6.3 L’endommagement
6.3.2 Approche thermodynamique
On pr´esente dans le paragraphe l’approche propos´ee par [Mazars89], d´eriv´ee de la formu-lation g´en´erale de [Lemaitre85] sous les hypoth`eses des petites d´eformations et d’´ecrouissage isotrope. La variable d’endommagement est le scalaire D, qui sera consid´er´e comme une variable d’´etat. La loi d’´evolution de D, qui sera pr´esent´ee au paragraphe 6.3.2.2, est clas-siquement d´eduite d’une approche `a l’aide d’un potentiel de dissipation local. On consid`ere la loi d’´evolution locale g´en´eralement inadapt´ee `a la description de l’endommagement. Dans le paragraphe 6.3.3 une approche non locale pour la description de l’´evolution de l’endom-magement sera donn´ee.
6.3.2.1 Potentiel thermodynamique
Ayant d´efini les variables d’´etat, on postule l’existence d’un potentiel thermodynamique duquel d´erivent les lois d’´etat. On peut choisir diff´erents potentiels ; d’apr`es [Lemaitre85] on choisit d’introduire le potentiel ´energie libre sp´ecifique 1 Ψ qui d´epend des variables d’´etat observables et des variables internes :
Ψ = Ψ(,p, θ, D, mdes, Vk) (6.5) avec p la d´eformation plastique et Vk d´esignant les autres variables internes comme les variables d’´ecrouissage par exemple. La prise en compte de la d´eshydratationmdes parmi les variables d’´etat complique consid´erablement l’expression. On fait alors l’hypoth`ese que l’on a un ´equilibre chimique `a tout moment i.e. mdes = meq(T) (voir chapitre 3). Le potentiel 6.5 peut ˆetre donc ´ecrit comme Ψ = Ψ(,p, θ, D, Vk). On admet ici pour simplifier que la d´ependance de Ψ en et p ne se fait que par l’interm´ediaire de e =−p (on admet en outre que l’expression de Ψ par rapport `ae est sym´etrique sur les composantes eij eteji).
Le deuxi`eme principe de la thermodynamique implique que la dissipation totale Φ soit toujours positive, ou, pour un processus r´eversible, ´egale `a 0. On peut alors ´ecrire :
Φ =σ : ˙−ρsθ˙−ρΨ +˙ q
θ ·gradθ ≥0 (6.6)
On peut g´en´eralement distinguer la dissipation totale comme somme de deux termes, la dissipation intrins`eque Φ1 :
Φ1 =σ : ˙−ρsθ˙−ρΨ˙ (6.7)
et la dissipation thermique Φ2 :
Φ2 = q
θ ·gradθ (6.8)
On peut alors ´ecrire :
Φ1+ Φ2 ≥0 (6.9)
De mani`ere classique, on fait l’hypoth`ese que chaque terme de l’in´egalit´e 6.9 est positif, i.e. :
Φ1 ≥0 Φ2 ≥0 (6.10)
L’in´egalit´e 6.9, qui r´esulte des deux principes de la thermodynamique, est le point de d´epart de la formulation des lois de comportement du milieu poreux. Elle est appel´ee l’in´egalit´e fondamentale de Clausius-Duhem.
