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CHAPITRE 2 La maladie de Parkinson a-t-elle des répercussions sur les

I. La maladie de Parkinson

2. Anatomie et mécanismes mis en jeu

La maladie de Parkinson se caractérise par l'atteinte d'une petite région du cerveau, la substance noire compacte (ou substantia nigra pars compacta), structure sous-corticale associée aux ganglions de la base. Située dans la partie supérieure du tronc cérébral, la substance noire comporte environ quatre cent mille neurones qui projettent leurs nombreuses terminaisons synaptiques vers le striatum, l'un des noyaux des ganglions de la base. Le neuromédiateur utilisé par ces voies neuronales est la dopamine. Hors, la maladie de Parkinson entraîne une dégénérescence des neurones dopaminergiques, qui se traduit par une atteinte des voies neuronales reliant la substance noire aux ganglions de la base, notamment au striatum (Agid, 1993).

Les ganglions de la base, appelés également noyaux gris centraux, sont des formations de substance grise situées au sein de la substance blanche hémisphérique. Ils se composent principalement du noyau caudé et du putamen (regroupés sous le terme de striatum) et du pallidum (ou globus pallidus, qui comporte deux parties externe – Gpe – et interne - GPi), auxquels s'ajoutent le noyau sous-thalamique (NST) et la substance noire (constituée de la partie compacte – pars compacta – et de la partie réticulée – pars reticulata).

2-1 – Localisation et anatomie des ganglions de la base

Les nombreuses afférences des ganglions de la base convergent vers le striatum et le NST, et la totalité du cortex (à l'exception du cortex visuel primaire) envoie des axones au striatum. Toutes les efférences des ganglions de la base sont issues du pallidum interne et de la partie réticulée de la substance noire. Ces structures exercent une inhibition tonique GABAergique sur le thalamus qui projette à son tour vers le cortex cérébral, essentiellement le cortex frontal et les régions motrices et prémotrices (M1, cortex prémoteur, AMS). Ces projections baso-thalamico-corticales sont topographiquement organisées. Une région déterminée du striatum reçoit des afférences corticales précises et va projeter sur des régions précises du complexe GPi-substance noire réticulée. Puis celles-ci envoient des projections vers des régions déterminées du thalamus qui, à leur tour,

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projettent vers les régions corticales d'origine. De cette manière, les ganglions de la base jouent un rôle crucial, bien qu'indirect, dans le contrôle moteur. En effet, leur rôle principal au niveau moteur est d'exécuter des programmes moteurs élémentaires acquis qui s'enchainent ou s'associent correctement. Les informations reçues par les ganglions de la base en provenance des régions corticales motrices (le cortex moteur primaire M1, les aires prémotrices latérales et l'aire motrice supplémentaire) sont traitées au niveau d'une boucle motrice "cortico-striato-thalamo-corticale" impliquant le thalamus et le cortex (particulièrement l'AMS). Grâce à cette boucle motrice, les ganglions de la base, en se projetant de manière indirecte sur M1, les aires prémotrices et l'AMS, contribuent au déclenchement des mouvements volontaires.

2-2 - Schéma simplifié d'organisation des ganglions de la base et du fonctionnement de la boucle motrice chez le sujet sain. Les flèches blanches indiquent des voies excitatrices, les flèches noires des voies inhibitrices. La boucle motrice prend son origine principalement au niveau des cortex moteur et prémoteur. Les afférences des ganglions de la base convergent vers le striatum. Les neurones issus du striatum projettent ensuite vers le pallidum interne et la partie réticulée de la substance noire d'une part, et le pallidum externe d'autre part, via des connexions inhibitrices selon les voies directe et indirecte respectivement. Les neurones issus du pallidum interne et de la substance noire réticulée vont ensuite inhiber le thalamus (au niveau du noyau ventral latéral), provoquant une décharge excitatrice du thalamus vers le cortex, particulièrement vers l'AMS, et facilitant ainsi la réalisation du mouvement. Parallèlement à cette voie directe, la substance noire compacte module l'activité du striatum via des projections dopaminergiques excitatrices de la voie directe (D1) et inhibitrices de la voie indirecte (D2).

