• Aucun résultat trouvé

En juin 1945, Hersch Lauterpacht publia à New York un petit ouvrage dédié à la protection des droits de l’homme par le droit international : An International Bill of the

14 EUSTATHIADES, Recours, p. 121 et n. 32.

15 Par exemple, André N. Mandelstam, internationaliste russe émigré à la révolution, se fit l’auteur d’une œuvre abondante sur la généralisation et l’internationalisation de la protection des droits de l’homme. Il prit aussi part comme rapporteur à la mise au point de la Déclaration des droits internationaux de l’homme adoptée par l’Institut de droit international en 1929. Voir entre autres MANDELSTAM André N., « La protection internationale des droits de l’homme », RCADI 1931/4, pp. 125-232. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le célèbre écrivain socialiste anglais Herbert Georges Wells rédigea son propre projet de Déclaration des droits de l’homme, aux allures bibliques, publié dans WELLS H. G., The New World Order, Londres 1940, pp. 139-143, qu’il concevait comme la base d’une future fédération mondiale. Par ailleurs, le développement d’un mouvement favorable à la protection des droits de l’homme fut très tôt associé à la pensée fédéraliste (SIMPSON, Rights, pp. 167-169) : d’autres auteurs, comme l’australien Ronald W. G. Mackay puis le professeur britannique George W. Keeton, de même que l’Union paneuropéenne (STEINER, p. 610), formulèrent des propositions tendant à l’adoption d’une constitution fédérale pour l’Europe, qui garantirait les droits et établirait les organes compétents pour assurer leur protection à ce nouvel échelon, soit en particulier une cour suprême dotée du pouvoir d’opérer un contrôle de constitutionnalité sur la base d’un recours individuel. Un système de protection sur le plan international n’était toutefois pas envisagé (SIMPSON, Rights, p. 168 ; STEINER, p. 621).

16 WRIGHT Quincy, « New Rights of Man in an International Organization », in : World Citizens Association (édit.), The World’s Destiny and the United States, Chicago 1941, pp. 101-137.

17 SIMPSON, Rights, pp. 185 ss. Voir aussi la proposition de l’économiste britannique Lord Layton, futur membre du United Europe Movement puis vice-président de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, évoquée par STEINER, pp. 597 et 621.

30

31

32

Rights of Man18. Une publication inédite, moins par sa première partie essentiellement historique et philosophique, quoique fondamentale, que par les deux suivantes, consistant en un projet rédigé de « Bill of Rights » international, assorti d’un commentaire détaillé.

La première partie constitue le fondement théorique de ses propositions concrètes.

L’auteur y discute le concept de droit naturel, s’efforçant de montrer sa pertinence pour la formation d’un droit positif supranational des droits de l’homme, qu’il appelle de ses vœux. Il soutient que les droits « inaliénables » courront un grave danger aussi longtemps qu’ils seront dénués d’un véritable ancrage dans l’ordre juridique international, sous la forme d’un traité créateur de droits et d’obligations. Considérer que la souveraineté des Etats nations peut être limitée par des obligations de droit international constitue, selon lui, la seule posture cohérente à même d’éviter la contradiction inhérente aux notions de droits naturels de l’homme et d’Etats nations souverains. Marqué par la tragédie en cours à cette époque, et en particulier par la perte de la quasi-totalité de sa famille restée en Europe continentale, Lauterpacht relève notamment que la démocratie est une condition certes nécessaire, et même essentielle de la liberté, mais qu’elle ne suffit pas à la garantir dans tous les cas : « Democracy, although an essential condition of freedom, is not an absolute safeguard of it. That must lie outside and above the State. » (p. 50).

Les deuxième et troisième parties de l’ouvrage sont consacrées à un bref projet de 20 articles (pp. 69-74), suivi du commentaire de l’auteur19. Le projet de « Bill of Rights » de Lauterpacht repose sur son mécanisme de mise en œuvre, offrant une avancée déterminante : non seulement une sélection de droits de l’homme est incorporée formellement à l’instrument phare (et contraignant) de l’ordre juridique international, un traité, et non à une simple déclaration (pp. 75 ss), mais par-dessus tout, des dispositions spéciales tendent à en assurer la garantie effective. C’est sans conteste le cœur du livre20. Or, dans le système imaginé par Lauterpacht, l’individu est appelé à occuper une place centrale21.