1sp´ecifique signifiepar unit´e de masse
6.3 L’endommagement 125
Si on exprime la variation du potentiel Ψ de la mani`ere suivante : Ψ =˙ ∂Ψ
on peut ´ecrire, `a l’aide de l’in´egalit´e de Clausius-Duhem la relation suivante, qui nous permet d’exprimer les lois de comportement du milieu :
Si on consid`ere la dissipation intrins`eque, le jeu de variables d’´etat ´etant suppos´e ind´ependant, on peut imaginer une transformation, par exemple, ´elastique, `a temp´erature constante ( ˙θ = 0), qui ne modifie ni la d´eformation plastique ( ˙p = 0) ni les variables internes ( ˙Vk = 0, D˙ = 0). L’in´egalit´e de Clausius-Duhem doit ˆetre v´erifi´ee quel que soit ˙e; cela implique :
σ =ρ∂Ψ
∂e (6.13)
Classiquement, de mani`ere similaire, on obtient : s=−∂Ψ
∂θ (6.14)
La variable duale Y associ´ee `a l’endommagement D est donc d´efinie comme : Y =ρ∂Ψ
∂D (6.15)
Enfin, par analogie, on d´efinit les variables duales forces thermodynamiques associ´ees aux variables internesVk par :
Ak =ρ∂Ψ
∂Vk
(6.16) De mani`ere classique, on peut faire l’hypoth`ese de d´ecouplage entre les effets repr´esent´es par les variablesVket les effets d’´elasticit´e associ´es `a l’endommagement. On peut alors ´ecrire le potentiel de la mani`ere suivante :
Ψ = Ψe(e, θ, D) + Ψp(θ, Vk) (6.17) En particulier, d’apr`es [Lemaitre85] on peut, dans le cadre de l’´elasticit´e lin´eaire, exprimer le potentiel Ψe de la mani`ere suivante :
Ψe = 1
2ρ(1−D)Λ:e:e (6.18)
avec Λ le tenseur d’ordre 4 de rigidit´e du mat´eriau vierge. La donn´ee de ce potentiel permet d’´ecrire les lois de thermo-´elasticit´e du mat´eriau endommag´e. En particulier :
σ=ρ∂Ψ
∂e = (1−D)Λ:e ou σ = ˜Λ:e (6.19)
La variableY associ´ee `a l’endommagement D est d´efinie comme : Y =ρ∂Ψ
∂D =−1
2Λ:e :e (6.20)
En particulier, [Lemaitre85] montre que la quantit´e -Y peut ˆetre reli´ee `a l’´energie ´elastique we engendr´ee par une variation d’endommagement `a contrainte et temp´erature constantes
`a travers la relation suivante :
−Y = we
1−D (6.21)
La variable Y peut ˆetre sp´ecifi´ee dans des cas particuliers. On nomme σd et d
e les d´eviateurs de σ et e, σH et εH la contrainte et la d´eformation hydrostatiques (on rap-pelle que par exemple 3σH = tr(σ) ) et on introduit les lois d’´elasticit´e lin´eaire coupl´ee `a l’endommagement :
Si on rappelle les relations 6.20 et 6.21, on peut d´efinir l’´energie de d´eformation ´elastique totalewe de la mani`ere suivante :
we= 1
´ecrire une expression pour Y :
−Y = σeq2 Il faut maintenant compl´eter la loi constitutive en donnant une relation permettant de d´eterminer les taux d’´evolution des variables internes ˙D, ˙Vk et le flux de chaleur q. Ci-dessous on pr´esentera l’approche classique pour obtenir ces lois d’´evolution dans un cadre de comportement local. Mais on sait bien que cette hypoth`ese de type local est mal adapt´ee `a la description de l’´evolution de l’endommagement. Dans le paragraphe 6.3.3 nous pr´esenterons donc des propositions pour une loi d’´evolution non-locale de D.
6.3.2.2 Potentiel de dissipation
Si on suppose que la loi d’´evolution de l’endommagement est locale, on peut utiliser l’approche classique `a l’aide de la dissipation intrins`eque ϕd, fonction scalaire convexe des variables flux, les variables d’´etat pouvant intervenir comme param`etres :
σ : ˙p−YD˙ −AkV˙k−ϕd
˙p,V˙k,D˙
= 0 (6.25)
6.3 L’endommagement 127
Remarque Compte tenu des lois d’´etat et sous l’hypoth`ese du d´ecouplage entre dissi-pation intrins`eque et thermique, le second principe de la thermodynamique impose que la dissipation intrins`eque soit positive pour chaque ´evolution possible i.e. ϕd > 0. On admet que le ph´enom`ene d’´ecoulement plastique peut intervenir sans endommagement, de mˆeme le ph´enom`ene d’endommagement peut intervenir sans ´ecoulement plastique ; on peut alors s´eparer les contributions et ´ecrire :
−YD >˙ 0 (6.26)
−Y ´etant positive, on peut ´ecrire ˙D >0. L’endommagement tel qu’on l’a ´ecrit ne peut donc que croˆıtre ou rester constant.
