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III. Configurations d’écoulements et modes d’atomisation observés

III.2 Ecoulements stratifiés et annulaires

III.3.2 Atomisation primaire

Figure III.13

Schématisation des différentes étapes de la rupture en sac et de la rupture en ligaments d’une goutte exposée à un écoulement gazeux (Azzopardi 1997).

L

es deux principaux modes d’atomisation généralement reconnus dans la littéra- ture pour l’atomisation d’un volume de liquide par un écoulement gazeux sont la rupture en ligaments (ligament break-up) et la rupture en sac (bag break-up). Ces deux mécanismes sont schématisés sur la figure III.13 pour le cas d’une goutte sphérique. Dans le premier, le cisaillement exercé par le gaz a pour effet d’étirer des filaments de la surface du liquide. Ceux-ci s’allongent rapidement sous l’action des forces aérodynamiques et finissent par se fragmenter en gouttelettes de différentes tailles selon un processus qui n’est pas sans rap- peler la brisure de Plateau-Rayleigh d’un filet fluide (Charru 2007 ). Dans le second cas, le volume liquide a tendance à s’aplatir jusqu’à prendre la forme d’une "crêpe" (perpendi- culaire à l’ecoulement gazeux). Le centre de celle-ci se met ensuite à gonfler à la manière d’une bulle de savon jusqu’à former une fine membrane entourée d’un bourrelet liquide plus épais. La rupture a ensuite lieu en deux étapes : l’explosion extrêmement rapide de la membrane en une multitude de très fines gouttelettes est suivie de la brisure du bourrelet, sous l’effet d’une instabilité capillaire, en des gouttes dont le diamètre est du même ordre de grandeur que l’épaisseur du bourrelet.

Il est particulièrement intéressant de noter que ces deux mécanismes de rupture se re- trouvent dans des configurations qui peuvent sembler à priori très différentes parmi les- quelles on peut citer :

– La fragmentation d’une goutte brusquement soumise à un courant gazeux (e.g. Krezczkowski 1980, Pilch et Erdman 1987, Hsiang et Faeth 1992, Chou et al. 1997, Chou et Faeth 1998, Lee et Reitz 2000, Bossa 2007 ).

– L’atomisation d’un jet liquide cisaillé ou non par un écoulement de gaz coaxial (e.g. Lasheras et Hopfinger 2000, Sallam et al. 2002, Marmottant et Villermaux 2004, Dumouchel 2008 ).

III.3 Atomisation de gouttelettes

Figure III.14

Ruptures en sac (images du haut) et en ligaments (images du bas) observées par Marmottant et Villermaux 2004 (a), par Boulesteix 2006 (b), et lors de nos

– L’arrachement de gouttelettes par un écoulement gazeux au-dessus d’un ressaut hy- draulique (Boulesteix 2006 ).

Ces modes de rupture semblent donc se produire dans la majorité des applications où la production de gouttes est due à un écoulement gazeuxi. En ce qui concerne plus spécifi-

quement les écoulements gaz-liquide en conduite, ces deux mécanismes ont également été identifiés comme prédominants pour l’atomisation de gouttelettes (Azzopardi 1997, Badie et al. 2001 ). Cela est confirmé par les observations effectuées dans notre étude. La figure III.14(c) montre un exemple d’événements de rupture en ligament (cf films III.13, III.14, III.15 et III.16) et de rupture en sac (cf films III.17, III.18 et III.19) observés dans notre dis- positif expérimental. A titre de comparaison, les images de ces deux phénomènes obtenues par Marmottant et Villermaux (2004 ) ainsi que par Boulesteix (2006 ) sont respective- ment présentées sur la figure III.14(a) et III.14(b). Compte-tenu des différences entre les configurations d’écoulements visualisées dans ces trois études, la similitude entre les modes d’atomisation observés est frappante. Notons tout de même que dans le cas d’une goutte ou d’un jet liquide, c’est la structure dans son ensemble qui est sujette à la rupture en sac, alors que dans le second mécanisme la fragmentation intervient par l’intermédiaire de plu- sieurs ligaments se développant sur la périphérie du volume de liquide, là où le cisaillement exercé par l’écoulement gazeux est le plus important (cf figures III.14(a) et III.13). Les sacs semblent donc se former dans ces configurations à une échelle de longueur supérieure à celle des ligaments. Ce n’est pas le cas dans les visualisations effectuées dans notre dispo- sitif expérimental et par Boulesteix (2006 ) où sacs et ligaments observés sont sensiblement de la même taille (cf figure III.14(b) et III.14(c)). Les dimensions de ces deux types de structures peuvent parfois être importantes, certaines dépassant la taille de l’ouverture pratiquée dans la conduite pour la visualisation (30 mm par 10).