18 Le parcours de Hersch Lauterpacht est hors du commun : né en 1897 dans l’ancienne Autriche-Hongrie, de confession israélite, il s’installa à Londres en 1923, titulaire d’un doctorat obtenu à Vienne. Naturalisé citoyen britannique en 1931, il se consacra principalement à l’enseignement et à la recherche, mais, avocat depuis 1935, il exerça également diverses activités de conseil. En 1937, ses travaux furent récompensés par son élection – à l’âge 40 ans – à la prestigieuse chaire Whewell de droit international de Cambridge. Lauterpacht en fut le titulaire jusqu’en 1955. Il siégea par ailleurs à la Commission du droit international des Nations Unies de 1952 à 1954 et acheva sa carrière en tant que juge britannique à la Cour internationale de justice, de 1955 à 1960, année de son décès. Voir en particulier la biographie publiée par son fils (LAUTERPACHT, Life). Preuve de l’intérêt constant des analyses de Hersch Lauterpacht, An International Bill of The Rights of Man a fait l’objet d’une réédition en 2013. Le texte original de 1945 y est introduit par Philippe Sands, professeur de droit international.

19 Nous partageons l’avis de SIMPSON, Genesis, p. 61 : le texte n’est pas un modèle de légistique, ni simplement de clarté. L’intérêt de l’œuvre réside essentiellement dans le commentaire qui l’accompagne.

20 Idem,pp. 62 s.

21 LAUTERPACHT, Bill, pp. 5, 78 et 194 s. Il affirme : « For one of the undoubtedly revolutionary innovations of the International Bill of Rights of Man is to do away with the antiquated doctrine that the individual is the object, and not a subject, of the Law of Nations » (p. 78). Jusqu’alors en effet, la conception dominante tendait à accorder à l’individu un statut d’objet du droit international, tout au plus. Aucune norme, ni a fortiori aucun mécanisme de protection, ne pouvaient en principe le concerner directement. Du même auteur, voir plus particulièrement LAUTERPACHT, Law, pp. 27 ss. Parmi la multitude d’ouvrages consacrés à ce sujet depuis lors, consulter par exemple la synthèse récente de CANÇADO TRINDADE, Access, pp. 1 ss et les nombreuses références citées ; voir aussi PORTMANN Roland, Legal Personality in International Law, Cambridge 2010. Pour deux contributions majeures, voir EUSTATHIADES, Sujets, pp. 405 ss, 546 ss et 567 ss ; SPIROPOULOS Jean, « L’individu et le droit international », RCADI 1929/5, pp. 191-270.

33

34

35

Le mécanisme proposé s’appuie sur deux piliers. En premier lieu, l’auteur ne décharge pas les Etats de leurs responsabilités. Au contraire, selon son projet, le respect des droits de l’homme est avant tout l’affaire des Etats : c’est la dimension interne du système de mise en œuvre. D’une part, les Etats ont l’obligation d’incorporer, par le moyen approprié, le traité dans leur ordre juridique interne en tant qu’acte de rang constitutionnel (article 15)22. Révélatrice également, l’obligation faite d’autre part aux Etats de donner la compétence à une juridiction nationale suprême pour se prononcer sur la conformité des actes étatiques avec la première partie, substantielle, du « Bill of Rights » (article 17) : « the judicial organs of the State must be the basic and normal means of its enforcement », commente-t-il (p. 185)23. C’est, dans sa plus simple expression, le principe de subsidiarité de la protection internationale des droits de l’homme, sur lequel Lauterpacht ne manque pas d’insister en anticipant les potentielles difficultés de mise en œuvre liées notamment à l’existence, respectivement à l’absence, dans l’ordre juridique interne, d’un système de « judicial review »24.

En second lieu, il propose de bâtir la dimension internationale du système autour d’un organe rattaché aux Nations Unies (article 19) :

« There shall be established within the framework of the political organization of the United Nations of the World a High Commission for the supervision of the observance of the International Bill of The Rights of Man.

[…]

The Commission shall collect information and receive petitions and representations bearing on the observance of the International Bill of the Rights of Man. The Commission shall, in the matter of such petitions and otherwise, communicate with and receive observations from the States concerned. The Commission shall submit annual reports to the Council of the United Nations and, whenever necessary, draw the attention of the Council to such infractions of the Bill of Rights as may call for action by the Council of the United Nations.