De mani`ere classique, on peut faire l’hypoth`ese de l’existence d’un potentiel de dissipation (ou pseudo-potentiel) ϕ( ˙p,V˙k,D). Cette fonction convexe `a valeur scalaire est fonction de˙ toutes les variables flux, les variables observables intervenant comme param`etres.
Remarque La dissipation et le pseudo-potentiel co¨ıncident dans le cas o`u la dissipation est une fonction positivement homog`ene de degr´e 1 des variables ˙p,D,˙ V˙k (autrement dit : les ph´enom`enes qui sont mis en cause ne sont pas d´ependants du temps i.e. on n´eglige la viscosit´e). La puissance dissip´ee est alors un pseudo-potentiel et on peut obtenir l’´evolution des variables en faisant varier de mani`ere ind´ependante les variables flux pour obtenir les lois compl´ementaires relatives `a la dissipation. Supposons que l’on remplace, par exemple,
˙
p admissible par ˙p+δ˙p admissible (∀δ >0). La relation 6.26 peut s’´ecrire : σ : ˙p−YD˙ −AkV˙k−ϕ
˙
p,V˙k,D˙ +
σ− ∂ϕ
∂˙p
δ˙p = 0 (6.27) On obtient alors la relation suivante :
σ = ∂ϕ
∂˙p (6.28)
De la mˆeme mani`ere, on peut imaginer une variation des autres variables flux ; on peut donc obtenir :
Ak =−∂ϕ
∂V˙k
Y =−∂ϕ
∂D˙ (6.29)
La transformation de Legendre-Fenchel partielle permet d’associer `a une fonction f(x) une fonction dualef∗(X) d´efinie de la mani`ere suivante :
f∗(X) =xX−f(x) (6.30)
avec X la variable duale de x, d´efinie comme X = ∂f∂x. Si la fonction f∗ est d´erivable, le th´eor`eme affirme que :
x= f∗(X)
X (6.31)
L’association des variables ˙p, ˙Vk, ˙D aux variables duales σ, Ak, Y, nous permet donc de passer du potentielϕ( ˙p,V˙k,D) au potentiel dual˙ ϕ∗(σ, Ak, Y) :
ϕ∗(σ, Ak, Y) = σ : ˙p−YD˙ −AkV˙k−ϕ( ˙p,V˙k,D)˙ (6.32)
Il s’en suit que, si la fonctionϕ∗ est d´erivable, on peut exprimer l’´evolution des variables dissipatrices de la mani`ere suivante :
˙
p = ∂ϕ∗
∂σ
V˙k =−∂ϕ∗
∂Ak
D˙ =−∂ϕ∗
∂Y (6.33)
Le bilan des puissances dissip´ees peut ˆetre illustr´e par un cycle de contrainte de trac-tion selon le sch´ema en figure 6.1. En particulier, la courbe OA’B’ repr´esente l’´evolutrac-tion de l’´ecrouissageAk pendant l’´ecoulement plastique OAB. Les parties AB et BC sont respective-ment le fluage plastique et l’augrespective-mentation de la d´eformation ´elastique pendant le processus d’endommagement (on suppose une contrainte constante). L’´energie totale dissip´ee se divise en :
1. l’´energie accumul´ee par le syst`eme `a travers l’´ecrouissage AkdVk
2. l’´energie dissip´ee sous forme de chaleur
3. l’´energie lib´er´ee par le syst`eme pendant l’endommagement Y δD
Fig. 6.1 – Sch´ema de la dissipation suite `a l’´ecoulement plastique et `a la croissance de l’endommagement [Mazars89]
L’´energie accumul´ee par le syst`eme est le travail fait `a partir du point limite d’´elasticit´e : ceci est une cons´equence des hypoth`eses simplificatrices que l’on a choisies (´ecrouissage isotropique). D’apr`es [Lemaitre85] si l’on consid`ere une formulation plus compl`ete, on trouve de l’´energie additionnelle qui est convertie en chaleur.