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Polymérisation par ouverture de cycle de l’ε caprolactone (ε –CL) catalysée par les acides

II. B.1 Compréhension du mode d’action par l’expérience

II.B.1.a. Mime de catalyseurs bifonctionnels

Quelques exemples de catalyseur bifonctionnels existent dans la littérature et nous nous sommes inspirés de l’un deux pour tenter d’avancer dans la compréhension du mode d’action des acides sulfoniques. En effet, le système thiourée/amine tertiaire est un système catalytique largement utilisé pour la ROP de lactide31 et de ses dérivés,32 pour lequel la partie

thiourée active le monomère par deux liaisons N-H à caractère acide et l’amine tertiaire active

31 (a) A. P. Dove, R. C. Pratt, B. G. G. Lohmeijer, R. M. Waymouth, J. L. Hedrick J. Am. Chem. Soc., 2005, 127,

13798-13799. (b) M. W. Kiesewetter, E. J. Shin, J. L. Hedrick, R. M. Waymouth Macromolecules, 2010, 43, 2093-2107.

32 (a) O. Thillaye du Boullay, N. Saffon, J.-P. Diehl, B. Martin-Vaca, D. Bourissou Biomacromolecules, 2010,

11, 1921-1929. (b) R. Pounder, A. P. Dove Biomacromolecules, 2010, 11, 1930-1939.

S

O

O

O

R

H

O base de Lewis

= Activation de l’amorceur protique Acide de BrØnsted

= Activation du monomère

de son côté l’alcool par son caractère basique. De plus, que l’amine et la partie thiourée se trouvent ou non sur la même molécule, n’influe que peu sur l’activité du système catalytique (Figure 1.20).

Dans la section précédente, nous avons observé que l’acide chlorhydrique était de manière surprenante moins actif que l’AMS pour la ROP de l’ε-CL. Nous avons donc essayé de transposer le concept thiourée/amine à notre cas en mimant l’AMS par une sulfone et HCl. Une accélération de la cinétique de polymérisation par rapport à HCl seul prouverait que la présence d’accepteurs de liaison hydrogène (S=O) favoriserait la polymérisation et pourrait aller dans le sens d’une activation bifonctionnelle de la part des acides sulfoniques.

Expérimentalement, l’ajout du sulfone n’a malheureusement aucune influence sur la cinétique de polymérisation catalysée par l’acide chlorhydrique. Cet essai ne nous renseigne

Figure 1.20 Système thiourée/amine bi-ou monomoléculaire

donc pas sur un possible rôle des atomes d’oxygène des acides sulfoniques dans le mode d’action des acides sulfoniques.

II.B.1.b. Etude RMN

Une autre possibilité envisagée est une étude RMN 1H de différents mélanges entre une lactone, un alcool et un acide sulfonique. La lactone choisie est la γ-butyrolactone (GBL) car elle n’est pas polymérisable dans ces conditions, elle restera donc sous la forme lactone tout au long de l’étude RMN. Elle peut ainsi mimer les interactions possibles entre le monomère, l’alcool et l’acide, qui seront respectivement le pentanol et l’AMS.

Pour recueillir des indices sur un potentiel mode d’action bifonctionnel des acides sulfoniques, les interactions recherchées sont une activation acide de la GBL et une activation basique du n-pentanol par l’AMS. Ces différentes interactions modifient la densité électronique à proximité du site d’activation et donc le champ de résonance des protons environnants. Les variations des déplacements chimiques peuvent donc nous renseigner sur la nature des interactions en présence entre les différentes espèces.

Tableau 1.7. Déplacements chimiques de protons caractéristiques en fonction du mélangea

δ (HA) (ppm) δ (HB) (ppm) δ (HC) (ppm) Composés seuls 4,165 3,483 3,180 A + C 4,410 - 2,995 B + C - 3,769 2,903 A + B + C 4,286 3,705 2,859 a RMN 1H 300MHz dans CDCl 3

La GBL et le n-pentanol sont d’abord étudiés seuls avec l’AMS (A+C et B+C) puis tous ensemble (A+B+C). Pour chaque composé, on relève le déplacement chimique de protons proches des sites d’activation présumés : un méthylène en alpha de la lactone et de l’hydroxyle pour la GBL et le pentanol, et le méthyle pour l’AMS. Ces déplacements sont ensuite comparés avec ceux des composés pris séparément.

L’analyse du mélange entre la GBL et l’AMS (A+C) montre un déblindage ∆δ(HA) =

+0,25 ppm des protons HA de la lactone, indiquant une baisse de la densité électronique dans

son proche voisinage, caractéristique d’une activation acide de la lactone. L’effet inverse est observé du côté de l’AMS avec un blindage ∆δ(HC) = -0,19 ppm, cohérent avec une

augmentation de la densité électronique de leur côté.

Les variations des déplacements chimiques suivent la même tendance pour le mélange entre le n-pentanol et l’AMS (B+C). Le déblindage pour le signal correspondant à HC ∆δ(HC)

= -0,28 ppm est plus marqué que pour la lactone, ce qui est cohérent avec la différence de basicité des deux oxygènes correspondants. Cette valeur traduit une interaction préférentielle avec l’hydrogène de l’acide plutôt que par l’oxygène basique lié au soufre.

Voyons si cette tendance peut être inversée au sein d’un mélange entre la GBL, le n- pentanol et l’AMS (A+B+C) et aller dans le sens d’une activation bifonctionnelle de la part de l’AMS. Les variations de déplacements ∆δ(HA) et ∆δ(HB) ont des valeurs absolues moins

élevées que chacun pris séparément en présence d’AMS. Elles indiquent de nouveau une interaction avec l’hydrogène de l’acide, i.e. la protonation de la lactone et de l’hydroxyle respectivement. Le déplacement du méthyle de l’AMS le confirme : il est plus fortement déblindé dans ce cas avec ∆δ(HC) = -0,32 ppm. Le proton de l’acide possède dans ce cas des

possibilités d’interaction avec la lactone et avec l’alcool. Il est ainsi partagé entre les deux espèces, ce qui est cohérent avec les valeurs intermédiaires de δ(HA) et δ(HB).

Ces mélanges ne nous renseignent donc pas sur une possible implication des oxygènes de l’AMS liés au soufre pour activer l’alcool. Par contre, ils nous confirment que l’activation du monomère et la désactivation de l’alcool peuvent effectivement rentrer en compétition lors de la polymérisation. Ceci est en accord avec les équilibres illustrés Figure 1.16. et avec les conclusions tirées de la chute d’activité de l’acide triflique lorsqu’il est utilisé en excès.

La lecture des déplacements chimiques correspond à une observation moyenne des interactions présentes dans le milieu. Cette étude n’exclut donc pas un mode d’action bifonctionnel des acides sulfoniques, qui pourrait être d’une occurrence faible et non détectable par une analyse RMN, mais dont l’efficacité entraînerait la polymérisation. En conséquence, il n’est pas aisé d’obtenir expérimentalement des indices sur un mécanisme mettant en jeu des interactions faibles comme les liaisons hydrogènes avec un état de transition à trois molécules. Nous nous en remettons à une étude théorique pour en savoir plus sur le mode d’action des acides sulfoniques lors de la ROP de l’ε–CL.