs à l’épreuve de la culture

histoires de société de l’époque, avec des histoires de nanas, de cocus, des histoires rabelaisiennes, avec des histoires de grand-mères, de gendres… satiriques des fois, mais toujours dans le carcan conservateur. Donc il y avait un paquet de dessinateurs, on pouvait les énumérer comme ça. Nous on venait après. Même moi, qui n’était pas très féroce… Les dessinateurs quand on a vu arriver Reiser on s’est dit « ce type-là il va foutre la merde ». Et c’est ce qu’il a fait542.

Dubouillon décrit avec justesse un style « féroce » et moderne, tant dans les sujets abordés que dans la manière de le dessiner. À ses débuts, Siné, inspiré par Saul Steinberg, n’arrive que progressivement à imposer ce type de dessins, qu’il décrit avec le même vocabulaire :

En fait, c’est parce qu’ils trouvaient ça trop violent. D’une part, les idées les choquaient, et d’autre part le style les heurtait un peu car il n’était pas habituel. C’était trop graphique, trop intello…[…] j’ai plutôt vendu dans des journaux un peu snobs, comme Arts, La Parisienne et d’autres dans le même genre, dirigés par des intellos543.

Ce style du dessin mordant tant dans le trait que dans le propos a du mal à trouver un