The right of individuals and organizations to petition the High Commission in the matter of the observance of this Bill of Rights shall not be denied or impaired. »

Lauterpacht résume ainsi : « there must exist a permanent international authority, neither judicial nor political in character, charged with the task of general supervision, of investigation of complaints, and of initiation of intervention by the political international authority in case of disregard of the safeguards of the Bill of Rights » (p. 177). Aussi préfère-t-il une « Haute Commission »25 polyvalente à une véritable Cour internationale des droits de l’homme, qui aurait impliqué une possibilité d’appel qu’il juge

« déraisonnable et impraticable » (« unsound and impraticable », p. 174).

Le recul dont nous disposons permet d’apprécier pleinement la lucidité du propos : un système d’« international judicial review » générerait un tel contentieux, que non pas

22 La première partie de l’obligation ne visant par définition que les Etats connaissant une approche dualiste. Voir LAUTERPACHT, Bill, pp. 179 s.

23 Voir aussi p. 177.

24 Confronté dans son pays au principe de la suprématie du Parlement de Westminster, Lauterpacht fait preuve d’une infinie retenue et d’un doigté rare dans l’argumentation le menant à cette conclusion : même en l’absence de mécanisme de contrôle de la constitutionnalité – il cite entre autres l’ancien article 113, devenu article 190, de la Constitution fédérale suisse, interdisant le contrôle de la conformité des lois fédérales à la Constitution –, les autorités internes ont l’obligation, sur la base de l’article 17 du projet de « Bill of Rights », de « déclarer » la non-conformité (mais pas la nullité ou l’inapplicabilité) d’un acte avec le traité lorsqu’un conflit de normes ne peut être résolu par l’interprétation (LAUTERPACHT, Bill, pp. 184 ss ; voir aussi, d’un point de vue philosophique, p. 65).

25 Il utilise dans son commentaire (voir p. 197), le nom de « Haute Commission des droits de l’homme » (« High Commission on the Rights of Man »).

36

37

38

un, mais plusieurs tribunaux seraient nécessaires, écrit-il. Sauf à créer une instance supérieure chapeautant l’ensemble du système, il n’y aurait ni continuité, ni autorité dans la jurisprudence. Son principal grief tient néanmoins au principe de la souveraineté des Etats : vouloir imposer un contrôle juridictionnel à des Etats réticents à le développer au sein de leur propre ordre juridique lui paraît illusoire. Il constate enfin que le traité est nécessairement fait de dispositions très générales, dont la concrétisation exige l’intervention des autorités nationales et non celle d’un tribunal international dénué des connaissances requises pour trancher des questions propres aux traditions des Etats parties26.

Presque entre les lignes, l’article 19 renferme la proposition la plus forte du « projet Lauterpacht » : l’introduction d’un droit de recours auprès de la Commission, non seulement à l’usage des Etats, mais également à celui des individus et autres

« organisations ». Certes, la Commission ne devra pas fonctionner comme une Cour d’appel substituant sa propre vision à celle de l’instance inférieure, insiste-t-il.

Toutefois, cet instrument lui paraît nécessaire pour garantir le respect effectif des droits, lorsque, dans des cas « exceptionnels » (p. 200), les juridictions internes n’auront pas su redresser une violation. Lauterpacht est conscient qu’un grand nombre de requêtes risque fort d’être adressé à la Commission, et propose donc un « examen préliminaire » par son secrétariat, afin d’éliminer les requêtes « clairement mal fondées, fantaisistes ou insignifiantes », comme celles, quoique bien fondées, d’importance mineure27. Enfin, en cas de violation avérée du pacte, la Commission, dans l’impossibilité de rendre une décision – le texte fait état de « rapports annuels » –, peut librement décider d’alerter le Conseil des Nations Unies, autorité exécutive de l’organisation : « the final guarantee of the Bill of Rights must rest with the supreme political authority of the international community » (p. 206)28.

Plus précisément, en relation avec le futur article 25 de la Convention européenne, il convient de relever que l’exercice du droit de recours est ouvert à tout individu, sans condition de nationalité ou de capacité, par exemple. La notion d’« organisations » est par ailleurs suffisamment vague pour recouvrir diverses formes de regroupements de droit privé29, possédant ou non une personnalité juridique propre.