Les gouttes issues de la fragmentation d’un même ligament présentent des vitesses qui sont toutes du même ordre de grandeur, et semblent fixées par celle du ligament lors de sa brisure. Bien que des ligaments s’allongeant dans la direction de l’écoulement gazeux sous l’action des forces aérodynamiques puissent être observés, la plupart paraissent plutôt être dirigés orthogonalement à celui-ci (ils sont appelés ligaments inversés par Ben Rayana 2007 ). Ils ont généralement tendance à devenir très corrugués avant leur rupture, ce qui semble indiquer que celle-ci est essentiellement due à des effets capillaires. Comme noté par Marmottant et Villermaux (2004 ), la taille des gouttes issues d’un ligament semblent supérieures à la largeur moyenne de celui-ci au moment de sa brisure. En particulier, leur extrémité est quasi systématiquement constituée par une boule de liquide qui devient géné- ralement le plus gros fragment une fois la rupture terminée. Notons qu’il est rare dans nos images de pouvoir observer la formation d’un ligament et sa brisure dans son intégralité. Il est notamment difficile d’avoir accès à tous les fragments issus d’un même ligament, ce qui ne nous a pas permis de vérifier que les tailles de ceux-ci étaient distribuées selon une loi Gamma (Marmottant et Villermaux 2004, Villermaux 2007 ). Concernant la rupture en sac, il faut différencier le comportement des gouttes qui proviennent de la désintégration de la membrane et celles de la brisure du bourrelet liquide. Les premières, très petites, sont la plupart du temps expulsées très violemment avec des angles d’éjection très disparates.

i. La formation de ligaments pourrait même être une étape cruciale dans tous les processus de frag- mentation de liquide (Villermaux 2007 ).

III.3 Atomisation de gouttelettes Il est assez compliqué de les observer correctement car la résolution spatiale des images s’avère généralement insuffisante pour les distinguer clairement, même pour les tailles de champ les plus faibles utilisées. En outre, les sacs étant très étendus suivant la profondeur de l’image, seule une partie de ces gouttes est située à l’intérieur de la profondeur de champ de la caméra. On peut de toute façon supposer que leur contribution à la masse de liquide atomisée est négligeable, la majeure partie du volume de liquide d’un sac étant en fait contenue dans le bourrelet (Bossa 2007 ). La rupture de ce dernier semble quant à elle extrêmement similaire à celle d’un ligament.

Il est généralement reconnu dans la littérature que l’occurrence d’une rupture en sac ou d’une rupture en ligaments est déterminée par la valeur du nombre de Weber basé sur la vi- tesse relative du gaz par rapport au liquide et sur une longueur caractéristique. Ce nombre exprime le rapport entre les forces aérodynamiques qui tendent à favoriser la rupture et la tension de surface qui a dans ce cas un effet stabilisant pour le liquide. Il sert donc à identifier si la rupture va se produire ou non, mais également à caractériser la topologie de celle-ci. Dans le cas d’une goutte de diamètre 𝑑, la rupture en sac se produit au-dessus d’un Weber critique 𝑊𝑒𝑠𝑎𝑐 = 𝜌𝑔(𝑈𝑔−𝑈𝑑)

2𝑑

𝛾 ≈ 10 (Krzeczkowski 1980 ), où 𝜌𝑔 et 𝑈𝑔 sont

respectivement la masse volumique et la vitesse du gaz, 𝑈𝑑 la vitesse de la goutte, et 𝛾 la

tension superficielle. La rupture en ligaments a quant à elle lieu au-delà d’un Weber critique

𝑊𝑒𝑙𝑖𝑔𝑎𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠d’environ 65 (Krzeczkowski 1980 ). Azzopardi (1997 ) observe une tendance si-

milaire dans les écoulements gaz-liquide en conduite verticale, la génération de gouttelettes semblant préférentiellement se produire par rupture en sac lorsque les débits de gaz et de liquide sont relativement faibles et par rupture en ligaments quand ils sont plus élevés. Par analogie au cas de la goutte, il définit donc comme critère de transition un Weber critique construit avec la hauteur des vagues comme longueur caractéristique, dont il propose une valeur de 25. Cette analyse n’est pas du tout corroborée par nos observations. En effet, dans la plage de vitesses superficielles d’eau et d’air pour laquelle nos visualisations ont été réalisées, ces deux modes d’atomisation coexistent sans qu’il soit possible de déterminer une quelconque prédominance de l’un ou de l’autre en fonction des conditions d’injection. Notons cependant que dans nos observations les ligaments sont souvent déjà formés lors- qu’ils entrent dans la fenêtre de visualisation. On peut donc se demander si ceux-ci ont directement été allongés de la surface du liquide par le gaz ou s’il s’agit de résidus issus du bourrelet de sacs dont la membrane aurait explosée antérieurement. Les visualisations axiales de Badie et al. (2001 ) ont en effet montré que la rupture des sacs résultait souvent en la formation d’un filament liquide. Nous avons néanmoins observé la formation de liga- ments sans ambiguïté possible à de nombreuses reprises.