Les neurones du pallidum exercent au repos une inhibition (frein moteur) sur le thalamus. L'initiation d'un mouvement provoque une activation corticale qui excite les neurones du striatum, qui va à son tour inhiber le pallidum par la voie directe. Cette inhibition se traduit par la levée du frein moteur exercé sur le thalamus. Les neurones du noyau ventro- latéral du thalamus sont par conséquent activés, facilitant alors l'activation de l'AMS. Le rôle de la substance noire compacte est donc de renforcer cette facilitation, en stimulant la voie directe d'une part, et en inhibant la voie indirecte d'autre part (conduisant ainsi à une inhibition du noyau sous-thalamique qui n'active plus le pallidum interne et la substance noire réticulée, ce qui contribue à l'arrêt de l'inhibition du thalamus par ce complexe). A ces deux voies trans- striatale directe et trans-striato-pallido-subthalamique indirecte s'ajoute une voie hyper-directe trans-subthalamique, dans laquelle les projections corticales stimulent directement le noyau sous-thalamique de façon à contribuer à la levée de l'inhibition du thalamus via l'activation du complexe pallidum interne/substance noire réticulée.

La substance noire compacte (SNc) constitue, via ses projections dopaminergiques, le principal régulateur des ganglions de la base. La voie dopaminergique nigro-striée exerce une action excitatrice sur la voie directe et inhibitrice sur la voie indirecte de la boucle motrice. Dans la maladie de Parkinson, la déplétion en dopamine causée par la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substance noire se traduit par un dysfonctionnement de cette boucle frontale motrice. Elle entraîne ainsi un blocage du système d'activation des régions corticales motrices par les ganglions de la base et le thalamus, conduisant à des troubles du comportement moteur et notamment du déclenchement des mouvements volontaires chez les patients.

2-3 - Schéma du dysfonctionnement de la boucle motrice observé dans la maladie de Parkinson. La destruction des neurones dopaminergiques de la substance noire compacte chez les patients atteints de la maladie de Parkinson se traduit par : 1) une diminution de l'effet excitateur exercé par la dopamine sur la voie directe inhibitrice entre le striatum et le complexe pallidum interne/substance noire réticulée, qui peut alors pleinement exercer son frein moteur (flèche bleue) sur le noyau ventro-latéral du thalamus ; 2) une levée de l'inhibition de la voie indirecte, renforçant ainsi l'activation du NST qui stimule alors de façon excessive le complexe pallidum interne/substance noire réticulée et le frein moteur sur le thalamus.

Chez les patients parkinsoniens, le thalamus, fortement inhibé par le pallidum et la substance noire réticulée (frein moteur important figuré par la flèche rouge) ne peut plus exercer son influence excitatrice sur le cortex, ce qui conduit aux troubles moteurs caractéristiques de la maladie.

Hormis la boucle motrice, d'autres boucles fronto-sous-cortico-frontales impliquant les ganglions de la base ont été décrites. Différents modèles ont été proposés pour expliquer leur fonctionnement et le traitement de l'information au sein des ganglions de la base. Le modèle prépondérant est celui de Alexander et collègues (Alexander & Crutcher, 1990; Alexander, Crutcher, & DeLong, 1990; Alexander, DeLong, & Strick, 1986). Selon ce modèle, les ganglions de la base et les régions corticales et thalamiques auxquelles ils sont connectés sont organisés en cinq circuits fonctionnels parallèles et indépendants. Ainsi, les différentes aires du cortex frontal

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projettent sur les ganglions de la base, les informations étant ensuite renvoyées via le thalamus au cortex frontal. Les circuits ainsi formés sont des boucles cortico-sous-cortico-corticales qui permettent une interaction permanente entre cortex et ganglions de la base.

Les auteurs décrivent deux circuits moteurs (la boucle motrice décrite précédemment et la boucle oculomotrice dont le territoire cortical associé est le "Frontal Eye Field", BA8), deux circuits associatifs (reliant les cortex dorsolatéral préfrontal et latéral orbitofrontal aux ganglions de la base) participant aux fonctions exécutives et à l'adaptation du comportement, et une boucle limbique (impliquant le cortex cingulaire antérieur et le cortex orbitofrontal) essentielle aux fonctions motivationnelles.

2-4 – Organisation anatomique "parallèle" des circuits fonctionnels impliquant les ganglions de la base selon Alexander et collègues (1986). M1 : cortex moteur primaire ; AMS : aire motrice supplémentaire ; CPM : cortex prémoteur ; GPi : pallidum interne ; SNr : substance noire réticulée ; VL, vl : ventrolatéral ; cdm : dorsomédian caudal ; VA : ventral antérieur ; dm : dorsomédian ; ldm : dorsomédian latéral ; m : médian ; v : ventral

Avec leur rôle d'intégration et de couplage des boucles motrices, associatives et limbique, les ganglions de la base se situent donc au cœur d'un système essentiel à de nombreux processus cognitifs, émotionnels et moteurs.