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L’ÉCOLOGIE COMME OUVERTURE CULTURELLE

MOTS-CLÉS : ÉCOSYSTÈME COMPLEXITÉ NATURE TERRE CULTURE IDENTITÉ

A. GIORDAN, J L MARTINAND et D RAICHVARG, Actes JIES XXVI,

1. LES APPORTS FONDAMENTAU

1.1 Introduction

L’histoire des sciences est jalonnée de découvertes dont la portée majeure n’a pas été perçue de suite. Sous l’action écologique courante, se cache une des avancées majeures de la seconde moitié du XXe siècle : la science des écosystèmes. Son impact équivaut à celui de la mécanique quantique avec des concepts radicalement différents, marquant une rupture dans la façon de penser. L’écologie démontre que l’ensemble des structures vivantes fonctionnent et interagissent entre elles, du local au global, selon des principes qui n’ont rien à voir avec ceux que les hommes utilisent pour réguler leurs propres organisations.

1.2 Une Terre globale

La Terre des hommes est hérissée de frontières et barrières de toutes sortes délimitant des territoires, souverainetés, compétences. En correspondance, leur esprit aussi est encombré de cloisons : entre le tout et les parties, spécialisations extrêmes, compartiments étanches entre les savoirs, cultures ou activités. Régulée par des structures pyramidales via des réseaux d’information descendants se prêtant aux coups de boutoirs des dominations et tentatives hégémoniques. L’homme, et aujourd’hui une nation en particulier, prétend dominer la planète.

La Terre planète est à l’opposé de cette description. Les écosystèmes, présents partout du local au global, interagissent tous azimuts, s’adaptent sans cesse aux situations, évoluent en permanence. De proche en proche, l’unité de lieu et d’action s’étend à la Terre entière. D’ailleurs, vue de l’espace, la luxuriance de ses couleurs tranchant sur le noir profond du ciel, la planète apparaît constituée d’une seule forme de vie. Harmonie globale rendue possible par des processus sophistiqués d’autorégulation. Réseaux d’échanges essentiellement de proximité transversaux du local au global, en recherche constante d’équilibres à tous niveaux pour gérer d’innombrables paramètres. La Terre était ronde, elle est aussi globale.

Évoluer dans ce milieu appelle un mode de pensée qui soit en adéquation. La pensée linéaire et le réductionnisme, hors jeu, laissent place à la pensée complexe. Le mot fait peur. Heureusement elle se laisse aborder facilement par l’entremise du développement durable qui en fournit une illustration concrète et d’actualité. On en fera notre fil rouge. Lui aussi est global puisqu’il tend vers l’équilibre de ses 3 pôles : environnemental, humain, économique.

1.3 Un outil : relier

La culture, dit-on, résulte des interactions entre l’homme et son environnement. Sans doute faut-il avoir conscience d’appartenir à un espace global pour qu’une pensée globale émerge ? Il en est ainsi

de la pensée complexe rendant compte des écosystèmes. Sa quintessence réside dans le fait que la somme des parties, grâce à leur reliance qui crée du sens, façonne un ensemble global doté de propriétés nouvelles, différentes de celles des parties. Le contraire du réductionnisme, qui se contente d’additionner les morceaux. La fréquentation des écosystèmes apporte un double avantage : une lecture correcte de l’environnement par la mise à jour de ses principes de fonctionnement et un outil conceptuel qui, validé par l’observation, rend possible l’évolution de nos sociétés. Voici donc poindre l’ouverture culturelle annoncée.

Le souffle écologique chasse les pollutions qui obscurcissent notre vue et notre jugement. Un nouveau décor limpide et cohérent est planté L’ensemble du vivant, dont l’espèce humaine, se vautre dans un océan d’écosystèmes. Même si nous ne les remarquons pas plus que l’air que nous respirons, ils sont là, aussi indispensables. Sans eux la vie n’aurait pas été viable et il y a bien longtemps que la Terre serait un astre mort. D’ailleurs notre corps fonctionne lui aussi en écosystème de cellules. C’est dans ce milieu que nous baignons et pas dans un autre.

De quoi stimuler notre imaginaire, construire de nouvelles images et structures mentales aptes à voyager dans ce que l’on pourrait appeler, par analogie, un monde des « écosavoirs ». Avec un moteur fonctionnant à la reliance et à la curiosité. Dont les pièces principales seraient : ouverture, échanges, proximité, transversalité, interactions, propriétés globales, recherche d’équilibre et autorégulation. Et en toile de fond, une pédagogie qui se dessine en filigrane.

1.4 Qui suis-je ?

L’homme cartésien croyait maîtriser la nature et le monde. Ici il est perdu, immergé dans la nature, englué dans ces écosystèmes qu’il ne domine nullement. Je ne suis pas cet homme là. J’appartiens pleinement au monde vivant, à la nature. Oui, mais alors qui suis-je ? Ne dit-on pas que l’homme serait la nature prenant conscience d’elle même ? Je suis de l’espèce humaine, une espèce jeune que l’évolution, reliant toujours davantage les composants du vivant, a dotée d’une conscience élargie par rapport à celle des espèces dont elle est issue. D’un cerveau aux connexions plus denses à la palette de sentiments plus étendue. Ressentant la nature, je ressens aussi, dans un mélange d’émotions et de raison, cette appartenance intime à l’espèce et à la planète. Une espèce qui s’est répandue sur une Terre qui pourvoit à sa survie. Je suis un Terrien, c’est en quelque sorte mon identité originelle, celle qui prime. Mon horizon et mon champ de conscience s’élargissent, sans renier pour autant mes appartenances continentale, nationale et régionale, qui mélangées, façonnent mon identité propre.

Ces identités multiples vont cohabiter, interférer sur notre sensibilité, nos repères, les faire évoluer, accentuant le caractère unique, donc précieux de chaque être humain. Si cette humanité là investit l’écosystème culturel terrien vous, moi, devenons les dépositaires, les seuls représentants

authentiques de l’espèce : elle vit en nous. Elle nous confère une responsabilité, une envie et un atout majeur : tous importants, avec nos talents complémentaires pour jouer un rôle actif dans le cadre d’une société à réinventer.

Cette légitimité terrienne, liée à l’espèce et à sa durée dépasse et rend caduque celle de représentants politiques liés au seul terme de leur mandat. À cause de cette myopie et des autres cloisonnements hérités du passé, une part importante de notre espèce est malade, luttant pour une survie incertaine. Si tant d’hommes et de femmes sont en danger, l’espèce l’est globalement, inexorablement liée par sa communauté de destin et une logique de coopération. Voilà qui ouvre à chacun des horizons, sur ses valeurs et sa transformation personnelle.