Soulignons également que si les événements de rupture en sac et en ligaments ont clairement pu être identifiés dans nos visualisations, il est assez fréquent que le mode d’atomisation ne soit pas franchement marqué et/ou qu’ils puissent se produire simultanément (film III.20). Pour rester dans l’analogie avec la rupture de gouttes isolées, on peut ainsi penser aux régimes de rupture multimodaux existants pour les nombres de Weber intermédiaires (e.g. Dai et Faeth 2001 ). On peut également observer sporadiquement l’occurence de larges gerbes de liquide (cf figure III.15(b)) à l’intérieur desquelles une multitude de petits liga- ments sont visibles et la formation de sacs peut éventuellement se produire. Il est probable que ces événements, qui avaient déjà été observées par Boulesteix (2006, cf figure III.15(a))

Figure III.15

Gerbes de liquide observées (a) par Boulesteix 2006 et (b) lors de nos expériences. correspondent au mécanisme de cisaillement du sommet des vagues proposé par Ishii et Grolmes (1975 ). Ces structures sont généralement de grandes dimensions et très com- plexes. Elles résultent en la formation d’une multitude de gouttes de tailles et de vitesses largement distribuées.

T

rois autres mécanismes d’atomisation primaire ont également pu être obser- vés. Le premier, qui n’est pas sans rappeler le mécanisme de coupure de vague par leur base (Ishii et Grolmes 1975 ), correspond au détachement, lors du passage de vagues de grande amplitude, de larges paquets de liquide dont la taille peut parfois être de plusieurs millimètres. Cela semble se produire lorsqu’un grand volume de liquide est amené à se dé- solidariser du corps de la vague par l’action combinée de la capillarité (déstabilisante dans ce cas) et du cisaillement gazeux puis à se désagréger dans l’écoulement à cause de ces mêmes effets. Ces paquets présentent des formes très irrégulières et semblent très instables (i.e. leur durée de vie est très courte). C’est pourquoi nous ne les avons pas ici considérés comme de simples gouttes. Notons que ce phénonème n’a été que rarement observé et il n’est pas certain qu’il s’agisse d’un mode de rupture à part entière. Il semble, quoiqu’il en soit, très minoritaire comparé aux autres mécanismes décrits plus haut.

Nous avons aussi pu remarquer quelques événements de ré-entraînement par redéposition de gouttes (Woodmansee et Hanratty 1969, Ishii et Grolmes 1975 ) lorsque l’interface était visible sur les images. Ce phénomène nécessite que la goutte incidente dispose d’une grande quantité de mouvement (grande taille et vitesse élevée) auquel cas on observe, consécuti- vement à son impact, la formation d’un ligament. Celui-ci peut alors, selon les conditions, soit se rétracter à cause de la tension superficielle, soit se fragmenter en une ou plusieurs gouttes sous l’effet de l’écoulement gazeux. Il est probable que ces événements se produisent sur toute la surface de la couche liquide. L’interface étant cependant dans une très large majorité de nos visualisations située en dessous du champ de la caméra, il est cependant difficile de conclure quant à l’importance de sa contribution dans la génération des gouttes.

III.3 Atomisation de gouttelettes Enfin, exceptionnellement, nous avons également pu observer des trains de fines goutte- lettes traverser le champ de la caméra avec une trajectoire rectiligne et une vitesse verticale ascendante élevée (jusqu’à plus de 5 m/s), alors qu’aucune vague n’est proche de la cellule de visualisation à ce moment-là. L’arrachement semble donc dans ces cas-là se produire directement à partir du film liquide. Malheureusement, l’interface étant située en-dessous de la fenêtre de visualisation, il ne nous a pas été possible de visualiser directement le mécanisme par lequel ces gouttes sont atomisées. Leur vitesse ascendante étant très im- portante, il paraît très improbable qu’elles soient issues d’un processus de ré-entraînement, celui-ci générant le plus souvent des gouttes voyageant préférentiellement dans la direction de l’écoulement. On peut donc supposer que ces gouttelettes sont plutôt la conséquence du phénomène d’explosion de bulles de gaz emprisonnées dans le liquide répertorié par Ishii et Grolmes (1975 ). L’occurrence de ces événements reste cependant d’après nos observations très rare, et les gouttes ainsi générées sont de faible taille. Il est donc vraisemblable que la quantité de liquide atomisée par ce mécanisme soit négligeable comparée à celle provenant des ruptures se déroulant au sein de la structure des vagues.