La lettre de l’article 19 ne suffit pas à déduire avec certitude l’intention de Lauterpacht concernant une éventuelle exigence d’intérêt personnel à agir. Outre le recours à une clause de type « de minimis »30, deux indices semblent exclure la thèse de l’actio popularis. Non seulement Lauterpacht écrit que seul l’individu « concerné » (« concerned ») par une possible violation de ses droits pourrait saisir la Commission (p. 193)31, mais de plus, une lettre adressée à son fils en 1943 atteste qu’il réfléchissait à la question de savoir s’il fallait ou non établir un tribunal international, auquel aurait

26 LAUTERPACHT, Bill, pp. 173 ss et en particulier p. 175 : « The Bill of Rights is necessarily a document of great generality », « [it] cannot attempt to introduce […] a world law ». Voir aussi pp. 79 ss.

27 Idem, pp. 198 ss. Implicitement, l’article 17, en lien avec le commentaire aux pp. 193 et 201 notamment, consacre également la condition de l’épuisement des voies de recours internes. Voir aussi supra, no 35, et infra, n. 33.

28 Voir aussi p.177.

29 La Commission peut être saisie de requêtes individuelles de « sources privées », par opposition aux requêtes étatiques reçues de « représentations » d’Etats parties au traité (p. 196).

30 Voir infra, nos 47 s.

31 Voir aussi LAUTERPACHT, Law, pp. 287 et 453 : il utilise les termes « affected » et « aggrieved ».

39

40

41

accès « tout individu dont les droits, tels que garantis par le traité, ont été violés » (« any individual whose rights, as guaranteed in the international Bill, have been violated »)32.

Enfin, l’article 17 implique que la Commission pourrait être amenée à examiner non seulement des actes judiciaires ou exécutifs, mais également législatifs. Lauterpacht estime d’ailleurs que les requêtes « en lien avec des mesures législatives » contraires au

« Bill of Rights » seraient les plus fréquentes (p. 201)33.

Quant à la partie matérielle du projet, nous noterons simplement qu’elle consiste en un nombre restreint de garanties, dont certaines seulement sont considérées comme directement applicables34.

En définitive, l’ouvrage de Lauterpacht constitue une œuvre atypique. Le lecteur sera surpris par la complexité des mesures retenues et les multiples circonvolutions, parfois déroutantes, de l’exposé : membre d’une communauté et d’une famille persécutées durant cette période, l’auteur aurait pu légitimement s’affranchir de la retenue et des nuances qui caractérisent pourtant l’ensemble du travail. Il sentit, peut-être, que l’occasion était unique ; que sa contribution pourrait réellement franchir le fossé séparant les académies des arcanes du pouvoir. Il se livra à une fine analyse de la situation politique35, tant britannique que mondiale (quoique d’un point de vue très occidental, reflétant l’état du monde en 1945), sut transiger sur les moyens pour mieux servir les idéaux – « the enthronment of human rights »36 –, et publia au final une œuvre de compromis susceptible, croyait-il, d’être adoptée par les Etats et, par voie de conséquence, de renforcer effectivement la protection des droits de l’homme.

Ce constat étant posé, il convient encore de soulever la question de savoir quelle mission le mécanisme universel de protection imaginé par le professeur britannique devrait être amené à remplir : gardien de la paix mondiale ou des droits de l’homme de tout individu ?

32 « Letter from Hersch Lauterpacht to Eli Lauterpacht, 26 May 1943 », in : LAUTERPACHT, Life, p. 229, cité par SANDS, p. XII.

33 Il ne précise toutefois pas s’il imagine qu’une requête puisse être dirigée directement contre un acte normatif, qui n’aurait, dans cette hypothèse, fait l’objet d’aucun acte d’application visant le requérant. Confuses sur ce point, ses explications semblent en effet opposer un type de procédure, s’achevant par une décision de l’instance nationale suprême, à un autre, qui verrait la requête être dirigée contre une « mesure législative » – il n’est dans cette hypothèse pas fait mention d’un éventuel recours interne. D’un côté, une telle entorse au principe de subsidiarité, rendue inévitable par l’absence dans la plupart des Etats de mécanismes de contrôle in abstracto des actes normatifs, contredit sa volonté de donner la priorité au redressement des violations des droits de l’homme par les autorités internes. De l’autre, cette mention spéciale serait dénuée de toute portée si son intention n’était pas, dans une certaine mesure, d’ouvrir la porte à l’examen des actes normatifs en tant que tels.

34 LAUTERPACHT, Bill, pp. 134, 142 s. et 177 s. notamment. Il s’agit des articles 1 à 9. Les articles 10 à 14 consacrent des droits politiques, économiques et sociaux, et s’adressent donc exclusivement, selon une conception aujourd’hui dépassée, à une autorité législative. Etrangement, une prétendue violation de ces derniers peut toutefois faire l’objet d’une requête individuelle devant la Commission (voir p. 201 ; vu l’absence, par définition, de décision judiciaire interne, ces requêtes constitueraient même, selon l’auteur, l’essentiel de sa charge de travail). D’une manière inédite en doctrine (selon SIMPSON, Genesis, p. 61), Lauterpacht mentionne lui-même des droits qu’il s’est résigné à ne pas inclure pour des raisons de politique intérieure (garantie de la propriété en relation avec les nationalisations envisagées au sein du Royaume-Uni) ou d’absence, selon lui, de consensus entre les Etats (égalité des sexes). SANDS, p. XVI, relève aussi les concessions a priori choquantes en faveur des Etats-Unis et de l’Afrique du Sud, alors que des millions de noirs subissaient, de l’aveu même de Lauterpacht, des discriminations indéfendables, dans le but toutefois d’obtenir la ratification du traité (pp. 137 ss et 163 ss).

35 SIMPSON, Rights, p. 207.

36 LAUTERPACHT, Bill, pp. 6 et 82, citant Winston Churchill, qui s’exprima en ces termes devant le Congrès juif mondial en 1942. La seule utopie, dans l’ouvrage de 1945, réside probablement dans la promotion d’un traité à vocation universelle.

42

43

44

45

D’un côté, outre les Etats par le biais des « représentations », seuls les individus personnellement concernés peuvent s’adresser à la Commission ; le projet n’explore pas la piste de l’action populaire ou de tout autre type d’action dans l’intérêt d’autrui. D’un autre côté cependant, le projet pousse la porte du contrôle direct des actes normatifs, bien que les détails d’un tel examen restent incertains à teneur de l’étude. On voit mal au demeurant quel Etat aurait pu accepter une telle ingérence, vidant de son sens, de fait, l’exigence d’épuisement des voies de recours internes.

Lauterpacht entend certes garantir que toute requête soit dûment examinée, mais il se fonde expressément sur l’adage « de minimis non curat praetor » pour accorder à la Commission un pouvoir quasi discrétionnaire : une affaire mineure ne déclencherait aucune action de sa part, excepté la publication de ses conclusions (p. 203).

Manifestement, l’auteur n’avait donc pas l’intention que la Commission puisse accorder réparation à toute victime d’une violation du « Bill of Rights ». Au contraire, une réaction de sa part n’est attendue qu’en cas de « déni manifeste de justice », d’« affaires exceptionnelles » ou de « violation grave et persistante du traité », qui requièrent que l’exécutif de l’organisation s’y intéresse et emprunte la voie politique.

Au demeurant, ni la Commission ni le Conseil ne semblent être destinés, dans l’esprit de Lauterpacht, à développer une casuistique ainsi qu’à préciser et élever le niveau de protection des droits, ne serait-ce que sur la base d’un petit groupe de dossiers importants librement choisis, dans l’intérêt général : le projet de traité leur dénie toute faculté de rendre, dans chaque affaire, jugements ou recommandations. Le projet se veut avant tout conservateur des libertés jugées acquises au niveau national, à tout le moins dans les démocraties comme le Royaume-Uni37.

Au final, le « Bill of Rights » tel que commenté par son auteur semble bel et bien avoir inspiré les travaux ultérieurs en Europe et, in fine, les rédacteurs de la Convention

Au final, le « Bill of Rights » tel que commenté par son auteur semble bel et bien avoir inspiré les travaux ultérieurs en Europe et, in fine, les rédacteurs de la Convention